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Comment en finir avec les inégalités extrêmes ? Une analyse du document d’Information d’Oxfam.

Il était déjà souligné dans le rapport publié en novembre 2013 par le Forum économique mondial que les inégalités économiques se sont aggravées et ne cessent de se répercuter sur d’autres dimensions sociales, telles que la culture, l’éducation et plus précisément la politique.

Ce rapport avait mis en exergue la concentration massive des richesses économiques entre les mains de certaines familles de la population mondiale : ¨1% des familles détiennent près de la moitié (46%) des richesses du monde¨. Les plus riches exproprient les richesses produites par 99% d’une population en quête constante de la reproduction matérielle de son existence. Le récent numéro du Document d’Information d’Oxfam intitulé En finir avec les inégalités extrêmes exprime toute la volonté de cette ONG de non seulement sensibiliser les acteurs mondiaux autour de cette question cruciale mais surtout ¨contrecarrer la montée interrompue des inégalités¨.

Cette étude fondée sur de solides données quantitatives s’inscrit dans une continuité du Forum économique mondial à Davos. Dans cet espace, les acteurs mondiaux ont discuté des grands problèmes économiques, tels que la pauvreté, la croissance, la production et l’inégalité économique. Au travers de ce document d’Oxfam, l’invitation est lancée aux différents représentants nationaux ¨d’inverser la progression galopante des inégalités¨ en élaborant des politiques en faveurs des classes défavorisées. En d’autres termes, chaque pays est appelé à se responsabiliser face aux fléaux des inégalités extrêmes. Ce qui est détaillé en termes de recommandations dès le début du document.

La première partie traite de la situation économique inégalitaire mondiale pendant ces 25 ans. Il y est mentionné une augmentation des revenus et des richesses des plus riches, en dépit de la récente crise financière internationale : ¨Les profits des entreprises, les salaires des dirigeants et les transactions boursières battent chaque jour de nouveaux records, et ne montrent aucun signe de ralentissement¨. Pire, cette crise a même créé 210 nouveaux milliardaires venant s’ajouter au groupe des 1426 personnes qui détiennent une richesse nette de 5400 milliards de dollars. Oxfam affirme par là que ces dernières décennies ont vu les plus riches augmenter exponentiellement leurs revenus tout en concentrant entre leurs mains toute la richesse mondiale. Les politiques d’austérité mises en place après la crise sont, selon le document, pour beaucoup dans cet enrichissement croissant du 1% des familles dont ¨la richesse s’élève à 110 000 milliards de dollars¨ et souvent exempté d’impôts. Ce qui est affirmé en ces termes : ¨Les membres les plus riches de la société ont non seulement obtenu une plus grande part du gâteau, mais se sont en outre retrouvés à payer moins d’imports sur cette part¨.

Ce document révèle que les États-Unis ont atteint entre 2009 et 2012 l’augmentation du produit national le plus haut depuis la première guerre mondiale. Cette croissance post-crise financière n’étant pas distribuée à la majorité de la population. Elle est plutôt confisquée par les plus riches qui ne cessent de creuser l’écart avec le reste de la population. D’autres pays comme la Chine et le Portugal s’inscrivent dans cette même dynamique, même les pays plus égalitaires comme la Suède et le Norvège ne sont pas épargnés. L’idée sous-jacente de cette enquête c’est de montrer comment l’augmentation des inégalités s’étend dans plus en plus de pays. Si on fait confiance à ce travail empirique, on peut dire que dans le monde, ¨sept personnes sur dix vivent dans un pays où les inégalités ont augmenté¨.

Il faut rappeler que ce texte tente de dépasser les conclusions du rapport de Forum de Davos, tout en montrant sa pertinence. L’un des bienfaits est de montrer à l’aide des sondages comment les riches déterminent les processus politiques et les institutions. Ce déterminisme économique est exprimé dans les lois et les réglementations à leur profit. Dans ce cas, la participation politique n’est pas au rendez-vous car l’orientation du pays est exclusivement assurée par eux. Ce qui provoque ¨un déséquilibre de la représentation et des droits politiques¨ dans la mesure où les fonctions décisionnelles sont contrôlées par ces mêmes individus.

A un certain moment de l’enquête, on sent une inquiétude face à l’incapacité de des États à mettre un terme à ce ¨comportement monopolitiste¨. Néanmoins, il n’est jamais question d’évoquer sa nature de classe. L’État, dans toutes sociétés de classes, est au service des classes possédantes. La ¨politique de bonne gouvernance¨ prônée par Oxfam néglige cette vérité historique entre les institutions étatiques et les structures économiques dominantes. Le reste de l’analyse utilise des études de cas issues de contextes nationaux pour saisir les interactions entre inégalités économiques et structures politiques.

Le document se termine par une critique des politiques publiques en faveur de l’élite économique. Aux États-Unis, c’est la dérégulation financière rendant l’économie plus fragile. En Europe, ce sont les politiques d’austérité qui dominent, comme la régression des impôts, celle des dépenses publiques pour les services de l’éducation, des soins de santé et de la sécurité sociale. Des mesures qui ont été contestées en raison de leur caractère antiprogressiste. En Inde et en Pakistan, les politiques publiques accompagnent les plus riches tout en creusant les inégalités économiques. Le regard sur la genèse des Milliardaires en Inde montre toute l’implication de ces dernières dans le renforcement de la concentration des richesses. Dans cette même dynamique, une attention est aussi accordée aux inégalités dans une ¨Afrique pleine de ressources¨ et baignée dans la corruption. En revanche, Oxfam reconnait des tentatives de réduction des inégalités en Amérique Latine au cours de la dernière décennie, notamment au Brésil. Dans cette région, il y aurait une augmentation des dépenses publiques vers des programmes sociaux pour aider les plus pauvres. L’organisme mise beaucoup sur cette stratégie politique qui pourrait réduire les inégalités, sans vraiment finir avec.

L’étude d’Oxfam, En finir avec les inégalités extrêmes, nous propose des modèles de politique publique contre les inégalités en passant par un exposé détaillé de la situation économique marquée par l’expropriation des plus pauvres par les plus riches. Cependant, les causes de cette concentration économique des richesses mondiales ne sont pas élucidées. On espère agir sur les conséquences du phénomène en laissant de coté ses causes. C’est pourquoi le texte ne mentionne pas la propriété privée, cause principale des inégalités extrêmes, dans ses analyses autour de ces rapports de production de type dominateur. Les moyens de production ou de création de ces richesses accaparées par les classes dominantes ne constituent pas un enjeu dans ce document. On peut ainsi comprendre pourquoi la distribution équitable des richesses n’est jamais mentionnée au niveau des recommandations. Loin d’une démarche globale, cette étude aurait perçu que l’inégalité économique est le fruit d’un système d’organisation économique de la société, le capitalisme, basé sur le profit. Ce mode de production favorise les plus riches et crée l’aliénation dans le travail, ce que Karl Marx appelle ¨le travail aliéné¨. Les objets produits dans le processus du travail sont accaparés par les riches qui sont de faux sujets producteurs au détriment des travailleurs, véritables sujets producteurs. Ces contradictions sont inhérentes au système capitaliste. Ce qui empêche toute régulation de ce mode de production. Ce document d’Oxfam s’inscrit dans cette perspective historiquement échouée.

La noble prétention du document de ¨finir¨ avec les inégalités ne va pas de pair avec les stratégies adoptées pouvant conduire à cette Fin. Faisant fi des causes de ce mal endémique qu’est l’inégalité économique, Oxfam tend vers une certaine réduction de ce phénomène par le biais de certaines politiques publiques inspirées de l’Amérique latine. L’idée d’¨en finir avec les inégalités extrêmes¨ ne sera effective que si elle s’insère dans une démarche causale permettant de combattre le système économique dominant qui lui a donné naissance. D’autant plus qu’on sait que les inégalités économiques extrêmes surviennent à un moment donné dans l’Histoire et peuvent donc tout aussi bien disparaitre.

Jean-Jacques Cadet
Doctorant en philosophie

Finir avec les inégalités extrêmes, Document d’Information d’Oxfam, 20 janvier 2014, 34 pages. http://www.oxfam.org/fr/policy/finir-inegalites-extremes

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