Colombie : les FARC et le gouvernement promettent la paix d’ici six mois

Le numéro un des Farc, Timoleon Jimenez, alias Timochenko (g) et le commandant des Farc Ivan Marquez, lors d’une conférence de presse à l’issue d’une rencontre avec le président colombien Juan Manuel Santos, le 23 septembre 2015 à La Havane. Photo Yamil Lage/AFP
L'Humanité

Le gouvernement colombien et les Farc ont franchi mercredi une étape décisive vers la paix, qu’ils se sont engagés à signer d’ici six mois, en annonçant un accord sur le sort judiciaire des combattants, point crucial des pourparlers.

"C’est un pas énorme", a déclaré le président colombien Juan Manuel Santos après sa poignée de main historique avec le numéro un des Farc Timoleon Jimenez, dit "Timochenko". Un peu plus tôt, les deux hommes s’étaient entretenus pendant une demi-heure, une rencontre inédite en compagnie du président cubain Raul Castro, pour donner un élan final à la résolution du plus ancien conflit d’Amérique latine, qui a fait en un demi-siècle au moins 220.000 morts.

A l’issue de cette réunion, les délégués des pays médiateurs, Cuba et Norvège, ont lu un communiqué annonçant la conclusion d’un accord sur "une juridiction spéciale pour la paix" chargée de traduire les auteurs de crimes pendant le conflit Les parties ont aussi conclu que ces négociations de paix menées à Cuba devront aboutir "au plus tard dans six mois", soit le 23 mars 2016, a annoncé M. Santos.

"Cela ne sera pas une tâche facile, a-t-il prévenu, parce qu’il reste beaucoup de points sur lesquels il est difficile se mettre d’accord". Depuis le début des pourparlers de paix il y a près de trois ans, c’est en tout cas la question de la justice qui apparaissait comme la plus délicate. Les Farc refusaient un accord impliquant de la prison pour ses guérilleros coupables de crimes ou de trafic de drogue, alors que le gouvernement se disait opposé à toute impunité. Selon l’accord, la juridiction spéciale permettra à la Colombie de "mettre fin à l’impunité, d’obtenir la vérité, de contribuer à la réparation aux victimes et de juger" les responsables de crimes graves, avec le concours de la commission de la vérité créée en juin dernier.

En vertu d’une système de jugement complexe, les auteurs de crimes qui coopèreront seront passibles de peines de cinq à huit ans sous des régimes spéciaux et ceux qui avoueront tardivement aux mêmes peines mais sous un régime carcéral classique. Tous les autres s’exposeront à purger des peines pouvant atteindre 20 ans. Parmi les crimes visés figurent "les crimes contre l’humanité, le génocide et les crimes de guerre tels que la prise d’otages ou autre privation aggravée de liberté, la torture, le déplacement forcé, la disparition forcée, les exécutions extrajudiciaires et la violence sexuelle".

En revanche, une amnistie sera prévue pour les crimes "politiques ou connexes" dont la portée sera définie par une loi d’amnistie ultérieure. Cette juridiction spéciale a été conçue "pour tous les acteurs du conflit (...) et pas seulement pour un seul camp", s’est félicité Timoleon Jimenez, voyant en cet accord "la possibilité de découvrir la vérité pleine et entière" sur le conflit armé. "Nous sommes désormais plus près de parvenir à la paix à laquelle aspire le peuple frère colombien, qui le mérite", a salué de son côté le président Raul Castro.

Autre point important de l’accord, l’obligation pour les Farc de démarrer leur désarmement dans les 60 jours après la signature d’un accord de paix final. Avec la ratification d’un accord de paix définitif, les modalités de l’abandon des armes constituent justement le dernier volet à l’agenda des pourparlers.

Avant ce 23 septembre 2015, le président colombien ne s’était jamais rendu à la table des négociations de La Havane. C’est aussi la première fois depuis 14 ans qu’un président colombien rencontrait le plus haut dirigeant des Farc, dont le vrai nom est Rodrigo Londoño Echeverri. A 56 ans, celui-ci a pu venir à La Havane grâce à la suspension temporaire de la centaine de mandats d’arrêt lancés contre lui pour homicide aggravé, terrorisme, enlèvement et rébellion. Il dirige les Farc depuis 2011. Peu après l’annonce de l’accord, le secrétaire d’Etat américain John Kerry a salué "des progrès historiques vers la conclusion d’un accord de paix final qui mettra fin à 50 ans de conflit armé".

A Bogota, le Procureur général a annoncé avoir suspendu les procédures récemment engagées contre plus de 50 chefs des Farc pour "graves violations des droits de l’Homme" suite à cet accord qui impose "un mode (d’investigation) propre à la justice transitoire".

En voyage à Cuba, le pape François avait lancé dimanche un appel pressant à un succès des négociations de paix colombiennes, estimant que pour cette quatrième tentative de paix, "un échec de plus n’est pas permis".

https://www.youtube.com/watch?t=4&v=DRYQgovKAPo

 http://www.humanite.fr/node/584802

COMMENTAIRES  

01/10/2015 12:17 par Roger

C’est très encourageant.
Mais je frémis en pensant à l’insondable "perversité" des droites sud américaines, et qui ne le cède en rien à celle de leur soutient US.

02/10/2015 16:51 par Emilio

Certes Roger , mais on peut tourner le raisonnement ainsi.
Si cette paix est voulue par Washington (qui en est l instigateur d apres pas mal de sources , voir Hernando Ospina "contacte" par des agents de la Cia dans son exil parisien, ref un article LGS )

La droite latina (tres tres a droite ) se mettra a genou devant ce choix. Parce qu elle n existe dans sa puissance QUE par la volonte de Washington. Maintenant, ces joueurs de poker US peuvent aussi garder des cartes dans leur manche ...et ils sont les maitres du jeu en hypocrysie.

Oui , il y a recrudescence du paramilitarisme en Colombie , mais non je ne pense pas que nous revivrons les dramatiques evenements de genocides de masse du passe , type Union Patriotique. Parce que cette volonte de paix est trop forte de tous les acteurs impliques. La droite (de type uribiste) encourerait le risque de se marginaliser politiquement et de perdre un soutien populaire , qui s effrite deja , en resultats electoraux. Comme son discours en ritournelle , n est QUE guerre a la guerrilla Farc , il devient , de fait , vide de sens , apres signature de paix. L espoir de paix militaire est reel .

02/10/2015 18:01 par pseudo

Le Chef des FARC prévient que la paix pourrait prendre plus que six mois http://t.co/S3vA3F5D59

02/10/2015 22:48 par Roger

Pour aller dans votre sens, Emilio
Il semble en effet que les US veuillent "calmer" le jeu en Suramerica. Ils sont tellement occupé et en difficulté ailleurs...
La "paix" avec Cuba est le signe d’un changement de stratégie, et donc en cohérence avec les sources que vous citez à propos de la Colombie.
Je pense aussi que la meilleurs chance pour la paix, c’est la "lassitude" des citoyens qui aspirent à vivre "normalement" dans ce magnifique pays qu’est la Colombie.
Mais comme pour Cuba, la vigilance s’impose.

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