Ainsi le projet d’ouverture du premier centre d’élevage de pieuvres au monde a été annoncé pour l’été 2023 par la multinationale espagnole Nueva Pescanova, spécialiste des commerces de produits de la mer. Ce projet se situe dans le port de Las Palmas, aux Canaries. Il repose sur une parcelle de plus de 52.000 m² et devrait assurer une production de plus de 500 tonnes par an, en régime continu et toute l’année.
Les pieuvres sont des créatures intelligentes, curieuses, sensibles, qui ont besoin d’explorer et de s’engager dans leur environnement. Elles sont également solitaires par nature. Selon CIWF France, les forcer à vivre côte à côte dans des espaces confinés génèrerait un fort mal-être. Cela les conduirait probablement à adopter des comportements agressifs, de territorialisme, voire du cannibalisme.
De plus, il n’existe actuellement aucune législation pour encadrer ce type d’élevage. Rien sur les conditions de détention (densités minimales ...), ni sur la façon de manipuler les animaux. Selon CIWF, étant donné leur nature fragile (pas de squelette interne ou externe) et leur façon de se mouvoir (locomotion rapide à propulsion), les pieuvres "pourraient se blesser facilement en se cognant contre les parois du bassin ou des cages".
On sait par ailleurs qu’il n’existe aucune méthode d’abattage sans cruauté approuvée scientifiquement. La littérature actuelle sur l’abattage de pieuvres sauvages évoque une série de méthodes, dont les coups sur la tête, le découpage du cerveau, l’asphyxie dans un filet et la congélation dans de la glace. Aucune méthode avec perte de conscience préalable (étourdissement) n’a pu être trouvée à ce jour.
A cela s’ajoute le non-sens écologique. En effet, les pieuvres étant carnivores, il faudrait les nourrir avec d’énormes quantités de protéines animales (poissons, crustacés), ce qui aggraverait les problèmes de surpêche. Environ "20 à 25 % des poissons sauvages pêchés sont actuellement utilisés pour produire de la farine et de l’huile de poisson à destination des poissons d’élevage", explique CIWF dans son rapport.
Selon PACMA (parti animaliste espagnol), l’élevage pourrait représenter 0,3 % des émissions totales de Gran Canaria. Quant à la quantité d’eau qui viendrait à être utilisée, elle serait comparable à celle d’une population de 1.400 habitants (ou de huit macro-élevages porcins). Dans le contexte de changement climatique et de pénurie d’eau actuel, cela à de quoi questionner ...
Bien évidemment, les porteurs du projets ne voient pas les choses de cette façon. Ainsi Roberto Romero, responsable de l’aquaculture du groupe Nueva Pescanova nous explique-t-il que les recherches ont évolué "tant du point de vue scientifique que du point de vue de l’aquaculture" et que l’élevage va être fait "avec le maximum de connaissances et les plus hauts niveaux de durabilité et de respect du bien-être animal". Rien que ça ...
En réalité, tout cela n’est qu’une question de business. La pieuvre est devenue un aliment de plus en plus populaire ces dernières décennies, notamment en Europe, mais aussi aux Etats-Unis en Chine et au Japon. En 2015, le nombre de pieuvres capturées dans le monde a atteint le chiffre record de 400.000 tonnes, soit 10 fois plus qu’en 1950. Le projet consiste à satisfaire une demande, mais en aucun cas un besoin de subsistance. On parle de tapas, d’apéros ...
En face, la résistance s’organise. Ainsi plusieurs associations animalistes et écologistes (PACMA, CIWF, Peta, WWF, Greenpeace, Ecologistas en Acción ...) tentent-elles d’alerter le gouvernement de l’île sur les conséquences du projet, de montrer son incompatibilité avec les orientations stratégiques de l’UE (développement durable de l’aquaculture) ou encore de sensibiliser l’opinion publique (par des manifestations ...).
Mobilisons-nous donc (une pétition à signer ici) pour que ce projet ne voit jamais le jour.
Les pieuvres, ces êtres fascinants (quelques liens)
L’intelligence des pieuvres
Dans la tête d’une pieuvre
Une ville sous-marine construite par des pieuvres
L’incroyable technique de défense d’une pieuvre face à un requin
La pieuvre, spécialiste du camouflage aux 9 cerveaux
Quand les pieuvres utilisent les déchets de l’océan pour s’abriter
Une pieuvre qui se ballade avec une noix de coco pour se protéger de ses prédateurs
Une pieuvre qui joue à cache-cache avec un plongeur
Pourquoi les pieuvres nous ressemblent tant ?
Les poulpes utilisent eux aussi des outils
Une pieuvre s’évade d’un aquarium et rejoint l’océan
Une pieuvre qui s’amuse avec un plongeur