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Burkina-Françafrique : un à zéro. La France doit se retirer.

Compaoré, Moubarak, Ben Ali...victoires populaires

"Compaoré est parti" chante, ce jour là, la place de la Nation, rebaptisée "Place de la Révolution". Les gens s’interpellent, pour la plupart, incrédules, c’est pourtant vrai, il est parti. Chassé le jour même où il imaginait, au dessus de tous et de tout, faire "voter" une loi inique lui permettant de...durer toujours ! Quelle ironie ! Celui qui se voyait "guide à vie" a finalement été obligé de s’enfuir..

S’apprêtant lâchement, une fois encore, à truquer, il ne voulait pas le combat, la rue le lui a imposé et la rue a gagné. La rue de la jeunesse, la rue du peuple tout entier s’est imposée, et même si rien n’est définitivement gagné à ce jour, ce premier round est bel et bien compté pour le peuple. Abandonné, en tout cas dans la forme, par sa propre armée, le peuple dans les rues, il a déguerpi. Un pur bonheur !

Sans nul doute, des situations compliquées s’annoncent mais qui oserait, en ces jours, faire la fine bouche : Blaise a dégagé, c’est déjà ça ! Et c’est beaucoup. Tout Burkinabé le sait bien, après toutes ces années endurées de souffrance et d’humiliation, il vaut toujours mieux, au matin, se réveiller sans lui, qu’avec lui.

Ce que la population retiendra de ces bouillonnantes 24 heures c’est l’irrésistible pouvoir des peuples rassemblés. Le retiendront les burkinabè mais aussi ceux des autres pays où vivotent des apprentis dictateurs de son genre, tripatouilleurs de lois à leur seul bénéfice personnel et à celui des pillards économiques qui les soutiennent. Les Tunisiens ont entamé leur Révolution de cette façon, en chassant Ben Ali, les Egyptiens, démettant Moubarak, les ont suivi de près, d’autres ont tenté, ont provisoirement échoué, mais ce qui demeurera, de Tunis au Caire et aujourd’hui à Ouaga, c’est que "c’est possible". Et que, tant en Egypte qu’en Tunisie, comme demain au Faso, les évènements montrent, et montreront, combien il est difficile aux forces réactionnaires de faire rentrer le flot révolutionnaire dans le lit convenu des rivières d’antan. (1)

Compaoré était arrivé au pouvoir piétinant le cadavre de Thomas Sankara (2), il en aura été chassé par le peuple, ce peuple si cher, justement, au coeur de Thomas Sankara.

Créature de la France s’il en est, marionnette exemplaire et servile de la Françafrique et des services français, tentant pitoyablement de s’accrocher jusqu’au bout, Compaoré se sera, aux dernières heures de sa vie de despote, couvert du sang burkinabé, sang qu’il n’aura, au fond, jamais cessé de faire couler.

Vingt-sept années usurpées au sommet de l’état, vingt-sept années de dictature et de destruction économique du pays, années de plomb, de privation de liberté et de misère pour la population.

Et surtout aussi, vingt-sept longues années durant lesquelles la France, toutes tendances politiques confondues, aura porté à bout de bras ce triste sire, sans jamais défaillir.

Perdant son Blaise, la France, clairement, a perdu un pion majeur sur son échiquier en Afrique et notamment, bien sûr, en Afrique de l’Ouest.

François Hollande, compaoriste jusqu’au bout

Cette "perte sèche" brutale, car non vraiment prévue à Paris, explique les "bégaiements" du quai d’Orsay durant toute cette journée. Journée mémorable où la sottise le disputera au cynisme. Ainsi, même moment où les sbires à balles réelles sur la foule, l’Elysée publiait un communiqué laconique de François Hollande "d’appel au calme et à la retenue...". No comment.

Pire encore, bien entendu informé heure par heure de l’évolution de la situation, sachant donc parfaitement que Compaoré faisait toujours tirer, François Hollande déclarait encore : "Nous faisons confiance à Blaise Compaoré pour trouver la meilleure solution pour son pays" (3). Autrement dit, pour Hollande : Espérer encore en Blaise, quoiqu’il en coûte, espérer jusqu’au bout !

Cette pitoyable valse-hésitation, dont, nen doutons pas, sauront très bien se souvenir les burkinabés, se poursuivra ainsi tout au long de la journée, jusqu’à ce que, concernant Compaoré lui-même, la messe soit définitivement dite et son départ annoncé. La suite n’aura alors rien à envier à la première partie de la pièce. On aura droit, en effet, à une langue de bois d’un autre âge, consacrée par un chapelet de "réactions" toutes plus plates les unes que les autres : "solidarité avec les victimes des violences de ces derniers jours"..." Ou bien : "la France appelle au calme et à la retenue l’ensemble des acteurs"...Enfin, cerise impensable sur le gâteau du cynisme ambiant : " La France rappelle son attachement à la constitution et donc à la tenue rapide d’élections démocratiques" (!)

Quel "dommage" que le quai d’Orsay n’ait annoncé plus tôt cet "attachement", on aurait pu ainsi éviter les derniers morts du régime à mettre au compte de son "ami"...

Un "ami" de très longue date. Qu’on en juge. Autocrate endurci, Compaoré, on le sait, aura donc bénéficié en alternance, durant ces années de dictature, du soutien permanent et indéfectible de toutes les fractions du pouvoir politique français. Récemment encore, au sein de la Gauche française, c’est à dire de celle qui gouverne aujourd’hui, Elizabeth Guigoud (en 2013) et Ségolène Royal (en 2011), montraient leur amitié politique pour le dictateur (4). On se demande ce qu’elles pourraient bien nous en dire aujourd’hui...

N’omettons pas, pour faire bonne mesure, les représentants du clan sarkoziste, qu’il s’agisse d’hommes politiques ou de grands patrons, bien connus du monde grouillant de la "société françafrique". Jean Sakozy, entre autres, le second fils du président Sarkozy, se rendra lui-même au Burkina pour y développer la coopération entre le Burkina et son département... (7)

En réalité et pour faire précis, il suffit, pour savoir combien de présidents, de premiers ministres, de ministres des affaires étrangères lui ont déroulé le tapis rouge de procéder par soustraction, autrement dit : Hollande 2014 moins 27 ans de françafrique.

Durant toutes ces années la diplomatie française aura ainsi fermé les yeux sur toutes les turpitudes du "président-dictateur". De la misère économique imposée au pays, mis en coupe réglée, au système de corruption parmi les pires de toute la région ; de ses tripatouillages constitutionnels pour se maintenir au pouvoir aux meurtres des ses opposants politiques tel celui, emblématique, du journaliste Norbert Zongo (5) ; de ses soutiens avérés aux milices de Charles Taylor qui sévissaient alors au Libéria et dans les régions de la Sierra Leone à sa proximité, à forte odeur de diamants, avec les mouvements rebelles en Angola...Un "président" qui, somme toute, en toute impunité, tant à l’intérieur du Fasso qu’à l’extérieur pour toute la sous-région, se conduisait en véritable voyou.

Un "président-voyou" qui sera pourtant reçu à l’Elysée en 2012, par un François Hollande fraîchement élu et que, rien de tout ce que, pourtant, il savait fort bien, ne semblait gêner alors.

Il faut dire qu’en matière de double jeu, les présidents français successifs frôlent la perfection. Qu’on se souvienne seulement de la guerre sans merci, jusqu’à la mort, que livra Sarkozy à Kadhafi après l’avoir, comme "grand ami de la France", reçu en grandes pompes, jusqu’à le laisser installer ses tentes bédouines en plein Paris ! Un "retournement" à 180° qui en dit long sur les capacités diplomatiques des dirigeants français et leur souplesse gymniques.

Qu’on se souvienne aussi du "meilleur ami de la France" Ben Ali (lui aussi !) à la veille de la révolution tunisienne, "meilleur élève du FMI" (DSK) et les armes anti-émeutes proposées par Alliot Marie à...Ben Ali, pour mater les manifestants de Tunis ! Ce ne sera pas par hasard qu’on apprendra bien vite que MAM était, quant à elle, "meilleure amie" du clan Trabelsi...

Kadhafi tué (8), Ben Ali, Moubarak...abandonnés à leur sort. Blaise, lui, Jamais lâché !
Pion utile à la France dans toute la sous-région, agissant toujours au mieux des intérêts de son maître, jusqu’à l’installation en Côte d’Ivoire d’Alassane Ouattara, candidat "élu", désigné par le consortium FMI, Banque Mondiale, Françafrique, Compaoré était effectivement un véritable intouchable.

Durant toutes ces années nauséabondes, les "voyages" des représentants (et représentantes !) français sur ses terres, ne pouvaient donc que confirmer tout le bien qu’il convenait de penser et de dire du personnage et ce, on l’a vu, jusqu’aux dernières minutes de sa dictature.

Pour en finir avec la françafrique

A ceux qui avaient pu croire qu’avec l’arrivée de François Hollande aux affaires en France, les rapports entre cette dernière et l’Afrique allaient changer en on été rapidement pour leurs frais. En effet, la guerre menée au Mali, quasi immédiatement après l’élection, tant dans sa forme que dans ses objectifs, les aura réveillés avec une grosse gueule de bois.

La mise en place, de Barkhane, en accord total de vues avec les États-Unis concernant le partage des tâches sur le continent qui, pour n’avoir été que peu explicité en France n’en représente pas moins un projet d’occupation militaire permanente d’une large partie de l’Afrique, finira d’ouvrir les yeux aux naïfs. Voici ce qu’on peut lire, à ce propos, sur le site du Nouvel Obs, Rue 89, publié le "30/10/2014 à 09h54 sous le titre "Barkhane, aux confins de l’empire" : "Avez-vous entendu parler de l’opération Barkhane ? C’est celle qui a succédé à l’opération Serval, au Mali, à la fin août. On ne peut pas dire que cette modification ait fait grand bruit. Elle est pourtant importante. Alors que Serval se limitait au Mali, Barkhane s’étend sur toute la zone sahélienne, à savoir cinq pays. Elle couvre une région approximativement de la taille de l’Europe, « le plus grand théâtre français depuis la Seconde Guerre mondiale », dit un officier". Cette opération, rappelons le "permanente", ce qui parait pour le moins bizarre pour une "opération militaire" qui, par définition a toujours un début et une fin, couvre les 5 pays limitrophes de la zone sahélienne, dont, bien entendu, le Faso.

Et au sujet de la présence de militaires français dans tel ou tel pays d’Afrique, la diplomatie française est toujours en mode "minimalisation" des faits. Autrement dit, "soyez sérieux, ce ne sont pas quelques militaires ici et là qui changent le cours des choses...". Voyons ce que dit à propos de la présence militaire française au Faso, sur son site, le journal Le Point, loin d’être soupçonnable d’anti-impérialisme forcené : " Au Burkina Faso, pays symbole de la « Françafrique », l’armée française compte encore une base dans la capitale, Ouagadougou. La France a toujours soutenu la stabilité du régime dans ce pays très pauvre et enclavé. Elle pourrait être appelée à la rescousse si la situation s’envenime.
Site le Parisien 29/10/2014.

La situation ouverte au Faso va, inévitablement, favoriser toutes les combines, diplomatiques, politiques et militaires dont la France est capable lorsqu’il s’agit de récupérer son leadership momentanément mis en péril. Dans ces cas tout est possible.

Que les choses soient calares, la France doit se retirer du Faso, avec armes, combines et bagages. Elle doit laisser les burkinabés libres de décider de leur avenir. L’ingérence n’est plus de mise. Les seuls partenariats qui doivent s’installer, diplomatiques, économiques, commerciaux... doivent l’être sur les bases qui régissent les rapports entre états souverains.

Romuald Boko et François Charles

»» http://www.lautreafrique.info

1/ Ce n’est pas un hasard si, à quelques milliers de kilomètres de distance et quelques mois plus tard, le mot d’ordre des manifestants "Blaise Dégage !" soit repris de ceux des manifestants tunisiens et égyptiens à l’encotre de Ben Ali et de Moubarak : "Dégage !". A noter surtout que dans ces trois situations, l’issue a été fatale aux despotes.

2/ Thomas Sankara, exemple pour l’Afrique de panafricanisme, président du Président du Conseil national révolutionnaire du Burkina Faso, fut victime d’un lâche assassinat qui laissa le champ libre à son "ami"...Blaise Compaoré.

3/ RFI Afrique 31/10/2014

4/ Voir à ce propos le site www.survie.org.

5/ La "rencontre fortuite" n’en était pas une. La ministre avait dû justifier le premier scandale de son trajet en Tunisie, au moment des émeutes, à bord d’un avion appartenant à un homme d’affaires associé au clan Ben Ali-Trabelsi. Pour ce faire, elle avait invoqué un "hasard", expliquant qu’elle était tombée, à son arrivée à l’aéroport de Tunis, sur un "ami" qui se rendait justement à Tabarka, sa destination. (Le Monde.fr | 16.02.2011 à 12h30 • Mis à jour le 16.02.2011 à 20h38)

6/ Burkina Faso. Justice internationale. RFI
Assassinat de Norbert Zongo : les Burkinabè n’oublient pas. Publié le 14-12-2013

7/ Jean Sarkozy, le deuxième fils du président français, conseiller général du département des Hauts-de-Seine, a été invité au 21e Fespaco, qui se tiendra à Ouagadougou du 28 février au 7 mars. L’invitation a été lancée le 20 novembre lors de l’entretien qu’il a eu avec le Premier ministre Tertius Zongo, en visite en France. « Très intéressé » par la coopération décentralisée, Jean Sarkozy devrait ainsi fouler la terre burkinabè pour la première fois, mais surtout entretenir « la flamme » de la coopération entre le plus riche des départements français et le Burkina.
(02/12/2008 à 06:56 Par Jeune Afrique).


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