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Communisme : L’avenir moralement exigible

L’hypothèse communiste a-t-elle été invalidée par l’histoire ?

Contrairement à ce que beaucoup pensent, y compris à la gauche du PS, on ne peut soutenir que l’hypothèse communiste, pour reprendre l’excellente formule d’Alain Badiou, aurait été définitivement invalidée par la chute des régimes de type soviétique qui ont mar ­qué le XXe siècle. Cette affirmation suppose en effet qu’on les identifie à ce projet tel que Marx l’a défini et en a précisé les conditions, ce qui constitue une erreur théorique majeure, qui a accompagnéle mouvement communiste officiel depuis 1917 et explique le désarroi dans lequel se trouvent beaucoup qui aimeraient bien pouvoir encore s’en réclamer.

Pour l’auteur du Manifeste, qui est un grand penseur matérialiste de l’histoire et pas seulement un analyste critique du capitalisme, la révolution ouvrant la voie au communisme ne pouvait se faire avec une chance de succès que dans les conditions du capitalisme développé, qui lui fournissait ses moyens économiques, une base sociale majoritaire liée directement ou indirectement à la grande indus ­trie et, du coup, sa forme politique démocratique héritée de la société bourgeoise et approfondie par le communisme lui-même. Cela ne l’a pas entraîné à nier qu’une révolution puisse se déclencher dans un pays sous-développé comme la Russie, mais il a toujours exclu (et Engels avec lui) qu’elle puisse y réussir sans l’appui d’une révolution en Occident.

Or, que s’est-il passé au XXe siècle ? Le contraire. Une révolution bolchevique dans un pays arriéré, qui a ensuite imposé son modèle aux pays satellites, et une révolution chinoise dont la base économique et sociale (la paysannerie) était largement comparable. Dans les deux cas, on a dû très vite recourir à la contrainte pour impulser de manière volontariste une industrialisation dont on n’avait pas hérité. Certes, dans ce processus, tout n’a pas été négatif, non seulement sur le plan économique pendant une certaine période, mais sur le plan social avec des conquêtes favorables à la grande majorité de la population. Cependant, le prix à payer pour cette expérience dans des conditions qui la vouaient à l’échec a été lourd et pèse sur la conscience col ­lective : une incapacité, sur le long terme et du fait d’une centralisation étatique excessive, à accroître une productivité sans laquelle c’est l’égalité dans la pauvreté et non dans la richesse qui s’instaure ; un déficit criant de démocratie sociale avec des syndicats ne jouant pas leur rôle critique et incitatif ; enfin et surtout, une absence de démocratie politique, avec ses libertés de base comme le suffrage universel, sans lesquelles parler de communisme n’a aucun sens. D’où une omniprésence de l’État, allant jusqu’à imposer des normes idéologiques dans des domaines où la liberté est de droit, comme la sexualité, l’art et même la science... au nom d’une doctrine qui veut la disparition de l’État et met au centre de son ambition (Lucien Sève ne cesse d’y insister justement) le libre épanouissement de l’humanité en tout individu.

On voit donc que ce qui a échoué, ce n’est pas le communisme, mais sa caricature, et que la preuve de son impossibilité historique n’a pas été faite faute des conditions pour lesquelles il a été conçu et des formes que celles-ci devaient lui permettre de prendre. Cela ne signifie pas qu’ il est voué à réussir dans le contexte de l’Occident capitaliste : le communisme n’est pas inéluctable (comme on a pu aussi le croire), il est seulement à construire ; mais nous sommes sûrs, au moins, que la société actuelle, non seulement le rend moralement exigible vu ses ravages humains, mais en accumule les présupposés objectifs. On ne saurait donc, sans une grande mauvaise foi ou beaucoup de superficialité, le déclarer impossible en arguant de ce qui s’est fait en son nom au siècle passé.

Yvon Quiniou-L’Humanité

(*) Dernier ouvrage (à paraître) : Éthique, morale et politique. Changer l’homme ? Éditions L’Harmattan.

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