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Cout d’état oligarchique au Paraguay

Le 20 avril 2008, Fernando Lugo fut élu président de la République du Paraguay pour un mandat de 5 ans. Les urnes parlèrent en faveur du candidat Lugo avec une marge supérieure de 10 points sur son adversaire. Cette élection démocratique et ses résultats ont été reconnus et célébrés par la communauté internationale. La démocratie avait parlé et le peuple en était le fondement.

A 9 mois des élections présidentielles, prévues pour avril 2013, un groupe de personnes, liées aux oligarchies et à des intérêts états-uniens, mirent en place un processus visant la reprise du pouvoir au plus haut niveau de la gouvernance de l’État. Ils y expulsèrent le président Fernando Lugo, dédié prioritairement aux intérêts du peuple paraguayen, pour le remplacer par un candidat, fidèle aux intérêts oligarchiques du pays. A ce niveau de la planification du coup d’État, il n’était plus question de savoir si c’était ce que voulait le peuple, fondement de toute démocratie. Seules comptèrent les oligarchies et la reprise des pouvoirs étatiques pour les remettre au service de ces derniers.

Une disposition de la Constitution paraguayenne, permettant la mise en jugement politique de tout haut fonctionnaire, dont le Président, sera l’outil tout désigné pour réaliser ce coup d’État en lui donnant toute l’apparence de la légalité et de la normalité. Or, cette mise en accusation politique du Président comporte un autre élément, tout aussi constitutionnel, sinon plus que celui du jugement politique comme tel, à savoir le droit à une défense pleine et entière. Ce dernier point qui figure dans à peu près toutes les constitutions démocratiques est renforcé par la Charte des droits de l’homme des Nations Unies, dont le Paraguay est signataire. Fernando Lugo n’a eu que deux heures pour assurer sa défense et écouter le jugement, sans appel, de sa destitution. Il saute aux yeux qu’il n’a pas eu les droits à une défense pleine et entière. Ainsi, non seulement la procédure de destitution est illégitime, mais elle est également inconstitutionnelle.

Nous réalisons que plus nous avançons dans le temps, plus se raffinent les moyens de contourner la volonté des peuples pour s’emparer des pouvoirs démocratiques des États. Nous n’en sommes plus à ces interventions militaires, souvent téléguidées des États-Unis, qui bombardaient des édifices gouvernementaux, assassinaient des présidents en poste et réprimaient des peuples qui résistaient et défendaient leur démocratie.

On se rappellera, en 1973, les bombardements qui mirent un terme au régime politique et démocratique de Salvador Allende à qui les oligarchies substituèrent le sanguinaire Augusto Pinochet, ce putschiste dictateur à l’origine de milliers de morts, de torturés, de blessés et d’expatriés. On se souviendra de la junte militaire en Argentine qui mit un terme, en 1976, au processus démocratique du pays pour y faire régner la loi des plus forts et les intérêts des plus puissants. Que dire du dictateur Stroessner qui régna sur le Paraguay, pendant des décennies, en y faisant régner sa loi et en y imposant son pouvoir personnel. Là encore des milliers de morts, de persécutés, de torturés. Je vous réfère, ici, sur ce qui sous-tend tous ces coups d’État et la main invisible qui les fomente. Toute cette deuxième moitié du XXe a été marquée par cette lutte acharnée et sans retenue des forces militaires contre la montée des peuples et leur prétention d’être les fondements de la démocratie et de leur devenir. L’Opération Condor en fut un triste instrument, voulu et soutenu par ceux qui continuent de se dire les apôtres de la démocratie et des libertés.

Depuis le début du présent siècle, cette lutte oligarchique pour garder le pouvoir ou pour le reconquérir, s’est poursuivie avec autant, sinon plus d’acharnement qu’avant. C’est que les peuples sont de plus en plus instruits et que la conscience sociale qui en émerge plonge toujours plus profondément ses racines dans les valeurs de solidarité, de justice et de vérité. Les peuples sont maintenant l’ennemi des oligarchies. Ils sont la force morale qui se porte à la défense de la démocratie et des dirigeants qu’ils ont portés au pouvoir.

Le cas du coup d’État au Venezuela, en 2002, en est une illustration plus qu’éloquente. C’est le peuple, avec une partie de l’armée, restée fidèle au gouvernement, qui est descendu dans la rue et qui a forcé les putschistes à faire marche arrière. En Bolivie, en 2008, ce fut encore le peuple et la solidarité des pays latino-américains qui ont eu raison des putschistes. Au Honduras, en 2009, Manuel Zelaya aura eu moins de chance. Le peuple y était, mais les militaires, entièrement au service des putschistes ont eu raison du peuple qui a résisté héroïquement.

Les oligarchies et la main invisible de l’empire ne s’arrêtèrent pas là . En 2010, les oligarchies équatoriennes utilisèrent les forces policières pour créer un conflit et réaliser un coup d’État visant le renversement du président Rafael Correa. Là encore, la mobilisation du peuple et la solidarité des peuples regroupés dans Unasur et l’Alba ont été déterminantes pour faire échouer ce coup d’État militaire. Maintenant, c’est le Paraguay qui est touché par ces forces oligarchiques qui ont trouvé une procédure pouvant dissimuler leurs véritables objectifs : la reprise du contrôle des pouvoirs de l’État et l’affaiblissement des instances régionales que sont Mercosur et Unasur. Le peuple se mobilise et la communauté latino-américaine en fait tout autant.

Les pays, membre du Mercosur et ceux d’Unasur viennent d’exclure les nouveaux dirigeants du Paraguay de leur instance régionale. Cette exclusion sera valide jusqu’au moment où le peuple paraguayen se dotera, à travers des élections libres, de nouveaux dirigeants. Par contre, aucune mesure de nature à affecter le peuple ne sera prise par les pays intégrant ces organismes régionaux. Une approche tout à l’opposé des pays du Nord qui fondent leur politique de changement de régime sur des blocus économiques et des moyens de pression, dont les peuples sont les premiers à en être victimes.

La toute dernière tentative de coup d’État, passée inaperçue dans nos médias, vient d’échouer. Effectivement, durant la semaine qui se termine, la Bolivie d’Évo Morales a été soumise à une grève des policiers, infiltrée d’agents provocateurs qui ont fait de la casse, qui ont menacé d’assassiner le Président et des ministres. Là encore, le peuple est descendu dans la rue à la rescousse de ses élus, leur apportant tout le soutien nécessaire pour défendre la démocratie, la révolution et la constitution.

Il y a la démocratie oligarchique qui choisit, à sa manière, ses dirigeants et il y a la démocratie des peuples qui choisit par scrutin universel ses représentants. A nous de choisir la démocratie qui peut répondre le mieux aux intérêts des peuples.

Ce qui vient de se passer au Paraguay me rappelle ce jugement que portait Jésus de Nazareth sur ces pharisiens qui s’enfermaient dans la légalité de certaines pratiques pour mieux dissimuler leur corruption et leurs méfaits .

« Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, qui acquittez la dîme de la menthe, du fenouil et du cumin, après avoir négligé les points les plus graves de la Loi, la justice, la miséricorde et la bonne foi ; c’est ceci qu’il fallait pratiquer, sans négliger cela. » Mt. 23,23

Ceux qui prétendaient créer une brèche dans les organismes régionaux, comme Mercosur et Unasur, risquent d’être profondément déçus. Le consensus a été au rendez-vous des mesures adoptées. Il ne fait que renforcer la cohésion et l’intégration de ces pays entre eux. Fernando Lugo s’est dit heureux que le peuple soit épargné par des mesures économiques susceptibles d’en affecter les conditions de vie. Il s’est également dit satisfait de l’exclusion de l’actuel gouvernement fantoche des organismes régionaux.

Oscar Fortin

Québec, le 29 juin 2012

http://humanisme.blogspot.com

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COMMENTAIRES  

02/07/2012 19:34 par Anne Wolff

Liens vers deux articles qui donnent aident à comprendre ce coup d’état dans le contexte du pays
 Paraguay : Monsanto, USAID et le renversement du gouvernement
 SIP, cartel de la désinformation en Amériquehttp://les-etats-d-anne.over-blog.c...

Et le troisième, un texte que je viens de traduire et que je voudrais faire circuler... c’est un exposé de Rina Bertaccini qui en plus d’être ingénieure géographe est entre autre vice présidente du comité mondial pour la Paix... c’est un texte qui m’a fait froid dans le dos...
Daté de 2011, il analyse deux projets l’un concerne le projet militaire général des USA d’ici 2020, je ne peux rien dire d’autres que : "Ils sont complètement dingues"...
Extrait :
Selon JV2020, la domination du spectre complet est "la capacité des forces des Etats-Unis, opérant unilatéralement ou conjointement avec des alliés multinationaux ou des forces-inter-agences, de vaincre, n’importe quel adversaire et contrôler n’importe quelle situation dans toute l’amplitude du spectre des opérations militaires » Et, il énumère ses différentes situations « incluant le maintien d’une attitude de dissuasion stratégique. Incluant l’action sur le théâtre d’opérations et activités de présence. Incluant les conflits impliquant l’emploi de forces stratégiques et armes de destruction massive, guerres de théâtre principal, conflits régionaux et contingences de moindre intensité. Ces situations comprennent également celles ambigües qui oscillent entre paix et guerre, comme par exemple les opérations pour maintenir et ramener la paix, de même que les opérations non-combatives d’aide humanitaire et l’appui aux autorités locales. »
(...)"Notre sécurité et nos intérêts économiques, de même que nos valeurs politiques, donneront l’impulsion à nos engagements avec nos associés au niveau international. La force conjointe 2020 doit être préparée pour gagner dans tout le spectre des opérations militaires dans n’importe quel lieu du monde ; pour opérer avec des forces multinationale ; pour coordonner des opérations militaires ; pour opérer avec des agences gouvernementales et avec des organisations internationales quand c’est nécessaire.

et l’autre partie consiste dans l’application de cette charmante doctrine à l’Amérique Latine dans le plus pur style de la doctrine de Monroe, la plus impérialiste qui soit, je dois dire qu’au fur est à mesure que je traduisais je voyais ce que ces mots impliquaient de larme de sang pour l’Amérique Latine,
Extraits de ce texte écrit par et pour le Commandement SUD
 « L’hémisphère occidental est notre foyer. En vertu des liens géographiques, historiques, culturels, démographiques et économiques, les Etats-Unis sont liés aux associés hémisphériques d’une manière incomparable à aucun autre endroit au monde » (la notion hémisphère occidental est pris ici au sens des 2 Amériques et utilisé de cette manière fait froid dans le dos à tous ceux qui soutiennent la souveraineté du continent Sud. NdT)
’...)"Nous devons travailler ensemble, comme des associés, pour rendre réelle la "promesse" de prospérité future de notre hémisphère partagé. Notre vision, notre mission et buts, conjugués avec la coopération de nos associés inter-agences et des pays associés nous permettront d’accomplir la "˜promesse’. Ensemble nous devons affronter les problèmes et les défis qui nous menacent, parmi eux la pauvreté et les inégalités, la corruption, le narcotrafic et les autres délits »

Pour accomplir la promesse d’ici à 2018, « notre mission actuelle (est) de mener à bien les opérations militaires et promouvoir la coopération de sécurité pour atteindre les objectifs stratégiques des EU ».

qui sont, c’est expliquer plus loin très clairement de raffler les ressources du Sud au bénéfice des USA

Voilà , cela donne le ton, et le tout est assez terrorisant, non pas de la certitude qu’il gagneraient, ils font finir par se planter, je n’ai aucun doute... mais après combien de souffrance semée de part le monde... non ce qui est terrorisant, c’est de ce dire que certains qui se prétendent "humains" puissent concevoir de tels délires (on croirait lire les règles d’un jeu vidéo pour psychopathe) de contrôle total, de mort, de destruction... et qu’en plus ils ont le pouvoir des armes.
Pour ceux qui voudraient en savoir plus
Militarisation impérialiste : nouveaux masques pour de vieux projets

Et je vous rassure tout de même,l’Amérique Latine, résiste, s’unit, et ne veut plus se mettre à genou devant le colonisateur... mais le danger est là , et l’appel à une solidarité mondiale aussi

02/07/2012 23:09 par oscar fortin

Anne, merci pour cette traduction qui nous révèle jusqu’où peuvent aller les conquérants du monde tout en se donnant l’image d’un humanisme sans tare, sans corruption, sans manipulation, libre et au service des pauvres de ce monde. L’Hypocrisie à son comble. Il suffit de voir le bilan des élections au Mexique, pour réaliser qu’ils n’ont rien à leur épreuve pour tricher, tromper, récupérer....

Merci

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