Juillet 2006.
Le 12 juin 2006, le Conseil de l’Union européenne s’est réuni à Luxembourg pour statuer sur le cas de Cuba. Faisant ouvertement preuve d’un flagrant délit d’ingérence, il a clairement affirmé son intention de renverser le gouvernement de La Havane. « En ayant recours à l’éventail complet des ressources dont elle dispose, l’UE continuera d’offrir à toutes les composantes de la société un soutien concret au changement pacifique à Cuba », souligne le communiqué officiel [1] .
Depuis le 5 juin 2003, l’Union européenne (UE) impose des sanctions politiques et diplomatiques à Cuba en raison de la « situation des droits de l’homme ». En 2004, ces sanctions ont été suspendues pour un an et sont régulièrement réévaluées. La suspension de ces mesures coercitives a été de nouveau prolongée jusqu’en juin 2007, malgré la forte insistance émanant de la République tchèque, des Pays-Bas, de la Pologne et la Suède, tous en faveur d’une ligne plus dure contre le gouvernement cubain [2].
« Le Conseil déplore que la situation des droits de l’homme à Cuba se soit encore détériorée depuis la dernière évaluation, en juin 2005 ». Cependant, la prise de position de l’Union européenne reste incompréhensible et peu crédible, car elle n’explique pas pourquoi Cuba est le seul pays du monde victime de ces mesures discriminatoires. En effet, aucune autre nation n’intéresse l’Europe des 25 hormis le petit archipel des Caraïbes, ce qui laisse à penser que les motivations de l’UE sont plutôt d’ordre politique et idéologique. Après avoir subi les foudres de Washington au sujet de l’invasion de l’Irak, incapable d’adopter une politique étrangère indépendante et rationnelle, l’Union européenne a décidé de faire profil bas et de se réconcilier avec l’administration Bush en adoptant sa politique répressive à l’égard de Cuba [3].
D’ailleurs, le Conseil de l’UE ne s’en cache pas vraiment dans la mesure où il énumère formellement ce qu’il entend par « violations des droits de l’homme ». Après quelques généralités sur l’importance du respect des conventions internationales, il affirme surtout être « préoccupé par le fait que le gouvernement cubain soit revenu sur certaines réformes menant à une timide ouverture économique. Le Conseil a déploré que ces restrictions aient encore réduit la latitude laissée aux initiatives privées ». En clair, l’Europe utilise la problématique des droits de l’homme, mais en réalité souhaite le retour à un capitalisme d’entreprise privée et l’implantation d’une économie de marché à Cuba [4].
Mais l’UE affirme sa bonne volonté et « reprendrait avec plaisir un dialogue politique avec les autorités cubaines. Ce dialogue devrait porter notamment sur la question des droits de l’homme et avoir lieu sur une base réciproque et non discriminatoire ». La « base non discriminatoire » est de fait impossible puisque l’Europe stigmatise uniquement Cuba. Par contre, pour ce qui est de la réciprocité, le dernier rapport d’Amnistie Internationale (AI) permet de jeter une lumière sur ce sujet en effectuant une comparaison de la situation des droits de l’homme au sein de la Communauté européenne, prompte à donner des leçons, et Cuba [5].
Pour ce qui est de l’Allemagne, Amnistie internationale dénonce de graves violations des droits de l’homme. En effet, le 14 juin 2005, le tribunal régional supérieur de Hambourg a estimé recevables des éléments de preuves obtenus à la suite de « traitements cruels, inhumains ou dégradants [...] bafouant ainsi le droit international relatif aux droits humains ». Durant le procès de M. Mounir al Motassadeg, accusé de terrorisme, le tribunal a avalisé des déclarations effectuées par le prisonnier durant des séances de torture. De la même manière, trois Etats régionaux (Länder), la Basse-Saxe, la Saxe et la Saxe-Anhalt, ont refusé de ratifier la Convention contre la torture des Nations unies, jugeant la torture nécessaire dans la lutte contre le terrorisme.
AI condamne également les irrégularités commises contre de nombreux réfugiés (16 800 en 2004 et 5 897 au premier trimestre 2005) d’Afghanistan, d’Irak et du Kosovo, auxquels on a retiré leur statut de manière arbitraire. Ils ont été expulsés « vers des pays où la situation en matière de droits de l’homme demeurait extrêmement précaire », en violation de la législation allemande. Enfin, le Conseil fédéral (Bundesrat) a refusé d’adopter une loi relative à la lutte contre la discrimation [6].
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L’Autriche présente un triste panorama selon AI. Six policiers, trois auxiliaires médicaux et un médecin, responsables de l’assassinat de M. Cheibani Wague - un ressortissant mauritanien qui a été passé à tabac en août 2004 - ont été traduits en justice un an plus tard. En novembre 2005, le tribunal a rendu son verdict condamnant un des policiers et le médecin à sept mois de prison et acquittant les autres accusés. Par ailleurs, le Comité des droits de l’homme des Nations unies a conclu que l’Autriche a violé les droits de M. Paul Perterer, injustement licencié et non indemnisé.
L’Autriche a également accepté d’extrader M. Abd al Rahman Bilasi Ashri vers l’Egypte, où il « risquerait sérieusement de subir de graves violations de ses droits fondamentaux, en particulier des actes de torture », alors que la Cour européenne des droits de l’homme a enjoint les autorités autrichiennes à ne pas l’extrader.
Pour ce qui est des conditions d’asile, l’Autriche a adopté de nouvelles dispositions contraires « aux normes internationales concernant les réfugiés et les droits humains », selon l’organisation internationale. D’autre part, AI fustige les terribles conditions carcérales « de plus en plus difficiles, dans un contexte marqué par la diminution du personnel et l’accroissement de détenus souffrant de maladies mentales ». Enfin, l’Autriche a transféré des surplus d’armes vers des pays violateurs des droits de l’homme, selon AI [7] .
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La Belgique est également pointée du doigt par Amnistie internationale. Le royaume est accusé d’imposer des conditions de détention non « conformes aux normes en matière de droits humains », avec des détenus régulièrement en isolement cellulaire et non autorisés à lire et à écrire. La situation est tellement critique qu’une délégation du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CTP), organe du Conseil de l’Europe, a effectué en avril 2005 sa quatrième visite en Belgique.
AI blâme la généralisation de pratiques racistes et discriminatoires à l’encontre des minorités ethniques, des homosexuels et des handicapés « en matière d’emploi, d’intégration dans la société et d’accès au service public ». L’organisation internationale s’inquiète également de la multiplication des agressions à caractère raciste et de l’indulgence de la justice. Elle cite le cas de trois hommes coupables d’une attaque violente contre deux homosexuels en 2003 et condamnés en 2005 uniquement à une amende de 100 euros.
La violence contre les femmes est également un fléau largement répandu en Belgique, où près d’un tiers des foyers sont touchés. Enfin, en décembre 2005, le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) s’est ému du sort réservé à des mineurs étrangers réfugiés dont les conditions de détention « s’apparentaient souvent à un traitement cruel, inhumain ou dégradant [ Amnistie Internationale, « Rapport annuel 2006 : Belgique », avril 2006. http://web.amnesty.org/report2006/bel-summary-fra (site consulté le 10 avril 2006).] ».
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Pour ce qui est de Chypre, AI souligne les nombreuses détentions et expulsions irrégulières d’étrangers demandeurs d’asile. Plusieurs d’entres eux ont été victimes d’arrestations arbitraires et de mauvais traitements en garde à vue. Les fonctionnaires de la prison centrale de Nicosie ont proféré des propos racistes à l’égard de ces détenus. Des étrangers ont été passés à tabac au commissariat de police de Limassol et « contraints de signer des déclarations selon lesquelles ils renonçaient à demander l’asile ». Un demandeur d’asile iranien, en situation légale, qui s’était rendu au commissariat pour signaler un changement d’adresse, a été détenu durant 3 mois à Limassol puis renvoyé en Iran.
Par ailleurs, AI stigmatise également la violence policière excessive à l’encontre de manifestants et de journalistes lors d’un piquet de grève établi par des routiers le 18 juillet 2005. Enfin, AI regrette que Chypre n’ait pas élaboré de plan national d’action contre les violences domestiques qui ravagent le pays, et l’absence de « protection juridique [pour] les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles [8] ».
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Le rapport d’Amnistie internationale à l’encontre de l’Espagne est accablant. La violence à l’égard des femmes reste impunie et « seules 5% des femmes victimes [...] portaient plainte [car] nombreuses étaient celles qui devaient affronter l’indifférence des autorités ou faire face à des interrogatoires menés sans tact qui les décourageaient d’aller plus loin ».
Par ailleurs, en août 2005, 13 Africains sont tombés sous les balles des forces de sécurité espagnoles et marocaines dans la zone frontalière de Ceuta et Melilla, alors qu’ils tentaient de franchir la clôture pour rejoindre le territoire espagnol en compagnie de plusieurs centaines de candidats à l’émigration. Plusieurs dizaines d’entre eux ont été blessés. Aucune enquête n’a été menée jusqu’à présent, malgré les promesses du Premier ministre espagnol, José Luis Rodràguez Zapatero. Plusieurs assassinats ont été perpétrés contre des migrants tels que M. Ayukabang Joseph Abunaw qui a été frappé par des gardes civils à coup de crosse, et traîné de l’autre côté de la frontière, en territoire marocain. Il est décédé quelques heures plus tard d’une hémorragie interne le 29 août 2005.
AI dénonce également la situation des « étrangers qui avaient réussi à pénétrer aux Canaries ou dans les enclaves espagnoles en Afrique du Nord [qui] ont été privés de toute assistance en matière de demande d’asile. Beaucoup ont été expulsés illégalement ».
Par ailleurs, la violence policière a fait au moins un mort, M. Juan Martànez Galdeano, décédé en garde à vue dans les locaux de la Garde civile à Roquetas de Mar (Almeràa), après avoir été battu à mort et étouffé.
En avril 2005, le médiateur de la Communauté autonome des Canaries a condamné les « mauvais traitements infligés aux mineurs détenus aux Canaries ». Quant aux conditions de détentions, elles sont tellement insalubres à Gáldar que le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a demandé la fermeture de ce centre [9] .
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En Estonie, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CTP) signale que les conditions de détention dans les centres de Kohtla-Järve et de Narva restent inhumaines avec des détenus « enfermés vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans des cellules en général surpeuplées, sales, faiblement éclairées et peu ventilées ».
Le CTP dénonce également des détentions secrètes, la situation des mineurs enfermés avec les prisonniers adultes, et le manque d’attention médicale dans les prisons. Les minorités ethniques estoniennes sont également victimes de graves discriminations dans les domaines de l’éducation et de l’emploi [10].
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En Finlande, sept objecteurs politiques sont détenus dans différents centres pénitenciers pour avoir refusé d’effectuer le service civil de remplacement, contraire aux normes internationales, et sont considérés comme des prisonniers politiques.
La situation des femmes est tragique dans ce pays scandinave. En effet, près de 40% d’entre elles ont été victimes de violences physiques ou sexuelles ou menacées de telles violences par des hommes. Par ailleurs, « aucune véritable action coordonnée n’a été entreprise pour lutter contre la violence envers les femmes, très répandue », selon AI qui a dénoncé le manque de volonté politique et l’incompétence des autorités [11] .
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Pour ce qui est de la France, « patrie des droits de l’homme », les conclusions d’Amnistie internationale sont peu glorieuses. Le 9 novembre 2005, le gouvernement de M. Dominique de Villepin avait décrété l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire métropolitain qui s’est prolongé jusqu’au 21 février 2006. Il a eu recours à une loi, appliquée une seule fois (pendant la guerre d’Algérie) depuis sa promulgation en 1955, suite aux émeutes de jeunes de quartiers défavorisés. L’instauration de l’état d’urgence entraîne automatiquement la suspension de certaines garanties constitutionnelles. Par ailleurs, le ministre de l’Intérieur, M. Nicolas Sarkozy, a ordonné aux préfets de « procéder à l’expulsion immédiate des étrangers condamnés pour des infractions commises dans le cadre des émeutes, qu’ils soient ou non en situation irrégulière », ce qui constitue une grave violation de la loi française.
Toujours selon AI :
« Les mauvais traitements et les homicides racistes imputables aux policiers depuis dix ans n’étaient pas des cas isolés [...]. Le racisme des policiers et d’autres agents de l’Etat visait les personnes de confession musulmane ou issues d’une minorité ethnique. Les auteurs présumés de tels actes n’étaient pas toujours amenés à rendre compte de leurs actes devant la justice [...]. Le système judiciaire ne parv[ient] pas toujours à faire respecter l’obligation pour les responsables présumés de rendre compte de leurs actes, ni le droit des victimes de violations des droits humains à obtenir réparation. Le fait que le gouvernement continue à ne pas répondre à ces violations a créé un climat d’impunité pour les forces de l’ordre [...]. Il en résult[e] une justice à deux vitesses dans la mesure où les plaintes déposées par les policiers [sont] instruites plus vite que celles des victimes de violences policières [12] ».
L’organisation internationale souligne également que les plaintes déposées pour violences policières ont augmenté de 38%. Par ailleurs, le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme, approuvé par l’Assemblée nationale et le Sénat en décembre 2005, supprime les garanties existantes contre la torture et les mauvais traitements, étend la période de garde à vue à six jours sans la présence d’un avocat durant les 72 premières heures. A cela, s’ajoute parfois l’absence de support vidéo lors des interrogatoires ce qui assure l’impunité des forces de l’ordre ayant soumis des détenus à des actes de torture.
Pour ce qui est des demandeurs d’asile, AI déplore la réduction du délai de demande d’asile désormais de 5 jours contre 12 auparavant. « En 2000, la Cour européenne des droits de l’homme avait condamné la Turquie pour l’utilisation d’une procédure similaire, jugeant qu’un délai aussi court ne permettait pas d’examiner convenablement les demandes d’asile », rappelle AI. De plus, pour compliquer la tâche aux éventuels candidats, un décret a légalisé la pratique qui consistait à refuser les services gratuits d’un interprète aux demandeurs d’asile présents dans les centres de détention [13].
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Les violations des droits de l’homme se sont multipliées en Grèce. Elle a de nouveau « manqué à ses obligations au regard du droit international concernant l’accès aux procédures d’asile et l’interdiction de toute mesure d’expulsion ou de refoulement », selon Amnistie Internationale. Le 1er avril 2005, 106 personnes palestiniennes ont été expulsées vers l’Egypte, sans avoir pu déposer leur demande d’asile. Plusieurs d’entres elles ont été maltraitées par les policiers. Le 4 novembre 2005, 141 autres personnes ont subi le même sort. Plusieurs réfugiés, dont des enfants, ont été détenus « dans des conditions constituant de fait un traitement cruel inhumain et dégradant ». Ils avaient été enfermés plusieurs jours dans des conteneurs métalliques à proximité du port principal.
Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu, le 13 décembre 2005, que la Grèce avait « violé les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme, qui prohibe la torture et les autres formes de mauvais traitements, ainsi que toute discrimination dans l’exercice des droits reconnus par la Convention », en référence à l’affaire Belos et Koutropoulos, deux Grecs d’origine rom, arrêtés et gravement torturés par la police de Missolonghi. Aucun des responsables de ces sévices n’a été inquiété par la justice qui les a tous déclarés non coupables. La police est également responsable de l’assassinat de Vullnet Bytyci, un jeune albanais de 18 ans, abattu en septembre 2003 alors qu’il tentait de franchir illégalement la frontière. Le policier en question a été condamné à une peine de deux ans et trois mois d’emprisonnement avec sursis. Quant à la victime, elle a également été condamnée post mortem à trois mois de prison avec sursis et mise à l’épreuve pendant trois ans, ainsi qu’à une amende.
Plusieurs cas de discriminations ont été signalés à l’encontre des minorités roms. « Des habitations appartenant à des Roms étaient vouées à la démolition dans le cadre d’opérations menées au mépris des normes internationales », selon AI. Plusieurs incendies volontaires ont été déclenchés par les autorités qui ont détruit ces logements.
En octobre 2005, des parents d’élèves roms ont été contraints par les autorités locales et éducatives de retirer leurs enfants de l’école élémentaire de Psari, dans la banlieue d’Athènes, suite à des manifestations racistes d’autres parents ne souhaitant pas voir leurs enfants côtoyer des jeunes roms. Ils ont été obligés d’intégrer une école, située très loin de leur quartier et réservée aux Roms. Cette ségrégation raciale a été fortement condamnée par AI.
En 2005, des membres de la population musulmane de Thrace occidentale ont été déchus de leur nationalité, pour s’être absentés du territoire national en étant « non ethniquement grecs ». Ces personnes n’ont pas été informées à temps de la décision de retrait de la nationalité et n’ont pas pu faire appel. Elles n’ont désormais plus accès aux prestations sociales et aux pensions de retraite.
Par ailleurs un objecteur de conscience a été condamné à trois ans et demi de prison pour avoir refusé d’effectuer son service militaire. Enfin, AI a dénoncé la traite d’êtres humains en Grèce ainsi que les violences et les discriminations contre les femmes [14].
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En Hongrie, les propres représentants politiques entretiennent un climat de haine et de racisme contre les minorités. Le Premier ministre, M. Ferenc Gyurcsány avait déclaré en février 2005 que l’équipe de football d’Arabie saoudite comptait « beaucoup de terroristes ». Le même mois, le vice président de la Commission parlementaire des droits de l’homme, M. Zsolt Semjén, a tenu des propos homophobes.
« Les communautés rom et juive ont continué d’être la cible d’attaques et d’autres infractions à motivation raciste », selon AI. Plusieurs familles roms ont été expulsées de leur logement en plein hiver, malgré l’existence d’un moratoire sur les expulsions pendant cette saison.
La ségrégation à l’encontre des roms est présente dans les domaines de l’éducation, de la santé et du logement. Plus de 25% des enfants roms sont obligés de fréquenter des écoles spéciales. Un nombre disproportionné d’enfants roms étaient retirés à leur famille par l’Etat, sans véritable justification. Plus de la moitié des ménages roms n’ont pas accès à l’eau chaude et 17% habitent des zones où n’existe aucune possibilité d’attention médicale. Par ailleurs, la police a tendance à négliger les crimes commis contre les Roms. Enfin, la violence domestique est l’un des nombreux problèmes qui frappent la Hongrie [15].
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L’Irlande est accusée par AI de ne pas prendre soin des personnes souffrant d’un handicap mental, et dénonce également « les décisions d’internement [...] en violation des normes internationales relatives à la privation de liberté ».
La violence policière est largement répandu avec des « abus de pouvoir, de mauvais traitements, d[u] racisme institutionnel et [une] absence d’obligation de rendre des comptes ». AI déplore également la législation contre le terrorisme adoptée en 2005 qui porte atteinte à la liberté d’association et de réunion pacifiques et à la liberté d’expression.
De plus, l’aéroport de Shannon a servi de transit au transfert de terroristes présumés par les Etats-Unis, lesquels risquaient « d’être torturés ou de subir des traitements cruels, inhumains ou dégradants ».
Par ailleurs, le rapport annuel de l’Inspection des prisons a dénoncé des conditions non conformes aux normes internationales. Des détenus souffrant de troubles mentaux continuent à être envoyés dans des pénitenciers et non dans des établissements spécialisés. Un rapport du Service social a relevé de nombreuses détentions arbitraires de sans-abri ou de personnes souffrant de maladies mentales.
Les demandeurs d’asile et les immigrés continuent à subir de mauvais traitements de la part des autorités. Les gens du voyage subissent toujours le racisme et les pratiques discriminatoires.
Quant aux femmes, elles restent les principales victimes des violences domestiques. Les responsables jouissent d’une telle impunité que le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes des Nations unies s’est inquiété de « la prévalence de la violence à l’égard des femmes et des filles, du faible pourcentage d’auteurs d’actes de violence poursuivis et condamnés, du taux de retrait élevé des plaintes et de l’insuffisance des fonds versés aux organisations qui fournissent des services d’appui aux victimes ». Le Comité a également critiqué « la persistance des stéréotypes traditionnels concernant les rôles sociaux et les responsabilités sociales des femmes, les types d’emplois qu’elles occupent [et] leur faible degré de participation à la vie politique et publique ».
La situation des enfants n’est pas meilleure puisque les mineurs continuent d’être incarcérés dans des prisons pour adultes, en violation de la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations unies. Enfin, un rapport publié en octobre 2005 a condamné l’impunité dont ont bénéficié des membres du clergé dans le diocèse de Ferns, soupçonnés d’une centaine d’actes de pédophilie [16].
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L’Italie de M. Silvio Berlusconi a été la scène de vastes violations des droits de l’homme. AI regrette « l’absence de législation spécifiquement destinée à protéger les demandeurs d’asile », alors que l’Italie a ratifié la Convention relative au statut des réfugiés des Nations unies. Les nombreuses détentions de demandeurs d’asile violent les normes internationales relatives aux droits des réfugiés. Plusieurs milliers de personnes ont été expulsées vers la Libye à la grande inquiétude du Haut-commissariat pour les réfugiés. Des agressions contre des réfugiés commises par les forces de l’ordre ont été répertoriées. A l’insalubrité et la surpopulation des centres de rétention migratoire s’ajoutaient le manque de soins médicaux, et l’absence de toute protection juridique.
Par ailleurs, les brutalités policières, qui vont de la violence, la privation de sommeil, de nourriture et d’eau, en passant par la torture et allant jusqu’à l’enlèvement de personnes, sont favorisées par le fait que l’Italie n’a toujours pas introduit dans son Code pénal le crime de torture tel qu’il est défini par la Convention contre la torture des Nations unies.
Les violences commises contre la population carcérale ont conduit à « un grand nombre de suicides et d’actes d’automutilation », selon AI alors que les problèmes de maladies infectieuses et de santé mentale perduraient.
Enfin, à l’instar d’autres pays européens, les violences domestiques et les discriminations à l’égard des femmes gangrènent l’Italie [17].
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En Lettonie, les défilés de gays et lesbiennes sont interdits par les autorités. Le Premier ministre, M. Aigars Kalvïtis, a jugé de telles manifestations « inacceptables pour la majorité de notre société ». Selon le rapport annuel 2005 de la Direction générale de l’emploi, des affaires sociales et de l’égalité des chances de la Commission européenne, la Lettonie est le seul pays de l’Union européenne à ne pas avoir transposé dans sa législation les exigences de la directive sur l’égalité du travail. De plus, la loi lettone n’interdit pas explicitement la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle en matière d’emploi.
Par ailleurs, plusieurs actes de torture ont été recensés et sont imputables aux organes chargés d’appliquer la loi. Parmi ces sévices physiques se trouvent, selon AI, « l’asphyxie au moyen d’un sac plastique, la strangulation, le passage à tabac, les décharges électriques ou l’immersion de la tête du suspect dans l’eau d’un lac [18] ».
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Le voisin lituanien n’est pas exempt de tout reproche. Les violences au foyer ne constituent pas une infraction selon la loi, et les femmes et les jeunes filles en sont les premières victimes.
La traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle a largement augmenté depuis l’entrée de la Lituanie dans l’Union européenne en 2004. « Environ 2 000 femmes et jeunes filles ont été emmenées illégalement à l’étranger. Près d’un quart de ces personnes se sont retrouvées au Royaume-Uni où, selon Interpol, une quinzaine de Lituaniennes âgées de dix-huit à vingt-cinq ans étaient vendues chaque mois », selon AI, qui note également « une croissance du nombre de victimes mineures ». AI déplore l’insuffisance des efforts gouvernementaux pour mettre un terme à ce trafic [19].
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A Malte, « les demandeurs d’asile continuaient d’être placés en détention, en violation du droit international », selon AI, qui dénonce la politique d’enfermement systématique pouvant atteindre 18 mois. Une violente répression s’est abattue, le 13 janvier 2005, sur une manifestation de réfugiés qui protestaient contre leurs conditions de détention déplorables à Hal Safi. Vingt-six personnes ont dû être conduites à l’hôpital.
Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a exprimé sa préoccupation quant aux conditions de détention et aux « mauvais traitements infligés de manière délibérée à des étrangers, notamment des coups de pied, de poing et de matraque ».
Enfin, la violence contre les femmes constitue toujours un problème de grande envergure à Malte [20].
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Aux Pays-Bas, AI pointe du doigt les conditions de détention et le traitement réservés aux demandeurs d’asile. Le 27 octobre 2005, 11 personnes ont perdu la vie lors de l’incendie qui a frappé le centre de rétention de l’aéroport de Schiphol à Amsterdam, surpeuplé de 350 personnes. Ce centre avait, par le passé, pris feu en deux occasions en 2003 et 2004. Malgré les recommandations émises par les services de prévention incendie, aucune mesure n’a été prise par les autorités, entraînant une nouvelle tragédie [21].
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La Pologne fait partie des pays qui ont virulemment exigé l’imposition de sanctions contre Cuba pour violations des droits de l’homme, partant évidemment du principe qu’elle était irréprochable à ce niveau. Mais le rapport d’Amnistie internationale est accablant.
La première mesure prise par le nouveau gouvernement, élu en 2005, a été de supprimer le Bureau du plénipotentiaire pour l’égalité des sexes, faisant de la Pologne le seul pays de l’Union européenne non doté d’un tel organisme. « Le racisme et l’intolérance à l’égard des minorités [sont] observés aussi bien dans la sphère publique que privée », selon AI.
En effet, l’actuel président, M. Lech Kaczynskie, avait interdit la Parade pour l’égalité en juin 2005 à Varsovie, qualifiant le défilé homosexuel de « obscène ». Moins d’une semaine plus tard, il autorisant la Parade de la normalité organisée par un groupe extrémiste homophobe. Plusieurs villes du pays limitent les droits des homosexuels à la liberté d’expression, telle que Poznan.
La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) a exprimé sa préoccupation sur le fait que les autorités polonaises n’ouvraient quasiment aucune enquête pour haine raciale et permettaient la vente libre de documents antisémites. Elle a dénoncé la clémence dont jouissaient les auteurs de violences et de crimes racistes [22].
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Le Portugal s’est également rendu coupables de graves violations des droits de l’homme. « Cette année encore, des cas de mauvais traitements imputables à des policiers ont suscité des inquiétudes concernant le non respect par le Portugal du droit international et des normes universellement reconnues », souligne AI. Un citoyen, M. José Reis, est décédé en garde à vue après avoir été gravement battu par la police. Il a été retrouvé pendu dans sa cellule une heure après avoir été arrêté. Trois autres personnes ont perdu la vie en tombant sous les balles de la police.
Par ailleurs, 33 femmes sont mortes des suites de violences domestiques, dont 29 assassinées par leur mari [23].
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La République tchèque est le pays qui mène la campagne la plus vindicative contre le gouvernement de La Havane. A cet égard, le ministre des Affaires étrangères, M. Cyril Svoboda, s’est félicité de voir « la signature tchèque » dans la déclaration commune européenne. Il est même allé jusqu’à exiger une politique d’isolement de Cuba avec l’instauration d’un embargo. A ce sujet, il s’est plaint que l’Union européenne n’ait pas imposé de sanctions économiques à l’àŽle ; sanctions qui auraient eu des conséquences désastreuses pour la population [24].
Ironie de l’histoire, le rapport d’Amnistie internationale sur la nation tchèque est l’un des plus terrifiants de toute l’Europe des 25. Les discriminations contre les Roms se sont encore répandues et touchent les domaines de l’emploi, du logement et de l’éducation. « Les agressions racistes violentes visant cette population ont également été fréquentes », regrette AI qui ajoute :
« En juin [2005], la municipalité de Bohumin, une ville située dans le nord du pays, a prononcé un arrêté d’expulsion contre un groupe de personnes à majorité rom vivant dans un foyer destiné à être transformé en immeuble résidentiel. La municipalité n’a fait aucune proposition réaliste pour reloger cette population démunie. Elle a au contraire proposé de séparer les hommes des femmes et des enfants et d’héberger ces derniers dans des foyers pour mères isolées. Si la plupart des résidents du foyer sont partis, 14 ont en revanche interjeté appel de l’arrêté d’expulsion. En novembre, une juridiction régionale leur a ordonné de quitter les lieux sans exiger de la municipalité qu’elle trouve une solution de remplacement [25] ».
Par ailleurs, la Cour européenne a condamné l’Etat tchèque pour discrimination raciale, après une plainte déposée par 18 écoliers roms. Ils avaient été placés - en raison de leur origine ethnique - dans des établissements spéciaux réservés aux handicapés mentaux. AI a également dénoncé les brutalités policières systématiques à l’encontre des Roms, notamment des mineurs, ainsi que l’impunité dont bénéficiaient les responsables de ces exactions.
L’une des violations des droits de l’homme les plus sordides commises en République tchèque concernent les malades mentaux. Selon AI, le ministère du Travail et des Affaires sociales « tolérait encore [l’utilisation de lits-cages] dans les foyers d’aide sociale » dans lesquels étaient enfermés les patients. Le Parlement a même adopté une loi qui légalise l’utilisation de la contrainte illimitée dans toutes les institutions d’aide sociale.
Cependant, la palme de l’infamie revient à une pratique qui touche encore la communauté rom : la stérilisation forcée des femmes. Plus de 80 femmes ont déposé plainte contre des hôpitaux qui ont procédé à ce genre de mutilation interne. A ce jour, aucun médecin n’a été inquiété par la justice tchèque [26].
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Le Royaume-Uni, allié des Etats-Unis, est sans doute responsable des pires violations des droits de l’homme de l’Union européenne. Selon AI, « comme les années précédentes, le gouvernement s’en est pris aux droits fondamentaux de la personne, à la primauté de la loi et à l’indépendance de la magistrature. Il a ainsi cherché à remettre en cause l’interdiction de la torture sur le territoire et à l’étranger et a fait adopter - ou tenté de faire adopter - des lois non conformes au droit national et aux normes internationales en matière de droits humains ».
Au nom de la lutte contre le terrorisme, le gouvernement britannique a détenu pour une durée indéterminée des personnes sans aucune preuve. Malgré la décision rendue en décembre 2004 par le comité d’appel de la Chambre des Lords, qui stipulait que la détention illimitée était illégale, les victimes n’ont toujours pas été relâchées. Désormais, le pouvoir « peut inculper, juger et condamner une personne, mais sans lui offrir les garanties d’équité exigées dans les affaires pénales », d’après AI.
En juin 2005, Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CTP) a conclu que la détention indéfinie avait provoqué des troubles mentaux chez la plupart des personnes incarcérées, et qu’elle s’apparentait à « un traitement inhumain et dégradant ».
De son côté, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe s’est inquiété de la recevabilité des preuves obtenues sous la torture, des conditions carcérales, du traitement réservé aux demandeurs d’asile, de l’âge peu élevé de la responsabilité pénale, de la discrimination ainsi que de « la nécessité d’ouvrir des enquêtes publiques afin de faire toute la lumière sur les homicides perpétrés en Irlande du Nord dans lesquels le Royaume-Uni serait impliqué ».
Le gouvernement a également signé des accords pour transférer des personnes dans des pays où elles risqueraient la torture, notamment vers différents centres de détention étasuniens à travers le monde.
Par ailleurs, les violences policières ont coûté la vie à au moins une personne et le parquet a refusé, en octobre 2005, d’engager des poursuites contre les responsables.
« Bafouant le droit international et sa propre législation en matière de droits humains, le Royaume-Uni a participé au placement en détention préventive d’au moins 10 000 personnes en Irak », selon AI.
Les réfugiés et les demandeurs d’asile ont également subi de graves atteintes à leurs droits fondamentaux. Beaucoup d’entre eux ont été placés en détention en vertu de la Loi sur l’immigration, parmi lesquels figuraient des familles avec des enfants et des victimes de torture. Ils « étaient placés dans des établissements sinistres de type carcéral », toujours selon AI. Plusieurs d’entre eux ont été victimes de brimades racistes et maltraités.
Pour ce qui est des prisons, M. Martin Narey, directeur national de l’administration pénitentiaire, a dénoncé l’augmentation sans précédent du nombre de personnes détenues, ainsi que les conditions « honteuses » d’enfermement.
Aux moins trois opposants politiques, MM Robert Hamill, Billy Wright et Mme Rosemary Nelson, ont été assassinés par les forces de sécurité en Irlande du nord.
La violence contre les femmes a pris des proportions effarantes : en moyenne, deux femmes étaient tuées chaque semaine par leur mari. De plus, le taux de condamnation très faible dans les affaires de viol favorisait l’essor de ce genre de crime. Selon AI, « seuls 5,6% des viols signalés à la police aboutissaient à une condamnation [27] ».
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En Slovaquie, les discriminations contre le Roms sont toujours en vigueur, tant au niveau des institutions étatiques que dans le secteur privé. Cette minorité de 500 000 personnes a toujours beaucoup de mal à accéder à l’enseignement, au logement, à l’aide sociale et à la santé.
Le gouvernement slovaque a défendu l’internement des enfants roms dans des écoles spéciales. Les autorités de la ville de Dobsiná ont annulé un projet de construction de logements pour les Roms, suite à une pétition raciste émise par des personnalités politiques d’extrême droite, ce qui constitue une violation de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Toujours selon AI, la famille Sarkosi de la ville Záhorská Ves a été illégalement expropriée de ses terres par le maire, après que leur maison ait été détruite par un incendie criminel aux motivations racistes.
De la même manière que chez sa soeur tchèque, la Slovaquie a procédé à la stérilisation forcée de femmes roms [28].
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La Slovénie n’est pas exempte de violations des droits de l’homme. Près de 18 300 personnes originaires d’ex-Yougoslavie qui vivaient dans le pays avaient été abusivement rayées des registres de la population slovène en 1992. Elles n’ont toujours pas obtenu réparation. Elles ne jouissent toujours pas de l’ensemble de leurs droits économiques et sociaux « notamment en manière de travail, de santé et d’éducation », selon AI. Près de 6 000 « effacés » n’ont toujours pas la nationalité slovène malgré la décision de la Cour constitutionnelle qui a déclaré illégales ces radiations.
Par ailleurs, les enfants roms ne sont pas intégrés dans le système scolaire, car le gouvernement slovène encourage l’ouverture dans certaines écoles primaires de classes qui leur sont spécifiquement réservées, avec des programmes différents. Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a condamné en juillet 2005 ces discriminations à l’encontre des Roms [29].
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La Suède est également l’une des nations européennes qui exige plus de fermeté à l’encontre de La Havane. Mais en matière de droits de l’homme, ce pays scandinave n’a pas vraiment de leçons à donner. En mai 2005, le Comité contre la torture de l’ONU a condamné la Suède pour avoir expulsé vers le Bangladesh une jeune réfugiée politique qui avait été violée par des policiers. Selon le Comité, les autorités suédoises n’avaient pas nié le fait qu’elle avait été persécutée, emprisonnée, torturée et violée, mais avaient quand même procédé à son expulsion.
En novembre 2005, la Cour européenne des droits de l’homme a statué à l’unanimité que l’expulsion de quatre Syriens s’apparentait « à une violation de leur droit à la vie et de l’interdiction de tout traitement inhumain ou dégradant ». La Suède a également procédé à d’autres expulsions vers des pays pratiquant la torture, toutes condamnées par le Comité contre la torture. Les droits des réfugiés et demandeurs d’asile ont été systématiquement bafoués surtout lorsqu’il s’agissait de Roms, dont les demandes étaient considérées par les autorités comme « manifestement infondées ».
Comme de nombreux pays européens, la Suède est touchée par le fléau de la violence contre les femmes.
Enfin, la surpopulation carcérale ainsi que les mauvaises conditions de détention sont motifs de préoccupation pour AI [30].
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Même si les Etats-Unis ne font pas partie de l’Europe, il est indispensable de jeter un oeil à la situation des droits de l’homme dans ce pays, dans la mesure où la politique de sanctions de l’Union européenne contre Cuba répond d’abord et avant tout à une exigence de Washington. Aucun pays occidental ne présente une situation des droits de l’homme plus désastreuse que celle de la « première démocratie du monde ».
A Guantanamo, près de 500 personnes de 35 nationalités différentes étaient toujours détenues sans inculpation ni procès, dont plusieurs étaient mineures lors de leur arrestation en 2001. La plupart d’entre elles sont toujours privées de toute assistance juridique. En août 2005, plusieurs centaines de détenus ont entamé une grève de la faim pour protester contre les sévices qu’ils subissaient régulièrement. Plusieurs d’entre eux ont été nourris de force et maltraités par leurs gardiens, qui leur introduisaient de force des sondes alimentaires dans le nez. Malgré ces mauvais traitements, la grève continue toujours. En novembre 2005, trois experts en droits de l’homme de l’ONU ont décliné l’invitation des autorités étasuniennes à se rendre à Guantanamo, car elle était assortie de restrictions inacceptables.
Par ailleurs, AI a condamné la mise en place de commissions militaires qui font office de tribunaux qui ne sont ni « indépendants [ni] impartiaux ». Parmi les prévenus se trouve M. Omar Khadr, qui avait quinze ans lors de son placement en détention, dont la « santé mentale et mauvais traitements » dont il est objet « suscite[nt] une vive inquiétude ».
En Irak, des milliers de personnes ont été détenues sans inculpation ni jugement par les forces étasuniennes. En Afghanistan, sur la base de Bagram, plusieurs centaines de personnes étaient enfermées et « privées - pour certaines depuis plus d’un an - de tout contact avec leur familles ou avec un avocat [...]. Des cas de mauvais traitements ont été signalés dans de telles installations ; ils consistaient notamment à dévêtir complètement les détenus durant les interrogatoires et à les priver de nourriture et de sommeil ».
La CIA a dirigé un réseau de centres de détention secrets à travers le monde, dont l’Europe. De nombreuses personnes y étaient détenues en dehors de tout cadre légal « et se trouvaient dans des situations équivalant à des disparitions », selon AI. L’organisation ajoute que « de nouveaux cas de mort en détention, de torture et de mauvais traitements imputables aux forces américaines [...] ont été révélés. De nouvelles publications ont décrit des techniques d’interrogatoire qui ont été approuvées par les autorités américaines à différents moments pour les personnes détenues au titre de la "guerre contre le terrorisme’ ; ces méthodes incluaient l’utilisation de chiens pour susciter la terreur, les positions éprouvantes, l’exposition à des températures extrêmes, la privation de sommeil et le maintien en isolement », précise AI.
L’armée étasunienne confirme qu’au moins 27 assassinats ont été commis par ses soldats, dont beaucoup « des suites d’actes de torture pendant ou après leur interrogatoire ». Aucun des subalternes mis en examen pour ces crimes ne s’est vu infligé de peine correspondant à la gravité des infractions. Par exemple, sept soldats ont été reconnus coupables de meurtre, d’actes de torture et de crime de guerre sur la base de Bagram et ont été condamnés à des peines allant de cinq mois de prison à un blâme. Aucun militaire de haut rang n’a été mis en examen.
Les violations des droits de l’homme sont également largement répandues aux Etats-Unis. Après plus de trois ans, le citoyen José Padilla a été mis en examen pour complot d’assassinat. « L’acte d’inculpation ne faisait aucune mention des charges qui lui avaient valu d’être initialement détenu », selon AI. Quant à M. Ali Saleh Kahlah al Marri, il est toujours détenu sans inculpation par l’armée étasunienne, et il souffre de « graves atteintes à [s]a santé physique et mentale [...] en raison du traitement qui lui était infligé ».
Plusieurs nouveaux prisonniers politiques viennent s’ajouter à la longue liste de personnes qui croupissent en prison en raison de leur opinion différente. M. Kevin Benderman a été condamné à 15 mois de prison pour avoir refusé de servir en Irak, après avoir vu sa demande de statut d’objecteur de conscience rejetée. MM. Camilo Mejia Castillo, Abdullah Wabster et Pablo Paredes ont également été emprisonnés pour avoir refusé de participer à l’invasion de l’Irak.
AI a également dénoncé le procès « entaché d’irrégularités » du citoyen étasunien Ahmed Omar Abu Ali, accusé de complot terroriste. Le tribunal avait accepté de recevoir des aveux recueillis sous la torture. M. Abu Ali a déclaré que ses agents l’avaient fouetté et menacé de mort lors de sa détention secrète en Arabie saoudite.
Des violences policières sont largement commises sur des personnes issues des minorités. Près de 61 personnes sont mortes après avoir été touchées par les pistolets paralysants de la police, ce qui porte le nombre total de décès à 141 depuis 2001. De plus, selon AI, « la plupart des personnes mortes dans ces circonstances étaient des hommes non armés, qui ne semblaient pas constituer une réelle menace lorsqu’ils ont été soumis aux décharges électriques ». L’organisation ajoute que « des personnes atteintes de troubles mentaux, des individus en état d’ivresse, des enfants et des personnes âgées figuraient parmi celles et ceux qui ont été pris pour cible ».
En février 2005, une jeune fille de 13 ans a été soumise à ces décharges électriques alors qu’elle se trouvait menottée à l’arrière d’un véhicule de patrouille. Le même mois, un adolescent de 14 ans a fait un arrêt cardiaque à Chicago après avoir reçu des décharges électriques d’un policier. Kevin Omar, âgé de 17 ans, est tombé dans le coma après avoir reçus trois chocs électriques à Waco au Texas, et est décédé deux jours plus tard.
Les droits fondamentaux des homosexuels sont régulièrement bafoués par les propres services de police, selon AI. L’organisation dénonce également les traitements discriminatoires et les violences verbales et physiques à l’égard des minorités sexuelles.
L’application de la peine de mort a fait 60 nouvelles victimes en 2005, ce qui porte à 1 005 le nombre total de prisonniers exécutés aux Etats-Unis depuis la levée du moratoire sur la peine capitale en 1977. Par ailleurs, deux personnes ont quitté le couloir de la mort après avoir été innocentées, rejoignant ainsi les 120 personnes condamnées au châtiment ultime mises hors de cause depuis 1973. Près de 22 mineurs ont été exécutés depuis 1977. L’organisation internationale affirme que « les Etats-Unis ont continué d’exécuter des personnes souffrant de maladies ou de troubles mentaux, des prisonniers qui avaient été privés d’une assistance juridique adéquate lors de leur procès et des personnes condamnées sur la base d’éléments dont la fiabilité avait été contestée ».
Par exemple, M. Troy Kunkle a été exécuté au Texas le 25 janvier 2005, alors qu’il souffrait de schizophrénie et venait d’avoir à peine 18 ans au moment du crime. De la même manière, Mme Frances Newton a été exécuté le 14 septembre 2005, malgré les doutes qui pesaient sur sa condamnation et le manque de preuves. Elle n’avait cessé de clamer son innocence.
Le cataclysme naturel qu’a été l’ouragan Katrina a fait plus d’un millier de mort et plusieurs milliers de sans-abri. Des centaines de victimes ont été abandonnées à leur sort par les autorités gouvernementales. Un grand nombre de détenus de la prison Parish, à la Nouvelle-Orléans, ont été abandonnés par leurs gardiens, sans eau potable ni nourriture. Plusieurs d’entre eux se sont noyés dans leurs cellules.
Enfin, au moins 2 225 délinquants mineurs purgent actuellement une peine de prison à perpétuité dans les prisons étasuniennes, alors que ce type de peine est interdit par la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations unies. 16% des délinquants avaient entre 13 et 15 ans au moment des faits et 59% se sont vus infliger cette peine pour leur première condamnation. Selon AI, « un grand nombre de ces délinquants avaient été reconnus coupables de felony murder, qualification pénale qui veut que la personne dont il est établi qu’elle a pris part à un acte criminel au cours duquel un meurtre est commis est déclarée coupable de cet homicide, même en l’absence de preuve directe de sa participation à celui-ci ».
Aux Etats-Unis, porter assistance à une personne en danger peut conduire à la prison. Deux membres d’un réseau de bénévoles appelé No More Deaths, Daniel Strauss et Shanti Sellz, ont été arrêtés pour avoir conduits trois Mexicains perdus dans le désert de l’Arizona et gravement déshydratés dans un lieu où ils pourraient recevoir des soins médicaux urgents. Ils risquent actuellement 15 ans de prison pour transport illégal d’étrangers [31].
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Le rapport sur Cuba d’Amnistie Internationale fait état de « restrictions à la liberté d’expression, d’association et de mouvement », et de 70 prisonniers d’opinion. Mais AI reconnaît qu’en mai 2005 « une coalition de plus de 350 organisations non gouvernementales (ONG) indépendantes », qui a réuni une centaine de personnes, « a organisé le plus grand rassemblement d’opposants jamais observé à Cuba [32] ».
Pour ce qui est des 70 prisonniers d’opinion, le gouvernement cubain ne nie pas leur présence en prison, mais affirme que ces personnes ont été arrêtées et condamnées uniquement pour avoir reçu un financement de la part des Etats-Unis. En effet, lors des arrestations en mars 2003, 87 personnes avaient été arrêtées et 12 d’entre elles se trouvaient être en réalité des agents des services de renseignements cubains, qui avaient infiltré les groupes d’opposition. Les preuves présentées à leur encontre pour collaboration avec une puissance étrangère ont été exposées lors des différents procès. La tolérance du congrès de la dissidence de mai 2005 tend à conforter le point de vue des autorités cubaines. Une autre source étayant cette thèse est indiscutable : en effet, Washington admet dans ses propres documents officiels disposer d’un budget de 50 millions de dollars destiné à la fabrication d’une opposition interne à Cuba [33].
Contrairement aux pays de l’Union européenne et aux Etats-Unis, Amnistie internationale n’a pas rapporté, pour ce qui concerne Cuba, un seul cas d’assassinat politique (Royaume-Uni, Etats-Unis), de torture ou traitement inhumain (Belgique, Chypre, Estonie, Etats-Unis, France, Grèce, Italie, Lettonie, Malte, République tchèque, Royaume-Uni), d’utilisation de preuves obtenues sous la torture (Allemagne, Chypre, Etats-Unis), d’exécution (Etats-Unis), d’exécution d’enfants et de malades mentaux (Etats-Unis), de disparitions (Estonie, Etats-Unis,), d’enlèvement de personnes par les autorités (Italie), de violation du droit à la vie (Suède), d’impunité suite à un crime commis par des agents de l’Etat (Autriche, Espagne, France, Grèce, Irlande, Italie, Portugal, République tchèque, Royaume-Uni), de trafic d’êtres humains (Grèce, Lituanie), de violence contre les mineurs commises par des agents de l’Etat (Espagne, Estonie, République tchèque, Slovaquie), de violence contre les femmes (la plupart des pays européens), de violence contre les minorités (Allemagne, Estonie, Etats-Unis, France, Grèce, République tchèque, Royaume-Uni, Slovaquie), de racisme et de discrimination (la plupart des pays européens et les Etats-Unis), d’enfants interdits d’école (Grèce, Hongrie, République tchèque, Slovaquie, Lettonie, Slovénie), d’internement d’enfants en raison de leur origine ethnique (République tchèque, Slovaquie), de stérilisation forcée de femmes issues de minorités (République tchèque, Slovaquie), de citoyens déchus de leur nationalité (Grèce, Slovénie), d’utilisation de lits-cages pour enfermer les handicapés mentaux (République tchèque), de répression de manifestants (Chypre, Malte), de familles expulsées de leurs logement, parfois en plein hiver (Hongrie), de violences sur les handicapés (Irlande), de mineurs incarcérés (Espagne, Etats-Unis, Estonie, Irlande), de malades mentaux mis en prison (Autriche, Irlande, Italie, Etats-Unis), de suicide en prison (Italie), d’automutilation en prison (Italie), de manque d’attention médicale (Estonie, Etats-Unis, Italie, Royaume-Uni), de violences policières (dans quasiment tous les pays européens), de licenciement abusif (Autriche), de vente d’armes à des pays violateurs des droits de l’homme (Autriche), de suspension des garanties constitutionnelles (France), de traite d’êtres humains (Grèce), d’incitation à la haine raciale et à la discrimination par les autorités (Hongrie, Lettonie) ou d’expulsion de demandeurs d’asile (Allemagne, Autriche, Belgique, Chypre, France, Grèce). Amnistie internationale n’a jamais fait part de mauvaises conditions de détention à Cuba, contrairement à la situation prévalant dans la majorité des prisons européennes.
Au vu des rapports d’Amnistie internationale sur la situation des droits de l’homme au sein de l’Union européenne, comparée à celle de Cuba, la pertinence et la légitimité des sanctions contre l’àŽle des Caraïbes sont nulles. En effet, la quasi-totalité de l’Europe des 25 présente une situation pire que celle de Cuba. Par ailleurs, malgré les énormes activités de lobbying menées par les Etats-Unis et l’Union européenne pour empêcher Cuba d’intégrer le nouveau Conseil des droits de l’homme des Nations unies, 135 pays membres, soit plus des 2/3 de l’Assemblée générale, ont choisi l’àŽle pour y siéger. En réalité, les Etats-Unis et l’Europe ont imposé une vision politisée de la réalité cubaine que le reste du monde ne partage aucunement.
Les raisons d’une telle hostilité sont autres, et l’Union européenne l’a clairement exprimé dans son communiqué officiel : le système politique, économique et social cubain et la non instauration d’une économie de marché.
Salim Lamrani
Salim Lamrani, chercheur français à l’université Denis-Diderot (Paris VII), spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis. Il vient de publier : Washington contre Cuba : un demi-siècle de terrorisme et l’affaire des Cinq, Le Temps des Cerises éditeur.
Cuba : une commission US appelle à durcir l’embargo et recommande le financement de l’ opposition, AFP, 8 juillet 2006.
Washington : "Accélerer la fin du régime castriste à Cuba".
Pourquoi les arrestations à Cuba ? par Wayne Smith, ancien responsable la section des intérêts US à la Havane.
Edifiant ! : Déclaration du Secrétaire d’Etat adjoint US Robert Noriega à propos de Cuba.<BR>
A lire jusqu’au bout.
Journalisme indépendant à Cuba : Nestor Baquer, agent de la sécurité infiltré raconte.
Cuba et la question des droits de l’Homme, par Salim Lamrani.
Les Etats-Unis et la « dissidence » cubaine, par Salim Lamrani.