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Cuba - Le Mur d’Eau, par Jens GLàœSING.


[ Un article important - écrit par un magazine allemand - où certaines
réalités de "l’embargo" US sont rappelées.
Et tandis que les "dissidents" anticastristes en Europe continuent
d’endormir leur monde avec leurs mensonges, leurs amis outre-atlantique
continuent tranquillement leur tentative de crime humanitaire.]

Traduction CSP



The New York Times, 20 Septembre 2004.


Cuba - Le Mur d’Eau


Der Spiegel


Restrictions imposées aux touristes états-uniens, sanctions contre les
partenaires commerciaux européens : le régime du vieux révolutionnaire Fidel
Castro fait face aux pressions alors que l’embargo US s’intensifie

Les deux messieurs dans la salle-à -manger de l’hôtel Nacional à la Havane ne
veulent pas révéler leurs identités, et surtout ne veulent pas être
photographiés. "Sinon, nous aurions des ennuis avec notre gouvernement", dit
l’un d’eux, un états-unien brûlé par le soleil qui se présente comme Bill.
"En fait, nous ne devrions pas être ici", ajoute son ami. "Le président a
rendu ce voyage illégal".

Le président des Etats-Unis, pour être précis. Après tout, le Président
Cubain Fidel Castro n’a rien contre les touristes états-uniens qui injectent
des dollars dans les coffres du gouvernement Cubain. Cependant, depuis peu,
rares sont les états-uniens qui osent se rendre à la Havane depuis que
Washington a menacé ses propres citoyens de lourdes amendes. "Notre
gouvernement soutient des dictateurs partout dans le monde, mais lorsqu’il
s’agit de Castro, Bush sort le gros bâton," râle Bill.

Après tout, cet enseignant de Los Angeles veut juste voir de ces propres
yeux cette île qui est censée représenter une menace pour la sécurité du
monde occidental. Sur les pas de Hemingway, sirotant un mojito, matant les
jolies cubaines - c’est à peu près tout ce qui l’intéresse à Cuba. Mais pour
les Etats-Unis, il est en train de commettre un délit.

Les voyages à Cuba doivent être approuvés par le Département du Trésor US.
Washington faisait preuve d’une certaine tolérance. 40 % des 85.000
états-uniens qui ont visité Cuba l’année dernière l’avaient fait en toute
illégalité. Mais le gouvernement US a décidé de sévir une fois de plus. Une
fois de plus, les relations entre Washington et la Havane sont redevenues
comme au temps de la Guerre Froide.

Dans un document de 423 pages, le gouvernement US a décrit en détail comment
il comptait renverser Castro. "C’est mon bébé" se vante Otto Reich, l’auteur
intellectuel de ce triste rapport
. Bien qu’il ne soit plus le principal
expert pour l’Amérique latine dans l’administration Bush, Reich, un ancien
officier né à Cuba et qualifié de "terroriste" là -bas, tire encore les
ficelles.

Le commandant en chef Cubain a survécu à 10 président US depuis son entrée à 
la Havane il y a 45 ans, et tous en tenté de renverser le dirigeant
révolutionnaire Cubain. Castro a survécu à une invasion armée, à plus de
cent tentatives d’assassinat, et au plus long blocus économique depuis la
deuxième guerre mondiale. Mais à présent, Georges W. Bush est en train de
resserrer à nouveau la corde autour du cou de Cuba.

"Bush tente d’étrangler notre révolution" dit Rafael Duasa, directeur de la
Division Amérique du Nord au Ministère cubain des Affaires Étrangères.
"Depuis son accession au pouvoir, nous n’avons connu que l’hostilité".

Ce qui affecte aussi les touristes états-uniens. Des marins états-uniens ont
récemment été arrêtés pour avoir organisé des régates entre le Floride et
Cuba. Des étudiants en médecine, qui avaient auparavant reçu les
autorisations spéciales pour une formation de quatre semaines dans des
hôpitaux cubains, ne pourront plus désormais y passer plus qu’une semaine.
Mais tout ceci n’est rien en comparaison des conséquences que les mesures de
Bush produisent sur les Cubains.

Il est courant d’assister à des scènes déchirantes à l’aéroport de la
Havane, lorsque les cubains disent au-revoir à leurs proches en partance
pour Miami. "Les politiciens ont construit un mur d’eau," se plaint Raul
Garcia, un médecin de 42 ans, qui pleure en serrant sa fille dans ses bras.
Il y a dix ans, son ex-femme était partie avec sa fille sur un radeau pour
la Floride. Depuis, la fille de Garcia pouvait lui rendre visite à Cuba une
fois par an. Mais désormais le gouvernement US n’autorise q’une visite de
deux semaines une fois tous les trois ans.

"La seule personne qui tire profit du renforcement de l’embargo est Fidel
Castro" déclare un diplomate occidental à la Havane. Même la communauté
cubaine en exil à Miami est divisée sur la question. Les plus vieux, qui se
sont enfuis au début de la révolution, pensent que tous les moyens sont bons
pour renverser Castro. Mais la jeune génération préfère une solution plus
pacifique.

A la Havane on commence à sentir le changement de climat. "Le temps joue
contre les extrémistes", se réjouit Dausa, "ils sont désormais en minorité".
Le gouvernement cultive discrètement des liens avec les membres les plus
modérés de la communauté cubaine en Floride. Au mois de mai, le Président
Castro effectua une visite surprise à la conférence annuelle sur
l’émigration à la Havane, où il rencontra un opposant qu’il avait mis en
prison pendant 22 ans, en tant qu’ennemi public numéro un : Eloy Gutierrez
Menoyo, 69 ans.

Menoyo, citoyen espagnol, est une légende vivante pour les exilés cubains.
Dans les années 50, il a combattu aux côtés de Fidel Castro. Après le
triomphe, Castro lui offrit un poste ministériel, mais Menoyo, déçu, refusa
l’offre : il n’aimait pas la ligne pro-soviétique que prenait le pays.

Gutièrrez Menoyo dirigea une série de révoltes contre son ancien idole, puis
finalement s’exila à Miami, où il entraînait un groupe de militants
anti-castristes connus sous le nom d’Alpha 66. Lors d’une tentative pour
renverser la révolution avec trois officiers, il fut arrêté et condamné à 30
ans de prison. En 1986, après des pressions exercées par le président
espagnol Felipe Gonzalez, Menoyo est libéré et autorisé à émigrer en
Espagne.

Dans un premier temps, Fidel Castro autorisa son ancien compagnon d’armes à 
retourner à Cuba pour visiter sa famille. La dernière visite eut lieu il y a
un an. Juste avant de retourner à Miami, il déclara à se femme étonnée : "je
vais rester ici et me battre pour une nouvelle révolution."

Depuis, Gutièrrez Menoyo reçoit des visiteurs dans le modeste appartement
dans le quartier du Vedado à la Havane. Bien qu’il soit presque aveugle, il
a toujours l’énergie d’un rebelle. Son organisation, "Cambio Cubano", lutte
pour une opposition indépendante. "Le pays est au bord d’un désastre, nous
avons besoin d’une réconciliation nationale." Après 45 ans, il reste encore
des comptes à régler. "Castro a les moyens de faire tomber la haine. Il
devrait initier une transition pacifique".

Officiellement, personne ne fait attention à Menoyo. Cependant, il garde des
contacts avec les officiels du gouvernement, et a même été reçu par Castro
il y a deux ans. Ce qui est facilité par le fait qu’il garde ses distances
avec les autres dissidents. "C’est un terrain miné. Beaucoup sont financés
par les Etats-Unis ou sont des espions des services secrets cubains".

Ce n’est un secret pour personne que Washington courtise certains opposants
à Castro. Le représentant des Etats-Unis, James Cason, a distribué des
radios pour leur permettre de recevoir les émissions de propagande US de
Radio Marti, et il les a invités pour des réunions dans sa résidence et leur
a fourni un accès à Internet. Les diplomates occidentaux admettent qu’en
faisant cela, Cason a dépassé les limites de ses privilèges diplomatiques.
"Il est fier de se mêler à la politique ici."

[ rappel de CSP : pour un compte-rendu précis des agissement de Cason à 
Cuba, il existe un livre modeste et génial qui s’intitule "Cuba est une
île", Sept. 2004, Editions le temps des Cerises - 260 pages, 18 euros ]

Les effets des coups US contre le régime commencent à se faire sentir.
L’année dernière, Castro fit arrêter 75 opposants ( Lire a ce sujet : Comdamnation de Cuba à Genève : le Honduras et l’histoire d’un terroriste notoire devenu diplomate US.NDLR ), en partie parce qu’ils
avaient été aperçus en train d’entrer et sortir de la résidence du
représentant états-unien. En réponse, l’Union Européenne gela sa
collaboration culturelle et scientifique avec la Havane.

A présent, Bruxelles espère une réconciliation. Castro connaît depuis un
certain temps un retour sur la scène diplomatique en Amérique latine. Le
président argentin Nestor Kirchner fera bientôt un voyage à Cuba, tandis que
Hugo Chavez au Venezuela fournit du pétrole à l’île. Le président brésilien
Luiz Inacio Lula da Silva veut que Cuba rejoigne l’Organisation des Etats
d’Amérique (OEA) ; Cuba avait été exclue de l’organisation en 1962 sous la
pression des Etats-Unis.

Castro peut remercier Bush et ses méthodes brutales pour cette nouvelle
solidarité des pays d’Amérique latine. Le Goliath états-unien mène une
guerre économique non-déclarée contre le régime cubain. Les cubains de Miami ne peuvent envoyer de l’argent qu’aux membres proches de la famille, et le montant de l’argent pouvant être dépensé par jour a été réduit de 150 à 50
dollars par jour. Washington piste aussi toutes les transactions financières
internationales de Cuba. Les banques étrangères qui assistent la Havane dans
les transactions financières sont fréquemment punies par des sanctions. "Ils
nous traitent comme des blanchisseurs d’argent sale ou des trafiquants de
drogue" se plaint Dausa.

De nombreux cubains craignent un retour de la crise des années 90, lorsque
l’Union Soviétique annula toutes les aides à ses anciens alliés.
L’électricité connaît des pénuries et dans certains secteurs de la Havane,
le courant est coupé pendant plusieurs heures par jour.

Pour la première fois, Washington a pris des mesures contre le tourisme, la
plus importante source de devises pour Cuba. SuperClubs, une compagnie
jamaïquain qui prévoyait d’ouvrir un certain nombre d’hôtels, fut menacé de
la fermeture de ses installations aux Etats-Unis. La compagnie a rapidement
abandonné ses plans à Cuba.

Désormais, même les compagnies européennes sont intimidées. "Tous ceux qui
investissent à Cuba peuvent s’attendre à avoir des problèmes avec les
Etats-Unis," déclare le représentant d’une société allemande à la Havane. Ce
ne sont pas des menace en l’air : cette année, Washington a imposé des
amendes à 60 sociétés pour avoir transporté des biens à Cuba.

JENS GLàœSING

Copyright 2004 The New York Times Company


Traduction "l’embargo n’existe pas, raconte Machover" par Cuba Solidarity Project



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Je définirais la mondialisation comme la liberté pour mon groupe d’investir où il veut, le temps qu’il veut, pour produire ce qu’il veut, en s’approvisionnant et en vendant où il veut, et en ayant à supporter le moins de contraintes possibles en matière de droit du travail et de conventions sociales.

P.Barnevick, ancien président de la multinationale ABB.

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