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Au grand dam de Rome, les Santeros prolifèrent avec leurs rites, leurs escargots, leurs tortues, leurs crocodiles, leurs colliers, leurs bracelets, leurs habits...

Cuba : Les paroles de la santeria pour l’année 2013.

Citons Davide Malacaria :

La santerà­a est arrivée à Cuba d’Afrique, du Nigeria précisément, avec les esclaves. Ici, cette religion, qui représentait un lien avec les racines africaines des esclaves et en même temps un espace de liberté à l’égard de la foi des esclavagistes chrétiens, a pris une forme particulière. Ne pouvant pas pratiquer leur culte publiquement, les santeros ont identifié leurs divinités avec les saints chrétiens. Ainsi Oshun, divinité des eaux et de l’amour, est devenue la Virgen de la Caridad del Cobre, patronne de Cuba, Yemayà la Virgen de la Regla, patronne de La Havane et ainsi de suite. C’est pourquoi les santeros fréquentent les églises et accomplissent des actes de dévotion comme tous les chrétiens, mais au lieu de prier le saint catholique, ils vont y adorer leur dieu.

Or, c’est à la fois plus simple mais en même temps très compliqué à comprendre pour un européen. Car ce n’est pas "au lieu" du saint catholique mais "en même temps" que les Santeros vont, non pas "adorer", mais tenter de se concilier la protection... des deux. Car plus il y a de protections mieux ça vaut ! Ou deux tours de clef valent mieux qu’un seul. Ou mieux vaut soigner un cancer par opération en même temps que par homéopathie. Ou on peut toujours faire une prière à Saint Antoine quand on a perdu ses clefs de voiture. Etc... La "patronne" de Cuba, même sous son nom catholique (son nom Yoruba étant Oshun) peut être un bon exemple de cet aspect bien matériel et concret. Il s’agit, en français, de la Vierge de la Charité, et jusque là , ça va, car on reste dans la bien-pensance abstraite, mais c’est après que ça se gâte... car il s’agit de la Vierge de la Charité du Cuivre ! Qu’est-ce qu’il vient faire là , celui-là ? Sachant que le cuivre fut une ressource très exploitée à Cuba, peut-être s’agissait-il de faire en sorte que celle-ci soit toujours abondante, ce qui était une bonne chose à la fois pour les exploiteurs et pour les exploités....

Ce qui est difficile à comprendre pour un européen qui depuis des millénaires est de culture monothéiste c’est que les religions polythéistes ne procèdent pas par exclusions des autres religions. Elles ne procèdent pas par intronisations, excommunications, schismes, conversions, références à un "vrai dieu" qui fait la guerre par humains interposés à celui de l’autre qui n’est pas le bon, etc.... Elles procèdent en s’appropriant la sagesse, les représentations divines, les paroles, d’une autre croyance et en les mêlant à la sienne pour l’enrichir et la développer. C’est ainsi que les Japonais accueillirent avec bienveillance les "missionnaires" catholiques car, pensait-ils, ils allaient apprendre d’eux de sages paroles supplémentaires qui allaient leur permettre de voir le monde avec plus de justesse. Mais quand ceux-ci leur demandèrent de "se convertir" et de "renier leur foi"... ils leur ont tourné le dos et les ont expulsés avec l’aide de l’armée.

C’est peut-être pourquoi le clergé catholique de Cuba, issu de Rome, y perd son latin, c’est le cas de le dire. En effet, depuis plusieurs siècles, il demeure persuadé que les Santeros finiront par abandonner leurs rites, leurs escargots, leurs tortues et leurs crocodiles, leurs colliers, leurs bracelets, leurs vêtements à la couleur de leur divinité protectrice pour, enfin, s’apercevoir que tout ce fatras ne vaut pas (raccourci audacieux) un bon costume-cravate bien gris - et tout ce qui va avec, allez. Or la Santeria ne fait que croître... et représente les pratiques religieuses les plus répandues dans l’île.

Depuis des siècles, le clergé de Cuba espère toujours, comme le feu espère avoir raison de l’eau...

En attendant ou l’extermination de l’eau par le feu des bombes, ou l’extinction progressive du feu car il sera entouré d’eau et n’y verra ... que du feu, en attendant - activement - ce jour, toujours est-il que les Santeros se réunissent tous les ans en décembre à l’Association Culturelle Yoruba pour recueillir des dieux les paroles qui vont accompagner l’année à venir.

Pour 2013, donc :

C’est Oko (Saint Isidore, fêté le 15 Mai) qui gouverne. Oko représente la terre et le travail agricole. Il fournit ce qui est nécessaire à la vie et représente la prospérité et la fécondité. Son messager est l’abeille.

On raconte que pendant un déluge, les hommes étaient réfugiés sur un montagne où ils avaient peu de terre à cultiver. Afin d’accéder au ciel qui n’entendait pas leurs protestations, ils eurent l’idée de construire une tour qui monte jusqu’à lui. Mais les bâtisseurs finirent par parler une langue que les autres ne comprenaient pas et la construction fut abandonnée.

Oko sema alors des graines de 7 couleurs différentes dans d’immenses sillons faits dans la montagne. Quand le dieu du ciel vit cela il fut émerveillé et fit un arc-en-ciel aux mêmes couleurs pour qu’Oko puisse monter jusqu’à lui. De leur échange il résulta que le déluge cessa et que les hommes retrouvèrent des terres à cultiver.

L’arc-en-ciel qui apparaît parfois est un souvenir de ce temps-là .

Oko est accompagné par Oshun, la séduisante "patronne" de Cuba, la catholique Vierge de la Charité du Cuivre.

Les dieux donnent aussi des sortes de proverbes auxquels il convient d’être particulièrement attentifs au cours de l’année

1. Les apparences sont trompeuses
2. La justice n’est pas de ce monde
3. Tout ce qui est représenté n’existe pas et c’est ce qui n’est pas représenté qui existe

Les recommandations pour l’année 2013 mentionnent, entre autres choses auxquelles il faut être attentifs :
 la pénurie d’aliments,
 l’envie et la trahison possibles,
 les changements familiaux, économiques et sociaux
 les changements climatiques.

Force (Ashé) à tous !

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