RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Cuba, soumission impossible

Au-delà du légitime hommage au Commandante, le peuple cubain donne une leçon de souveraineté valable pas seulement sous les tropiques...

49 ans. Fidel Castro aura dirigé Cuba pendant près d’un demi-siècle, avant de passer le flambeau à son frère Raoul en 2008. Son décès, le 25 novembre dernier, a provoqué des réactions à la mesure du rôle qu’il a joué non seulement à la tête de son pays, mais dans l’histoire du XXème siècle.

Une chronique publiée par Le Figaro rendit immédiatement hommage au « boucher de La Havane ». Quand elles viennent d’un certain côté, la rage et l’outrance valent compliments. Au demeurant, c’est d’abord au peuple cubain de juger. Lors d’un reportage diffusé par France 2 (qui ne passe pas pour un repaire de pro-castristes échevelés) sur le trajet effectué par les cendres du Commandante, une villageoise confiait, les larmes aux yeux : « j’ai confiance dans l’avenir de mon pays ». Une phrase toute simple, qu’on peine pourtant à imaginer prononcée dans un des « riches » pays occidentaux.

Même parmi les critiques les plus acerbes, beaucoup reconnaissent les remarquables résultats obtenus par exemple dans le domaine de l’éducation, ou bien de la santé (Cuba était même à la pointe de la recherche mondiale pour le traitement de certains cancers). Et si le niveau de vie n’égalait évidemment pas celui de la Norvège, il convient de rappeler le point de départ de l’île lorsque les Barbudos chassèrent la marionnette de Washington, Fulgencio Batista. La comparaison avec le malheureux voisin haïtien d’aujourd’hui, en proie à la misère la plus noire, aux épidémies ravageuses et au dénuement lié à l’absence d’Etat, est édifiante.

Certes, Cuba n’est pas sorti des difficultés auxquels le pays est depuis longtemps confronté. Et le système n’y est exempt ni d’erreurs, ni de pesanteurs paralysantes. Encore faut-il comprendre celles-ci dans le contexte du brutal embargo décrété par Washington en 1962, et dont le principe n’a été remis en cause que récemment – et encore, avec quelle timidité ! Pour la seule année 2014 par exemple, le blocus a coûté au peuple cubain la bagatelle de 116 milliards de dollars... L’Union européenne vient pour sa part de signer un accord d’association avec La Havane, après avoir, des années durant, imposé son propre système de sanctions.

Au demeurant, les dirigeants cubains n’ont pas la prétention d’ériger leur pays en modèle. Il n’est en revanche pas interdit de tirer quelques leçons « à l’ère de la mondialisation » selon l’expression consacrée. Le mantra idéologique le plus rabâché est que désormais « plus aucun pays ne peut espérer s’en sortir seul ». Et que le plus grand péril qui menace les Etats serait de sombrer dans l’isolement. La France, en particulier, n’y survivrait pas... alors que l’île des Caraïbes, quasiment sans matière première ni énergie, et dans un sous-développement absolu il y a quelques décennies encore, a eu le courage de faire face !

Cuba n’a pas choisi l’isolement. Il lui a été imposé, avec son cortège de sacrifices cruels dans la vie de tous les jours. Il lui a été imposé parce que ses dirigeants ont refusé de se soumettre à la loi de son voisin impérial. Auraient-ils souscrit à cette tutelle, la vie (d’une partie) des Cubains en aurait peut-être été (un peu) plus douce. Dans un tout autre contexte, le régime de Vichy justifiait déjà la collaboration avec l’Occupant par l’adoucissement des conditions de la défaite, et les avantages économiques que la France pourrait tirer de sa soumission.

Comparaison n’est pas raison, mais comment ne pas faire un certain parallèle avec les plaidoyers pour une « gouvernance mondiale », le libre échange, l’intégration européenne ? Pour le dire vite : pour peu que les citoyens abandonnent leur souveraineté nationale – plus poliment : la « partagent » – et les avantages de la globalisation seront notables pour les consommateurs : tablettes, tee-shirts ou vols « low cost » à prix cassés...

Ce marché, cette logique, les dirigeants cubains ne les ont pas acceptés. Au vu des millions de femmes et d’hommes qui ont tenu à saluer le passage de l’urne funéraire, ce courage était approuvé. Cela s’appelle la dignité. Cela s’appelle l’indépendance.

Les coopérations internationales sont légitimes et nécessaires. Mais pas la soumission. Il faut choisir entre la liberté de décider de son avenir et la baisse du prix des télécoms, estiment en substance les chantres de la « mondialisation heureuse » à la Alain Minc. « Patria o muerte » (la patrie ou la mort) répond comme en écho la devise nationale cubaine.

Il serait mieux d’éviter le stade ultime de cette dernière alternative. Pendant qu’il en est encore temps.

Éditorial paru dans l’édition du 20/12/16 du mensuel Ruptures
Information et abonnements : http://ruptures-presse.fr/

»» http://ruptures-presse.fr/cuba-castro-fidel-souverainete-mondialisation/
URL de cet article 31375
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Même Thème
L’écologie réelle
Guillaume SUING
Des premières aires naturelles protégées (zapovedniki) en 1918 jusqu’au plus grand plan d’agroforesterie au monde en 1948, avant que Nikita Khrouchtchev ne s’aligne sur le modèle intensif américain dans les années soixante, c’est toute une écologie soviétique qui fut jadis raillée par les premiers zélateurs occidentaux de l’agriculture « chimique ». Cette « préhistoire dogmatique », pourtant riche d’enseignements pour l’époque actuelle, est aujourd’hui totalement passée sous silence, y compris dans le (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Ceux qui croient connaître le monde à travers les médias connaissent en réalité un monde qui n’existe pas. D’où la difficulté de communiquer avec eux.

Viktor Dedaj

Analyse de la culture du mensonge et de la manipulation "à la Marie-Anne Boutoleau/Ornella Guyet" sur un site alter.
Question : Est-il possible de rédiger un article accusateur qui fait un buzz sur internet en fournissant des "sources" et des "documents" qui, une fois vérifiés, prouvent... le contraire de ce qui est affirmé ? Réponse : Oui, c’est possible. Question : Qui peut tomber dans un tel panneau ? Réponse : tout le monde - vous, par exemple. Question : Qui peut faire ça et comment font-ils ? Réponse : Marie-Anne Boutoleau, Article XI et CQFD, en comptant sur un phénomène connu : "l’inertie des (...)
93 
Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.