RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher
La politique actuelle chiffre et compte, alors que les artistes et écrivains déchiffrent et content.

Culture : lettre de Jack Ralite à François Hollande

Notre ami Serge Regourd (professeur à l’université Toulouse-I-Capitole, directeur de l’institut du droit de l’espace, des territoires et des communications) attire notre attention sur l’initiative prise par Jack Ralite, ancien ministre, qui a adressé une lettre ouverte au Président de la République pour exprimer les graves préoccupations que suscite sa politique, particulièrement dans le domaine de la culture.
Vous trouverez ce texte admirable ci-dessous.
Initialement signé par 100 personnalités (Michel Piccoli, DominiqueBlanc, Catherine Tasca, Juliette Gréco, Grand Corps Malade, Sapho, etc.), il a recueilli spontanément des centaines de signatures provenant de tous les milieux culturels. De telle sorte, que (nous dit Serge Regourd) « chaque semaine, Jack Ralite renvoie un nouveau courrier au Président assorti des nouvelles signatures ».
Vous pouvez y ajouter la vôtre par un mail à jackralite2@gmail.com

LGS


Le 3 février 2014

Monsieur le Président de la République
Palais de l’Elysée
55 rue du Faubourg Saint-Honoré
75008 Paris

Monsieur le Président,

Par nos engagements culturels, artistiques et citoyens, nous sommes fidèlement attachés à la politique culturelle française que nous entendons voir se développer selon le principe d’invention de la perpétuelle ouverture. Or, nous constatons que cette démarche après avoir marqué le pas connaît notamment par la politique budgétaire de notre pays une situation s’aggravant de jour en jour. Beaucoup de ce qui avait été construit patiemment se fissure, voire se casse et risque même de disparaître. Le patrimoine dans sa diversité, le spectacle vivant dans son pluralisme sont en danger. Faute de crédits suffisants, de personnels, de négociations, de considération et de reconnaissance du travail humain, du respect des métiers, se répandent des malaises, des souffrances, des colères. Le ministère de la culture tend à n’être plus le grand intercesseur entre les artistes et les citoyens. Il perd son pouvoir d’illuminer. Les collectivités territoriales dont le rôle est devenu immense en culture et en art voient leurs finances brutalisées et réduites par Bercy. L’Europe minore sa déjà médiocre politique culturelle alors même qu’elle négocie avec les Etats-Unis un Traité de libre échange gravissime pour la culture. Google, l’un des accapareurs des nouvelles technologies à civiliser, limite les citoyens à n’être que des consommateurs et s’installe en Irlande pour ne pas avoir à payer d’impôts en France.

Le travail est tellement livré au management et à la performance que les personnels se voient ôter leurs capacités de respiration et de symbolisation. On a l’impression que beaucoup d’hommes et de femmes des métiers artistiques sont traités comme s’ils étaient en trop dans la société.

On nous répond, c’est la crise. La crise ne rend pas la culture moins nécessaire, elle la rend au contraire plus indispensable. La culture n’est pas un luxe, dont en période de disette il faudrait se débarrasser, la culture c’est l’avenir, le redressement, l’instrument de l’émancipation. C’est aussi la meilleure antidote à tous les racismes, antisémitismes, communautarismes et autres pensées régressives sur l’homme.

Mais la politique actuelle est marquée par l’idée de « donner au capital humain un traitement économique ». Il y a une exacerbation d’une allégeance dévorante à l’argent. Elle chiffre obsessionnellement, compte autoritairement, alors que les artistes et écrivains déchiffrent et content. Ne tolérons plus que l’esprit des affaires l’emporte sur les affaires de l’esprit.

On est arrivé à l’os et 50 ans de constructions commencent à chanceler. Les êtres eux-mêmes sont frappés, le compagnonnage humain s’engourdit. L’omniprésence de « programmateurs » et « administrateurs » mettent en état de dominance les artistes. Nous craignons le risque du pire dans la demeure culturelle.

L’urgence est de stopper l’agression contre « l’irréductible humain », là où la femme, l’homme trouvent le respect d’eux-mêmes et le pouvoir de reprendre force contre tous les raidissements normatifs, les coups de pioche, le mépris, l’arrogance.

Il est temps à ce « moment brèche » d’accomplir la fonction du refus à l’étage voulu. Il y a besoin d’une nouvelle conscience alors que croît la tentation de réduire la culture à un échange : j’ai produit, tu achètes. La culture se décline au contraire sur le mode : nous nous rencontrons, nous échangeons autour de la création, nous mettons en mouvement nos sensibilités, nos imaginations, nos intelligences, nos disponibilités. C’est cela qui se trouve en danger et requiert notre mobilisation et notre appel en votre direction.

L’histoire garde un geyser de vie pour quiconque a l’oreille fine et écoute éperdument. Encore faut-il renoncer au renoncement. L’homme est plein à chaque minute de possibilités non réalisées. Nous avons tous un pouvoir d’agir à mettre en marche.

C’est avec ces idées en tête et au cœur que nous souhaitons, Monsieur le Président, vous faire part de notre vive inquiétude et vous demander de maintenir et de développer la politique culturelle.

Un budget minoré pour ce travail indispensable serait grave. Même le surplace conduirait à des agios humains et politiques, à un freinage dans la culture.

La politique culturelle ne peut marcher à la dérive des vents budgétaires comme la politique sociale d’ailleurs avec qui elle est en très fin circonvoisinage. « L’inaccompli bourdonne d’essentiel » disait René CHAR.

Nous vous prions de croire, Monsieur le Président de la République, en notre haute considération.

Jack Ralite

URL de cet article 24724
  

Même Thème
La République contre son École
Muriel FITOUSSI, Eddy KHALDI
Certains, après la sortie de « Main basse sur l’école publique », (1) n’ont pas voulu croire, au moins dans un premier temps, dans la radicalité des postulats et parti-pris idéologiques qui avaient présidé, comme nous le dénoncions alors, aux mesures initiées par Xavier Darcos. Puis la « fusée des réformes » a décollé, et les yeux de nombreux citoyens, au-delà même de la communauté éducative, ont été décillés. Les atteintes graves au service public d’éducation se sont succédées à un rythme infernal, de la (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Assange ne représente un danger pour personne, sauf pour ceux qui représentent un danger absolu pour tout le monde.

Randy Credico

Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
Appel de Paris pour Julian Assange
Julian Assange est un journaliste australien en prison. En prison pour avoir rempli sa mission de journaliste. Julian Assange a fondé WikiLeaks en 2006 pour permettre à des lanceurs d’alerte de faire fuiter des documents d’intérêt public. C’est ainsi qu’en 2010, grâce à la lanceuse d’alerte Chelsea Manning, WikiLeaks a fait œuvre de journalisme, notamment en fournissant des preuves de crimes de guerre commis par l’armée américaine en Irak et en Afghanistan. Les médias du monde entier ont utilisé ces (...)
17 
Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.