RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher

De Gaza à Haïti : une même géostratégie de déshumanisation des ‘‘autres’’

Quel lien entre Gaza et Haïti ? Quelle géostratégie invariante est au cœur de l'action des Occidentaux un peu partout dans le monde ? Que cachent les enjolivements des droits humains et les prétendus droits culturels et droits à l'autodétermination des peuples que magnifient les Nations Unies ? Quelle est la face cachée de l'ONU ? Faire surgir, par de là leurs distances géographiques et par de-là le temps historique, les liens entre ce que vivent les populations de Gaza, ce qu'ont vécu les peuples noirs d'Afrique et ce que vit la population pauvre et noire d'Haïti, tel est le but de cette modeste réflexion. Elle n'est qu'un regard analytique projeté à travers les fissures de l'histoire et du temps.

Dans un silence angoissant, l’Occident participe, activement et hâtivement, à l’extermination expéditive des Palestiniens par la mise en œuvre de la solution finale que pratiquent avec zèle, ceux-là mêmes qui, selon le récit occidental, toujours peuplé d’impostures, auraient échappé, il y a environ 75 ans, à la solution finale que leur préparaient les nazis que l’Occident, ironiquement, soutient un peu partout dans le monde depuis la seconde guerre mondiale. C’est comme il y a 5 siècles, quand il présidait à l’extermination lente des peuples noirs d’Afrique qui incarnaient ces « autres » que l’Occident ne sait pas traiter avec altérité en se donnant de la disponibilité pour respecter leur dignité et leur humanité.

C’est la même géostratégie de la déshumanisation qui est en œuvre : si hier les Noirs d’Afrique étaient ces « autres » que les lumières de l’Occident ne pouvaient distinguer humainement, aujourd’hui « le peuple des autres » englobe aussi d’autres populations mondiales, dont les Palestiniens. La seule nuance est que la barbarie recourt, selon le contexte historique, à des registres mémoriels différents : Il y a cinq siècles l’Occident déshumanisait une partie du monde pour son profit en mettant en avant la promotion de la christianisation tout en se donnant des airs de civilisation ; aujourd’hui, il le fait en mettant en avant la lutte contre le terrorisme, en se donnant des airs humanistes. Il y a cinq siècles, la barbarie agissait masquée sous couverture évangélique ; aujourd’hui, elle s’est enjolivée et agit sous couverture académico-médiatique. Le barbare occidental n’est plus un conquistador extrait des prisons européennes et qu’on envoie christianiser l’Amérique et l’Afrique, il est un malfrat humain anobli en universitaire, lettré, scientifique net en éditorialiste qui fait le tour des médias pour abrutir l’humanité et continuer l’œuvre exterminatrice des « autres ».

C’est là une donnée invariante qui tend à prouver l’insignifiance manifeste de ceux qui ont cru et continuent de croire dans les valeurs occidentales. De la culture au rayonnement académique, de la démocratie aux droits humains, de sa lutte pour sauver la planète à son œuvre de développement pour les pays du Sud, tout est à double standard. Justice, en contre haut, pour une minorité ayant la bonne couleur de peau et la bonne culture, déshumanisation, en contre bas, pour les « autres ». Ce rapport à l’autre est justement la faille qui déséquilibre tout l’édifice civilisationnel de l’Occident. C’est du moins ce qu’une lecture recoupée de l’œuvre de Tzvetan Todorov (1) nous apprend. En effet, en sortant de ces lectures mentionnées, on peut postuler qu’l n’est de civilisation que par la capacité de ceux qui sont puissants et cultivés à intégrer dans leur disponibilité pour la vertu les autres qui sont différents et à travers lesquels l’altérité résonne dans ses multiples diversités pour compléter l’unité du monde et faire vibrer l’humanité dans une commune de dignité de vivre ensemble. De ce point de vue, la civilisation renvoie à la métaphore du poète iranien Rûmî qui voit le monde à travers les fissures d’un miroir brisé dont chacun détient un fragment qui ne saurait refléter l’harmonie sans celui des autres.

Pour contextualiser l’invariance de cette improbable capacité de l’Occident et de ses relais à traiter l’autre avec humanité, nous allons mettre à contribution le récent rapport du Conseil de Sécurité sur le financement des gangs en Haïti. Et dans cette analyse recoupée, qui dérangera beaucoup de monde, nous ferons ressortir deux des motifs les plus prégnants de cette géostratégie de la déshumanisation : l’insignifiance du réseau académico-médiatique qu’elle mobilise comme étouffoir communicant et le double standard des valeurs qu’elle promeut en écho-système d’impostures.

L’imposture à l’œuvre en Haïti

Le 20 octobre dernier, le monde s’était mis en célébration statistique pour magnifier les données comme base probante de gouvernance intelligente et transparente. Gouvernance improbable, même dans les pays les plus démocratiquement avancés, comme l’a révélé la crise sanitaire de 2019, et comme le révèlent un peu plus les multiples manifestations totalitaires dans le monde qui consacrent la régression des droits des peuples. Et, malgré ses haillons “ shitholiques ” en matière de gouvernance responsable et transparente, notamment par ses statistiques calamiteuses comme championne de la corruption et haut lieu de gangstérisme managérial (selon le dernier rapport du Conseil de Sécurité de l’ONU sur le financement des gangs (2)), Haïti, par la voix habituelle de ses réseaux de statisticiens, d’économistes, d’évaluateurs et d’experts en gouvernance de données, s’était mise timidement de la célébration.

Dans leur alcôve et leur espace d‘entre soi, ces acteurs institutionnels et organisationnels se sont donné la voix pour aborder les thèmes récurrents et rébarbatifs sur les données, la bonne gouvernance, les investissements, le tourisme, la transparence, et tutti quanti.

Pourtant, c’était une bonne occasion pour tester la disponibilité de ces acteurs métiers pour construire du sens autour de leurs activités et se soumettre à une évaluation en profondeur. Pour cause, 24 heures auparavant, l’ONU publiait un rapport (3) de 158 pages, lequel est truffé de données qui impliquent de larges secteurs de l’économie haïtienne dans des activités essentiellement criminelles sous couverture d’entreprises d’affaires. C’était que dis-je, une riche opportunité d’évaluation qui s’offrait aux acteurs métiers de la statistique pour déceler qui auraient le courage éthique d’intégrer ces données dans le bilan du processus décisionnel haïtien, pour promouvoir une autre orientation pour la gouvernance publique et privée haïtienne, si longtemps défaillante. Tous ceux qui sont au cœur des activités décisionnelles (cartographie des processus, informatique décisionnelle, modélisation critique), savent que le statisticien éthiquement compétent vit dans la culture que la statistique repose sur un écosystème gigantesque de données produit par les activités humaines, et qu’il aurait tort de se concentrer sur les indicateurs. Car comme le disait Alain Desrosières, « la culture des indicateurs induit des effets pervers : les acteurs se focalisent sur l’indicateur et non sur l’action elle-même » (4), pourtant génératrice de sens. Ainsi, ils oublient que si les activités humaines sont médiocres, les données statistiques ne seront que des médiocrités mises en forme. C’est ce que dit la loi GIGO de Burns appliquée à l’informatique : Garbage In, garbage out (GIGO). Sur le domaine statistique, cette loi devient : Modèle d’Affaires corrompu, Statistiques corrompues. Tout un cycle de corruption que le statisticien compétent doit s’efforcer de détecter pour permettre de le remplacer par un cycle d’innovation. Sauf, s’il se prête au jeu d’anoblissement qui consiste à occulter les données d’activités essentielles pour se concentrer sur le superficiel (la mise en forme statistique).

Repenser l’évaluation

Donc, en préjugeant que les acteurs nationaux et internationaux, qui célèbrent à longueur de journée la valeur des données et des statistiques dans les médias, en Haïti, avaient une once d’éthique pour procéder à une évaluation de leur métier dans un pays totalement effondré, nous nous attendions à ce que le rapport du Conseil de Sécurité sur le financement des gangs ouvre la voie à une introspection socioprofessionnelle pour susciter un désir d’auditer les processus organisationnels qui président à l’errance de la gouvernance stratégique du pays. Mais tant d’espérance sur un changement de comportement revient à oublier que le matériau humain indispensable pour évaluer et performer avec intelligence manque cruellement à Haïti. Car, étant un écosystème asservi, c’est-à-dire humainement contraint pour retransmettre les échos-systèmes des valeurs de double standard de l’Occident, la statistique ne peut rester qu’un outil d’anoblissement de la routine invariante qui se structure par l’improvisation et la corruption.

C’est un enseignement qui permet de comprendre que les projets de la gouvernance publique et privée ne sont jamais évalués rigoureusement et intelligemment en Haïti. Car, l’évaluation doit toujours induire un apprentissage (souvent douloureux) pour induire un changement de comportement véritable et faire jaillir l’innovation comme nouveaux processus de gouvernance et nouvelles méthodes d’agir. Si on s’en tient aux mêmes méthodes, aux mêmes processus, c’est parce qu’il n’y a pas de changement de comportement. Et l’absence de changement de comportement traduit une défaillance du système de mesure. En effet, selon Dean R. Spitzer (5), c’est le système de mesure qui régule le comportement. Si Haïti continue de célébrer les mêmes impostures économiques qui ont conduit le pays à cette impasse agonisante, c’est qu’il y a un vrai problème de défaillance avec les mesures statistiques. Et c’est pour cela qu’il est prioritaire de transformer la mesure de la performance en repensant la façon dont le pays mesure et pilote le succès de ses organisations. C’est ce que laissaient retentir les économistes Stiglitz, Sen et Fitoussi dans leur livre Vers de nouveaux systèmes de mesure : « nous ne changerons pas nos comportements si nous ne changeons pas la mesure de nos performances » (6).

Croissance rythmée de la criminalité au profit des gangs et des banques

Hélas, à ce jour, dans les milieux des acteurs métiers de la gouvernance des données et de la statistique en Haïti, personne, n’a encore le courage de questionner le modèle d’affaires des entreprises privées et des institutions publiques au regard des données de ce rapport. Personne dans les agences internationales de renforcement institutionnel qui ont conçu, financé, évalué et validé les projets et les activités qui ont conduit Haiti dans ce labyrinthe gangstérisé n’a encore questionné le modèle d’affaires de l’Assistance internationale.

Pourtant, dans la plus grande imposture, ils continuent de parler d’indicateurs statistiques d’investissement et de croissance. Mais quelle croissance peut-il y avoir dans un modèle d’affaires en symbiose avec les gangs ? Qui viendra investir dans milieu totalement défaillant, sinon ceux qui sont les promoteurs de la criminalité ? Qu’est-ce qu’on peut renforcer quand tout repose sur des fondements d’imposture ? Et c’est justement pour confirmer que la criminalité et le modèle d’affaires des institutions haïtiennes suivent une même croissance que nous évoquons le récent rapport partiel du Conseil de Sécurité des Nations Unies sur le financement des gangs en Haïti.

Des données statistiques contextuelles montrent que le taux de manipulation du dollar a suivi la tendance vertigineuse des cas de kidnapping. Cela aurait pu être une corrélation fortuite, venant du fait que les demandes de rançons se font pour la plupart en dollars, entre 7 000 à 500 000 dollars pour des étrangers, selon le rapport (page 22), et qu’il y avait une forte demande pour les dollars. Mais en recoupant ces données avec le rapport, la coïncidence s’estompe et laisse la place à l’indigence. Car ce rapport (page 11) révèle que « La crise haïtienne influe également sur l’activité criminelle transnationale, la demande et la circulation d’armes à feu illicites en Haïti alimentant le trafic dans la région ». Et pour cause, car, selon ce rapport (page 24) une arme qui coûte entre 100 et 300 dollars aux USA se vend entre 5 000 et 8 000 dollars en Haiti. Il y a donc un lien fort entre criminalité, trafic d’armes et vente de devises. Et, il faut être statistiquement incompétent pour ne pas voir, au-delà de la corrélation forte, la dépendance entre croissance de la criminalité et croissance du taux du dollar.

En ce sens, le rapport lève le voile, pour tout dire, assez mince qui recouvrait l’indigence de la société haïtienne. Une indigence que certains postulent depuis plus de 15 ans déjà, car la preuve leur était faite que, dans ses diverses structurations et fractions opposées, toute la société haïtienne reste alignée sur un seul modèle de réussite : accepter d’être anobli par la géostratégie internationale pour devenir un couillon assumé et ainsi apporter aux crapules accréditées les adjuvants de cécité, d’opacité, de surdité et de complicité dont elles ont besoin pour faire triompher la corruption et la criminalité. Ceux qui, à leurs risques et périls, ont dénoncé cette indigence ont été mis au banc des aigris et des frustrés. Et comme la nature conspire toujours pour apporter, à ceux et celles qui suivent son enseignement, la preuve de leur raisonnance, les données du rapport de l’ONU sur le financement des gangs en Haïti apparaissent comme une brèche dans le temps indigent qui offre à l’intelligence contextuelle sa revanche sur l’insignifiance anoblie. Alors que les statisticiens, les banquiers et les économistes de service plébiscitent les données comme base probante de la bonne gouvernance et de la transparence pour promouvoir de nouveaux investissements, par une mordante ironie statistique, le rapport de l’ONU sur les gangs fournit un ensemble de données qui tendent à prouver la nature mafieuse et criminelle du contexte économique haïtien. Selon ce rapport (page 23), nous apprenons que l’avènement de Joseph Michel Martelly au pouvoir a coïncidé avec l’arrivée de nouveaux acteurs économiques qui ont pris possession des ports du pays à 80%. Et curieusement, c’est par des voies maritimes comme des marchandises légales qu’arrivent toutes les armes détenues par les gangs.

Qui ne se souvient pas de l’appel “ Haiti is open for business ” ? C’était le cri de ralliement pour ouvrir le pays sur les affaires criminelles. Appel qui a été chaleureusement célébré par les éditorialistes, les économistes, les statisticiens de service, qui y voyaient le début d’une ère de progrès pour Haïti. Douze ans plus tard, toutes les structures économiques du pays sont effondrées, et sur les ruines fumantes des impostures démocratiques et statistiques, émerge la criminalité triomphante.

Parallèlement, durant cette période, seules les banques ont accusé une santé florissante, qui, étonnamment, a été célébrée par de nombreux analystes : Patrick Saint Pré (7) ; Dieudonné Joachim (8) ; Jean Saint-Vil (9). Alors même que cette santé financière semblait aller à l’encontre de la cohésion sociale. Mais, insignifiants de nature, certains publicistes allaient même jusqu’à dire que c’était le génie managérial des bâtisseurs de fortune et l’innovation des processus bancaires, sous l’impulsion des technologies de la finance, qui expliquaient la réussite des banques, alors même que tout le pays était en faillite. Une once d’intelligence critique eut suffi pour demander, mais si tout le pays est en faillite, si toutes les activités sont effondrées et que seule la criminalité nationale et transnationale prospère, quels clients et quel portefeuille d’affaires assurent la réussite financière des banques ? Une once d’intelligence statistique eut suffi pour prouver qu’il y avait une synchronisation dans le rythme de croissance des activités criminelles et des activités bancaires, faisant rimer dans la mémoire collective Gangs et Banques.

Et de fait, sur les listes des sanctions internationales contre les activités criminelles en Haïti, figurent de prestigieux noms de PDG de banques commerciales privées. Le drame, c’est qu’au regard des sanctions, on s’attendait à ce que ces analystes se mettent en retrait, fassent leur aveu d’errance pour se projeter dans une repentance sincère, au contraire, ils continuent de nourrir le pays par leur enfumage, allant même à commenter les sanctions. Ce rapport contient des données qu’aucun publiciste, éditorialiste, statisticien, économiste de service n’osera commenter, car ils sont tous dépendants des milieux d’affaires épinglés. Et nous en sommes sortis raffermis et convaincus que notre insolence et notre défiance envers les réseaux haïtiens, qui vivent dans l’illusion de la réussite économique, académique, culturelle et politique, ont été des ferments d’intelligence et des gradients de dignité.

En recoupant les « données prépondérantes » de ce rapport sur la criminalité à l’aune des analyses fumeuses produites par les statisticiens, les analystes, les éditorialistes, les économistes et les tout-o-logues publicistes haïtiens, nous déduisons leur médiocrité analytique et/ou éthique. Car, ils ont été, durant ces 30 dernières années, les chantres et les apologistes du secteur privé haïtien, allant même à leur décerner des titres de visionnaires, de modèles inspirants de réussite économique. Or, dans ce rapport, nous découvrons d’étonnants paradoxes : toute l’économie haïtienne n’est que malversations et détournement de fonds publics (page 12), fraude fiscale (page 13), liaisons malsaines entre gangs, hommes politiques et élites économiques (page 13), trafic de drogue (page 29), traite de personnes et trafic de migrants (page 31). Le paradoxe est que ces élites économiques sont les mêmes qui nomment toujours leurs représentants, venant toujours des associations de médias, pour présider le conseil électoral provisoire. Comble de paradoxes, de grands instituts de sondages statistiques nationaux, dirigés par de brillants universitaires, publient toujours des statistiques pour brider l’intelligence collective et confirmer la tendance de succès du candidat qui représente la continuité des affaires mafieuses. Alors qu’il n’y a jamais d’études pour structurer le système de gouvernance de la justice, chaque année de juteux fonds soutiennent les activités de la finance. Chaque période électorale donne lieu à de multiples études statistiques commanditées pour vendre à l’opinion le succès du candidat de la finance, jamais il n’y a de fonds pour diagnostiquer les failles des processus organisationnels du pays, processus pourtant séculairement défaillants.

L’ONU, la saltimbanque dont il faut apprendre à se passer

Preuve s’il en fallait que le fumier de l’insignifiance haïtienne reste multidimensionnellement foisonnant, et qu’il faudra des assauts nourris et répétés d’intelligence pour désenfumer le pays. Mais par-delà ce réseau foisonnant de fumier au niveau local, on ne saurait lire intelligemment ce rapport sans questionner la complicité de l’ONU et de ses multiples agences dans le succès de la gangstérisation d’État qui a shitholisé Haïti. En effet, dans le rapport de l’ONU, aux pages 20 et 21, nous lisons : « Michel Martelly, qui a été président de 2011 à 2016, s’est servi des gangs pour étendre son influence dans les quartiers afin de faire avancer son agenda politique, contribuant ainsi à un héritage d’insécurité dont les effets se font encore sentir aujourd’hui. Le Groupe d’experts a reçu des informations selon lesquelles, pendant son mandat, M. Martelly a financé plusieurs gangs [...] ».

Le paradoxe est qu’à la fin de son mandat, soit le 23 mai 2017, l’ex-président Michel Martelly a été ovationné dans les tribunes de l’ONU, après avoir « partagé sa vision du rôle des partenariats publics-privés en Haïti, dans la Caraïbe et à travers le monde, dans la poursuite des objectifs du développement durable » (10). En 2013 et 2017, c’est le PNUD, agence phare de l’ONU, qui accompagnait le pouvoir, que l’ONU vient de dénigrer, comme criminel, dans son rapport, dans l’élaboration de son plan stratégique pour transformer Haïti en un pays indigent, pardon, émergent (11), (12). Comment oublier qu’alors que les gangs terrassaient la population, l’ONU avait refusé de voter un embargo (13) sur les armes, car les États-Unis s’y opposaient. Et pour cause, car la criminalité, c’est leur business, et Haïti, c’est leur poubelle.

Voilà le double standard : l’ONU promeut une Haïti émergente, mais Haïti est en phase imminente d’émergence vers l’indigence. Aussi, il émerge de plus en plus la certitude que L’ONU n’est qu’une saltimbanque au service de la géostratégie de la déshumanisation dont Haïti doit impérativement apprendre à se passer pour se régénérer humainement. Comme Haïti, Gaza apprend dans sa solitude que nulle humanité digne ne peut compter sur les foyers mondiaux de la déshumanisation. Gaza doit aussi savoir, comme Haïti, que les mêmes foyers internationaux qui l’abandonnent dans son agonie seront les premiers à demander de l’aide en son nom. Aide qu’ils utiliseront pour s’enrichir un peu plus aux dépends de ces mêmes autres qu’ils refusent de traiter avec humanité et dignité. En ce sens Gaza et Haïti ont des victimes d’une même géostratégie de déshumanisation.

Notes Bibliographiques

1. Tzvetan Todorov : 1) La vie commune. Essai d’anthropologie générale, 1995, Seuil ; 2) La conquête de l’Amérique. La question de l’autre,1982, Seuil ; 3) Nous et les autres, 1989, Seuil ; 4) La peur des barbares : au-delà du choc des civilisations, 2011, Robert Laffont.
2. Conseil de Sécurité Nations Unies, Rapport S/2023/674 Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 2653 (2022) concernant Haïti
3. Ibid.
4. Alain Desrosières, Prouver et gouverner, 2014, La Découverte, p.34.
5. Dean R. Spitzer, Transforming Performance Measurement : Rethinking the Way We Measure and Drive Organizational Success, 2007,
6. Joseph Stiglitz, Amartya Sen, Jean-Paul Fitoussi, Vers de nouveaux systèmes de mesure, 2009, Odile Jacob, p.8.
7. https://lenouvelliste.com/article/182252/le-systeme-bancaire-haitien-en-bonne-sante-malgre-un-affaiblissement-de-la-dollarisation
8. https://lenouvelliste.com/article/186239/haiti-systeme-bancaire-en-sante-economie-anemiee
9. https://www.lenational.org/post_article.php?eco=163
10. https://lenouvelliste.com/article/171383/martelly-aux-nations-unies-pour-parler-des-partenariats-publics-prives-en-haiti
11. https://issuu.com/pnudhaiti
12. https://haiti.un.org/fr/947-l%E2%80%99onu-soutien-ha%C3%AFti-pour-devenir-un-pays-%C3%A9mergent-d%E2%80%99ici-2030
13. https://www.la-croix.com/Monde/Haiti-lONU-renonce-embargo-armes-destination-gangs-2022-07-16-1201225166

URL de cet article 39044
   
La face cachée de Reporters sans frontières - de la CIA aux faucons du Pentagone.
Maxime VIVAS
Des années de travail et d’investigations (menées ici et sur le continent américain) portant sur 5 ans de fonctionnement de RSF (2002 à novembre 2007) et le livre est là . Le 6 avril 2006, parce que j’avais, au détour d’une phrase, évoqué ses sources de financements US, RSF m’avait menacé dans le journal Métro : " Reporters sans frontières se réserve le droit de poursuivre Maxime Vivas en justice". Au nom de la liberté d’expression ? m’étonné-je. Quoi qu’il en soit, j’offre aujourd’hui (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

Même les morts ne peuvent reposer en paix dans un pays opprimé.

Fidel Castro

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.