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De la démystification des Frères

Les Frères musulmans égyptiens auront-ils autant de mal à percevoir leur défaite que les Américains à reconnaître la fin de leur leadership solitaire sur le monde ?

Le discernement théorique est, en temps politique normal, rarement une qualité des acteurs politiques, pour des raisons de formation et d’alignements idéologiques, mais surtout pour les raisons connues d’opacité des ressorts réels, mais inconscients, de nos choix et de nos actes. En période de mutation historique aussi profonde que traverse l’Egypte, ce discernement devient quasi impossible. Pour cette raison, les Frères, au lieu de comprendre la réalité des énergies qui pousse sur le champ de la confrontation politique des masses longtemps tenues à tort comme fatalistes et accommodantes, vont alimenter en carburants divers le feu qui a pris sous Moubarak, mais n’a pas encore tout à fait incendié le pays.

Quelles que soient les évolutions à court terme du rapport des forces et des arrangements entre Morsi et l’armée, ou entre la direction du mouvement et les puissances de l’argent indigène ou du Golfe, les Frères ont perdu la guerre sur le terrain choisi par eux : la rédemption d’un monde anomique et l’instauration d’un ordre prescrit pour l’ordonnance de notre monde.

Avant d’être élus par les citoyens et de porter leurs voix et leurs vœux, ils avaient déjà averti qu’ils portaient la voix et les vœux de cet ordre religieux et que les élections ne servaient pas à les choisir, mais à s’inscrire dans la voie de Dieu. Ce type de démarche ne peut réussir que s’il tétanise la grande masse des populations concernées devant l’immensité de l’enjeu d’obéir ou de désobéir à Dieu, ou s’il les oblige à l’obéissance par le moyen de l’épée. Hors ces deux moyens, l’entreprise est vouée à l’échec immédiat, et l’épée ne peut subjuguer les peuples très longtemps, l’hypnose non plus. L’opposition résolue, déterminée, du peuple égyptien fait ressortir au moins un élément essentiel parmi d’autres enseignements passionnants.

L’impression d’une hégémonie des Frères sur la société égyptienne relevait largement du mythe. Il apparaît, au contraire, qu’ils sont loin d’être dominants, en dépit de l’élection sur le fil de leurs députés et de Morsi. Pis, à aucun moment ils n’ont réussi à « activer » cette rue réputée être à leur dévotion pour peser sur ses « choix » quand ils ont rejoint, contraints et forcés, le mouvement de protestation pour ne pas se retrouver à la marge d’un phénomène dont toutes les apparences et le caractère identifiaient comme une révolution.

Les réunions secrètes et répétées des responsables des Frères avec les Américains laissent penser à un marchandage pour un soutien U.S. (auprès de l’armée) à leur prise de pouvoir, en contrepartie d’un alignement sans réserve sur des Frères sur les positions américaines.

Très vite, l’exfiltration d’activistes américains condamnés par un tribunal égyptien, le maintien de Ghaza sous blocus (allégé, mais blocus quand même), la destruction ou la lutte contre les tunnels autour de Rafah, le respect religieux de Camp David, l’alignement sur le camp des agresseurs de la Syrie, confirment cette hypothèse d’un accord américano-frèriste : les Frères avaient bien pour mission d’ancrer l’Egypte dans le camp du capitalisme, en rajoutant au travail antérieur de Moubarak la « persuasion religieuse » qui ferait aux yeux des masses égyptiennes la similitude de l’ordre divin avec l’ordre du capitalisme.

L’intimité du nouveau pouvoir égyptien avec les monarchies du Golfe ne laisse plus aucun doute sur les mutations profondes qui ont mené les interprétations wahhabite, salafiste et frèriste de l’islam à une rupture d’avec l’islam de la compassion, de la solidarité, de la justice, de l’échange et de la recherche de Dieu dans la diversité de ses créations et de ceux qui le quêtent.

Si l’ordre capitaliste occidental n’a pu s’imposer dans la tête des masses arabes à partir de ses catégories mentales particulières bombardées « universelles », il restait cette chance de nous faire entrer dans l’uniformité du capitalisme en mobilisant nos catégories religieuses particulières présentées comme « solution universelle » : « L’Islam est la solution. » Il faut noter que les interprétations wahhabites ou péri-wahhabites ont mis plus de deux siècles pour s’imposer, grâce aux pétrodollars, comme idéologies de masse compatibles avec le capitalisme.

Cela fait autant de siècles que le peuple égyptien cherche des élites, des représentations et des voies pour combattre la domination franco-anglaise puis américano-sioniste. Quand les paysans égyptiens menaient la guérilla dans le Delta du Nil contre les troupes de Napoléon, les wahhabites s’alliaient avec les Anglais pour se tailler un empire sectaire dans le corps malade de l’Empire ottoman, et quand les officiers libres se préparaient en Egypte, les Saoudiens se livraient aux Américains par l’Accord dit du « Quincy ». C’est cela que joue en Egypte ce peuple admirable, et les Frères comprendront bientôt qu’ils ont déjà perdu la bataille idéologique.

Le reste suivra.

Mohamed Bouhamidi

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