Il me semble que B. Gensane exagère le caractère de "distinction" du français, lors de sa diffusion au détriment de l’emploi du latin dans les textes officiels.
Le latin était jusque-là la langue du Pouvoir (Droit, Église).
L’ouvrage de Du Bellay, "Deffence et illustration", a une vocation populaire et émancipatrice, de même que la langue des écrivains de la Renaissance : cela ne les empêche pas de redécouvrir en même temps la vraie valeur novatrice et subversive des textes grecs et latins anciens, et de vouloir en transmettre la "substantifique moelle".
Au siècle suivant, Descartes écrit le Discours de la méthode en français, parce que "le bon sens est la chose du monde la mieux partagée" (contrairement à la la richesse !)
Et La Bruyère écrit :
« L’on voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles répandus par la campagne, noirs, livides et tout brûlés du soleil, attachés à la terre qu’ils fouillent et qu’ils remuent avec une opiniâtreté invincible ; ils ont comme une voix articulée, et quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine, et en effet ils sont des hommes ; ils se retirent la nuit dans des tanières où ils vivent de pain noir, d’eau et de racine : ils épargnent aux autres hommes la peine de semer, de labourer et de recueillir pour vivre, et méritent ainsi de ne pas manquer de ce pain qu’ils ont semé. »
Je conclus avec la constatation de B. Gensane :
on emploie de plus en plus « alors que », « afin que ». A l’écrit naturellement, dans un pays qui compte au moins 90% d’illettrés.
Ceci explique cela : ce n’est pas l’effort des lettrés pour promouvoir la langue française qui est "élitiste" : c’est LA MISÈRE NOIRE à laquelle le peuple est condamné ; et c’est la conception régnante, monarchique, théologique et hiérarchique de l’enseignement, - ne serait-ce que primaire ("Qui parle d’offenser grand’mère ni grand-père ?") - , qui semble naturellement se justifier par cet état de fait : la question est sociale avant d’être linguistique.