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Du point de rencontre à point de rencontre

Samedi matin, 9 heures, quelque part en France, dans un coin excentré de la grande ville. Que ce soit jour de fête ou non, des femmes et des hommes préparent les lieux pour accueillir d’autres femmes et hommes que la justice, parente pauvre d’une société trop riche, a condamné, faute de temps d’écoute, faute de moyens de conciliation à ne voir leurs enfants qu’en pointillé.

Histoires de famille obscures, violence, colère, confrontation culturelle, dysfonctionnements que ne peuvent démêler les speed dating judiciaires finissent là, dans une banlieue morne et coite. Il n’est pas encore 10 heures et, dans l’espace clos, vieux vélos et ballons dégonflés sont encore les seuls à régner sur le bitume sombre qui servira aux jeux et aux drames. Premiers cafés, mises au point, discussions et ouverture des locaux avant que n’arrivent les premiers parents, ceux qui viennent de loin, en bus en train, en stop, ceux qui ont dormi dans un hôtel à 10 balles, parfois dehors, ces mères et ces pères que l’argent fuit et que rattrape l’aumône sociale, ceux que la justice estiment incapable de s’occuper de leurs progénitures. Le ventre repu du monstre marchandise ne régurgite que mépris.

Premiers regards timides et tristes où flottent les cendres du désespoir, celles de la séparation de cette peur de l’échec ultime de n’être plus digne d’être parent, celle de perdre le fil tenu de l’amour, loin des yeux loin du cœur. Errance momentanée dans cette solitude personnelle qui ressemble tant à la dépression, repli sur soi et regards furtifs vers ces autres soi dont on se demande ce qui les a conduit à partager ce purgatoire. Décisions par autorité, nœuds gordiens tranchés à l’emporte-pièce..., Va savoir, ici, une omerta sordide règne, les premières fois du moins. Si l’on a encore un peu d’espoir et que, malgré ce poids qui vous lie, on accepte de voir en ces autres des presque amis, enchaînes à l’obscure galère de la loi, le temps passe presque normalement.

10 heures, première fournée. Hésitants, trébuchants, regimbant ou joyeux, ces petites parts de nous même que la justice a laissé à l’autre ou aux services sociaux arrivent.

Premiers émois, premiers drames, premiers rires. Le cœur se serre et se desserre aux rythmes des larmes que l’on retient, de ce qui est dit ou sous entendu. Les sourires et les larmes débordent des visages d’enfants quand les adultes, eux, souvent fermés à double tour, essayent étouffer leur rancœur et leur amertume pour que le lien fragile qui se retisse puisse équilibrer ce moment si court, volé à la bêtise sociale. Comment en sont ils arrivés là ? Qui peut répondre à cette peine qui s’est installée ? Ces filles et ces fils qui fuient leurs mères, leurs pères, leurs grands parents ne comprenant l’obscurité du vide qui s’est assise entre les adultes qui les aiment ? Alors, malgré eux, celui qui est là est celui qui porte toutes les charges et, celui qui est là, sans cesse, rejoue le drame de sa colère. Paroles dures, cris, colère, insultes, ce n’est pas toujours celui qui attend, là, le plus vindicatif.

Et, entre ces deux pierres perdues d’où giclent les étincelles, les intervenants volent au secours des enfants, les rassurent, leurs parlent, servent d’arbitres aux tensions permanentes de la journée, avec dans les yeux, une patience et un calme qui déconnecte presque toutes les velléités de violence....Presque toutes, car les cris qui se gravent sur les murs, dans le vent et les grilles du lieu d’accueil empreintent tous ceux qui sont présents. Quand les cris deviennent si forts que tous s’agitent : enfants inquiets, pères qui s’interrogent, mères qui s’affolent, où sont ceux qui, chichement, accordent, du bout leurs doigts trop propres, des subsides à peine suffisants pour faire fonctionner ces lieux de rencontre ?

Où sont ils, d’ailleurs ? Car, à n’en pas douter, la crème du département n’a pas sa place ici, même si... Même si être maire n’empêche pas de faire vivre l’enfer à sa compagne, même si, même si le fait de siéger au conseil départemental ne protège pas leurs enfants des coups, des colères, de la haine ou de l’hypocrisie. Où sont tous ces riches bourgeois du Vaucluse, de l’Aude, d’Île de France, de Gironde qui s’imposent en décideurs des destins de ces pauvres égarés qu’on trouve ici... si souvent ? N’y a-t-il pas, en ces milieux, de faits si graves qu’un juge imposa, à l’un ou l’autre, sa mise à l’écart du noyau familial ? Leur hégémonie en fait-elle des exceptions morales ? Si c’est le cas, que ne nous font-ils partager leurs sagesses que nous pussions, à notre tour, vivre, même pauvres, dans l’harmonieuse entente que sous entend cette étrange absence car, de fait, signifiant la vilenie du peuple, l’absence du corps bourgeois au milieu du fretin donne du sens à une réalité gluante et insidieuse : la justice est un véhicule à plusieurs vitesses qui suit plusieurs directions à la fois et qui se déleste des problèmes qu’elle suscite, comme paravent de la lâcheté des pouvoirs, sur des associations que les départements les régions et l’état affame, petit à petit, jusqu’à ce que, faute de subsides et de lieux ouverts pour les recevoir, ces femmes et ces hommes, tacherons obscurs de la paix sociale, finissent par baisser les bras, non par manque de courage mais pour cause de respect.

Pas celui que, nous les échoués, leurs témoignons, sûrement mal mais sincèrement mais celui que ceux là, ivres de gloriole, leur manquent.

Quand les cris se sont tus, que, doucement, sont revenus à de meilleurs moments les instantanés qui serviront, pour une semaine, 15 jours ou un mois, de succédané à l’amour, la vie s’organise autour des tables dans la cour ou vers l’extérieur suivant ce que le juge a décidé. Deux boites de jeux délabrées, des crayons de couleur sans mine, des vélos déglingués, pour beaucoup, l’ambiance est presque la même qu’à la maison la télé en moins.... Il y a les parents qui rient, qui courent et s’amusent avec leurs mômes, profitant, après tout, de cette miette comme d’un festin... Et il a ceux qui, incapables de communiquer, se replient dans un coin, les yeux coincés dans leurs portables,laissant leurs petits s’emmerder grave, malgré les cadeaux, ces noël de chaque mois, ces trop de trop et de pas assez, ces larmes, ces mots hachés, ces crises qui partent pour un non, ces si maladroits mais pleins de bonne volonté, ces gens qui sont traînés par la vie comme un chien au mois d’Août, les yeux vides de joie, le regard fait de crainte, celle qui a subi au même lieu que celui qui a violenté...

Pas de micro onde, pas de coin cuisine, rien d’autre qu’un lieu sans vie aux cent vies qui, Lundi, redeviendra un centre de loisir, une annexe de la mairie ou un de ces espaces inutiles et inutilisés comme en hébergent tant les municipalités ou les régions.

C’est clair que construire un centre de restructuration économique à destination des start-up de l’industrie du virtuel ça a une autre gueule que de libérer de la place pour toutes ces associations qui servent de lubrifiant au bon fonctionnement judiciaire.

Les Points Rencontres, Vict’aid, SOS violence vivent presque honteusement de la mendicité sans que ceux qui les portent ne perdent ni foi ni courage dans ce qu’ils apportent et donnent à ces nous qui ramons dans des galères parfois névrotiques. Monde aberrant où, si souvent, l’apparence est l’arme ultime du dialogue judiciaire, où il faut souvent moins de 15 minutes parfois résumer dix ans de vie, de heurts, de petitesse mais aussi d’amour et où, malgré les savoirs des sciences dites humaines, nous sommes à la traîne et régressons plus encore qu’il n’est permis quand on n’évolue plus.

Car, au delà de tous mystères, dans ce monde où l’argent remplace la foi, non celle obsessionnelle mais celle de l’élégance des âmes, il n’est d’autres rôles humains que de celui de l’apaisement des tensions pour que toutes les progénitures puissent vivre décemment dans un monde propre et ce rôle là n’est sûrement pas tenu pas des juges et des avocats surchargés d’affaires toutes individuelles mais qu’ils finissent par traiter à la chaîne. Ce rôle n’est sûrement pas tenu par les élus qui, certains n’ayant aucune vertu sociale, bottent en touche, se défaussant sur l’administration qui elle...

Éternel dilemme de la responsabilité de l’autre qui cesse de l’être quand il s’agit de signer un permis de construire un peu litigieux ou d’avantager le cousin par alliance. Quand, le samedi, la dame qui remplit le cahier de présence sourie à Fatima, encourage Dylan et lit le jugement de la mère illettrée, les grands économistes vertueux et fascistes de la société technoscientifique s’irritent de ces excès de dépenses inutiles : "Ils n’ont qu’à voir leurs enfants sur Skype ou Facebook"... Les yzontka, c’est nous, les trimards chômeurs exclus des fèces correctifs structuraux de la nouvelle économie mondiale virtuellement unifiée, et nos enfants.

« Imagerie d’Épinal.. » Bien sur, flatulence putride à l’intellect aussi foireux qu’une branlette de manchot empereur, la seule imagerie que tu comprennes du haut de ton mépris, c’est celle des billets de 100, 200, 500 et plus. Dans ta voiture avec chauffeur, Mme Mr le maire, le député, chef de cabinet, ministre plénipotentiaire, c’est avec notre vie que tu payes ton surplus... Juste un mois de frais divers de ton poste, c’est prés de la moitié des besoins annuels d’un point rencontre assuré... Combien êtes vous de « représentants » du peuple qui prenez au delà de vos besoins quand un seul de ceux qui bossent là, par leurs mérites, devraient recevoir le double de ce que vos aumônes d’administrateurs "responsables" leurs concèdent... ?

« C’est ainsi le monde est injuste, Darwin , vous comprenez... » Le monde n’est ce qu’il est que parce que les gens comme toi se refusent de faire ce qu’ils nous demandent : des sacrifices. De fait, vous en faites : vous nous sacrifiez sur l’autel 4 étoiles de votre apparence : costumes chaussures et cravates valant trois ou quatre RSA piéce, restos aussi constellés que le drapeau européen, résidences secondaires, tertiaire voire quaternaire alors que vous êtes restés primaires. Vous demandez vous , parfois, ce qui vous voues à ces flots de haine, quand, après avoir batifolé avec votre maîtresse ou amant, qu’importe, vous rentrez chez vous, conduit par ce chauffeur si affable et discret payé par les deniers du peuple ?

On n’accède pas au pouvoir sans se renier, du moins en partie et, se faisant on renie l’autre, c’est un principe vieux comme votre monde. A n’en pas douter, il vous est bien plus agréable, flatteur et profitable de partager votre pitance avec un licencieur qu’avec un licencié que vous ne fréquentez contraint et forcé que l’avant veille des législative .

On ne vous demande pas la richesse. On ne vous demande pas le luxe ni même à manger ou à boire parce qu’ici aussi ce sont d’autres, bénévoles, qui se substituent à vos obligations. On vous demande de tirer les leçons des sciences sociales non à votre seul bénéfice ou celui de vos clients mais à celui de vos/nos descendants, tous ceux qui, quand nous tirerons révérence, viendront pisser sur nos cadavres encore chauds. Est ce trop vous demander que d’essayer de comprendre qu’une nation où la justice n’a pas à souffrir ni du manque de moyen ni d’incompétence commence d’être une nation libre ? Montaigne, Montesquieu, Rousseau, Voltaire, c’est super classe pour parader à la fac, d’en bâtir colonnes et bustes, d’en faire des expos ou autres. C’est surtout montrer qu’on n’y a rien compris et que ce discours d’élites vers les élites est aussi un mode de fonctionnement qui vous permet de profiter plein d’usage et raison du moindre de vos biens sans avoir à les faire protéger par des milices de plus en plus armées et de moins en moins civiles. A force d’abrutir le peuple, il ne faut plus s’étonner qu’il le devienne.

Tout est lié : le fait que vous n’ayez rien à foutre de ce qui est écrit ici et que ceux à qui ce texte est adressé l’ont déjà lu cent fois et milles et que, visiblement, ça n’a jamais refroidi pas leur bronzage ni ne réchauffé leurs pistes de skis, la montée des extrêmes et l’égoïsme de bon aloi qui est votre credo, l’empoisonnement des eaux et des terres et celui des âmes, la destruction des structures familiales populaires et le maintient des vôtres. Car, à n’en point douter, cette oppression est un héritage dont vous ne vous séparerez car il protège vos familles .... au détriment des nôtres. Le plus ignoble n’est pas le luxe dans lequel vous vous prélassez mais que, de par votre inconstante inconscience, vous contribuiez à laisser flétrir, dans le bourbier que vous nous laissez, des perles d’intelligence que seule une hypothétique et trop tardive prise de conscience permettrait de faire fleurir. Que jamais ne vienne la révolution (que vous financeriez pour asseoir votre pouvoir) mais qu’enfin l’évolution prenne sa place pour qu’actes et paroles se retrouvent.

Pendant ce temps un samedi ou deux par mois des enfants viennent voir leurs parents comme on visite un prisonnier sans que les moyens nécessaires pour une « avancée sociale décisive » soient débloqués. Exceptés en parole mais le vent ne remplit pas les greniers...

Eric Charclod

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