RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Gouvernement Sarkozy : la première gorgée d’oseille, par Michel Husson.








Regards, juillet-août 2007.


C’est aux premières mesures prises par un gouvernement qu’on peut juger de ses orientations. Celles de Sarkozy sont d’une absolue limpidité : réduction des droits de succession, allègement des droits de donation, détaxation des heures supplémentaires, réduction de l’impôt sur la fortune, baisse du bouclier fiscal, déduction des intérêts d’emprunts. Aucune de ces mesures ne va vraiment profiter à « ceux qui se lèvent tôt ». C’est évident pour le bouclier fiscal et l’ISF, qui ne concerne que les 450 000 ménages les plus aisés. Même chose pour les successions et donations, puisque les abattements existants font que 80 % des successions sont déjà libres de droits. Quant aux intérêts d’emprunt, ils auront pour effet principal de soutenir les prix du marché de l’immobilier menacé de retournement.

Reste la détaxation des heures supplémentaires qui va surtout profiter aux patrons en leur permettant de « blanchir » à bon compte des heures supplémentaires non déclarées ou de réduire leur coût du travail plutôt que d’embaucher. Ils seront encouragés à geler les salaires : après tout, ceux qui veulent gagner plus n’ont qu’à travailler plus. Tout cela va coûter très cher sous forme de manque à gagner pour les dépenses publiques. Le site debat2007.fr initié par l’Institut de l’entreprise - que l’on ne peut soupçonner d’anti-sarkozysme primaire - l’évalue à 15,6 milliards d’euros : 4,6 pour les heures supplémentaires, 2 pour les déduction d’intérêts, 5 pour les droits de succession et 4 pour le bouclier fiscal et l’ISF.

Tous comptes faits, on pourrait s’en tenir là et constater que Sarkozy applique le programme mis en chanson par Maurice Chevalier : « Du fric, du blé, de l’oseille, de la braise, des picaillons, du flouze ou bien du pèze, ap’lez ça comme vous voulez moi j’m’en fous, pourvu qu’j’en aie toujours plein les poches ». Mais un économiste ne se laissant pas si facilement distraire, il faut en venir à la question du déficit budgétaire qui va être creusé d’autant. Sarkozy a déclaré qu’on verrait plus tard (dans cinq ans) quand la croissance serait revenue. Un keynésien de base se serait-il subrepticement introduit à l’Elysée ? Non, parce qu’il y a déficit et déficit, et l’exemple de Bush aurait dû suffire pour le comprendre. Ce n’est pas la même chose de faire des cadeaux aux riches ou de financer des logements sociaux. Avec Sarkozy, c’est très clair, d’autant plus que les riches ne touchent pas seulement le jackpot des baisses d’impôts mais aussi le bonusdes nouvelles émissions de bons du Trésor auxquels ils s’empresseront de souscrire au lieu de relancer la consommation.

Sarkozy se paie en outre le luxe de faire un pied de nez aux règles du Pacte de stabilité européen. Les « vrais Européens », de Bayrou à la Commission, commencent à faire la grimace. Et là aussi, cela fait réfléchir sur une certaine manière de critiquer l’Europe libérale au nom de la souveraineté nationale, comme si les politiques réactionnaires étaient imposées par le Pacte de stabilité et l’indépendance de la Banque Centrale Européenne. On a sous les yeux une bourgeoisie nationale qui décide d’enfreindre certaines règles, pour mener à sa manière une politique de classe décidée.

Il s’agit probablement d’une stratégie en deux temps. On commence par filer du fric aux riches et, comme la conjoncture semble favorable, on pourra dire qu’on a ainsi relancé l’économie. Puis, dans quelques mois, on redécouvrira le déficit et en tirera argument pour freiner d’autres dépenses. Et si cela ne suffit pas, on instituera une TVA sociale pour éponger le déficit, comme l’a permis la hausse de la TVA en Allemagne. On aura donc réussi cette prouesse : faire payer par les salariés les cadeaux aux riches, à coup de nouveaux impôts et de coupes sombres dans les services publics et les retraites. Ce que le nouveau gouvernement met en place n’est donc rien d’autre qu’une vaste opération de siphonage en faveur des possédants.

La brutalité sans précédent de cette politique peut cependant ouvrir une dialectique positive. Il faut marquer à la culotte le gouvernement, afin de démontrer le contenu anti-social de ses mesures et dévoiler ainsi la véritable nature du sarkozysme. Mais il faut aussi, dans le même temps, pointer la pusillanimité de cette vieille gauche qui pense encore que croissance et relance budgétaire sont les deux mamelles de la Nation. Telle est la double tâche qu’il faut entreprendre pour pouvoir, enfin, poser politiquement la question-clé, celle de la répartition des richesses.

Michel Husson

Michel Husson, administrateur de l’ INSEE, chercheur à l’ IRES ( Institut de recherches économiques et sociales).
Auteur entre autres, de "Les casseurs de l’ Etat social"La Découverte.




La TVA antisociale de Sarkozy, par Jean-Jacques Chavigné.


Ce que cache la baisse des impôts de Sarkozy, par Laurent Mann.


La fable de la flexibilité, par Michel Husson.

La désinformation économique joue un rôle majeur dans l’élection française, par Mark Weisbrot - Center for Economic and Policy Research.






URL de cet article 5131
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Même Thème
« Les déchirures » de Maxime Vivas
Maxime VIVAS
Sous ce titre, Maxime Vivas nous propose un texte ramassé (72 pages) augmenté par une préface de Paul Ariès et une postface de Viktor Dedaj (site Le Grand Soir).. Pour nous parler des affaires publiques, de répression et d’impunité, de management, de violences et de suicides, l’auteur (éclectique) convoque Jean-Michel Aphatie, Patrick Balkany, Jean-Michel Baylet, Maïté Biraben, les Bonnets rouges, Xavier Broseta (DRH d’air France), Warren Buffet, Jérôme Cahuzac, Charlie Hebdo, Jean-François Copé, (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Sous une dictature, il y a une chose pour laquelle nous avons plus de chance que vous en Occident. Nous ne croyons à rien de ce que nous lisons dans la presse, à rien de ce que nous voyons à la télévision, parce que nous savons que c’est de la propagande et des mensonges. Contrairement aux Occidentaux, nous avons appris à voir au-delà de la propagande et à lire entre les lignes et, contrairement à vous, nous savons que la vérité est toujours subversive.

Zdener Urbanek

Le DECODEX Alternatif (méfiez-vous des imitations)
(mise à jour le 19/02/2017) Le Grand Soir, toujours à l’écoute de ses lecteurs (réguliers, occasionnels ou accidentels) vous offre le DECODEX ALTERNATIF, un vrai DECODEX rédigé par de vrais gens dotés d’une véritable expérience. Ces analyses ne sont basées ni sur une vague impression après un survol rapide, ni sur un coup de fil à « Conspiracywatch », mais sur l’expérience de militants/bénévoles chevronnés de « l’information alternative ». Contrairement à d’autres DECODEX de bas de gamme qui circulent sur le (...)
103 
Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
Reporters Sans Frontières, la liberté de la presse et mon hamster à moi.
Sur le site du magazine états-unien The Nation on trouve l’information suivante : Le 27 juillet 2004, lors de la convention du Parti Démocrate qui se tenait à Boston, les trois principales chaînes de télévision hertziennes des Etats-Unis - ABC, NBC et CBS - n’ont diffusé AUCUNE information sur le déroulement de la convention ce jour-là . Pas une image, pas un seul commentaire sur un événement politique majeur à quelques mois des élections présidentielles aux Etats-Unis. Pour la première fois de (...)
23 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.