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Grève SNCF, RATP, EDF : Avant la bataille. (en découdre : dans le camp d’en face, on y pense aussi).



Dessin : http://sarkozynews.canalblog.com











[De fait, selon le propre avis du COR (Conseil d’Orientation des Retraites, structure officielle), le maintien des 37,5 annuités pour tous ne coûterait que 0,3% du produit intérieur brut chaque année !]








Lundi 12 novembre 2007.



Sarkozy et Thatcher.

Sarkozy éructe. Entre une menace de saut en parachute sur le Tchad et une séance de courbettes devant le Congrés des Etats-Unis, il a déclaré que "la rue" et "la violence" n’auraient pas le dessus. Pourquoi diable le président de la V° République nous parle-t’il soudain de violence ? Où y-a t’il eu des violences à ce jour en dehors des agressions quotidiennes commises par ses forces dites de l’ordre contre les travailleurs étrangers sans papiers ? Dans ce discours, Sarkozy entendait par "violence" ce qu’un cheminot lui avait déclaré au dépôt de Saint-Denis : qu’on allait le faire céder. Voila donc ce que Sarkozy entend par "violence". Et voila pourquoi il pense à l’emploi de la violence, de la force de l’Etat du capital, contre la société.

Sauf de la part d’un Fillon condamné au silence puis soudain sommé de parler lui aussi, il faut remarquer que les milieux dominants sont beaucoup plus prudents, ou silencieux. Le MEDEF n’en pense pas moins mais il est bombardé par les scandales qui révèlent son fonctionnement réel, fait de détournements de fonds, de rentes de situation et de pots-de-vin. Affaires qui sont en train de se redoubler avec les "révélations" sur la Médecine du Travail. Le MEDEF prépare quand même la suite : "réforme des relations sociales" et du financement des syndicats ... de salariés, application de la loi anti-grève dans les transports terrestres et extension de celle-ci à d’autres secteurs, réforme du contrat de travail, réforme de l’Etat par privatisation et contractualisation de toute la fonction publique. Mais la suite suppose que l’étape présente soit franchie.

Dans un important éditorial, le commentateur pro-patronal Eric Le Boucher explique dans Le Monde :

En ce novembre du mécontentement qui s’ouvre, on s’interroge sur la méthode des réformes de Nicolas Sarkozy. Est-ce bien la bonne ? SNCF, RATP, fonctionnaires, juges et maintenant étudiants : et si tout coagulait ? Fallait-il que le président de la République ouvre tant de dossiers à la fois pour qu’ils fassent masse ? "Il ne faut pas vous inquiéter", a-t-il dit, mardi 6 novembre à Washington, aux grands patrons français et américains du French-American Business Council. Mais, s’il l’a dit, c’est justement parce qu’il sait que les milieux économiques français s’inquiètent.

L’éditorialiste poursuit en expliquant clairement ou entre les lignes que "on" ne craint pas trop que Sarkozy cède sur les régimes spéciaux de retraite, parce qu’il n’a pas le choix, mais que les "troupes" (c’est ainsi qu’il appelle les salariés) risquent de ne pas sortir battues du tout de cette première manche mais encore plus endurcies et décidées au combat, cela au détriment de "la CGT" et à l’avantage des "gauchistes" (c’est ainsi qu’il présente les choses, ignorant ou feignant d’ignorer au passage que les combattants dont le rôle est décisif dans cette affaire, ce sont avant tout les syndicalistes de base dans les syndicats "traditionnels").

Ici intervient la faiblesse de Sarkozy par rapport au modèle, Thatcher -l’article est titré Les grèves Sarkozy et Thatcher : Thatcher aurait raisonné dans la durée et gagné sur un affrontement de cinq ans où la grande grève des mineurs, préalablement isolés, est intervenue à la fin, alors que Sarkozy se précipite dans tous les sens et sème non seulement le vent et la tempête, mais le doute et la crise.

E. Le Boucher a certainement lu l’excellent livre de Pierre-François Gouifffès, Margaret Thatcher face aux mineurs, 13 années qui ont changé l’Angleterre, 1972-1985, qui vient de paraître ; l’auteur était au cabinet de Jean-Louis Borloo et a décidé de faire ce livre lors d’une conversation avec le conseiller budgétaire de De Villepin au printemps 2006, comme il l’explique lui-même (voir sur le site Droit de grève le compte-rendu de ce livre et un message de l’auteur en personne). Ce livre est écrit pour servir de référence aux décideurs. D’une lecture agréable, nous le conseillons vivement aux militants ouvriers !

Au nom de ce "on" anonyme et de cette "nécessité de la réforme" impersonnelle qu’il invoque incessamment, et qui ne sont rien autre que le patronat lui-même, E. LE Boucher voudrait donc que Sarkozy s’inspire mieux de la graine Thatcher et est visiblement inquiet

Mais Sarkozy n’est pas non plus si bête, même si l’on peut admettre que sa dimension fondamentale de petite frappette flambeuse le situe un cran nettement en dessous de Maggy Thatcher, produit raffiné et brutal du puritanisme bourgeois anglais.

D’abord, l’offensive a bien été pensée là aussi dans la durée. En témoigne notamment la loi anti-grève dans les transports terrestres votée cet été. Thatcher elle aussi a commencé tout de suite mais elle y est allée progressivement.

1. L’ Employment Act de 1980 rend illégaux les piquets de grève volants, c’est-à -dire l’équivalent des équipes de cheminots, profs, jeunes, marins ... que l’on a vu à l’oeuvre dans certaines villes en France en 2003 par exemple, et surtout en 2006. Aucun doute que cette préoccupation est au centre des pensées de nos adversaires en ce moment même.

2. L’Employment Act de 1982 réduit la légalité des grèves à celles qui concernent à titre exclusif ou principal un différend interne à l’entreprise concernée, interdit donc les grèves de solidarité, et permet de frapper les syndicats dans leurs caisses.

3. Le Trade Union Act de 1983 impose un vote majoritaire à bulletin secret sous contrôle légal avant toute grève.

4. Ces textes n’entrent vraiment dans la vie qu’aprés la défaite des mineurs en 1984-1985.

En France aujourd’hui, la loi anti-grève est également conçue comme une première étape, rien de plus, mais rien de moins. Les dirigeants syndicaux observent à son sujet un grave silence, alors que ce "novembre du mécontentement", pour reprendre l’expression de M. Le Boucher, serait l’occasion magnifique d’en exiger l’abrogation avant même qu’elle ne s’applique, en refusant bien entendu de négocier cette application.

En outre, nous devons à la place de M. Le Boucher nous demander si Sarkozy a réellement le choix de sa "précipitation". Ici interviennent deux facteurs.

La crise dite financière : pas plus que le nuage de Tchernobyl, elle n’épargnera la France, comme l’écrit Philippe Cohen dans Marianne. L’état du grand patronat français, reflété dans la crise du MEDEF avec l’affaire de la caisse noire de M. Gautier-Sauvagnac, profondément empétré dans ses liens avec l’Etat comme les affaires de la firme EADS l’étalent jours aprés jours, doit s’en remettre au Bonaparte de service aussi futile soit-il : il n’a pas d’autres conseil d’administration global -il est, à cet égard, plus faible que le patronat anglais en 1980.

Second facteur : le rapport de force en France est tel que Sarkozy pour avancer "avec méthode" sur son quinquennat est obligé de montrer d’abord qu’il peut, sinon vaincre, du moins ne pas céder, aux secteurs qui ont arraché des reculs au patronat et à l’Etat depuis 12 ans, à savoir : les cheminots et la jeunesse étudiante et lycéenne. Cet affrontement n’est pas la Finale. Il est un passage obligé avant toute finale. Profitons-en !



Boutes-feu et vas-t’en-guerre.

En découdre : dans le camp d’en face, on y pense aussi.

Si beaucoup sont officiellement silencieux, remarquons que parmi les institutions qui appellent de fait à la répression, figure la vénérable Conférence des Présidents d’Universités, caste de "patrons-décideurs" qui voudraient, justement, être réellement des patrons-décideurs, libérés du poids des étudiants, des syndicats et des principes et missions du service public. Son porte-parole, Michel Lussaut, président de l’université de Tours, déclare :

"Nous sommes beaucoup à penser que l’appel à l’abrogation de la loi est un prétexte à une contestation contre le gouvernement. Il y a manifestement une orchestration pour qu’il y ait convergence des luttes..."

Pour cet éminent universitaire, revendiquer l’abrogation d’une loi est un "prétexte". Qu’il se complique donc la vie : abrogation de la loi Pécresse, protestation contre les conditions de vie et d’études des jeunes, contesttation contre le gouvernement, volonté d’extension et de convergence des luttes, tout cela se tient, tout cela se forme naturellement sur le terreau du quotidien réel que vivent les étudiants de maintenant, bacheliers de la génération anti-CPE, et point n’est besoin de manipulation ou d’orchestration pour que cela monte, monte, monte ... Les militants des diverses organisations ayant depuis son adoption appelé au combat pour l’abrogation de la loi Pécresse jouent bien entendu un rôle clef, et trés transparent pour nos amateurs de "chefs d’orchestre clandestins". Cela s’appelle la démocratie, la vraie, celle par laquelle les personnes concernées essayent de prendre en main ce dont dépend leur vie, en l’arrachant aux vrais manipulateurs, ceux qui détiennent le pouvoir.

Le message que font passer ces chers présidents d’Université à Sarkozy, c’est qu’ils aimeraient bien que l’on frappe maintenant, sur les "minorités agissantes" dans la jeunesse, avant qu’elles n’entraînent des majorités. C’est pourquoi les média insistent sur le caractère minoritaire des premières AG, grèves et blocages -ils disent blocages, mais la coordination étudiante dit piquets de grève- en ciblant le tir sur la Sorbonne et la région parisienne. Ces aspects étaient déjà présents dans le mouvement contre le CPE. Déjà alors, on évitait de trop nous dire qu’à Pau, ou à Rennes, ce sont des AG massives, des mouvements majoritaires qui s’organisent. Et que la question n’est pas celle de la "violence des bloqueurs" contre la soi-disant démocratie de l’administration, mais qu’il n’est de démocratie que si le mouvement se contrôle et s’organise lui-même. Pour pouvoir annoncer, comme on nous l’indique depuis Pau, que dans une énorme assemblée générale, il y a eu 1129 voix pour la grève et 295 contre, puis 1009 voix pour un blocage et 591 contre, il faut qu’il y ait eu débat, décompte et respect réciproque dans une réunion tenue et organisée par les étudiants eux-mêmes. C’est en réalité cela qui fait enrager nos chers présidents. C’est contre cela que l’UNI, le groupuscule estudiantin dont est issu le militant Sarkozy, se restructure et cherche à monter une campagne anti-"blocages", c’est-à -dire anti-grève.

Plus généralement, au delà du monde universitaire, c’est contre le monde du travail que la France qui prétend travailler et qui ne fait qu’exploiter rève de passer à l’attaque. Leur problème est simple : s’ils ne transforment pas l’essai que la gabegie à gauche leur a permis de marquer en élisant Sarkozy avec 53 % des suffrages exprimés le 6 mai dernier, alors cela risque de devenir de plus en plus difficile. Dans le vote Sarkozy, il y avait (sinon il n’aurait pas gagné) une part importante, déterminante, de voix de petits producteurs, commerçants, artisans, professions indépendante, petits patrons, et de salariés désorientés, ouvriers, employés. Structurer cette plèbe comme force de frappe du président, l’emmener au combat contre les grévistes présentés comme des jeunes tordus ou des privilégiés, ils en rèvent. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres.

Des mails circulent et certains nous parviennent, le monde du web étant poreux. Ainsi ce message courageusement anonyme :

- Nous n’en pouvons plus !! !

Il est grand temps que cesse la domination de la société par une minorité qui impose ses choix à une majorité.

Nous venons d’élire un président de la république et une majorité gouvernementale qui pour la première fois depuis 20 ans a décidé de s’attaquer aux problèmes de notre pays et qui s’est fait élire sur un désir profond de réformes.

Nous ne pouvons laisser agir une minorité d’agitateurs corporatistes qui ne pensent qu’à défendre leurs interet au dépend de notre pays. Nous ne pouvons laisser agir sans crainte un petit nombre de personnes animés d’un désir de revanche politique, ou de désir de désordre social. Les français dans leur grande majorité sont pour ces réformes, et ont voté il y a six mois en toute connaissance de cause.

A la veille de grèves en tout genre, qui ne vise qu’à prendre la grande majorité des français en otage, qui n’ont pour but que de défendre des acquis sociaux d’un autre temps, ou de quelques étudiants d’extrême gauche pénalisant la grande majorité des étudiants qui ne souhaitent qu’étudier, nous ne laisserons pas faire. Non, nous ne laisserons pas faire !

Que tous ceux, quelles que soient leurs pensées politiques, qui se sentent convaincu des réformes nécessaires pour notre pays, qui ont envie de soutenir le gouvernement en place, et qui font partie de cette grande majorité des français qui ne font jamais grève, et qui ne peuvent plus supporter tous ces mouvements sociaux se tiennent prêts. Le temps va venir de se regrouper en masse, et manifester le plus nombreux possible notre soutien au gouvernement, et aux dirigeants politiques qui travaillent dans le sens des réformes.

Le temps va venir de démontrer qu’une majorité de français tient à faire avancer notre pays, sur la voie des réformes nécessaires, sur l’abolition des corporatismes, sur l’anéantissement de privilèges d’une minorité. Le temps va venir où la France du travail, des valeurs humaines, du désir de réussite va se lever et ne marcher comme un seul homme. La lutte de la majorité ne fait que commencer, et que chacun se tienne prêt à le manifester dans les jours prochains. Des points de ralliements vous seront communiqués au fur et à mesure des événements. Faites passer ce message au plus de gens possible afin que la portée soit maximum. [nous avons respecté syntaxe et orthographe.]

Trois aspects caractérisent ce genre de message :

1) le style est stérotypé et n’a rien de populaire, rien de plébeien ; dans sa pauvreté, il dénote l’origine : une permanence de l’UMP, voire une quelconque annexe de sous-préfecture.

2) le but est de préparer des contre-manifestations, des affrontements, supposés montrer la présence dans la rue de la base sarkozyste, mais cela reste au niveau des voeux généraux, sans précision sur le jour et l’heure.

3) on se réclame chez ces gens là de la "majorité", silencieuse comme il se doit, mais les méthodes sont des méthodes de conspirateurs apointés. En réalité, ils se savent minoritaires. Les 53% de Sarkozy le 6 mai sont leur atoût pour appeler de leur voeu l’abolition de la démocratie -le moment où "la France" marchera "comme un seul homme".

Ils en sont loin ! Mais l’enjeu est bien celui-là . Vous avez bien dit "Se rassembler pour anéantir les privilèges d’une minorité" ? C’est ce que font les grévistes. Plus ils seront forts, plus leur force agira comme un aimant sur tous les éléments isolés, déboussolés, qui avaient voté Sarkozy et/ou Le Pen.

Selon certains informations, dans les réseaux des "anti-grèves", les chefs pour l’instant calme leur petite base. En effet, des excités rèvent d’en découdre dés le 14 ou le 20 novembre, mais l’échec à orchestrer la "colère des usagers" le 18 octobre, puis lors de la grève des hôtesses et stewards d’Air France, a montré le vrai rapport de force. Alors les chefs expliquent à leurs petites troupes que ce sur quoi il faut compter, c’est sur un pourrissement à la SNCF : à la longue, ils espèrent qu’il serait possible de monter de vraies contre-manifestations pour briser les grèves. Bref, ils misent sur l’isolement des cheminots et plus généralement sur ce que nous dénonçons depuis le début : la stratégie branche par branche, alors que c’est tous ensemble que nous gagnerons.



Dans quelles conditions se prépare la grève des cheminots.

Les cheminots ont été ragaillardis et encouragés par ce qu’ils ont réalisé le 18 octobre, et par la présence massive de leur propre encadrement dans la grève. Ils ont déjà des petites retraites, et ce qu’on veut leur imposer, c’est une chute d’une retraite ayant en moyenne 1400 euros à environ 1150 euros. Ils ne peuvent accepter, et dans leur refus, leur intérêt salarial se mèle étroitement à la défense du statut, du métier et de l’esprit de service public si mis à mal par les contre-réformes successives, la séparation de Réseau Ferré de France et de la SNCF, la destruction en cours du frêt.

Comme tous les salariés, les cheminots ne savent pas s’il sera possible de sauver le nombre d’annuités de retraite, c’est-à -dire rester, pour eux comme pour les électriciens, les gaziers, les agents de la RATP, les marins, les mineurs, les clercs d’huissiers, à 37,5 annuités, car tout le monde leur explique que c’est impossible, y compris leurs propres fédérations syndicales qui ont abandonné la revendication du retour de tous à 37,5 annuités, revendication qui serait pourtant nécessaire pour que le combat des salariés à régime dit spécial n’apparaisse pas comme limité aux catégories directement concernées. Mais ils sentent que ce n’est pas pour des raisons comptables, financières ou économiques, que ce sera difficile, mais pour des raisons politiques. De fait, selon le propre avis du COR (Conseil d’Orientation des Retraites, structure officielle), le maintien des 37,5 annuités pour tous ne coûterait que 0,3% du produit intérieur brut chaque année ! Si c’est difficile, c’est parce que revenir là -dessus, c’est revenir sur toutes les contre-réformes : décret Balladur de 1993 mettant les salariés des entreprises, ouviers, cadres et employés, à 40 annuités, loi Fillon de 2003 y mettant les fonctionnaires. Revenir là -dessus, c’est contester toute la logique de destruction qu’impose le capitalisme : mais n’est-ce pas ce qu’il faut faire sous peine de tout perdre ? Revenir là -dessus, c’est en effet refuser que l’on "sauve", soi-disant, les retraites par d’autres méthodes que la hausse des salaires et de l’emploi, donc de la part socialisé des salaires. C’est donc refuser que l’on "sauve", en fait que l’on détruise, les retraites, par la capitalisation et les franchises. Abandonner cette revendication, c’est abandonner ce combat. On ne battra pas la prochaine manche de la loi Fillon, celle qui nous ferait tous passer à 41 annuités dés l’année prochaine, si l’on commence par accepter la loi Fillon !


Tout cela, les cheminots comme tous les salariés, le sentent s’ils ne le savent. Ce qui est clair pour eux, c’est qu’ils feront grève contre le gouvernement, contre Sarkozy, contre Md. Idrac, pour qu’ils retirent leur plan de destruction du régime de retraite et d’attaque contre les statut des cheminots et les missions de la SNCF. Les cheminots seront en grève pour le retrait total du plan Sarkozy contre leurs retraites.

Cette volonté parfaitement claire ne se retrouve pas au sommet des fédérations qui appellent à la grève reconductible.

Ainsi, la fédération CFDT sera dans la grève, tant mieux, mais elle le fait en annonçant qu’elle accepte le passage à 40 annuités, mais veut négocier sur la décote (la perte du niveau des retraites).

Dans sa lettre aux cheminots, la patronne Md. Idrac fait une série de propositions qui vont dans ce sens : elle propose d’octroyer des hausses de salaires au plus de 55 ans (plus de 50 ans pour les conducteurs) dont elle ne précise pas le montant, elle propose d’affecter les vieux trop fatigués pour travailler dehors ou sur les machines à la formation des jeunes, elle propose de créer des comptes épargne temps et des plans d’épargne complémentaire en lieu et place de la retraite par répartition et présente ça comme des bonus, et quelques charitables miettes concernant la prise en compte des années d’apprentissage ou l’aide aux orphelins de cheminots morts pour cause d’accidents du travail ...

Selon un porte-parole de la SNCF dans une déclaration du 10 novembre, la méthode suivie ici s’inspire de l’accord aberrant passé par la FGAAC le 18 octobre au soir, présentant comme une grande victoire le passage des conducteurs de la retraite à 50 ans à la retraite à 55 ans.

La CFDT demande donc les 40 annuités, hé oui, avec "étalement du passage de la durée de cotisation de 37,5 à 40 ans, une montée en charge moins rapide de la décote, la prise en compte de la pénibilité de certains métiers ou encore l’intégration d’une partie des primes dans le salaire." (déclaration du négociateur CFDT Jean-Louis Malys au sortir du Ministère du Travail le 24 octobre) et explique qu’ainsi, il serait effectif qu’aucun salarié ne perdrait un centime d’euro sur le montant de sa retraite ! Non seulement ce n’est en rien assuré, mais cela s’asseoit tranquillement sur le nombre d’annuités : 2 ans et demi de plus, ça ne vaut donc pas un centime pour la CFDT !

Cependant, dans sa lettre au ministre X.Bertrand du 9 novembre, Bernard Thibault qui déclare refuser "le cadre global de la réforme" ( ? ) et exiger des négociations globales et pas séparées entre SNCF, EDF, GDF, etc., précise ce qu’il demande exactement : "une approche transparente sur le cadre global de la réforme et la détermination d’un programme concret de discussion dans chaque entreprise ou branche concernée." Que ceux qui ont compris lèvent le doigt ! Si cela voulait dire retrait du projet Sarkozy sur les régimes spéciaux et refus effectif de pseudo-négociations dans les entreprises, cela pourrait se dire clairement : ce qui se comprend clairement s’énonce clairement. Mais ce n’est malheureusement pas le cas. B.Thibault énumère ensuite points par points ce sur quoi devrait porter une "réunion tripartite gouvernement-syndicats-directions" :

- la pénibilité des métiers et les contraintes liées à l’exercice de mission publique doivent être reconnues par des dispositions applicables à l’ensemble des générations (bonifications, départs anticipés ...). La Cgt est opposée à des dispositifs pénalisant les jeunes embauchés ;

- les primes et rémunérations complémentaires doivent être intégrées dans la base de calcul des pensions ;

- les retraites doivent demeurer indexées sur l’évolution des salaires ;

- les périodes d’étude, d’apprentissage, de formation doivent être incluses dans la durée de cotisations.

Le principe même de la suppression du régime des cheminots et du passage à 40 annuités dans l’immédiat (pour aller à 41, etc. ..., par la suite) n’est pas mis en cause par Bernard Thibault. Peut-on dans ces conditions parler de refus du "cadre global de la réforme" ? En fait, ces propositions se situent dans le cadre de la réforme de Sarkozy. Mais celui-ci à cette étape n’en veut pas car il ne veut pas avoir l’air de reculer sur quoi que ce soit et surtout parce que le mouvement est engagé du côté des cheminots contre toute sa réforme, son "cadre" et son "cadre global" y compris, et que ces fausses concessions n’enrayeraient pas le mouvement. C’est logique de la part de Sarkozy. Cela l’est moins de la part du syndicat qui devrait porter les revendications des travailleurs et ne négocier que sur la base de ces revendications. Ce faisant, cette lettre de Bernard Thibault n’a pas contribué à préparer la grève, mais à faire apercevoir ce que pourraient être les "ouvertures acceptables" au bout de trois ou quatre jours de grève reconduite. Car de quoi s’agit-il finalement, sinon de propositions au fond assez analogues à celles de la CFDT et recoupant celles de Md. Idrac, le discours sur la "pénibilité" ouvrant la voie aux mesures strictement catégorielles contre les droits de tous comme base de toute compensation ? Sauf que ce n’est pas pour "ça" que les cheminots vont partir en grève reconductible.

Dans leur déclaration commune lançant le mot-d’ordre de grève reconductible à partir du 13 novembre à 20h, toutes les fédérations de cheminots protestent contre la "double peine" dont sont victimes les cheminots : la désindexation des pensions sur les salaires et la mise en place d’un double statut pour les nouveaux embauchés. Ni le retrait de la contre-réforme des régimes dits spéciaux, ni le maintien des 37,5 annuités pour les cheminots (sans parler du retour du tous aux 37,5 annuités !) ne figurent dans le texte de l’appel.

En outre le ministre a commencé à laisser filtrer que la mise en route de la "réforme" pourrait être le 1° juillet et non le 1° janvier 2008. Si ce sont là de "premiers reculs" comme le déclare la CGT, il s’agit d’encouragement à exiger le retrait de tout le plan Sarkozy anti-cheminots. Non pas "faire bouger le cadre de la réforme", mais empécher la réforme.

D’ailleurs, l’éditorial de Didier Le Reste [1], de la Tribune du cheminot du 30 octobre ne parle pas, lui, de "double peine", mais de "triple peine", ajoutant l’ "Allongement de la durée de cotisation" à la liste des peines. Il ne parle pas le jargon incompréhensible de "la remise en cause du cadrage global" et déclare "innacceptable" toute cette "mauvaise musique" dont le "chef d’orchestre" "demeure le chef de l’Etat". C’est là en réalité une autre orientation, plus proche de ce pour quoi les cheminots vont réellement faire grève et qui est trés simple à résumer : le retrait total de la contre-réforme de leurs retraites et de leurs statuts.



Pourquoi pas tous ensemble ?

La bataille pour l’unité et la bataille pour la clarté des revendications, qui sont claires dans les motivations des grévistes, sont inséparables.

De la même façon exactement, une question essentielle pour le mouvement étudiant est que l’UNEF ne se contente pas d’ "accompagner le mouvement", mais prenne position pour l’abrogation de la loi Pécresse. La direction de l’UNEF explique maintenant qu’elle ne s’oppose pas à cette revendication mais qu’elle ne la reprend pas à son compte ! Elle explique qu’elle est impossible à satisfaire, ce qui ne l’empèche pas de revendiquer des hausses massives du budget universitaire et des moyens attribués aux oeuvres universitaires et au logement étudiant, dont la "difficultéé" est la même que l’abrogation de la loi Pécresse puisque de telles attributions de moyens publics tourneraient le dos à la politique du gouvernement. Mais il ne faut pas mettre en cause l’accord Julliard-Sarkozy pour faire passer la loi Pécresse. Tout en restant un syndicat, alors qu’entre les deux, il faut choisir : la place de l’UNEF est bien entendu avec les étudiants et nulle part ailleurs. En ne reprenant pas leur principale revendication, la direction du syndicat prend la lourdre responsabilité de laisser le champ libre à toutes les provocations dont elle prétend avoir si peur. Aux dernières nouvelles l’UNEF demande officiellement "des modifications profondes" de la loi. La comédie du "cadre de la réforme" sera-t’elle jouée ici aussi ?

La vraie revendication, celle qui construit, qui prépare l’avenir en combattant l’ordre existant, celle qu’expriment grévistes et jeunes, tient en trois lettres : NON.

La question de la grève générale est évidemment posée, comme un débat nécessaire et légitime. Mais cette question en pose une autre, celle du débouché politique. Discussion donc tout aussi nécessaire et légitime, et pressante. Car soyons sérieux : l’agitation sur la simple "convergence des luttes" ne résoud pas les problèmes posés ; tout faire endosser aux cheminots, dans les conditions réelles exposés ci-dessus en ce qui concerne les positions de leurs fédérations, serait dangereux ; et exiger des directions syndicales qu’elles appellent à la grève générale dés maintenant, grève générale d’où surgirait un "gouvernement des travailleurs", c’est plonger devant un océan de perplexité tout cheminots, tout travailleur qui s’apprête au combat et cherche à en mesurer les chances.

Ce qui est concrétement possible aujourd’hui, c’est d’imposer le tous ensemble le même jour. Il ne s’agirait pas d’une classique "journée d’action", mais de la centralisation le même jour des revendications contre l’ensemble de la politique de Sarkozy et des patrons. Le mardi 20 novembre, jour prévu en principe pour le vote du budget 2008 à l’Assemblée nationale, les fonctionnaires sont appelés à la grève par toutes leurs fédérations. En outre, ce qui est peu connu mais mérite de l’être, la fédération CGT de la Construction appelle à la grève le même jour (voir précédente lettre de liaison). Si les cheminots, les électriciens, les gaziers et les agents de la RATP n’ont pas arraché leur revendication réelle de retrait du projet anti-régimes spéciaux ce jour là (et encore plus au cas où ils auraient gagné d’ailleurs ! ), la question se pose, parce que cela sera réellement réalisable, d’une grève générale ce jour là .

Dans quel but ? Infliger un coup de boutoir, un coup d’arrêt, à l’agression généralisée du gouvernement Sarkozy contre la société. Il veut une première épreuve de force : qu’il l’aie, et qu’il la perde. Sur cette base, et rapidement, la situation devra alors se modifier, pour aller vers l’affrontement général imposant un débouché politique.



Débouché politique et référendum.

La décision du premier secrétaire du PS, François Hollande, de demander un vote au bureau national du PS du 6 novembre en faveur du projet de traité constitutionnel européen "simplifié" dont Sarkozy affirme être le père (le traité dit de Lisbonne, dont le texte complet n’est pas encore connu), a une portée historique pour le Parti socialiste.

En effet, alors que l’on pouvait considérer jusque là que le ralliement au gouvernement et à Sarkozy de leaders et de ténors de ce parti était l’aboutissement de la dérive lancée avec l’orientation qui a fait perdre sa candidate aux élections prédidentielles, celle qui tente de rompre avec le monde du travail, base sociale et électorale du PS, mais que, pour grave qu’ils soient, il s’agissait d’acte de rupture par rapport au PS en tant que tel, cette fois, c’est, si l’on peut dire, le PS en tant que tel qui veut rompre avec les fondements du PS en tant que tel ! Hé oui, en bref : Hollande appelle à soutenir Sarkozy. Il tente une coalition politique de fait qui ne dit pas son nom, au moment précis où toute trève sociale avec Sarkozy prend fin.

A sa surprise apparente, il s’est heurté à une vingtaine de voix contre (face à 36 pour) son soutien au traité de Sarkozy. Et la protestation ne fait que monter dans la mesure où cette question donne la possibilité politique aux militants socialistes du Parti qui porte ce nom de chercher à nouveau à se regrouper, pour imposer un référendum.

Mais toute la contradiction dans laquelle se trouve Sarkozy est résumée par cette situation : qu’il ait besoin de Hollande pour faire passer sa politique. Et qu’il n’ose pas aller au référendum, lui l’ "hyperprésident", lui dont la commission Balladur-Lang veut faire celui "qui conduit la politique de la nation", lui le prétendant à la restauration de la V° République. Au plan institutionnel, son entreprise de restauration commence donc par piétinner ce pour quoi la majorité a bel et bien voté lors du référendum de 2005.

Or, si les députés PS et bien entendu ceux du reste de la gauche votent contre le projet de loi constitutionnelle préalable à la ratification du Traité européen "’simplifié", comme cela est prévu au calendrier de l’Assemblée nationale et du Sénat réunis en congrés pour le mois de décembre, une majorité des trois cinquièmes étant requise, Sarkozy serait trés probablement contraint au référendum. Tous les petits manoeuvriers lamentables à la Montebourg qui expliquent qu’ils n’iront pas au congrés aident Sarkozy à faire passer son traité, traité qui est, selon l’avis d’un connaisseur -Valéry Giscard d’Estaing au Monde du 26 octobre- le même que celui qui a été repoussé en 2005.

Tous les bonimenteurs qui expliquent que la démocratie, c’est respecter l’élection de Sarkozy le 6 mai dernier, s’apprêtent en même temps à piétinner le vote d’une majorité plus importante, de 2005.

Par contre, si une majorité de députés PS pressionnés par leur électorat (on notera par exemple que le patron de la fédération du Pas-de-Calais a voté Non au bureau national du PS du 6 novembre : ce n’est pas par hasard ! ) obligent Sarkozy à aller au référendum, alors le Non a de vraies chances de l’emporter, s’appuyant sur le vote de 2005 et les grèves de novembre 2007, malgré les Hollande, les Royal et les Montebourgn et ce sera un Non à Sarkozy et au TCE, comme en 2005 et plus encore. Battre Sarkozy dans la rue et dans les urnes deviendrait alors possible. L’alternative politique ne serait pas un gouvernement "de gauche" de cohabitation pour faire encore et toujours la même politique, mais la rupture avec ce régime de la V° République qu’il tente de sauver.

Le débouché politique alternatif à Sarkozy ne viendra ni de la gauche actuelle dans son état actuel, ni d’une génération spontanée qui naîtrait par l’enchantement d’une grève d’automne. Il naîtra à l’intersection des deux, et l’intervention des militants organisés qui comprennent qu’il faut en finir avec le capitalisme sera décisive dans ce processus. Le regroupement de militants d’origines et d’appartenances diverses que constitue le Militant, les discussions qu’il engage avec d’autres regroupements, veulent s’inscrire activement dans ce travail.

Vincent Présumey
La Lettre de Liaisons, Militant






Régimes spéciaux : une bataille décisive /«  c’est la plus difficile des réformes, puisqu’elle concerne ceux qui ont le pouvoir de blocage le plus fort. Si elle réussit, le reste suivra. », La Riposte.












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A LIRE + + Denis Gautier-Sauvagnac, Medef : Le plus grand scandale de ce début de siècle éclate, par Gérard Filoche.






[1Secrétaire général de la CGT-Cheminots.


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