RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

L’Occident contre-attaque en Syrie

Ake Sellstrom-Ban Ki MoonLa coïncidence ne pouvait pas être plus révélatrice. A peine les inspecteurs de l’ONU pour les armes chimiques sont arrivés à Damas – dans les 72 heures, en fait – les figures de l’opposition syrienne basée à Istanbul, en Turquie, ont affirmé que jusqu’à 1.400 personnes ont été tuées dans des attaques d’armes chimiques par les forces gouvernementales dans les environs de la capitale syrienne mercredi matin.

Le blitzkrieg médiatique a été aussi impressionnant – des conférences de presse, des présentations vidéo de militants de l’opposition, des « avis d’expert » dans les capitales occidentales et des réactions instantanées par les politiciens occidentaux.

Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne, l’Union européenne et la Ligue arabe sont parmi ceux qui ont réclamé une action urgente.

Le Conseil de sécurité de l’ONU a tenu rapidement une réunion à huis clos pour examiner l’accusation contre le gouvernement syrien. Sans surprise, le gouvernement syrien a catégoriquement réfuté l’accusation l’appelant ‘’sale’’ guerre médiatique, qui reflétait "l’hystérie, la débâcle et la panne" des rebelles qui ont subi une série de défaites militaires dévastatrices dans les derniers jours et semaines.

Faire toute la lumière

Quel est le but du jeu ? Un indice essentiel réside dans la nomination de l’expert suédois Ake Sellstrom à la tête de l’équipe des Nations Unies qui a atterri à Damas il y a trois jours. Sellstrom a fait partie du groupe des inspecteurs d’armes de l’ONU en Irak.

Reuters a cité Sellstrom soutenant la demande que les attaques présumées dans la banlieue de Damas doivent être étudiées et il a même évoqué un plan d’action. Sellstrom a suggéré,

Elle [la revendication de l’opposition syrienne] ressemble à quelque chose qui doit être examinée. Cela dépendra de savoir si un Etat membre de l’ONU ira au secrétaire général et lui dira que nous devrions nous pencher sur cet événement. Nous sommes sur place.

Le secrétaire au Foreign Office, William Hague, a sauté sur l’excellente idée de Sellstrom et a dit :

Je demande au gouvernement syrien de permettre un accès immédiat à la région pour l’équipe de l’ONU chargée actuellement de l’enquête sur de précédentes accusations d’utilisation d’armes chimiques … Le Royaume-Uni soulèvera cette question au Conseil de sécurité de l’ONU.

La France a souscrit en un rien de temps. Le président François Hollande a aussi estimé que les accusations "exigent une vérification et une confirmation" et Paris demanderait à l’ONU d’aller sur le site "pour faire toute la lumière" sur les accusations. L’Allemagne acquiesça.

Le ministère turc des Affaires étrangères avait une déclaration complète déjà prête, qui dit : Ankara est « profondément préoccupée » et l’équipe d’inspecteurs de l’ONU déjà en Syrie "doit enquêter sur les accusations en question et présenter ses conclusions" au Conseil de sécurité.

Fait intéressant, la déclaration tant attendue de la Maison Blanche à Washington s’est avérée être une approbation de la demande européenne et turque – évitant de de confirmer l’incident, mais ajoutant qu’il travaillait à recueillir des informations supplémentaires, tout en exigeant :

Il y a aujourd’hui, au moment où nous parlons, sur le terrain en Syrie, une équipe des Nations Unies spécialisée dans les enquêtes sur l’utilisation des armes chimiques. Donc, nous allons donner à cette équipe l’occasion d’étudier ce qui s’est exactement passé et d’aller au fond des choses de façon à ce que nous puissions demander des comptes à ceux qui en ont été responsables.

En effet, une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations Unies a eu lieu à New York. Le conseil n’a pas demandé explicitement une enquête de l’ONU mais a convenu que la « clarté » était nécessaire et a salué les appels du Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon pour une enquête rapide par l’équipe de Sellstrom.

Dans les mots de l’ambassadrice de l’Argentine Cristina Perceval, actuellement présidente du Conseil de sécurité, il y a une "forte inquiétude parmi les membres du Conseil" sur les accusations, et « un sentiment général selon lequel il doit y avoir des éclaircissements sur ce qui s’est passé » et que la situation est à suivre attentivement".

Pendant ce temps, le porte-parole de M. Ban a déclaré aux journalistes à New York que Sellstrom est déjà "en discussions avec le gouvernement syrien sur toutes les questions relatives à l’utilisation présumée d’armes chimiques, y compris ce dernier incident rapporté".

Le loup dans la bergerie

En somme, l’équipe d’inspection de l’ONU dont le mandat est d’être en Syrie jusqu’à 14 jours – comme convenu entre le gouvernement syrien et l’ONU – "avec une extension possible" pour vérifier les accusations d’emploi d’armes chimiques à Khan al-Assal et deux autres sites restés secrets pourrait bien voir son mandat renforcé.

Si c’est le cas, cela devient un coup diplomatique pour les puissances occidentales et leurs alliés du Moyen-Orient qui ont constamment cherché une certaine forme d’intervention de l’ONU en Syrie.

En substance, Sellstrom pourrait bien être sur une mission ouverte maintenant puisque l’opposition syrienne s’efforcera de faire de nouvelles accusations dans d’autres endroits en Syrie. Plus important, Sellstrom pourra, à un moment, avancer insidieusement, sur la pointe des pieds vers les stocks d’armes chimiques du régime Bachar Al-Assad.

De toute évidence, le loup est entré dans la bergerie de Bachar. Sellstrom va maintenant commencer à déposer des rapports à Ban, que celui-ci sera tenu de porter à la connaissance du Conseil de sécurité ce qui, à son tour, pourrait se traduire par l’ouverture d’un dossier syrien à New York, que l’Occident avait toujours voulu.

Qu’est-ce que tout cela va donner ? Trois choses émergent. Un, l’élan de succès étourdissant de l’armée syrienne sur les rebelles va presque certainement se ralentir. Le régime syrien devra tourner son attention vers la bataille diplomatique à venir.

Les forces gouvernementales ont remporté des succès dans les champs de bataille clés tels que dans les régions centrales et côtières de Homs et Lattaquié et la banlieue de Damas. Le général Rahim Safavi Yahya, l’influent aide militaire du Guide suprême iranien Ali Khamenei, venait juste d’affirmer ce mercredi à Téhéran que " les terroristes [syriens] ont été presque vaincus du point de vue militaire." Savafi avait ajouté,

Ce qui reste c’est la conférence de Genève 2. D’un côté, il y aura les Etats-Unis, Israël, la France, l’Angleterre, la Turquie et certains pays arabes, qui ont soutenu l’opposition. En raison de ses problèmes intérieurs, la Turquie a maintenant réalisé son erreur stratégique et a quitté le front. L’Arabie saoudite fait face à son projet en Egypte. Le reste du front est présent mais vaincu.

Mais de l’autre côté de ce front, il y a la Russie, la Chine et l’Iran, qui ont aidé la Syrie. Bien sûr, l’Iran et le Hezbollah libanais ont assisté la Syrie politiquement et internationalement comme ils soutiennent la restauration de la paix, la stabilité et la tranquillité en Syrie.

Avez-Safavi a-t-il parlé un jour trop tôt ? L’Iran est-il pleinement dans la boucle ? Son triomphalisme est-il justifié ? Les réponses vont apparaître bientôt.

En attendant, Moscou maintient un silence assourdissant sur les dernières accusations sur les armes chimiques, sans doute surpris par la vitesse de l’éclair avec laquelle les puissances occidentales et leurs alliés régionaux ont obtenu que le dossier syrien soit à l’ordre du jour du Conseil de sécurité.

Le Ministre des affaires étrangères russe Sergueï Viktorovitch Lavrov a eu une conversation téléphonique mercredi matin avec l’espion saoudien en chef, le prince Bandar bin Sultan al-Saoud pour « discuter de la situation en Egypte et en Syrie … [et] des relations entre les deux pays". Bandar est un charmant sac à malices, et en tout cas, le mercredi soir, Riyad a chanté une mélodie différente, avec le ministre des Affaires étrangères Saud al-Faisal disant :

Le Conseil de sécurité de l’ONU devrait travailler sur une résolution claire pour mettre fin à la tragédie. Nous sommes choqués par le massacre dans les villes syriennes avec l’utilisation d’armes chimiques, qui sont interdites en vertu du droit international.

Deuxièmement. Les plaques tectoniques de la géopolitique du Moyen-Orient ont commencé à montrer quelques mouvements au cours des dernières semaines sur les développements en Egypte. Le désaccord entre les anciens alliés qui avaient jusqu’à récemment collaboré sur le projet syrien devenait trop évident pour être glissé sous le tapis.

La Turquie a commencé en critiquant ouvertement la junte égyptienne et ses supporters du Conseil de coopération du Golfe (CCG) tout en narguant l’Occident sur son projet de démocratie tant vanté dans le nouveau Moyen-Orient. Le Qatar a disparu de la ligne de front syrien. Washington ne veut toujours pas appeler le coup d’Etat égyptien par son vrai nom, alors que l’Union européenne hésite à imposer un embargo sur l’Egypte, l’Arabie saoudite menace de rattraper tout embargo occidental sur l’Egypte.

Caler une réinitialisation

Mais la partie la plus sensationnelle du réalignement est la proximité naissante entre la Russie d’une part et de l’Arabie Saoudite et ses alliés du CCG (en particulier les Emirats arabes unis), d’autre part dans leur antipathie partagée envers les Frères musulmans.

À tout le moins, la controverse sur les armes chimiques syriennes met une rupture brutale sur les mouvements naissants d’un "reset" dans les alignements politiques au Moyen-Orient. Les puissances occidentales ont cerclé les wagons, et sont en train de dire à leurs alliés arabes rétifs – l’Arabie saoudite, en particulier – de rester patients, avec le signal que le projet syrien est toujours en cours.

Le cœur du problème est que l’Occident ne peut tout simplement pas se permettre une ascendance régionale par la Russie, la Chine et l’Iran. Pas plus qu’il n’est à l’aise avec les comportements de plus en plus individualistes qu’adoptent ses alliés régionaux.

Paradoxalement, la controverse sur les armes chimiques constitue une bouée de sauvetage vitale pour la Turquie aux abois de Recep Erdogan pour sortir de son isolement aigu sur l’Egypte. Erdogan ne sait plus quoi faire face à la question kurde, qui a flambé récemment à cause du conflit syrien. Les Kurdes syriens ont frontalement dénoncé les liens secrets d’Ankara avec les affiliés d’Al-Qaïda opérant dans le nord-est à la frontière entre la Syrie et la Turquie, ce qui met Erdogan dans une situation difficile.

Une question tentante se pose, toutefois. Les puissances européennes – la Grande-Bretagne et la France en particulier – et la Turquie sont évidemment le fer de lance de la dernière controverse sur les armes chimiques. Mais quelle est la réalité de l’implication de l’administration Obama dans cette histoire et jusqu’à quel point est-elle impliquée ?

Le chef de la Joint Chiefs of Staff, le général Martin Dempsey, a annoncé, pas plus tard que lundi que l’administration Obama est opposée à une intervention militaire, même limitée en Syrie, car il estime que les rebelles qui combattent le régime Assad ne prendront pas en compte les intérêts américains s’ils devaient s’emparer du pouvoir en ce moment.

Il a écrit avec une franchise brutale dans une lettre officielle adressée au membre du Congrès américain Eliot Engel (Démocrate – New York),

En Syrie aujourd’hui ce n’est pas de choisir entre deux parties, mais plutôt le choix d’un des nombreux côtés. C’est ma conviction que le côté que nous choisissons doit être prêt à défendre leurs intérêts et les nôtres lorsque la balance penchera en leur faveur. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas

C’est un conflit de longue durée, profondément enracinée entre plusieurs factions et les luttes violentes pour le pouvoir se poursuivront après le départ d’Assad. Nous devons évaluer l’efficacité des options militaires limitées dans ce contexte.

L’utilisation de la force militaire américaine peut changer l’équilibre militaire. Mais il ne peut pas résoudre les problèmes ethniques, religieux et tribaux sous-jacents et historiques qui alimentent ce conflit.

Dempsey a conclu que l’administration Obama est sur la bonne voie avec sa politique actuelle de se concentrer sur l’aide humanitaire et le renforcement de l’opposition modérée en Syrie, car une telle approche "représente le meilleur cadre pour une stratégie efficace Etatsunienne en Syrie".

Dans l’ensemble, donc, la controverse sur les armes chimiques ouvre une porte de sortie de toutes sortes pour les puissances occidentales (et la Turquie) en Syrie. Les puissances occidentales ont esquivé la question de l’armement des rebelles syriens après avoir fait des promesses verbales pendant que les forces d’Assad reprenaient peu à peu le dessus militairement.

L’opposition syrienne est dans la confusion et l’homme fort de l’Egypte le général Abdel Fatteh el-Sisi a demandé à ses dirigeants qui étaient basés au Caire de déguerpir. D’autre part, les Frères Musulmans, qui dominaient l’opposition syrienne, sont sous le feu de l’artillerie saoudienne dans toute la région.

En somme, la boussole du projet de « changement de régime » en Syrie a évolué en faveur des salafistes. Et puis nous n’en sommes qu’au début en Egypte et ce qui se passera sur les rives du Nil réécrira finalement la politique du Moyen-Orient. Dans la situation actuelle, Assad va négocier en position de force inattaquable à la table des négociations de "Genève 2", ce qui est intenable.

C’est là que la controverse sur les armes chimiques et l’ouverture d’un dossier syrien au Conseil de sécurité de l’ONU offre un répit pour briser l’élan de l’armée d’Assad, l’arrogance du Hezbollah et de l’Iran et la fin de la satisfaction béate sur le front de la Russie.

Est-ce un prélude à un scénario semblable à l’Irak ? Les chancelleries à Moscou, Téhéran et Pékin évalueront. Aucun doute, Sellstrom se rapproche dangereusement, sur la pointe des pieds, des stocks d’ADM de Bachar, quelque chose, que les Etats-Unis (et Israël) ont toujours voulu fixer.

La seule tâche confiée à l’inspecteur des armes Sellstrom quand il a débarqué à Damas il y a trois jours avec son équipe était d’inspecter trois sites spécifiques afin de déterminer si des armes chimiques avaient été utilisées en Syrie. Il n’avait même pas le mandat de dire qui est le responsable.

Maintenant, tout ça c’est du passé.

MK Bhadrakumar

Traduction : Avic

http://atimes.com/atimes/Middle_East/MID-01-220813.html

»» http://avicennesy.wordpress.com/2013/08/24/loccident-contre-attaque-en...
URL de cet article 22031
  

Guide du Paris rebelle
Ignacio RAMONET, Ramon CHAO
Mot de l’éditeur Organisé par arrondissement - chacun d’eux précédé d’un plan -, ce guide est une invitation à la découverte de personnages célèbres ou anonymes, français ou étrangers, que l’on peut qualifier de rebelles, tant par leur art, leur engagement social ou encore leur choix de vie. Depuis la Révolution française, Paris est la scène des manifestations populaires, des insurrections et des émeutes collectives. Toutes ayant eu un écho universel : la révolution de 1830, celle de 1848, la Commune, les (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Al Qaeda est aux médias ce que Stéphanie de Monaco est à "Questions Pour Un Champion".

Viktor Dedaj

L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
Reporters Sans Frontières, la liberté de la presse et mon hamster à moi.
Sur le site du magazine états-unien The Nation on trouve l’information suivante : Le 27 juillet 2004, lors de la convention du Parti Démocrate qui se tenait à Boston, les trois principales chaînes de télévision hertziennes des Etats-Unis - ABC, NBC et CBS - n’ont diffusé AUCUNE information sur le déroulement de la convention ce jour-là . Pas une image, pas un seul commentaire sur un événement politique majeur à quelques mois des élections présidentielles aux Etats-Unis. Pour la première fois de (...)
23 
Hier, j’ai surpris France Télécom semant des graines de suicide.
Didier Lombard, ex-PDG de FT, a été mis en examen pour harcèlement moral dans l’enquête sur la vague de suicides dans son entreprise. C’est le moment de republier sur le sujet un article du Grand Soir datant de 2009 et toujours d’actualité. Les suicides à France Télécom ne sont pas une mode qui déferle, mais une éclosion de graines empoisonnées, semées depuis des décennies. Dans les années 80/90, j’étais ergonome dans une grande direction de France Télécom délocalisée de Paris à Blagnac, près de Toulouse. (...)
69 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.