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« La souris tue le chat » : La rébellion d’Augusto Cesar Sandino contre les États-Unis

Comment Sandino a lutté pour l’indépendance du Nicaragua, a perdu et est resté un héros pour son peuple

Avant Fidel Castro et Che Guevara, avant Ho Chi Minh et avant que Mao ne commence sa Longue Marche, il y avait Augusto Cesar Sandino.

Si Sandino est généralement moins connu que les autres, il a néanmoins été l’un des guérilleros les plus importants et les plus efficaces du XXe siècle, réussissant à chasser contre toute attente les Marines américains du Nicaragua. Son image, avec son emblématique chapeau de cow-boy incliné sur le côté, reste le symbole le plus omniprésent au Nicaragua - un pays dirigé par le Front sandiniste, nommé en son honneur.

Contrairement aux révolutionnaires susmentionnés, Sandino n’était ni un intellectuel ni un marxiste. Il était plutôt un mécanicien originaire d’une petite ville à l’extérieur de la ville de Masaya, au Nicaragua, et un membre du parti libéral du Nicaragua. Sandino n’était pas un révolutionnaire de formation ou d’étude ; il a été entraîné dans la lutte armée en réponse à l’invasion et à l’occupation de son pays par les marines américains, qui ont commencé en 1911 dans le but d’évincer le président du Parti libéral José Zelaya. Comme l’explique le département d’État américain lui-même, l’opposition américaine à Zelaya découlait de son intention de travailler avec le gouvernement japonais pour développer un canal de la côte Atlantique à la côte Pacifique du Nicaragua qui rivaliserait avec le canal de Panama contrôlé par les États-Unis. Ce projet allait à l’encontre de la doctrine Monroe de 1823, selon laquelle les États-Unis ont une domination exclusive sur le continent américain et le droit d’intervenir dans n’importe quel pays pour empêcher l’influence d’autres nations.

Les États-Unis ont pu mettre en place une succession de présidents du parti conservateur à leur goût, avec le soutien de la brutale Garde nationale. Les États-Unis ont ainsi pu conclure un accord avec le gouvernement nicaraguayen qui leur a permis, ainsi qu’aux entreprises américaines, de contrôler de manière significative le trésor, les finances et les chemins de fer du Nicaragua. Cependant, cela n’a pas plu au peuple nicaraguayen qui s’est finalement révolté. Comme l’explique le département d’État américain (dans un incroyable acte d’euphémisme), la tentative des États-Unis "d’empêcher la gestion locale des finances ... a provoqué une inquiétude nationaliste considérable au Nicaragua". Pour réprimer les troubles et la guerre civile qui ont éclaté entre les libéraux et les conservateurs, les États-Unis, qui avaient retiré les Marines en 1924, ont envoyé une force de Marines encore plus importante au Nicaragua en 1925. 

C’est cette invasion des Marines qui a déclenché l’ascension d’Augusto Cesar Sandino, qui a mené des centaines de guérillas, essentiellement paysannes, pour la repousser. Comme l’explique un historien, Sandino, qui "était devenu un général libéral dans la guerre civile, a lancé sa rébellion en mettant à sac la mine d’or de San Albino appartenant aux États-Unis et en publiant des proclamations contre les "lâches et criminels yankees" et l’aristocratie nicaraguayenne "vermoulue et décadente" qui servait les intérêts américains.

Sandino et ses forces, bien qu’elles ne soient pas très nombreuses et certainement pas aussi bien armées que le corps des Marines des États-Unis, se sont avérées être une force formidable qui ne pouvait être ni attrapée ni vaincue. Sandino est rapidement devenu une légende, et "même le Kuomintang chinois portait des étendards à son effigie". Comme l’a écrit feu le grand écrivain latino-américain Eduardo Galeano dans son ouvrage acclamé "Les veines ouvertes de l’Amérique latine" :

"L’épopée d’Augusto César Sandino a remué le monde. La longue lutte du chef de la guérilla nicaraguayenne s’enracinait dans la revendication de terres par des paysans en colère. Sa petite armée en haillons a lutté pendant plusieurs années contre douze mille envahisseurs américains et la garde nationale. Des boîtes de sardines remplies de pierres servaient de grenades, des fusils Springfield étaient volés à l’ennemi et les machettes étaient nombreuses ; le drapeau flottait sur n’importe quel bâton et les paysans se déplaçaient dans les fourrés des montagnes en portant des bandes de peau appelées huaraches au lieu de bottes. Les guérilleros chantaient, sur l’air d’Adelita : "Au Nicaragua, messieurs, la souris tue le chat".

Et ainsi, dans leur désespoir de soumettre d’une manière ou d’une autre Sandino et sa bande de joyeux lurons, les États-Unis se sont de plus en plus tournés vers la nouvelle forme de guerre qu’ils continuent de mener aujourd’hui - le bombardement aérien des villes et des campagnes. 

Résumant le témoignage de ceux qui ont vécu l’assaut américain, un historien décrit les bombardements aériens américains comme "un ennemi sans remords et sans visage infligeant une violence aveugle aux maisons, aux villages, au bétail et aux personnes qui, indépendamment de leur âge, de leur sexe, de leur force physique, de leur statut social, [et qui] n’avaient d’autre défense que de sauver leurs biens". 

Selon un compagnon de combat de Sandino qui a vécu les bombardements aériens et la mise à sac d’Ocotal, au Nicaragua, qui s’en est suivie, "l’aviation a fait beaucoup de dégâts à la population, entre les pertes humaines et les pertes matérielles, causant trente-six morts dans nos forces... Les troupes de Sandino ont résisté aux avions du mieux qu’elles ont pu, abattant un avion ennemi (un Fokker), et après cela, les troupes sandinistes se sont retirées, et c’est alors que les troupes yankees sont entrées dans la ville déjà détruite, causant la plus grande destruction, saccageant les tableaux et les cloches des ruines de l’église et les jetant dans la rivière ... Il y a eu des centaines de morts ici, parmi eux des enfants, des femmes".

Pourtant, Sandino et son armée de libération, essentiellement paysanne, persistent et réussissent à chasser les Marines américains du Nicaragua en 1933, mais pas avant que les Marines ne parviennent à renforcer la Garde nationale sous la direction d’Anastasio Somoza. Incapable de vaincre Sandino sur le champ de bataille, Somoza n’avait d’autre choix que de recourir à la ruse. C’est ainsi que, sur la promesse d’un accord de paix, Somoza a attiré Sandino à Managua où il a été assassiné le 21 février 1934. La dépouille de Sandino a disparu et n’a jamais été retrouvée. Entre-temps, Somoza - "un fils de pute, mais ... notre fils de pute", comme le disait le président américain Roosevelt - s’est autoproclamé président du Nicaragua avec l’appui des États-Unis et s’est rapidement mis à réprimer les partisans et les sympathisants de Sandino.

Somoza et son fils, puis son petit-fils, ont dirigé le Nicaragua d’une main de fer (et avec l’aide militaire américaine) pendant les 45 années suivantes. Toutefois, l’exemple de Sandino a inspiré la création du Front sandiniste de libération nationale (FSLN) en 1962. Le FSLN, à nouveau un mouvement essentiellement paysan dans une société principalement agraire, a mené une guérilla contre Somoza et sa Garde nationale, qui a abouti à la victoire du FSLN et à l’éviction du dernier Somoza en 1979. Mais Somoza n’est pas parti sans combattre ; à la fin, 50 000 Nicaraguayens sont morts, principalement à cause des bombardements aériens de ses propres villes, qui rappellent les bombardements américains des années 1920 et du début des années 1930.

En outre, 100 000 ont été blessés, 40 000 sont devenus orphelins et 150 000 se sont réfugiés. Et, lorsque Somoza a fui le pays, il a emporté son trésor, s’assurant ainsi que d’énormes pans du Nicaragua resteraient en ruine à cause de sa campagne aérienne pendant des années.

Le FSLN, une fois victorieux, s’est assuré que la mémoire et l’héritage de Sandino seraient préservés. En même temps, Sandino est l’une de ces figures historiques, comme Jose Marti à Cuba, que presque tous les partis revendiquent au Nicaragua. En effet, la pire accusation que l’on puisse formuler à l’encontre d’un dirigeant ou d’un militant dans le pays est qu’il a en quelque sorte trahi Sandino et son héritage, et cette accusation est souvent formulée.

En effet, il est désormais de bon ton, parmi les sandinistes mécontents, la presse grand public au Nicaragua et en dehors, et même au sein de la gauche aux États-Unis et en Europe, d’affirmer que les dirigeants actuels du FSLN, y compris le président Daniel Ortega, ont abandonné l’héritage de Sandino et la révolution sandiniste. Même le dictateur Somoza, avant d’être abattu alors qu’il était exilé au Paraguay par des révolutionnaires argentins en 1980, a fait cette affirmation, publiant un livre peu avant sa mort intitulé "Nicaragua Betrayed". Il est même maintenant courant d’entendre dans certains cercles des affirmations selon lesquelles Ortega est en fait "le nouveau Somoza".

Comme me l’a dit mon bon ami S. Brian Willson, un vétéran du Vietnam devenu militant pacifiste qui a perdu ses jambes en protestant contre une livraison d’armes des États-Unis vers l’Amérique centrale par train en 1987, les promesses essentielles de Sandino et des sandinistes ont été tenues. Et ces promesses essentielles au peuple nicaraguayen étaient et sont : (1) l’indépendance et la souveraineté face aux États-Unis et à leurs tentatives de déterminer le destin du Nicaragua ; et (2) la réforme agraire, l’éducation et une vie décente pour l’importante population paysanne du Nicaragua. Brian, qui a vécu à Grenade, au Nicaragua, pendant des années, sait de quoi il parle.

Ortega et le FSLN ont largement tenu ces deux promesses, selon une majorité de Nicaraguayens. Et c’est pourquoi, au grand dam de nombreux intellectuels de gauche, Ortega reste populaire au Nicaragua, en particulier parmi les paysans, les travailleurs et les pauvres. Ortega et le FSLN ont donné de nombreux hectares de terre aux paysans ; ils ont instauré la gratuité de l’enseignement et des soins de santé ; ils ont investi dans des logements abordables pour les pauvres ; ils ont électrifié le pays et construit les infrastructures ; ils ont réduit de manière significative la pauvreté et l’extrême pauvreté, puisque près de 100 % des aliments consommés par les Nicaraguayens sont cultivés et élevés par les paysans eux-mêmes.

Les Sandinistes ont également préservé le Nicaragua de l’ingérence des États-Unis, notamment en remportant la brutale guerre des Contras des années 1980, au cours de laquelle les États-Unis ont financé, entraîné et dirigé d’anciens dirigeants de la Garde nationale de Somoza pour tenter de reprendre violemment le pays. Le conflit qui en a résulté a fait 30 000 morts et a laissé le pays et l’économie en ruine. Heureusement, le Nicaragua s’en est largement remis.

Je voyage au Nicaragua depuis 1987. Et c’est à cette époque que j’ai vu mes premières images de Sandino et que j’ai appris son combat contre les Marines américains. J’ai même rencontré à Ocotal un vieil homme qui a combattu avec Sandino et qui était fièrement assis sur son porche dans l’ancien uniforme qu’il portait au combat. J’ai vu un pays dont les niveaux de pauvreté et de sous-développement étaient autrefois choquants devenir une société prospère et développée. Si Augusto Cesar Sandino, qui continue à regarder le Nicaragua depuis des statues et des peintures, pouvait voir son pays aujourd’hui, je pense qu’il serait fier.

Daniel Kovalik

Daniel Kovalik enseigne les droits de l’homme internationaux à la faculté de droit de l’université de Pittsburgh et est l’auteur du récent ouvrage No More War : How the West Violates International Law by Using "Humanitarian" Intervention to Advance Economic and Strategic Interests.

Traduction "No Pasaran ! disaient-ils. Parole tenue" par Viktor Dedaj avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles

»» https://www.rt.com/news/550092-augusto-cesar-sandino-nicaraguan/
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Eric Hazan. Changement de propriétaire. La guerre civile continue. Le Seuil, 2007
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Très incisif et très complet livre du directeur des éditions La Fabrique (qui publie Rancière, Depardon, Benjamin etc.), ce texte n’est pas près de perdre de son actualité. Tout y est sur les conséquences extrêmement néfastes de l’élection de Sarkozy. Je me contenterai d’en citer le sombrement lucide incipit, et l’excipit qui force l’espoir. « Dimanche 6 mai 2007. Au bureau de vote, la cabine dont on tire les rideaux derrière soi pour mettre son bulletin dans l’enveloppe s’appelle un (…)
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