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Le CNRS fait commerce de publications gratuites de chercheurs français

Comparaison n’est pas raison, mais imaginons que Viktor et Maxime vendent à l’Agence France Presse des articles pour lesquels des contributeurs admirables ont sué sang et eau et dans la plus grande abnégation. C’est ce qui se passe dans la recherche française aujourd’hui.

Les universitaires français, en tant qu’enseignants-chercheurs doivent statutairement faire de la recherche. Ils sont payés pour cela. Cette recherche doit être publiée. En France ou ailleurs.

Sauf exception rarissime, jamais un article scientifique n’est rétribué. Les revues scientifiques qui accueillent ces articles déploient des trésors d’ingéniosité et de bénévolat pour vivre ou survivre. Or depuis quelques années, l’Institut de l’information scientifique et technique (l’INIST), une unité de service du CNRS, met en vente (au prix de 11 à 50 euros pièce) des masses d’articles sans en informer, ni les directeurs de revues, ni les auteurs. Et, naturellement, sans leur demander leur autorisation. Le plus fort est que nombre de ces publications sont en accès gratuit sur internet. Seul le droit de copie (versé pour toute photocopie d’article) est reversé aux éditeurs, soit moins de 2 euros sur les 11 à 50 qui sont facturés.

Installé à Vandoeuvre-les-Nancy, l’INIST a pour mission de collecter, traiter et diffuser les résultats de la recherche scientifique et technique. Depuis 2010, il est membre de DataCite, un consortium international de bibliothèques et services spécialisés dans les sciences de l’information qui vise à faciliter l’archivage numérique ainsi que l’accès aux ressources numériques sur Internet. Datacite a été fondé le 1er décembre 2009 à Londres. Je me disais aussi que quand on mélange service public et gros sous, les Anglo-Saxons ne sont jamais bien loin. L’INIST vend donc des reproductions d’articles de revues, en relation avec la librairie chapitre.com. Cette enseigne est constituée d’un site internet créé en 1997 et, depuis 2007 (acquisition par DirectGroup, alors partie du groupe Bertelsmann), d’un réseau de 57 librairies françaises. Chapitre.com constitue désormais un des quatre pôles du groupe Actissia (France Loisirs, Le Grand livre du mois) qui appartient depuis mai 2011 au fonds d’investissements étatsunien Najafi Companies (un milliard de dollars d’investissments par an).Elle a pour cela signé avec le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC) un contrat par lequel ce dernier lui cédait les droits de reproduction par reprographie des publications qu’elle avait acquises.

Je me suis donc rendu sur le site http://www.refdoc.fr/ pour voir si j’étais « vendu ». ô déception, je n’y ai trouvé qu’un seul de mes articles, un travail sur L’Éducation sentimentale, publié, je vous le donne en mille, par une revue scientifique danoise (répertorié ici : http://cat.inist.fr/?aModele=afficheN&cpsidt=14836797 et à lire gratuitement ici : http://bernard-gensane.over-blog.com/article-etrouvons-flaubert-la-route-la-plus-longue-de-frederic-moreau-du-rien-au-meilleur-69451700.html)..

En 2009, des directeurs de revues et des auteurs ont protesté contre ces pratiques. Le 9 juillet 2010, le tribunal de grande instance de Paris a jugé ces pratiques illégales dans la mesure où l’autorisation de l’auteur est obligatoire et a condamné l’INIST et le CFC pour contrefaçon. Le jugement a été confirmé en cour d’appel en mai 2011, le jugement stipulant que « le droit de reprographie ne vaut que pour une utilisation non commerciale et que le consentement de l’auteur est obligatoire pour toute exploitation commerciale. » L’exploitation continue car un procès perdu coûte moins cher que l’arrêt total du service.

Dans l’université sarkozyenne d’hier et hollandienne d’aujourd’hui, valoriser la recherche signifie la vendre, non la mettre en valeur. Lorsqu’un laboratoire de recherche paye un article à l’INIST, le contribuable paye deux fois puisque l’État paye l’État. Ensuite l’État annonce avoir oeuvré à la réduction des dépenses publiques puisqu’il a vendu un bien public.

Contre ces pratiques, une pétition est en ligne à cette adresse :

http://www.savoirscom1.info/2012/10/15/inist-refdoc-rejoignez-le-collectif-des-auteurs-en-colere/

Bernard GENSANE

http://bernard-gensane.over-blog.com/

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Depuis 1974 en France, à l’époque du serpent monétaire européen, l’État - et c’est pareil dans les autres pays européens - s’est interdit à lui-même d’emprunter auprès de sa banque centrale et il s’est donc lui-même privé de la création monétaire. Donc, l’État (c’est-à -dire nous tous !) s’oblige à emprunter auprès d’acteurs privés, à qui il doit donc payer des intérêts, et cela rend évidemment tout beaucoup plus cher.

On ne l’a dit pas clairement : on a dit qu’il y avait désormais interdiction d’emprunter à la Banque centrale, ce qui n’est pas honnête, pas clair, et ne permet pas aux gens de comprendre. Si l’article 104, disait « Les États ne peuvent plus créer la monnaie, maintenant ils doivent l’emprunter auprès des acteurs privés en leur payant un intérêt ruineux qui rend tous les investissements publics hors de prix mais qui fait aussi le grand bonheur des riches rentiers », il y aurait eu une révolution.

Ce hold-up scandaleux coûte à la France environ 80 milliards par an et nous ruine année après année. Ce sujet devrait être au coeur de tout. Au lieu de cela, personne n’en parle.

Etienne Chouard

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