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Le démantèlement des Etats

14 000 kilomètres. Ce chiffre représente les frontières de l’Union européenne qui délimitent le marché unique et qui le sépare des Etats voisins. Quant à la superficie de cette union douanière, elle s’élève à 4 493 712 km2 . C’est dire si l’aménagement du territoire occupe une place prépondérante dans la construction européenne. L’intégration des différents territoires semble centrale dans la réflexion avec une volonté bruxelloise d’homogénéiser cet ensemble.

C’est ainsi que dans les années 90 fut adopté le Rapport « Europe 2000+ ». Celui-ci fait le point sur les travaux menés par la Commission dans le domaine de l’aménagement du territoire et des échanges de vues avec les Etats membres dans le cadre du comité de développement spatial. Ce document très complet est accessible en ligne (http://documents.irevues.inist.fr/handle/2042/30248?show=full) : On y découvre le rôle de la région, de l’aménagement du territoire, l’importance de l’intégration par la collaboration transnationale (exemples : Grand Genève, agglomération trinationale de Bâle,…).

I. Le découpage territorial en NUTS

La Commission européenne a décomposé l’Europe en régions. Celles-ci sont répertoriées grâce à un système appelé « NUTS ». Les détails se trouvent dans le « Règlement (CE) n° 1059/2003 du Parlement européen et du Conseil du 26 mai 2003 relatif à l’établissement d’une nomenclature commune des unités territoriales statistiques (NUTS) » http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:32003R1059 )
Constitué de 3 niveaux, le système NUTS (1,2 et3) hiérarchise ce découpage du « territoire économique de l’UE » et sert à :

• la collecte, le développement et l’harmonisation des statistiques régionales ;
• les analyses socio-économiques des régions ;
• la définition des politiques régionales de l’UE.

II. La France en 13 régions :

En France, l’Assemblée Nationale a adopté le 25 novembre 2014 la nouvelle carte nationale qui passe de 22 à 13 régions. Celle-ci comprend notamment la fusion des régions Poitou-Charentes, Limousin et Aquitaine, ainsi que celle du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie.

Le site du ministère de l’intérieur apporte une information précieuse au sujet du rôle-clé que les régions seront appelées à jouer à l’avenir. Il y est dit ceci : « Demain, les régions seront « la seule collectivité compétente pour soutenir les entreprises et porter les politiques de formation et d’emploi, pour intervenir en matière de transports, des trains régionaux aux bus en passant par les routes, les aéroports et les ports. Elles géreront les lycées et les collèges. Elles auront en charge l’aménagement et les grandes infrastructures », a-t-il détaillé. Et d’ajouter : « elles disposeront de moyens financiers propres et dynamiques. Et elles seront gérées par des assemblées de taille raisonnable. Ce qui veut dire moins d’élus ».

Ces régions si autogérées cohabiteront-elles avec les Etats ? Leur mise en place mettra-t-elle un terme aux Etats tels que nous les avons connus à ce jour ?

III. Le découpage de la Suisse en 7 régions

L’UE a découpé en « NUTS » d’autres Etats que ceux de l’UE. Les territoires des Etats de l’AELE, de la Turquie et de la Suisse ont aussi été redéfinis.

Dans le cas de la Suisse, nous savons que le Conseil fédéral a fortement engagé dès 1999 le pays dans l’UE grâce aux accords bilatéraux (1). Ce sont ainsi plus d’une centaine d’accords qui ont été signés qui incluent des reprises des « acquis communautaires ». La législation suisse, les institutions publiques, les services et biens publics ont totalement mutés depuis dans le sens du concept européen offrant du même coup de fortes contributions financières à Bruxelles.

Dans ce contexte d’ouverture et d’intégration, le volet de l’aménagement du territoire ainsi que celui du transfert des statistiques (accord signé par la Suisse en 2004) sont éminemment importants. Le transfert des données statistiques constitue un pilier qui permet aux représentants de l’UE d’avoir des informations très précises sur tout ce qui se passe en Suisse et de manière générale et systématique dans les « NUTS ». Cette information standardisée, codifiée et communiquée à l’UE, va permettre à celle-ci de mettre en place une gestion similaire à celle de la comptabilité analytique d’une entreprise.

La Suisse est considérée comme une « NUTS 1″, qui se décompose en 7 « NUTS 2″ :

1. Genève, Valais, Vaud représentent la Région lémanique
2. Berne, Fribourg, Neuchâtel, Jura, Soleure deviennent l’Espace Mittelland
3. Argovie, Bâle-Campagne et Bâle-Ville sont la Suisse du Nord-Ouest
4. Les Appenzell, Glaris, Grisons, St-Gall, Schaffhouse, Thurgovie deviennent la Suisse Orientale
5. Lucerne, Nidwald, Obwald, Schwytz, Uri et Zoug constituent la Suisse Centrale
6. Tessin
7. Zürich

Ci-dessous un graphique qui illustre l’intégration des grandes régions au niveau de l’aménagement du territoire suisse, de la nomenclature statistique et plus globalement de la gouvernance publique . Le fait de lui accoler un PIB nous amène à nous poser la question de son futur rôle....

Mais cette régionalisation dépasse le simple besoin hautement symbolique des études statistiques. Même l’office fédéral de la statistique relève ceci : « L’objectif de cette régionalisation dépasse cependant le domaine purement statistique et s’inscrit dans l’évolution de la société, de l’économie et de la politique. Les entreprises, les associations et autres groupements s’organisent en effet de plus en plus à des niveaux intercantonaux. Les bassins d’emploi et les zones de pendularité s’élargissent. Ces changements d’échelle impliquent notamment la nécessité de davantage prendre en compte les processus macrorégionaux »....

Nous voyons donc une concordance avec le ministère français de l’intérieur quant au remodelage du territoire et à sa régionalisation.

Voici la carte de la Suisse avec laquelle il faudrait se familiariser. Enfin pour ceux qui ont accès à l’information...

Une carte interactive, excessivement intéressante et très complète existe aussi à cette adresse.

IV. Des macro-régions, l’exemple alpin

L’aménagement du territoire de l’Union européenne prévoit aussi le regroupement de régions en macro-régions autour de thèmes communs. Une place de choix est consacrée à celle de la région alpine, EUSALP sigle de « EU Strategy for Alpine Region ».

La Suisse – dont la position géographique est essentielle à l’Europe – y est totalement intégrée. EUSALP regroupe 7 pays dont la Suisse.

EUSALP EUROPE
EUSALP est présenté par Régiosuisse qui est le Centre national du réseau de développement régional. Celui-ci aurait été créé au début de 2008 par le SECO (Secrétariat à l’économie de la Confédération suisse) en tant que mesure d’accompagnement de la mise en œuvre de la Nouvelle politique régionale (NPR) (!).

Sur ce site du SECO, on peut lire : le « nouvel instrument transnational destiné à l’espace alpin va voir le jour : la stratégie macrorégionale alpine (EUSALP). Instruments de la politique de cohésion et de la politique structurelle de l’UE, les stratégies macrorégionales portent sur des défis auxquels sont confrontées des régions géographiques spécifiques ; elles contribuent ainsi à renforcer la cohésion économique, sociale et territoriale dans ces régions. »

Le 27 juin 2014, une Conférence des Chefs de Gouvernement des Régions Alpines ont adopté une Résolution concernant la Stratégie de l’Union européenne pour la Région alpine (EUSALP). Le premier des 14 points dit ceci :

 » Sous l’impulsion de l’Arge Alp, les Régions Alpines ont lancé l’initiative d’une stratégie européenne macro-régionale pour les Alpes et ont approuvé le 29 juin 2012 à Bad Ragaz un document d’initiative pour l’élaboration d’une stratégie macro-régionale alpine. Les Chefs de Gouvernement des Régions alpines réaffirment leur conviction qu’une stratégie macro-régionale constituerait un cadre d’action approprié pour mettre en place une collaboration de plus en plus étroite et efficace à tous les niveaux, étant donné l’identité commune que partagent les régions de l’arc alpin. »

On peut supposer que les citoyens des régions concernées seraient très intéressés de savoir qui sont « les chefs de Gouvernement des Régions Alpines » ? Y a-t-il un gouvernement spécifique aux régions alpines ? Les chefs des 7 Etats concernés par EUSALP sont-ils devenus des chefs de Régions ? En tout cas quelque chose échappe à la compréhension du lecteur.

Bref, après la fin du concept de Nation, serions-nous en train d’assister à la fin du territoire « national » ? Sommes-nous les témoins de la naissance de toutes nouvelles entités voulues par les représentants bruxellois ? Que signifient ces mutations en profondeur quant à l’avenir-même des Etats ? Ces régions seront-elles autant de futurs Etats dépendants de Bruxelles ? Qu’en pensent les peuples ? Les différents scandales -principalement de corruption- auxquels nous assistons impliquant des élus locaux ou nationaux en Europe viennent amplifier ces interrogations.

On peut donc constater une sorte de révolution initiée par l’UE autour de l’aménagement du territoire. Concernant la Suisse, on peut regretter que le remodelage du pays se fasse sans le peuple qui se croit encore souverain. C’est tout de même lui qui a élu et qui finance par ses impôts ceux-là même qui chamboulent son environnement dans un silence proche du secret.

(1) Suisse-UE : l’intégration silencieuse

A lire également : La rentabilité au coeur de l’Europe des régions

http://lilianeheldkhawam.wordpress.com/2014/08/08/la-rentabilite-au-coeur-de-leurope-des-regions-le-cas-suisse/

13 décembre 2014

»» http://lilianeheldkhawam.wordpress....
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