RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher

La réinitialisation de l’Axe du mal à l’occasion du vingtième anniversaire de l’invasion de l’Irak

Ces derniers jours, la classe politico-médiatique occidentale a soudainement ressuscité la formule de « l’Axe du mal » pour faire référence à l’intimité croissante entre la Russie et la Chine, juste à temps pour le 20ème anniversaire de l’invasion de l’Irak.

Sean Hannity, célèbre « pompom boy » de la guerre en Irak, semble avoir donné le coup d’envoi la semaine dernière en déclarant dans son émission qu’« un nouvel axe du mal est en train d’émerger » entre la Chine, la Russie et l’Iran, un slogan qui a depuis été repris de nombreuses fois cette semaine.

Mardi, l’ancienne ambassadrice aux Nations unies Nikki Haley a déclaré à Fox News que Vladimir Poutine et Xi Jinping sont « deux dictateurs qui ont déclaré être des partenaires illimités », affirmant que « c’est le nouvel axe du mal, avec l’Iran comme partenaire junior (1) ».

Mardi également, le représentant Mike Lawler a tweeté : « La rencontre de Xi avec Poutine à Moscou est très préoccupante et met en évidence les menaces croissantes posées par ce nouvel axe du mal ». Jeudi, il a tweeté : « Nous avons affaire à un nouvel axe du mal et l’incapacité à arrêter Poutine en Ukraine aura des implications considérables, alors que la Russie s’enfonce davantage en Europe de l’Est et que la Chine s’attaque à Taïwan ».

Mercredi, le Telegraph a publié un article intitulé « Xi et Poutine construisent un nouvel axe du mal », qui mélange les expressions « axe Chine-Russie » et « axe Pékin-Moscou » pour faire bonne mesure.

Mercredi également, le représentant Brian Mast a tweeté « Voici le nouvel axe du mal », accompagné d’une photo de Xi et Poutine se serrant la main.

Jeudi, le tabloïd britannique The Sun a publié un article WHO’S THE BOSS ?. Les experts en langage corporel révèlent les messages cachés de Poutine et Xi lors de leur rencontre sur « l’axe du mal » et qui détient VRAIMENT le pouvoir », sans que l’expression « axe du mal » n’apparaisse nulle part dans le corps du texte.

Le slogan de « l’Axe du mal » a été rendu célèbre pour la première fois par George W. Bush dans un discours chauvin prononcé quelques mois après le 11 septembre, et désignait à l’époque les nations irakienne, iranienne et nord-coréenne. L’année suivante, l’Irak serait en ruines, tandis que l’empire étasunien entrerait dans une nouvelle ère d’expansionnisme militaire mondial et d’interventionnisme choquant et agressif au Moyen-Orient.

Bush (et l’auteur du discours qui l’a aidé à inventer cette phrase, le propagandiste de guerre néoconservateur David Frum) a utilisé le mot « Axe » pour évoquer le souvenir des puissances de l’Axe de la Seconde Guerre mondiale contre lesquelles se sont battues les forces alliées dont les États-Unis faisaient partie. Les bellicistes occidentaux ont l’habitude de comparer chaque guerre qu’ils veulent mener à la Seconde Guerre mondiale, qualifiant leur ennemi du jour, quel qu’il soit, de nouvel Adolf Hitler, ceux qui veulent le combattre de nouveaux Winston Churchill et ceux qui s’opposent à la guerre de nouveaux Neville Chamberlain.

L’idée est de faire en sorte que tout le monde pense en termes de bons et de méchants, comme des enfants regardant un dessin animé, et non comme des adultes engagés dans une analyse complexe de la vie réelle telle qu’elle existe. Parce que l’empire étasunien a passé des générations à présenter la Seconde Guerre mondiale comme un conflit opposant purement les bons et les méchants, les propagandistes peuvent désormais affirmer que chaque cible du Pentagone est Hitler et que les États-Unis et leurs alliés sont les courageux héros qui combattent Hitler.

Et il semble que ce soit l’intention derrière cette récente résurrection du label « Axe du Mal » : il ne s’agit pas de rappeler le slogan faucon de George W. Bush à l’occasion du 20ème anniversaire de l’invasion de l’Irak, mais de se souvenir de la Seconde Guerre mondiale. Cela semble probable car nous constatons également une augmentation considérable de l’utilisation du terme « axe » pour désigner la Russie, la Chine, l’Iran et parfois d’autres nations comme la Corée du Nord, sans la partie amusante « du Mal ».

Le morse génocidaire John Bolton tente depuis un certain temps de faire de l’« axe » une réalité ; il a utilisé ce terme pour désigner la relation entre la Russie et la Chine le mois dernier dans une interview au Washington Post, où il a également affirmé que nous étions déjà engagés dans une « guerre mondiale » contre ces nations. Dans une interview accordée au Telegraph en début de semaine, John Bolton a évoqué « l’axe Chine-Russie », qu’il a décrit comme ayant « des précurseurs tels que l’Iran et la Corée du Nord ».

Lundi, l’élu démocrate Jamie Raskin a tweeté sur « l’axe de l’autoritarisme reliant la Russie, la Chine et l’Iran ».

Mercredi, l’élue républicaine Lisa McClain a tweeté : « Xi et Poutine cherchent à instaurer un nouvel ordre mondial qui constitue une menace globale inquiétante. L’Occident devrait s’inquiéter de cet axe Chine-Russie et de ce qu’il signifie pour la liberté ».

(Je m’arrête un instant pour noter qu’il est un peu étrange que les autres soient qualifiés d’« axe » alors que les États-Unis sont désormais alignés sur chacune des puissances de l’Axe de la Seconde Guerre mondiale)

Lors d’une audition de la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, jeudi, le président de la commission, Michael McCaul, a jeté un peu plus de lumière sur la vision du monde qui sous-tend ce point de vue dans ses remarques préliminaires.

« L’histoire montre que lorsque l’on dégage la force, on obtient la paix, mais que lorsque l’on dégage la faiblesse, cela invite à l’agression et à la guerre ; il suffit de se rappeler Neville Chamberlain et Hitler, et le temps a vraiment prouvé cet axiome », a déclaré M. McCaul, ajoutant : « Nous commençons à voir cette alliance très similaire, à mon avis, à ce que nous avons vu lors de la Seconde Guerre mondiale : La Russie, la Chine, l’Iran et la Corée du Nord ».

Le problème avec le raisonnement de McCaul, bien sûr, c’est qu’il prétend que les États-Unis ne sont qu’un témoin passif de la formation de cet « axe » maléfique de nations hostiles, au lieu d’en être l’unique moteur. La Russie, la Chine et d’autres gouvernements non alignés ont tous été poussés à se rapprocher de plus en plus par l’hostilité des États-Unis à leur égard, et maintenant ils surmontent certaines différences importantes pour s’engager rapidement dans des partenariats stratégiques de plus en plus intimes afin de protéger leur souveraineté nationale contre un empire mondial qui exige la soumission totale de tous les gouvernements de la planète.

Les gestionnaires de l’empire ont longtemps prédit l’acquisition de la Russie post-soviétique en tant qu’état laquais impérial qui pourrait être utilisé comme arme contre le nouvel ennemi numéro un qu’est la Chine, mais c’est exactement le contraire qui s’est produit. Hillary Clinton a déclaré au Bloomberg New Economy Forum en 2021 qu’en tant qu’initiée à la structure du pouvoir étasunien, elle avait « entendu pendant des années que la Russie serait plus disposée à se rapprocher de l’Ouest, plus disposée à s’engager de manière positive avec l’Europe, le Royaume-Uni, les États-Unis, à cause des problèmes à sa frontière, à cause de la montée de la Chine ». Mais ce n’est pas ce qui s’est passé.

« Nous n’avons pas vu cela », a déclaré Mme Clinton. « Ce que nous avons vu, c’est un effort concerté de la part de Poutine pour se rapprocher davantage de la Chine ».

Peut-être aurait-on déployé plus d’efforts pour gagner l’amitié de la Russie si cette prévision erronée n’avait pas été faite. Si les gestionnaires de l’empire étasunien n’avaient pas été si confiants dans le fait que Moscou viendrait se prosterner à leurs pieds pour embrasser l’anneau impérial, peut-être ne se seraient-ils pas sentis si à l’aise pour élargir l’OTAN, repousser les premiers gestes de bonne volonté de Poutine alors que les gouvernements successifs lui assuraient par leurs actions qu’ils n’accepteraient rien d’autre qu’une subordination totale, et s’engager dans une politique agressive de la corde raide à leurs frontières.

Mais ils ont pris une décision différente, et nous devons maintenant écouter des tenants de la Guerre froide comme Michael McFaul se plaindre que Moscou a décidé d’aller avec Pékin plutôt qu’avec Washington.

« Après l’effondrement de l’URSS, une Russie démocratique avait la possibilité de devenir une puissance européenne majeure et respectée », s’est récemment plaint M. McFaul sur Twitter. « Poutine a cependant poussé la Russie dans une voie différente, la transformant (une fois de plus) en vassale d’une puissance autocratique asiatique. C’est une occasion gâchée. Tant pis ».

Ce qui n’est bien sûr qu’une façon pour McFaul de dire : « La Russie était censée être notre vassale, pas celle de la Chine ! ».

En réalité, toute cette agitation n’est rien d’autre que l’émergence d’un monde multipolaire qui se heurte de plein fouet à la doctrine impériale selon laquelle l’hégémonie unipolaire des États-Unis doit être maintenue à tout prix. Si ce n’était ce dernier point, le fait que l’empire étasunien cesse de dominer singulièrement la planète ne serait pas vraiment un problème, mais parce qu’il existe une croyance zélée selon laquelle toute tentative de surpasser les États-Unis doit être traitée comme un acte d’agression de la part de l’ennemi, nous voyons maintenant les puissances mondiales se diviser en deux groupes d’alliances de plus en plus hostiles, avec des discussions de plus en plus nombreuses sur un conflit mondial brûlant.

C’est de la folie, et cela doit cesser.

NB : Le toujours excellent Moon of Alabama a publié son propre article sur la renaissance du slogan « Axis of Evil » en même temps que moi, qui contient plus d’exemples de l’utilisation de cette phrase par la classe politique/médiatique.

* * * * * * * * * *

La question est de savoir maintenant combien de temps il faudra à la presse et aux médias français pour reprendre à leur compte cette réinitialisation de l’Axe du mal... (XP)

(1) Cette notion de « partenaire junior » (bien difficile à traduire en français), proche dans la culture anglo-saxonne du lien unissant le super-héros Batman à son acolyte, plus jeune et inexpérimenté, Robin, a également été un même créé récemment par les médias anglo-saxons pour décrire la relation entre la Russie et la Chine, plaçant la première dans l’ombre de la seconde, lui donnant ainsi un rôle inférieur. Le blog Moon Of Alabama a mis en lumière ce même dans un article il y a quelques jours.

»» https://caitlinjohnstone.substack.com/p/theyre-rebooting-axis-of-evil-on
URL de cet article 38582
   
AGENDA
Pourquoi les riches sont-ils de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres ?
Monique Pinçon-Charlot - Michel Pinçon - Étienne Lécroart
Un ouvrage documentaire jeunesse engagé de Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, illustré par Étienne Lécroart Parce qu’il n’est jamais trop tôt pour questionner la société et ses inégalités, les sociologues Monique et Michel Pinçon-Charlot, passés maîtres dans l’art de décortiquer les mécanismes de la domination sociale, s’adressent pour la première fois aux enfants à partir de 10 ans. Avec clarté et pédagogie, ils leur expliquent les mécanismes et les enjeux du monde social dans (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

(...) quelqu’un a dit il y a vingt ans : "vous pouvez croire tout ce qu’on raconte sur cet homme, sauf qu’il est mort".

(...) Ce lieu sera pour toujours un témoignage de lutte, un appel à l’humanisme. Il sera aussi un hommage permanent à une génération qui voulait transformer le monde, et à l’esprit rebelle et inventif d’un artiste qui contribua à forger cette génération et en même temps en est un de ses symboles les plus authentiques.

Les années 60 étaient bien plus qu’une période dans un siècle qui touche à sa fin. Avant toute chose, elles ont été une attitude face à la vie qui a profondément influencé la culture, la société et la politique, et a qui a traversé toutes les frontières. Un élan novateur s’est levé, victorieux, pour submerger toute la décennie, mais il était né bien avant cette époque et ne s’est pas arrêté depuis. (...)

Avec une animosité obstinée, certains dénigrent encore cette époque - ceux qui savent que pour tuer l’histoire, il faut d’abord lui arracher le moment le plus lumineux et le plus prometteur. C’est ainsi que sont les choses, et c’est ainsi qu’elles ont toujours été : pour ou contre les années 60.

Ricardo Alarcon,
président de l’Assemblée Nationale de Cuba
Allocution lors de l’inauguration de la statue de John Lennon à la Havane, Décembre 2000

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.