RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Le Yémen sera le Vietnam de l’Arabie Saoudite (Counterpunch)

Ne se remettant pas de la dernière humiliation militaire que lui avaient infligée, il y a six années, au Yémen, des combattants tribaux Houthis, la famille royale d’Arabie Saoudite s’est lancée dans une entreprise qui est très probablement en train de devenir un "Vietnam" saoudien : je veux parler de leur tentative d’envahir le Yémen.

En 2009, l’incompétence de l’armée saoudienne a été révélée au grand jour lorsque leur importante offensive contre les Houthis de long de la frontière Arabie Saoudite/ Yémen a été repoussée et que, dans la contre-offensive qui a suivi, les combattants Houthis, légèrement armés, ont conquis un grand morceau de territoire saoudien.

La dernière fois qu’une "armée pan-arabe" a essayé d’envahir et d’occuper le Yémen, dans les années 1960, Nasser, le général égyptien devenu président, a été finalement contraint, la queue entre les jambes, de retirer son armée de plus de 50 000 hommes de ce qui était devenu le "Vietnam de l’Egypte" comme il l’a lui-même tristement reconnu plus tard.

Les problèmes au Yémen ne viennent pas d’une opposition entre chiites et sunnites ou entre l’Iran et l’Arabie saoudite. Ils ne viennent pas d’Obama, dont l’administration particulièrement incapable a été forcée de rester assise sur le banc de touche et de regarder la famille royale saoudienne se lancer dans cette aventure insensée.

Les problèmes au Yémen viennent tous de conflits tribaux qui remontent à des siècles, et la seule façon de les résoudre est d’entamer un long et fastidieux processus de négociations. En 1990, un accord de paix qui aboutissait à la réunification du Yémen avait vu le jour avec beaucoup de difficulté. On devait cet accord de paix, qui a tenu plus de deux décennies, à la médiation de ce qui était alors le commandement d’une bande de combattants en guenilles pour l’indépendance qui se faisaient appeler le Front de Libération des Peuples Erythréens, un fait qui tarde à être reconnu par ceux qui couvrent le conflit actuel.

Les Saoudiens lancent cette guerre contre le peuple yéménite par orgueil et arrogance, mais aussi par une sorte de paranoïa : ils craignent soi-disant d’être encerclés par un anneau "d’ennemis chiites menés par l’Iran", c’est, du moins ce que voudraient nous faire croire les têtes parlantes des médias occidentaux.

En fait, la famille royale saoudienne est remplie d’une haine wahhabite inextinguible envers tout ce qui ressemble à un mouvement chiite, même si, historiquement, les chiites d’Asie occidentale ne considéraient pas les Houthi du Yémen comme de vrais chiites.

La peur saoudienne paranoïaque de l’Iran n’a pas de fondement réel, car l’Iran ne menace en rien l’Arabie Saoudite. L’Iran n’a d’ailleurs même pas soutenu l’insurrection chiite au Bahreïn. Malgré tous les discours sur le soutien militaire iranien à la conquête Houthi du Yémen, les preuves à l’appui de cette accusation manquent.

Les Houthis, qui en avaient marre d’être perpétuellement négligés par le gouvernement yéménite et qui voulaient en finir avec une politique qui engendre des famines au Yémen, ont conclu un accord avec l’ancien président Saleh, dont le fils dirigeait l’armée yéménite à l’époque de l’accord que l’Arabie Saoudite et les États du Golfe ont fait avaler de force aux yéménites, il y a deux ans, et ont lancé une offensive pour s’emparer du pays.

Depuis le début les Houthis réclament des négociations tout en disant clairement qu’ils ne permettront pas aux Wahhabites "d’Al-Qaida dans la péninsule arabique" (le groupe est principalement composé de fanatiques saoudiens en exil) de se maintenir au Yémen.

Ayant déjà subi une humiliation militaire en 2009, et craignant d’être considérés comme faibles et incapables par la minorité chiite assujettie implantée sur les terres pétrolifères de l’est de l’Arabie Saoudite, le régime saoudien Wahhabite a lancé ce qui a toutes les chances de devenir leur "Vietnam".

Bien sûr, ils le font sous couvert d’une bannière pan-arabe, avec l’Egypte qui promet des troupes pour appuyer l’invasion et la future occupation du Yémen.

Al Sisi, le dernier général égyptien à devenir président, est un allié particulièrement réticent, du fait qu’il a été élevé dans le souvenir de la défaite humiliante de l’Egypte lorsqu’elle a tenté de soumettre le Yémen. Ce n’est pas par hasard que, il y a seulement quelques semaines, l’Arabie saoudite et les Etats du Golfe ont envoyé leurs dirigeants à Sharm al Sheikh pour annoncer plus de 20 milliards de dollars d’aide et d’investissements destinés à renflouer l’économie chancelante de l’Egypte, en espèces sonnantes et trébuchantes que le président Al Sisi était venu mendier son chapeau à la main.

D’après les nouvelles, la guerre fait rage à la frontière Yémeno- saoudienne, et il est intéressant de noter que l’armée saoudienne n’a pas encore fait là de progrès sérieux. Etant donné que la majeure partie des combattants Houthis se sont regroupés pour prendre d’assaut Aden dans le sud pétrolifère du Yémen, la tentative militaire saoudienne d’envahir le cœur du territoire Houthi n’est pas très concluante.

À ce stade, l’armée saoudienne se livre surtout au massacre aérien du peuple sans défense du Yémen. Si et quand l’offensive terrestre promise commence sérieusement, on verra des milices Houthis aguerries se battre contre une armée prétendument pan-arabique qui a peu d’expérience de la vraie guerre. Avec, en face d’elle, des guerriers qui défendent leurs maisons et leurs familles, comme les Viet Kong au Vietnam, l’Arabie saoudite va se retrouver dans un bourbier yéménite, qui sera son "Vietnam".

Thomas C. Montagne

Thomas C. Montagne vit et travaille comme journaliste en Erythrée, tout près du Yémen, depuis 2006. On peut le joindre à thomascmountain at yahoo dot com.

Traduction : Dominique Muselet

»» http://www.counterpunch.org/2015/04/02/yemen-saudi-arabias-vietnam/
URL de cet article 28357
  

L’Avatar du journaliste - Michel Diard
Michel Diard
Que restera-t-il du quinquennat de Nicolas Sarkozy, le président omniprésent dans tous les médias ? Cet ouvrage dresse un inventaire sans concession des faits et méfaits de celui qui se présentait comme l’ami de tous les patrons de presse et a fini par nommer les présidents des chaînes de l’audiovisuel public. Le "sarkozysme" a largement reposé sur un système de communication proche de la propagande, digne des régimes les plus autocratiques, à la limite de l’autoritarisme. Le système Sarkozy, même s’il (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

On dit d’un fleuve emportant tout qu’il est violent, mais on ne dit jamais rien de la violence des rives qui l’enserrent.

Bertolt Brecht

Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.