Harriet Freed, a écrit dans le Tikkun Daily : “Le mouvement de libération des femmes a réuni, dès le départ, les différentes ethnies et classes sociales dans le combat pour la justice pour tous. Il faisait de la libération des femmes la base de la révolution sociale.”
Selon elle, le mouvement a été coopté par Gloria Steinem qui aurait obtenu l’adhésion des femmes blanches socialistes, des étasuniennes noires et d’origine asiatique et des féministes originaires d’Amérique Latine.
Mais les femmes noires critiquent le mouvement depuis plus de cent ans. Elle n’ont pas eu le droit de participer à la Seneca Falls Convention en 1848 et, aujourd’hui encore, les étasuniennes noires et celles qui sont originaires d’Amérique latine et d’Asie se plaignent d’être exclues du mouvement féministe dont les orientations sont décidées par les femmes blanches.
Ces femmes blanches et la minorité symbolique de femmes d’autres origines qui ont eu accès aux médias ont cependant fait du bon travail et ont obtenu des résultats.
Alors que les hommes noirs ont plus de chance d’aller en prison qu’à l’université et que le nombre des homme blancs dans l’enseignement supérieur a tellement diminué que certaines universités ont mis en place des mesures de discrimination positive en leur faveur, les femmes réussissent fort bien dans l’éducation supérieure. "Les femmes représentent 57% des étudiants dans l’éducation supérieure depuis au moins l’an 2000, selon un récent rapport du Conseil Étatsunien de l’Éducation." C’est 7% de plus que les 50% que l’ancienne présidente de la Cour Suprême, Sandra Day O’Connor, considérait comme le seuil d’égalité.
Les femmes ont des émissions de télévision (talk shows) qui leur sont réservées, comme celle de Melissa Harris Perry. Celle-ci a conclu l’émission de samedi dernier en disant que l’émission de dimanche porterait sur la santé des femmes. Et le jour suivant, l’émission a accueilli, au cours de la première heure, un panel de femmes qui ont parlé du cancer du sein. C’est très intéressant. J’étais jaloux. Pourquoi n’y a-t-il pas d’émission comparable pour les hommes ?
On vient d’annoncer que le taux de suicide chez les Étatsuniens blancs a augmenté plus que pour tout autre groupe ethnique ; mais cela n’a pas suscité l’intérêt des médias qui en ont à peine parlé. J’ai moi-même tenté d’alerter l’opinion sur la hausse du suicide des Étasuniens blancs dès 1988, ce qui m’a valu d’être traité de "raciste" par ceux qui préféraient leurs idées préconçues aux faits que je mentionnais. J’en donnais pour cause le poids que les médias populaires faisaient peser sur les Étatsuniens blancs en exigeant d’eux qu’ils soient non seulement des mâles Alpha*, mais aussi James Bond et Superman tout à la fois. La situation s’est aggravée depuis.
Les statistiques sur la santé des Étatsuniens noirs sont encore plus inquiétantes. "L’espérance de vie des Étatsuniens noirs est inférieure de 7,1% à celles des autres groupes ethniques. Ils ont de plus hauts taux de mortalité que les femmes pour toutes les causes de décès. Leur taux de mortalité est disproportionné pour les principales causes de décès : 40% des Étatsuniens noirs meurent prématurément de problèmes cardiovasculaires contre 21% des Étatsuniens blancs. Ils ont plus de chances de mourir d’un cancer de la bouche. Les Américains noirs ont 5 fois plus de chances de mourir du sida."
MSNBC a des émissions pour les femmes et deux émissions dont les invités sont des gays qui discutent du mariage gay, mais aucune ne traite des problèmes des hommes ordinaires. J’ai été surpris d’apprendre de la bouche de Nichole Bowen qui anime le Lady Warrior Project (projet des femmes soldats), que la plus grande partie des victimes d’agressions sexuelles dans l’armée sont des hommes. J’ai peut-être trop regardé MSNBC, mais l’impression qu’ils donnent est que toutes les victimes sont des femmes. Ce n’est pas le seul média où les problèmes des femmes et des gays ont la priorité sur ceux des hommes ordinaires. Le même samedi, j’ai regardé sur CNN Fredricka Whitfield parler du taux d’alphabétisation des femmes vivant au Népal.
Les femmes réussissent très bien à mobiliser les médias autour de leurs problèmes de santé et des autres questions qui les concernent. Mais les hommes aussi tombent malades.
Ishmael Reed
Ishmael Reed est l’éditeur de Konch.
Note du traducteur :
* Chez les loups, le chef de meute est toujours un mâle (chez les chiens, il peut s’agir indifféremment d’un mâle ou d’une femelle) appelé mâle alpha.
Pour compléter cette lecture voir l’excellent article de Lucien Sève dans le Monde Diplomatique : http://www.monde-diplomatique.fr/2013/06/SEVE/49176
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Traduction : Dominique Muselet