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Les médias mainstream utilisent déjà l’émeute du Capitole pour exiger davantage de censure sur le Net

Si l’idéologie dominante pèse de tout son poids sur les médias mainstream, laissant pratiquement peu d’espace aux discours dissonants, Internet a offert un boulevard aux opinions divergentes. Mais cela ne plait pas beaucoup à ceux qui veulent tenir le monopole de l’information. Censurer le Net ? L’idée n’est pas neuve, mais voilà qu’elle revient avec force alors que les réseaux sociaux sont mis en cause dans l’émeute du Capitole. Caitlin Johnstone nous explique pourquoi ce problème devrait nous inquiéter grandement. (IGA)

Les États-Unis ont reçu aujourd’hui un très petit avant-goût de leur propre médicament alors que des émeutiers fanatiques de Trump ont temporairement pénétré de force le bâtiment le Capitole. Et maintenant, c’est la nation tout entière panique.

Je suis gentille quand je dis qu’on a donné aux EU un tout petit avant-goût de leur propre médicament ; contrairement aux coups d’État horribles et aux soulèvements violents que les États-Unis orchestrent régulièrement dans les pays non-alignés du monde entier, ce mouvement-là n’avait aucune chance de prendre le contrôle du gouvernement et une seule personne a été tuée. [le bilan est monté à cinq morts depuis la publication de l’article original, ndlr]

Je suis également gentille quand je dis que les émeutiers ont « pénétré de force » ; le District de Columbia a choisi de ne pas augmenter sa présence policière en préparation des manifestations tout en sachant qu’elles étaient planifiées ; et il y a des images de ce qui semble être des flics laissant activement les manifestants traverser une barricade. Il y a bien eu des combats entre la police et les manifestants. Mais c’est sans commune mesure avec les brutalités policières qui ont marqué les manifestations de Black Lives Matter quelques mois auparavant. On peut dire que la réponse de la police a été aujourd’hui relativement douce.

Comme on pouvait s’y attendre, ce chambard 100% étasunien a eu droit à des commentaires teintés de bleu [couleur du Parti Démocrate, ndlr] blâmant Vladimir Poutine sur les réseaux sociaux.

De manière tout aussi prévisible, cela les a également amenés à réclamer la censure sur les réseaux sociaux.

Le New York Times a publié deux nouveaux articles intitulés « L’assaut de Capitol Hill a été organisé sur les réseaux sociaux » et « La violence à Capitol Hill est un jour de jugement pour les réseaux sociaux ». Les deux textes plaident pour des restrictions de parole plus sévères de la part des géants de la Silicon Valley.

Dans le premier, Sheera Frenkel du NYT écrit que « la violence de mercredi était le résultat de mouvements en ligne opérant dans des réseaux sociaux fermés où les gens croyaient aux allégations de M. Trump sur les fraudes électorales et le vol de l’élection » . Elle cite l’analyse de la spindoctor, experte des think tanks, Renee DiResta, bien connue pour son « Tulsi Gabbard est un agent russe ». Comme d’habitude, aucune mention sur l’implication de DiResta dans le scandale New Knowledge. Cette opération sous faux pavillon voulait faire croire à une ingérence russe dans les élections sénatoriales de 2017 pour faire basculer l’État d’Alabama.

« Ces gens agissent parce qu’ils sont convaincus qu’une élection a été volée », a commenté DiResta. « C’est une démonstration de l’impact réel des chambres d’écho. »

« Cela a répudié de manière frappante l’idée qu’il existe un monde en ligne et hors ligne et que ce qui est dit en ligne est en quelque sorte maintenu en ligne », ajoute DiResta.

Ce récit qui fonde l’idée que la communication non réglementée sur Internet mènera à des soulèvements violents est drôle venant de Frenkel. Comme un tweeteur l’a récemment observé, la journaliste du NYT a écrit un article en 2018 condamnant le gouvernement iranien pour avoir restreint l’accès des protestataires aux réseaux sociaux lors de manifestations à l’époque.

« Les réseaux sociaux et les applications de messagerie sont devenus cruciaux pour les manifestants antigouvernementaux du monde entier. Ils sont à la fois un moyen d’organiser et de transmettre des messages à d’autres citoyens », écrivait Frenkel. « Sans surprise, restreindre l’accès à une telle technologie est devenu aussi important pour la répression gouvernementale que la présence physique de la police. »

Dans l’autre article du NYT sur les manifestants du Capitole, coécrit par Frenkel, Mike Isaac et Kate Conger, le message est reconduit encore moins subtilement.

« Alors que les manifestants pro-Trump ont pris d’assaut le bâtiment du Capitole mercredi et qu’ils ont interrompu la certification des votes du collège électoral, le rôle des entreprises de réseaux sociaux telles que Twitter, Facebook et YouTube dans la diffusion de la désinformation et le fait d’être un mégaphone pour M. Trump ont fait l’objet de nouvelles critiques« , rapporte l’article, ajoutant : « Ainsi, lorsque la violence a éclaté à Washington mercredi, c’était, dans l’esprit des critiques de longue date, le jour où les sociétés de réseaux sociaux finiraient par payer les pots cassés. »

L’article rapporte la suspension temporaire des privilèges du président des EU sur les réseaux sociaux pour avoir prétendument incité à la violence avec ses publications. Le texte discute ensuite de différents types de désinformation et d’idées violentes diffusées dans les forums de discussion de Trump.

« Ces sites de réseaux alternatifs regorgeaient de partisans de Trump qui s’organisaient et communiquaient mercredi », nous dit le NYT. « Sur Parler, un hashtag tendance était #stormthecapitol. Sur ces sites, de nombreux partisans de Trump semblaient également croire à une fausse rumeur selon laquelle les Antifas, un mouvement de gauche, étaient responsables des violences commises lors des manifestations. »

« Nous savons que les entreprises des réseaux sociaux ont au mieux été apathiques pour empêcher l’extrémisme de se développer sur leurs plates-formes », a déclaré Jonathan Greenblatt, directeur de l’Anti-Defamation League au NYT. « La liberté d’expression n’est pas la liberté d’inciter à la violence. Ce n’est pas un discours protégé. »

Nous verrons probablement beaucoup plus d’articles de ce type dans les prochains jours, plaidant pour une réglementation accrue de la communication sur Internet afin d’éviter de futurs incidents comme aujourd’hui.

En soi, cela ne semblera pas terriblement préoccupant pour le citoyen lambda. Rien de mal à prendre des mesures pour empêcher les gens de comploter sur les réseaux sociaux en vue d’actions violentes et terroristes, n’est-ce pas ?

Mais comment prédire quelles manifestations vont être « violentes » ? Comment décidez-vous quelles manifestations et quelles dissensions politiques doivent être censurées et lesquelles devraient être autorisées à communiquer librement ? Laisserez-vous le soin aux oligarques de la Silicon Valley de faire le tri ? Ou leur demanderez-vous de consulter le gouvernement, comme ils l’ont fait ? Y a-t-il une de ces entreprises à qui vous feriez confiance pour réglementer quelles manifestations ont le droit d’être organisées en ligne ?

Parce que les réelles structures de pouvoir aux États-Unis semblent vouloir simplement censurer Internet pour éliminer complètement la dissidence politique.

En 2017, de hauts responsables de Facebook, Twitter et Google ont été déférés devant le Comité judiciaire du Sénat et ont été exhortés à proposer des politiques qui « empêcheront la fomentation de la discorde » aux États-Unis. »

Le World Socialist Website rapportait ce qui suit en 2017 :

« La sénatrice démocrate d’Hawaï, Mazie Hirono, a exigé, pour sa part, que les entreprises adoptent une « déclaration de missions » exprimant leurs engagements « à empêcher de fomenter la discorde ».

La partie la plus importante du témoignage a eu lieu dans la deuxième partie de l’audition, au cours de laquelle la plupart des sénateurs étaient partis et deux représentants des agences de renseignement étasuniennes ont témoigné devant des rangées de chaises pour la plupart vides.

Clint Watts, ancien officier de l’armée des EU, ancien agent du FBI et membre de l’Alliance for Securing Democracy, a fait la prévision apocalyptique suivante : « Les guerres civiles ne commencent pas par des coups de feu, elles commencent par des mots. La guerre de l’Amérique contre elle-même a déjà commencé. Nous devons tous agir maintenant sur le champ de bataille des réseaux sociaux pour réprimer les rébellions de l’information qui peuvent rapidement conduire à des affrontements violents et nous transformer facilement en États Désunis d’Amérique. »

Il a ajouté : « Pour stopper les tirs d’artillerie de fake news qui atterrissent sur les réseaux sociaux, il faut que les points de vente diffusant des fake news soient réduits au silence. Faites taire les fusils, et le barrage d’artillerie prendra fin. »

C’est affreux de voir comment des fonctionnaires et des agents du gouvernement disent aux entreprises des réseaux sociaux que c’est leur travail de censurer les communications qui pourraient faciliter tout type de troubles, peu importe dans quelle mesure c’est justifié.

Faites-vous confiance à ces méga-entreprises monopolistiques pour décider si le discours dissident des gens est acceptable ou non ? Moi pas.

Alors que Julian Assange est injustement condamné à rester en prison et que les médias mainstream intensifient leurs arguments pour renforcer le contrôle impérial de l’information, nous voilà à présent engagés dans une bataille pour la souveraineté de nos esprits mêmes.

Source originale : Le blog de Caitlin Johnstone

Traduit de l’anglais par Investig’Action

8 janvier 2021

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