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Le vrai franchissement de la ligne annoncé dès l’avènement du sarkozysme est désormais consommé. C’est arrivé en pleine torpeur estivale de « l’opinion ». Cela faisait longtemps que la ligne des libertés républicaines était fréquemment mordue sans protestation suffisante du corps social. Pour satisfaire son désir maladif d’ordre M. Sarkozy choisit enfin de faire tomber la France dans l’ordure. Alors, tous les prétextes deviennent des aubaines. Ceux qui ne voient là qu’un calcul électoral se trompent dangereusement. C’est bien la nature profonde d’un lent effondrement des valeurs démocratiques orchestré de longue date qui se dévoile ici.

La France est donc revenue à des heures sombres de son histoire. Cependant, n’oublions pas que les notions d’ordre et de désordre sont en large partie subjectives. Leurs représentations sont des constructions sociales où la dimension idéologique joue un rôle plus ou moins grand selon les époques. Objectivées par le Droit, ces questions n’en demeurent pas moins dépendantes de la pensée des hommes qui gouvernent et de l’état d’esprit d’une société prise dans son ensemble à un moment donné. Les périodes les plus noires dans l’histoire d’une nation sont celles où des catégories sociales sont volontairement dressées les unes contre les autres. Ainsi, ce que l’on nomme le sarkozysme est d’abord le recours systématique au jeu dangereux de la stigmatisation. La France qui se lève tôt contre celle qui ne se lève pas, les vrais jeunes contre « la racaille », les « bons » parents contre les parents indignes, autant d’exemples d’une posture adoptée par M. Sarkozy, d’abord comme ministre de l’Intérieur, puis comme Président de la République depuis mai 2007. Ce qui ne fut longtemps guère plus qu’une rhétorique - aux effets néanmoins dévastateurs à long terme - insuffisamment prise au sérieux, trouve logiquement son aboutissement en actions publiques ciblées en ce début de quatrième année du mandat présidentiel. Désormais, les esprits sont mûrs pour la mise en oeuvre d’idées neuves, en fait exhumées du passé trop vite oublié. Le passage à l’acte n’est jamais soudain. Il est le résultat d’une lente maturation au cours de laquelle les esprits apprennent à accepter facilement ce qu’hier ils rejetaient sans efforts. Avant que l’on arrête en masse les Juifs dans l’indifférence quasi générale la rhétorique haineuse des années trente avait pris la peine d’en faire d’odieux profiteurs, des ennemis de l’intérieur. Les « gens du voyage », les roms et les mauvais « Français de papier » semblent devoir les remplacer aujourd’hui dans des amalgames indignes d’une démocratie se prétendant savante.

Cet automne le Parlement pourrait faire évoluer le Droit français vers des horizons funestes, des lois particulières visant certaines catégories de Français pourraient être adoptées. Il faut remonter à Juin 1940 pour rencontrer pareille ignominie avec les dispositions législatives frappant les Juifs, les Tziganes, les homosexuels. Si le pire devait advenir en un tel retour actif à notre honteux passé les historiens de demain, à l’instar de Marc Bloch en son temps avec son « étrange défaite », se pencheront sur le tissu des responsabilités ayant conduit au désastre. Oui, nous sommes en train de vivre une nouvelle défaite, défaite des idées, de la République, de l’Homme. S’’il s’avère de façon de plus en plus certaine que le sarkozysme est très marqué par l’état pathologique de son acteur principal on ne saurait réduire le présent effondrement à la seule volonté d’un homme. M. Sarkozy est l’homme d’une époque. Le terrain de sa dramaturgie lui a été préparé de longue date par une suite interminable de renoncements aux idéaux légués par le Conseil National de la Résistance et tout ce que le modèle social français lui doit. Le néolibéralisme, en libérant essentiellement les forces de l’économie, a exacerbé toutes les tensions sociales et aggravé dramatiquement les inégalités socio-économiques. Le patronat revanchard, tellement apprécié de M. Woerth, a recouvré toute sa capacité de soumission du salariat. La société est disloquée, les frustrations immenses. Les boucs émissaires n’ont plus qu’à entrer en scène.

Déjà les vieux démons se déchaînent. D’abord par la surenchère verbale à laquelle se sont livrés tout l’été « les petits barons » du sarkozysme

A propos, entre autres incongruités, de la dénaturalisation des « français récents ». Ensuite par la sauvagerie d’une police conditionnée et se sachant désormais à l’abri de toute enquête objective sur ses agissements. De l’évacuation tragique d’une barre de la cité des Quatre Mille de La Courneuve au guet-apens plus que violent tendu à une manifestation bon enfant des pompiers niçois en passant par le siège quasi militaire de la Villeneuve à Grenoble, le mois de juillet fut le mois de la police débridée. Mais, si la police est malade, c’est que la société qui la porte l’est avant elle. Ne nous habituons pas à cette barbarie d’Etat en milieu démocratique. Démocratique ? Il est probable qu’au cours des deux ans qui viennent ce mot ne perde encore de son contenu. Bientôt, nous devrons nous compter, contraints que nous serons de choisir notre camp. Celui de la Résistance aux nouveaux barbares.

Yann Fiévet

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