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Paul Ariès (et al.). Les mondes d’après. Nouvelles d’anticipation écologique

Association d’idées : lorsque la couverture de cet ouvrage m’a accroché le regard, j’ai bien sûr pensé au Monde d’après ; une crise sans précédent, de Gilles Finchelstein et Matthieu Pigasse, qui nous invitait à sortir du capitalisme libéral et aussi de la dictature de l’urgence ; je me suis également remémoré Le monde d’hier, souvenirs d’un Européen, de Stefan Zweig. Merveilleux livre du salzbourgeois se replongeant, en l’idéalisant quelque peu, dans un monde de culture, d’humanisme, de cohésion, un monde de « force spirituelle et morale » que le capitalisme allait balayer. Zweig avait fort bien compris - certes un peu tard, en 1942 - pourquoi l’inflation délirante avait engendré l’hitlérisme et pourquoi les grands konzerns l’avaient porté au pouvoir. Malgré tout, Le monde d’hier était sublimé par un devoir d’idéal.

En 1942, les esprits libres craignaient le coup de grâce. En 2011, les militants qui ont collaboré à ce recueil de nouvelles se demandent si nous sortirons de la pauvreté grandissante et du fascisme rampant par le haut : une écologie révolutionnaire, ou par le bas : un vert-kaki autoritaire et hygiéniste.

La cinglante post-face de Fred Vargas nous prévient, elle aussi, d’un coup de grâce possible :

« Nous y voilà , nous y sommes. Depuis cinquante ans que cette tourmente menace dans les hauts-fourneaux de l’incurie et de l’humanité, nous y sommes. Dans le mur, au bord du gouffre, comme seul l’homme sait le faire avec brio, qui ne perçoit la réalité que lorsqu’elle lui fait mal. […] Il y a du boulot plus que l’humanité n’en eut jamais. Nettoyer le ciel, laver l’eau, décrasser la terre. […] A condition que la paix soit là , à condition que nous contenions le retour de la barbarie. » Nous sommes loin de la phrase marketing gouvernementale, tellement mensongère, tellement " com’ " qui a inspiré le titre de cet ouvrage : « Avec le Grenelle de l’environnement, entrons dans le monde d’après. »

Face à la situation décrite par Vargas, la littérature, la fiction seront ici consolation, avant de laisser libre cours à la violence, l’humour décapant, la bouffonnerie, le constat glaçant, l’anti-phrase, l’emphase ou l’ekphrasis. Écoutons le biologiste Jacques Testart nous dire (en ayant à l’esprit le sort du grand savant britannique Alan Turing) que, dans la logique actuelle des choses, tout progrès est une régression : « Nul ne peut contester que l’élection, par cybervote, du professeur Graham, mathématicien et marathonien, démontre la maturité de nos populations. »

Jérôme Leroy n’exagère nullement en prévoyant un avenir proche d’interconnexion de tous les êtres humains : « L’implantation [des puces] s’est généralisée aux nouveaux-nés. Tout le monde était branchée avec tout le monde. On ne pouvait plus jamais être seul. En permanence, vous étiez surveillé, par la police, bien entendu, mais aussi par les médecins qui pouvaient consulter votre dossier à tout moment et vous envoyaient des mails pour vous signifier que vous ne seriez pas remboursé par ce qui restait de la sécurité sociale si vous mangiez cette boulette d’Avesnes avec du beurre alors que vous saviez très bien que vous aviez trop de cholestérol. »

Comment s’étonner que, dans un tel monde, les amoureux retrouvent le seul comportement rebelle qui vaille, celui du défi orgasmique, tel que le met en scène Corinne Morel-Darleux (" Fuck’m all ! " ), dans un court texte directement inspiré de la relation amoureuse de Winston et Julia dans le Pays doré de 1984 ? Mais la police veille : « Mademoiselle Mitchell, Monsieur Denol. Vous venez de déclencher la procédure 84. Restez calmes. Ne paniquez pas. […] Vos mouvements sont captés, vos voix enregistrées. Ne tentez pas de fuir. Nos agents seront sur place dans quelques minutes. Ne bougez pas. »

Avec Maxime Vivas (" La mobylette bleue " ), nous sommes dans un monde à front renversé. Son narrateur a décidé de quitter « la ville embouteillée et bruyante, gorgée d’oxyde de carbone, agglomérat de citoyens solitaires dans une foule autiste qui déambule sous la surveillance de mille caméras. » Pauvre rebelle, dans le collimateur du ministère de l’Environnement, de la Survie de la planète et de la Répression qui avait refusé l’installation, pourtant gratuite, de toilettes sèches ! Il va découvrir que les espaces ruraux sont hostiles, que l’expérience y est intransmissible, que la communication entre les êtres y est vaine et que la foule solitaire urbaine subit, pour finir, des peines moins afflictives que celles des riverains du canal du Midi.

Paul Ariès nous joue " le monde d’après " de manière franchement didactique (" Le cauchemar climatisé de Sony " ). Nous sommes passés de la Société du Travail obligatoire à la Société du Partage obligatoire. 2050 a vu la fin du capitalisme vert. Le slogan « Moins de biens, plus de liens » a triomphé. La spéculation est impossible car la monnaie a retrouvé sa fonction unique d’échange. Les grandes usines ont été remplacées par des petites unités coopératives. La décroissance est devenue ludique.

Frédéric Denhez envisage une France sans pétrole (" Car bonne fut la France ! " ). En 2022, le capitalisme s’est emballé dans une logique darwinienne terrifiante. Carrefour a racheté tous les agriculteurs des alentours. Wal Mart a racheté Carrefour. Chinese Food a racheté Wal Mart. Ravagés par la LRU, les chercheurs français sont allés vendre leurs méninges dans les pays émergents. Renault et PSA ne sont plus que des assembleurs. Le pays n’est plus solvable.

Parce qu’il est polyphonique, ce petit livre nous rend un grand service en nous prévenant que le grand soir n’est pas un moment d’équilibre parfait. Chaque nouvelle étant à la fois euphorique et dysphorique, sachons que, dans la lutte ardente et joyeuse, nous ne sommes pas au bout de nos peines.

Postface de Fred Vargas. Villeurbanne : Golias, 2011.

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COMMENTAIRES  

15/05/2011 09:29 par desobeissant

La realité de la conjonction des crises ou l’art du Capital de creuser sa propre tombe :

Crue du Mississippi : ouverture d’une importante vanne de délestage

Les autorités américaines ont ouvert une vanne de délestage en Louisiane sur le cours du Mississippi, qui enregistre une crue historique. Cette opération doit permettre d’éviter une nouvelle inondation de La Nouvelle-Orléans, six ans après Katrina.

Le délestage vise à acheminer l’eau vers le golfe du Mexique. Il devrait provoquer l’inondation de 1,2 million d’hectares supplémentaires mais permettra d’épargner Baton Rouge et la Nouvelle-Orléans. Cette ville se remet tout juste des ravages de l’ouragan Katrina fin août 2005, selon le gouverneur Jindall.

Afin d’éviter un débit destructeur, une seule vanne a été ouverte samedi pour laisser passer 280 mètres cubes par seconde, une ou deux autres pourraient l’être dimanche. Si toutes les vannes du canal étaient ouvertes, le flux atteindrait un débit de 17’000 mètres cubes à la seconde, soit trois fois le volume d’eau qui tombe chaque jour des chutes du Niagara.

La vanne a été ouverte quand le débit du fleuve a atteint 42’500 mètres cubes par seconde. C’est la seconde fois seulement depuis sa construction en 1954 que ce canal d’urgence est ouvert.

La Nouvelle-Orléans est protégée en amont par des digues de six mètres mais l’eau atteint déjà 5,2 mètres et les inondations (les pires en 70 ans) qui ont frappé le centre des Etats-Unis suivent le cours du Mississippi vers le sud.

Elles ont jusqu’à maintenant détruit des milliers d’habitations, de fermes et de voies de communication dans l’Illinois, le Missouri, le Kentucky, le Tennessee et le Mississippi.

Dans la perspective du délestage, les autorités ont procédé à des évacuations dans les zones rurales qui seront touchées, un sacrifice dont le maire de la Nouvelle Orléans, Mitch Landrieu, s’est dit conscient.

"C’est une situation tragique pour tout le monde en Amérique et bien sûr pour les gens qui habitent dans le bassin de l’Atchafalaya et à Morgan City. Nous sommes de tout coeur avec eux", a-t-il déclaré, notant que cela permettrait d’épargner sa ville.

ats / 15.05.2011 07h20

http://www.romandie.com/news/n/Crue_du_Mississippi_ouverture_d_une_importante_vanne_de_delestage150520110705.asp

14 05 2011 Dernières informations :

Divulgations de TEPCO : Réacteur n°1, enveloppe inox 304L fissurée et cuve percée suite à l’effondrement et à la fusion des barres de combustibles, très importantes fuites hautement radioactives,refroidissement impossible, eau à moins 5 mètres, le coeur du réacteur est maintenant exposé à l’air,le devenir devient problématique et incertains aussi pour les réacteurs n°2,3 et 4, le calendrier du plan de stabilisation de TEPCO totalement remise en cause, créations de sarcophages d’encapsulage des bâtiments réacteurs en béton accrochés sur le rocher à moins 50 mètres en étude d’urgence avec de la zéolite pour absorber les matières radioactives.

Toute dernière information sous réserve et qui reste à être confirmée : le bâtiment du réacteur N° 4 se serait incliné ou s’enfonce,des travaux de consolidation d’urgence seraient en cours (cette information US est aussi visuelle, en principe pas d’effet d’optique,si elle est confirmée, pourrait signifier de graves développements). Rappel : la confirmation de cette information est en attente.

http://www.cartoradiations.fr/

Nouvelles récentes de Fukushima. Mai 2011.

 14 mai 2011 : Tout va de plus en plus mal au réacteur 1. TEPCO a donc mis fin à sa farce d’ensevellissement sous eau du réacteur 1 et du système de filtration de l’air qui avait normalement fait redescendre la radioactivité à un niveau de quelques à 10 millisieverts/heure. Le mensonge était de taille car les employés, en pénétrant dans le bâtiment, découvrirent des taux jusqu’à 700 millisieverts/heure à l’étage du bas et de 1000 millisieverts/heure au premier étage. Le mensonge était en fait encore plus énorme car les quotidiens Japonais ont révélé aujourd’hui qu’un niveau de 2000 millisieverts/heure vient d’être découvert dans la partie sud-est près des double-portes. Un tel taux de radioactivité est environ 18 millions de fois supérieure au niveau normal. TEPCO a également découvert 3000 tonnes dans le sous-sol, peut-être une partie des 10 000 tonnes d’eau archi-radioactive qui ont disparu mystérieusement de l’enceinte de confinement.

 14 mai 2011 : Le quotidien Asahi Shimbun dévoile un rapport caché de TEPCO. Le quotidien Asahi Shimbun a dévoilé un rapport qui ne fut jamais publié par TEPCO et qui couvre la période du 11 mars au 30 avril. Si les données non publiées par TEPCO l’avaient été dès le début, des communautés auraient pu être informées plus rapidement et évacuer la zone et les travailleurs sur le site auraient pu être protégés plus efficacement.

 14 mai 2011. Mort subite d’un employé de TEPCO. Un employé de TEPCO s’est effondré à la centrale nucléaire, suite à un malaise, et est décédé peu après. Selon certains rapports, il est avéré que certains employés de TEPCO sont incapables d’accéder à des installations efficaces leur permettant de se décontaminer.

http://www.kokopelli-blog.org/?p=559

des videos a traduire :

ARNOLD GUNDERSEN

http://www.pauljorion.com/blog/?p=24334

CENTRALITÉ DU TIRAGE AU SORT EN DÉMOCRATIE

http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php?2011/04/27/123-centralite-du-tirage-au-sort-en-democratie

Apres les greves du Wisconsin, un debut de mouvement a New York contre l’austerité :

May 12 2011 - Footage from The March on Wall Street - Check out it, 20,000 strong yesterday, this is only the beginning.

http://ampedstatus.org/network/members/thewindreturnth/activity/32740

Tchad : les villageois de Maïkeri, cernés par le pétrole

http://www.romandie.com/news/n/_Tchad_les_villageois_de_Maikeri_cernes_par_le_petrole150520110805.asp

vendredi 13 mai 2011

Thomas Sankara et les classes sociales au Burkina Faso : une étude néo-marxiste et post-marxiste....

http://revolisationactu.blogspot.com/

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