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Pourquoi Battisti n’a-t-il pas dit son innocence plus tôt ?

Mardi 2 novembre 2004.

Sa décision de changer de défense était en germe dès le mois de juillet et je peux me permettre d’en parler pour éviter tout risque d’ambiguïté. Cette décision n’est en aucun cas une rupture avec ses précédents avocats, non plus qu’une rupture avec la dynamique collective.

Depuis mars, deux "lignes de défense" s’affrontaient : « sauver l’homme en sauvant la cause collective », ou bien « sauver la cause collective en sauvant l’homme ». J’étais pour la solution n°2,dès que j’ai vu déferler la propagande haineuse venue d’Italie et puissamment relayée par la presse française. Je pensais, avec bien d’autres, qu’au point où en était arrivé le matraquage de l’opinion publique, il devenait vital que Battisti s’exprime sur son innocence. Ce faisant, il ne "lâchait" absolument pas les autres réfugiés, au contraire car crier cette innocence remettait en question la "justice" italienne de ces années-là et on pouvait bloquer les procédures suivantes au bénéfice du doute. Ce même doute qui fit que Mitterrand, au vu des dossiers juridiques inextricables des Italiens, avait fini par "les prendre tous".

L’autre idée consistait à rester ferme sur la Parole d’Etat et à espérer que la justice française ne pourrait pas, de toute façon, extrader Battisti, à cause de notre loi sur la contumace. Cette idée a primé de mars à juin et je me suis souvent affrontée avec Battisti sur ce thème de « Faut-il dire l’innocence ou pas ? ». Battisti était contre, et je le comprends, même si je bataillais avec lui, étant plus pessimiste que lui sur notre justice. En adoptant cette position aujourd’hui sur son innocence, il ne coupe pas les liens de solidarité avec les autres réfugiés.

Pourquoi Battisti n’a-t-il pas dit son innocence plus tôt ? Ayant assisté à ce débat intérieur majeur, je vous en donne les raisons : d’une part, il craignait que s’il était « sauvé sur son innocence », cela ne risque de discréditer la valeur de la parole d’Etat et ne nuise à la collectivité des réfugiés. Dès l’instant où il avait bon espoir d’être sauvé grâce à la loi française sur la contumace et le « non bis in idem », il préférait donc se taire sur son cas individuel. D’autre part, il avait aussi un motif plus intime encore et plus historique : il estimait que, innocent ou pas, il se devait d’assumer (et non pas revendiquer, ce qui est très différent) la responsabilité collective de son engagement politique. Peu importait qui, individuellement, avait fait ceci ou cela. Pour lui, son innocence « technique », le fait qu’il n’avait pas tué, ne devait pas l’empêcher d’assumer l’Histoire. Il a donc assisté, muet, et avec beaucoup de souffrance, à la vague médiatique qui faisait de lui un « monstre ».

Malheureusement, j’ai eu raison : l’Etat a plié la justice française étape après étape, comme le loup souffle sur la maison de paille de Naf-Naf. Après la date fatidique du 30 juin, Battisti a compris que la loi ne le sauverait pas. Que les dés étaient joués depuis longtemps. A présent, il restait seul face aux volontés de Chirac et de Berlusconi. Seul pour sauver sa vie, comme il l’est toujours aujourd’hui, dans des conditions d’exil et de bête traquée plus que désespérée. Il s’est décidé, douloureusement, à dire sa vérité sur son innocence en juillet, publiée dans le Journal du Dimanche début août. Dans l’indifférence générale et personne ne l’a su. Le mal dans l’opinion publique était fait, et cela arrivait trop tard. Il a décidé de se battre sur cette même ligne aujourd’hui et il a raison.

Nous devons l’aider de toutes nos forces en plaidant avec lui son innocence, dans l’espoir que l’opinion publique cesse enfin de le diaboliser. A ce prix, et à celui-là seulement, nous gagnerons, et nous gagnerons ensuite pour les autres. Partout où nous sommes, il nous faut donc faire connaître cette innocence autour de nous, à présent que nous avons l’aval moral de Battisti pour la proclamer haut et fort. Certes, nous avons une montagne face à nous. Nous n’atteindrons pas le sommet avant d’en avoir escaladé les premières pentes. Et ces pentes à remonter, difficiles, ce sont bien elles de l’opinion publique. Mais quand les Français sauront enfin que notre gouvernement s’apprête sciemment à envoyer en prison à vie un homme innocent, l’affaire prendra encore un autre jour. Un jour clair et net. Et si l’opinion publique est réveillée, et choquée, comme elle devrait l’être, cela sera très difficile au Conseil d’Etat de valider la décision de Chirac-Perben. Et l’offensive de ses nouveaux avocats aura alors les meilleures chances d’aboutir.

Si nous arrivons à aider Battisti et à obtenir une annulation, cela sera extrêmement profitable aux autres Italiens. Au lieu que si Battisti est extradé, les autres suivront. Si on le perd, lui, on perdra les autres. Pour lui, pour les autres, nous devons donc absolument pousser dans le sens qu’a fini par choisir résolument Battisti

Fred Vargas

Cesare Battisti : ce que les médias ne disent pas, par Wu Ming 1.

Urgent : La vérité sur Cesare BATTISTI, par Maxime Vivas.

Berlusconi, Chirac : deux hommes intègres face à Battisti, par Maxime Vivas.

Cesare BATTISTI, objectif immédiat : obtenir la cassation, par Fred Vargas.

Communiqué de Cesare Battisti à l’ AFP : " Je n’ ai pas tué".

Le site de Cesare Battisti : www.vialibre5.com

URL de cet article 1869
   
Roberto Saviano. Gomorra. Dans l’empire de la camorra. Gallimard, 2007.
Bernard GENSANE
Il n’est pas inutile, dans le contexte de la crise du capitalisme qui affecte les peuples aujourd’hui, de revenir sur le livre de Roberto Saviano. Napolitain lui-même, Saviano, dont on sait qu’il fait désormais l’objet d’un contrat de mort, a trouvé dans son ouvrage la bonne distance pour parler de la mafia napolitaine. Il l’observe quasiment de l’intérieur pour décrire ses méfaits (je ne reviendrai pas ici sur la violence inouïe des moeurs mafieuses, des impensables tortures corporelles, (…)
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« La démocratie et les droits de l’homme ne nous intéressent que très peu. Nous utilisons simplement ces mots pour cacher nos véritables motifs. Si la démocratie et les droits de l’homme nous importaient, nos ennemis seraient l’Indonésie, la Turquie, le Pérou ou la Colombie, par exemple. Parce que la situation à Cuba, comparée à celle de ces pays-là et de la plupart des pays du monde, est paradisiaque »

Wayne Smith, ancien chef de la Section des Intérêts Américains à La Havane (SINA) sous l’administration Reagan

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