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Présidentielles Françaises 2012 : Et si la gauche l’emportait ? (La pluma)

Jeudi, 12 Avril 2012 - Dans un contexte de crise économique, d’ajustement structurel, de résignation et de scepticisme, la campagne présidentielle 2012 entre dans sa dernière étape. Les élections se tiendront le 22 avril, et si besoin est d’un deuxième tour, celui-ci aura lieu le 6 mars.

La France est la deuxième puissance économique de l’Europe, et le centre politique le plus influent du continent. Des raisons de poids pour comprendre l’importance du prochain dénouement électoral.

Les enjeux

Si la gauche l’emportait, la dynamique politique et économique du pays pourrait abandonner la dérive néolibérale et prendre un tout autre chemin. Quitte à gagner l’ensemble de la région. Démontrer qu’une autre voie alternative au dogme de l’austérité est possible, pourrait inspirer la gauche européenne, laquelle se trouve affaiblie par l’ouragan néolibéral. Mais, si au contraire, c’est Sarkozy qui est réélu, la France connaîtra le durcissement d’un modèle dont les lignes générales sont la réduction du budget de la sécurité sociale, de l’éducation et de la santé, ainsi que des restrictions au droit à la retraite, l’assouplissement des charges relatives au travail pour les patrons au détriment des contributions versées à la sécurité sociale. Ceci sous prétexte d’avoir des salaires compétitifs vis-à -vis de l’Europe et de promouvoir la création d’emplois. Le pays conservera aussi les niches fiscales concernant les plus fortunés, une diplomatie interventionniste allant de pair avec un engagement militaire non négligeable sur le plan international. Sans oublier le durcissement de la politique anti-immigration, l’encouragement larvé de la haine religieuse, l’opposition au mariage homosexuel et à l’adoption par les couples d’un même sexe.

Les concurrents en lice.

François Hollande, candidat du Parti Socialiste caracole en tête des sondages d’opinion depuis déjà plusieurs mois. Cependant, malgré un bilan hautement négatif, le candidat de l’UMP et Président, Nicolas Sarkozy, regagne du terrain et talonne Hollande. La plupart des sondages le placent deuxième à seulement un point du leader socialiste. Il y a ceux qui lui accordent même la première place au premier tour. Mais dans tous les cas de figure, Sarkozy est donné perdant face à Hollande au deuxième tour.

Jusqu’à présent, et à en juger par les sondages d’opinion, les Français semblent disposés à tourner la page du sarkozysme ; nonobstant, certaines fissures commencent à apparaître dans la candidature de Hollande. En même temps, la gauche de la gauche avance à grands pas avec Jean- Luc Mélenchon dans les intentions de vote. Aujourd’hui, il est le troisième homme dans les sondages. L’échiquier est complété par Marine Le Pen (Front National, extrême droite), François Bayrou (centre), Philippe Poutou (Nouveau Parti Anticapitaliste), l’écologiste Eva Joly (EELV), Nathalie Arthaud (Lutte Ouvrière), Nicolas Dupont-Aignan (gaulliste et républicain) et, enfin, Jacques Cheminade (Solidarité et Progrès, inclassable). Si l’on considère les cinq dernières candidatures séparément, aucune n’obtient plus de deux points dans les sondages.

La révélation de la campagne

Pour sa part, Jean-Luc Mélenchon est le porte-parole d’une coalition de partis et de formations politiques, parmi lesquelles on trouve le Parti Communiste Français, le Parti de Gauche et la Gauche Unitaire. Les observateurs, toutes tendances confondues, s’accordent sur le fait que celle de Mélenchon est la plus extraordinaire des campagnes malgré ses moyens financiers, très en dessous des campagnes de Sarkozy et Hollande. L’enthousiasme et la passion dont les campagnes des grands favoris manquent, sont pourtant des caractéristiques qu’on reconnaît au chef de file du Front de Gauche.

Mais, qui est ce Mélenchon ? Philosophe de formation, Jean-Luc Mélenchon a été sénateur, et, à l’heure actuelle, il est eurodéputé. Il a été ministre pendant le gouvernement de Lionel Jospin, sous la première Présidence de Jacques Chirac. Il a débuté en politique dans un courant communiste à tendance trotskiste à la fin des années 60. Puis, il a rejoint le Parti Socialiste en 1977 pour le quitter en 2008, afin de fonder le Parti de Gauche. Il s’est opposé farouchement à la Constitution Européenne pendant le référendum de 2005. En 2009, il rejoint Marie-Georges Buffet, à l’époque Secrétaire Générale du Parti Communiste Français, en vue de la création du Front de Gauche, coalition dont font partie presque la totalité des secteurs politiques et sociaux antilibéraux et altermondialistes, à l’exception du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA créé par la LCR ou Ligue Communiste Révolutionnaire en 2007) et de Lutte Ouvrière.

Même en février, lorsque les sondages ne lui accordaient que 7% des intentions de vote, Mélenchon était le seul à réunir 10 mille personnes dans un meeting. Aujourd’hui, crédité d’un 15% et en pleine ascension, ses réunions publiques peuvent atteindre jusqu’à 120 mille personnes, comme cela a été le cas dimanche 18 mars à la mythique Place de la Bastille à Paris. La plus grande démonstration de force pendant la V° République depuis l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand en 1981.

On peut trouver le secret de la réussite de J.L Mélenchon dans son merveilleux talent d’orateur dont il se sert pour faire de la pédagogie politique. C’est ainsi que des sujets aussi arides pour le grand public que le nouveau Mécanisme Européen de Stabilisation financière, ou encore la Règle d’Or budgétaire, qui ont été récemment imposés para l’Union Européenne, deviennent compréhensibles. Toujours dans la persuasion, il s’adresse même aux plus sceptiques pour les convaincre qu’une autre France et une autre Europe sont possibles. L’enthousiasme qu’il éveille dans la foule ne se circonscrit pas à l’hexagone ; son nom commence à être évoqué avec espoir sous d’autres espaces. Des délégations de travailleurs belges, portugais et grecs viennent le rencontrer dans ses rassemblements. Cela ne fait aucun doute, Jean-Luc Mélenchon est perçu comme une espérance, comme un phare au milieu de la nuit de l’austérité néolibérale enveloppant qui enveloppe le continent.

Le programme du Front de Gauche

Mais la progression du Front de Gauche ne peut pas se réduire exclusivement aux qualités de tribun de Jean-Luc Mélenchon. Le Programme« l’humain d’abord » joue un rôle fondamental. C’est un programme qui fait rêver, ce qui est un véritable défi dans un contexte dominé par le pessimisme des politiques d’austérité. Un programme répondant aux défis pressants de la conjoncture tout en énonçant les postulats fondamentaux stratégiques de la société à court terme et à moyen terme, c’est à dire, partager les richesses et abolir l’insécurité sociale, reprendre le pouvoir aux banques et au pouvoir financier, mettre en place la planification écologique et d’autres formes de production, changer le cours de la mondialisation ; pour ce faire, il est nécessaire de passer à la VI° République par le biais d’une Assemblée Nationale Constituante.

Le point de départ est le constat de la crise profonde du mode de production capitaliste, laquelle se manifeste dans la catastrophe écologique, la multiplication des inégalités, de la précarité et de la pauvreté, dans les multiples violations de la démocratie et dans le refus de rapports fondés sur la solidarité et la coopération. La cause commune de ces maux n’est pas d’autre que la domination sans contrôle du capital financier sur le monde.

Mais, étant donné que cette domination dépend des décisions politiques, les peuples ont la possibilité de la contrecarrer et de la supprimer. Autrement dit, un autre monde est possible. Le discours de Mélenchon est, donc, un discours de résistance et d’espérance. Loin d’appeler la population à accepter de nouveaux sacrifices, comme cela a été le cas de la Grèce, de l’Espagne, de l’Italie et du Portugal, pour ne citer que quatre exemples, le leader du Front de Gauche a réussi à casser le consensus, commodément installé d’ailleurs, consistant à dire que la seule issue à la crise est le recours à l’austérité budgétaire. Austérité qui se traduit en France par le non remplacement d’un retraité sur deux, par la suppression de postes de travail à l’éducation nationale et à la santé, par l’augmentation de l’âge de retraite de 60 ans à 62 ans et par la flexibilité du marché de travail.

A la différence de Mélenchon, les principaux candidats à l’élection 2012, dont François Hollande, sont persuadés de la nécessité de l’ajustement budgétaire. Mélenchon, quant à lui, propose de relancer l’économie à travers la consommation ; pour ce faire il compte titulariser 800 mille travailleurs de la Fonction publique qui ont à présent des contrats à durée déterminée ; il propose d’augmenter le salaire minimum légal mensuel de 1300 euros à 1700 euros aussi bien dans le secteur public que dans le privé. Pour financer ces mesures, Mélenchon compte taxer les grandes fortunes, épargnées au fil de dix dernières années par les gouvernements de droite. Il propose une limite maximale aux revenus de 360 mille euros par an. La quantité excédant cette somme sera reprise par l’Etat. Pour lutter contre l’inégalité des revenus dans le monde des entreprises, il propose que le salaire le plus haut ne puisse pas excéder plus de vingt fois le salaire le plus bas.

L’énorme et incontrôlé pouvoir des marchés financiers étant identifié comme l’ennemi principal, Mélenchon propose de séparer, par la loi et de manière stricte, la banque d’épargne et la banque d’investissement. Il prône aussi une réforme de la Banque Centrale Européenne afin qu’elle puisse prêter directement aux Etats sans passer par les marchés financiers. Mélenchon est persuadé que ces mesures, prises ensemble, permettront de relancer l’économie, la clef pour dépasser durablement la crise.

Bien que l’annonce de ces mesures ait causé un léger sourire parmi les principaux candidats, au fur et à mesure que Mélenchon progresse dans les sondages, ces propositions trouvent un écho. François Hollande s’est vu obligé de proposer une taxe de 75% aux pour les revenus dépassant un million d’euros. Nicolas Sarkozy, à son tour, a dû proposer l’imposition des fortunes expatriées. De quoi conforter Mélenchon qui a dit que c’est bien que les autres veuillent l’imiter, mais que c’est lui le mieux placé pour les appliquer. L’original est toujours préférable à la copie.

Qui a peur de Mélenchon ?

Le formidable soutien populaire autour de celui qui dans ses discours récite les vers de Victor Hugo, revendique la tradition libertaire et révolutionnaire de Robespierre, et cite les philosophes grecs sans oublier un certain Marx, fait peur à droite et à gauche. Les socialistes craignent que l’ascension du candidat du Front de Gauche ne se produise à leurs dépens car une partie de l’électorat socialiste serait sensible au discours mélenchonien. Certains analystes pensent que des quatre points obtenus par Mélenchon en mars, deux points proviennent des socialistes. C’est pourquoi les amis de Hollande et lui-même ont commencé à évoquer le vote « utile » pour éviter -estiment-ils- une reproduction de l’expérience électorale de 2002, lorsque le candidat socialiste, Lionel Jospin, s’est vu éliminé du deuxième tour. L’élection finale ayant été disputée entre la droite de Jacques Chirac l’extrême droite de Jean-Marie Le Pen. Cependant, le fantôme d’un nouveau 2002 s’évanouit au fur et à mesure que Jean-Luc Mélenchon progresse et que Marine Le Pen descend dans les sondages.

La stratégie des socialistes vis-à -vis de Mélenchon est ambigüe. Hollande refuse de répondre aux critiques concernant son programme que « Méluche » lui a adressées. Il est bien conscient qu’il aura besoin des voix du Front de Gauche pour réussir le deuxième tour. Mais certains parmi ses amis se trouvent au bord de la dépression nerveuse. Ils perçoivent l’ascension de Mélenchon comme quelque chose de favorable à Nicolas Sarkozy, qui pourrait arriver en tête au premier tour. D’où les attaques sur les propositions de Mélenchon qu’ils jugent irréalisables bien que bien intentionnées. Mais d’autres socialistes préfèrent jouer le calme. Ils déclarent que cette progression est plutôt positive parce que Mélenchon serait en train d’élargir l’électorat de gauche. De quoi avoir une réserve importante de voix au deuxième tour.

Jusqu’où arrivera-t-il, Mélenchon ? Interrogée sur cette question, Marie-Georges Buffet a répondu que du fait de l’ascension extraordinaire de la campagne du Front de Gauche, il ne peut pas y avoir de limite fixée d’avance. Tout est possible, y compris le passage au deuxième tour. Une hypothèse déjà évoquée ailleurs mais non confirmée dans les sondages. Nonobstant, lorsqu’on voit l’enthousiasme des militants et des sympathisants autour de la campagne, la foule immense pendant les manifestations publiques et la diversité des participants, on ne peut pas s’empêcher de penser que tout est possible dans cette campagne pour Mélenchon.

Ce qui est certain, c’est que quel que soit le résultat de l’élection, la campagne électorale aura légué une nouvelle force politique capable de rassembler la gauche traditionnelle aussi bien que des altermondialistes et des écologistes. Les responsables du Front de Gauche ont déjà manifesté que ce processus ne s’arrêtera pas après la présidentielle et qu’il a vocation à se consolider et à devenir le pôle de gauche le plus représentatif de la France. Mélenchon a réveillé l’orgueil de la gauche française pour ses valeurs les plus chères et lui a rendu la dignité qui semblait égarée entre la résignation à la social-démocratie du Parti Socialiste et les terrains scabreux de l’extrême droite des Le Pen.

Et l’Amérique latine dans tout cela ?

L’action que mène le Front de Gauche n’est pas indifférente aux latino-américains. A plusieurs reprises, Mélenchon a déclaré s’être inspiré de processus politiques de changement social qui se tiennent à l’heure actuelle dans le ce continent. C’est ainsi que Mélenchon emprunte à l’Equateur de Rafael Correa le concept de Révolution citoyenne. Il retient de la Bolivie d’Evo Morales le respect de la Terre mère. Et du vénézuélien, Hugo Chavez, il apprécie la nationalisation de secteurs stratégiques. A propos, récemment, le journal droitier Le Figaro, a comparé Mélenchon à Hugo Chavez, en le nommant « petit Chávez » et Mélenchon d’ironiser « pourquoi petit ? ».

Par ailleurs, pour la première fois en France, un groupe important de latino-américains installés en France a rejoint expressément la campagne de Mélenchon. La lutte contre le racisme, contre la xénophobie, contre l’intolérance religieuse et culturelle dont le Front de Gauche se fait le porte-étendard, parmi d’autres raisons, est à la base de cette décision. Certainement, ce ne sera pas l’adhésion des latino-américains qui fera gagner la gauche de la gauche, mais il est symptomatique de l’effet boule de neige dont le candidat-philosophe nourrit l’actuelle conjoncture.

http://www.wae-energy.com/job/lapluma/fr/index.php?option=com_content&...

En espagnol : http://www.es.lapluma.net/index.php?option=com_content&view=articl...

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