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Quand Mandela ennoblit la politique

En voyant la flopée d’hypocrites venus des quatre coins du monde, Nelson Mandela aurait pu rire à gorge déployée. Lorsque les ex-présidents nord-américains, particulièrement George Bush, sont passés, beaucoup dans l’assistance avaient à l’esprit le soutien inconditionnel de la Maison Blanche – tout comme Israël – à l’ancien pouvoir raciste de Prétoria et l’information publiée quelques heures plus tôt par Wikileaks selon laquelle la CIA a trempé dans l’arrestation de Mandela en 1962. Quand les gouvernants européens sont apparus, François Hollande et Nicolas Sarkozy en tête, les ventes d’armes et l’achat de charbon au régime raciste par leurs prédécesseurs, malgré les appels au boycott, ne pouvaient passer au chapitre des pertes et profits.

Le « terroriste », selon la formule de Mme Thatcher et de la droite française des années 1980, celui qui figurait il y a peu encore (2008) sur la liste noire états-unienne , a dû franchement se marrer de les voir à ses pieds, légèrement courbés sortant des mouchoirs pour feindre d’essuyer une larme virtuelle. Ils venaient d’apprendre que Nelson Mandela lors de son arrestation en 1962 était membre du Parti communiste sud africain. Pour la plupart, il s’agissait là d’un égarement de jeunesse, comme Chirac vendant « l’Huma », vite rectifié. L’idée ne les a pas effleurés, qu’avec ses camarades, l’ancien membre du comité central du PC sud africain avait consacré l’essentiel de ses 27 années d’emprisonnement à construire peu à peu l’échafaudage de la future Afrique du Sud : non raciste, libre, démocratique, ne dépendant d’aucun clan.

Pour mener à bien cette œuvre monumentale, il fallait un personnage charismatique dégagé d’une quelconque étiquette politique, capable de rassembler : la maison commune s’appela et s’appelle toujours le Congrès national africain (ANC) regroupant des tendances fortement distanciées, le chef Nelson Mandela faisant l’unanimité entre des personnalités d’origines sociales, politiques, idéologiques d’une grande diversité. George W Bush, Barack Obama, François Hollande, Nicolas Sarkozy et les autres se sont inclinés devant celui qui fut membre du comité central du parti communiste sud-africain dirigé de main de maître par Jo Slovo, avant d’adopter une stratégie décidée collectivement lui permettant de remplir le rôle de rassembleur.

Comment expliquer le respect, l’admiration, l’adhésion qu’inspire en Afrique du Sud et dans le monde Nelson Mandela ? Il y a bien sûr son courage et ses longues années de prison, son intelligence, sa gentillesse légendaire, son sourire, sa disponibilité, ses discours de paix, de tolérance, une honnêteté rigoureuse dont ses successeurs feraient bien de s’inspirer.
Il y a surtout ses capacités de rassemblement. Sans sa politique de réconciliation, le pays aurait sombré dans la guerre civile. Sans son pragmatisme, les nouvelles institutions n’auraient pas pu être mises en place. Sans son sens du dialogue, son pays ne serait pas devenu une puissance mondiale décisive pour la marche du continent noir et au delà.
Cela ne suffit pas. L’homme a su rester simple, près des gens et a refusé de se transformer en icône. Il serait ridicule et criminel, aujourd’hui, de procéder à sa déification, à sa béatification, même laïque. Il en serait révolté. C’est lui même qui déclarait :

« Ce ne sont pas les rois et les généraux qui font l’histoire mais les masses populaires ».

Si Nelson Mandela a été un homme d’ouverture aux autres y compris à ses anciens geôliers, il n’a jamais fait de concessions politiques comme en témoigne la déclaration du Parti communiste sud- africain ( SCAP) au lendemain de sa mort :

« Le SACP a soutenu Madiba pour la réconciliation nationale. Mais la réconciliation nationale, pour lui, n’a jamais voulu dire la fin de la lutte des classes et la fin d’autres luttes contre les inégalités sociales dans notre société, comme certains voudraient nous le faire croire aujourd’hui. Pour Madiba, la réconciliation nationale était une plate-forme pour poursuivre l’objectif de la construction d’une société sud-africaine plus égalitaire, éloignée du fléau du racisme, du patriarcat et des inégalités flagrantes. Une véritable réconciliation nationale ne peut se faire dans une société encore caractérisée par le trou béant des inégalités et de l’exploitation capitaliste..."

La réconciliation ? Nelson Mandela y a travaillé dans son pays et dans son rapport au monde. Il existe des convergences étonnantes. Ainsi, il se reconnaissait pleinement dans l’éditorial de Jean Jaurès publié dans le premier numéro de « l’Humanité » : « L’humanité n’existe point encore ou elle existe à peine. À l’intérieur de chaque nation, elle est compromise et comme brisée, par l’antagonisme des classes, par l’inévitable lutte de l’oligarchie capitaliste et du prolétariat. »
Ou encore lorsque Jaurès affirmait que l’antagonisme surmonté « fera de chaque nation enfin réconciliée une parcelle d’humanité ». Ou encore enfin :

« Le sublime effort du prolétariat international, c’est de réconcilier tous les peuples par l’universelle justice sociale. Alors vraiment, mais seulement alors, il y aura une humanité réfléchissant à son unité supérieure dans la diversité vivante des nations amies et libres. »

La réconciliation avec le monde ? Nelson Mandela a mené une politique visant à donner une place de choix à son pays dans l’arène internationale. On l’a vu à la Maison Blanche et à l’Élysée. Mais c’est à Cuba qu’il a réservé un de ses premiers voyages à l’étranger. La réconciliation, pour Mandela, n’a pas entraîné l’oubli de ceux qui ont donné leur vie en combattant les forces de l’apartheid. Mandela dont la stratégie et les tactiques ont été ajustées en fonction des conditions différentes dans lesquelles se sont déroulées ses combats n’a jamais gommé, par exemple, l’intervention armée cubaine qui a permis de battre les troupes racistes sud africaines. Il n’a pas oublié cette action décisive assurant l’indépendance de l’Angola, l’émancipation de la Namibie et tirant le coup de grâce contre l’apartheid sud-africain.

À l’issue de la bataille de Cuito Cuanavale, Mandela soulignait depuis sa prison :

« Il s’agit là du tournant décisif pour la libération de notre continent et de mon peuple du fléau de l’apartheid ».

Plus tard, après avoir été élu président de la République, il déclarait :

« Les Cubains sont venus dans notre région en médecins, en enseignants, en soldats, en experts agricoles, mais jamais en colonisateurs. Ils ont partagé les mêmes tranchées dans la lutte contre le colonialisme et le sous-développement. »

La réconciliation chère à Mandela ? Elle imprègne désormais la politique des progressistes dans le monde. Ainsi, le dirigeant palestinien Marwan Barghouti, emprisonné depuis de nombreuses années par le colonisateur israélien, affirme dans son message à Mandela.

« L’apartheid n’a pas survécu en Afrique du Sud, l’apartheid ne survivra pas en Palestine. Vous avez dédié votre vie à la cause de la liberté et de la dignité, de la justice et de la réconciliation, de la paix et de la coexistence. En Palestine, nous promettons de poursuivre le combat pour nos valeurs communes. » Pour Nelson Mandela, la lutte du peuple palestinien était « aussi celle du peuple sud-africain ».

Nelson Mandela s’est éteint. Le monde entier s’attendait un jour ou l’autre à sa mort. Pourtant, l’émotion a traversé la planète. La question, aujourd’hui, est de savoir si l’action de Nelson Mandela trouvera un prolongement en Afrique du Sud. Après sa libération et pendant son mandat de président de la République, l’objectif premier visait à débarrasser le pays du racisme d’État, d’établir la confiance entre les communautés, de donner une autre image du pays. La mission a été remplie. Mais si l’apartheid a été liquidé et une petite frange de la population noire a pu bénéficier d’un début de progrès économique, la corruption, l’injustice sociale et l’insécurité font des ravages. La deuxième phase de la révolution sud africaine est en panne. Les successeurs de Mandela sauront-ils dépasser ce moment crucial ?

Nelson Mandela nous a quitté mais son message de paix, de réconciliation, de tolérance, de refus de l’injustice sociale et politique reste bien présent. Pour qu’il reste vivace et conquérant, il faudra surmonter les récupérations, ajuster - et cela est valable pour tous, y compris en France - les stratégies aux contextes du moment comme Mandela avait su magistralement le faire en son temps.

José Fort, décembre 2013

»» http://josefort.over-blog.com/2013/12/quand-mandela-ennoblit-la-politique.html
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