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Quelles peuvent être les raisons du retard occidental en matière d’armements hypersoniques ?

On commencera, le cas échéant, par lire cet article. Il fait état des avancées russes en la matière et évoque les potentielles inquiétudes du monde occidental quant à sa capacité à les suivre, États-Unis en tête. Nous nous posons ici la question non pas d’un retard qui serait dû à un développement plus tardif, mais ce qui nous semble être une réelle difficulté conceptuelle à faire marcher de tels engins.

Puisque nous sommes à l’Ouest, rappelons-nous ces paroles de Richard Feynman, prix Nobel de physique : « le but du physicien est de faire parler les équations ».

Remarquons alors qu’au sortir de la guerre froide, nous nous trouvons dans une situation assez étrange au premier abord. L’Occident a poussé l’électronique et l’informatique bien davantage que l’Union soviétique. Il n’effleura l’idée de personne que cette dernière avait tenu tête sans cela et l’on se contenta de penser, ici, que ses équipements étaient désuets et inefficaces. Le conflit ukrainien a démontré le contraire !

Or, ceux qui ont travaillé sur du matériel adverse à l’effondrement du mur de Berlin savent très bien que « l’ennemi » d’alors avait mis en oeuvre des trésors de réflexion pour justement faire parler les équations et comprendre ce qui était vraiment en jeu sans avoir à passer par des calculs sur ordinateur. Ainsi en était-il, par exemple, des moteurs de propulsion spatiale dits « ioniques ».

Pendant ce temps, chez nous, on se reposa de plus en plus sur les logiciels. Ils constituaient une boîte noire dont on ne maîtrisait rien et on « gobait » les résultats, quels qu’ils soient, comme si c’était la vérité toute nue sortie du puits.

Un exemple vaut souvent mieux qu’un long discours. En 2013, j’ai fait tester en soufflerie numérique un engin de ma conception. Contrat fut passé avec l’école des mines qui mit un de ses meilleurs élèves venant du Polytecnico di Milano. Le but de l’étude était de déterminer les coefficients de traînée et de portance de mon appareil. J’avais effectué une estimation à la main qui m’avait pris 10 minutes. Après 6 mois d’efforts, le super calculateur sortit un coefficient de traînée qui était égal au mien à 10% près. Si on arrête l’histoire ici, on pourrait penser que je m’étais trompé de 10%. Que nenni ! En effet, par essence, mon concept devait avoir un coefficient de portance non nulle. Or celui qui émergea du programme « infernal » fut zéro. C’était donc une erreur manifeste qui montrait que l’on ne pouvait avoir aucune confiance dans le résultat concernant la traînée. Je vous passe sur l’analyse qui s’en est suivie ainsi que ses conclusions.

Aujourd’hui, les écoles d’ingénieurs, en accord total avec les entreprises, veulent des gens performants en manipulation de divers outils informatiques tel Catia (« Conception Assistée Tridimensionnelle Interactive Appliquée »). En effet, si ces derniers, au temps où ils furent conçus, amenèrent un grand progrès pour ceux qui avaient l’habitude de réfléchir, ils ne firent que « tayloriser » le vrai métier en le dégradant énormément, conduisant à l’amélioration incrémentale qui demain sera l’apanage de l’intelligence artificielle. En revanche, de mon point de vue, remplacer les physiciens et ingénieurs soviétiques de l’époque par de l’IA ne serait absolument pas possible.

Voilà donc où nous en sommes et tant que nos scientifiques ne seront pas capables d’inciter les équations à parler, il semble fort peu probable que l’Occident arrive à faire des missiles hypersoniques dignes de ce nom. Qu’entends-je par-là ? Non pas des roquettes qui vont à Mach 5 qui est la limite entre supersonique et hypersonique, mais des qui atteignent des Mach de 9 à l’instar du Zircon au niveau de la mer ou 27 comme l’Avangard à haute altitude tout en restant manœuvrables.

Pour parvenir à un tel niveau, il faut impérativement renouer avec les études se focalisant sur le papier et le crayon. Écrire les équations, essayer de les résoudre à la main et comprendre, quand on fait des approximations, à quoi elles correspondent physiquement et si elles sont légitimes.

Prenons encore un exemple. Il existe ce que l’on appelle des boucles fluides à changement de phase pour refroidir des parties, par exemple, de satellites. Si l’on ne fait pas, avec des approximations ad hoc, un développement limité à l’ordre 4 du système de Navier-Stokes, on ne peut pas concevoir de telles boucles. Jamais un ordinateur ne pourra amener à cela alors que d’excellents ingénieurs, par le passé, ont su le faire.

Quand on voit le faible niveau en mathématiques et en physique aujourd’hui dans toute la structure scolaire occidentale, on se dit que la lumière viendra d’ailleurs. Et c’est ce que l’on est en train de constater.

source : Centre Français de Recherche sur le Renseignement

envoyé par Dominique Delawarde


Note de Geb :

Ca ne concerne évidement pas que les "missiles" et autres engins de mort... Mais aussi l’Aviation civile, le Bâtiment, ou la Médecine et la Pharmacopée...

Et le reste.

Quand vous donnez , (Vous et l’Education Nationale), des Calculateurs et Wikipédia à vos enfants sous le prétexte qu’il n’y aucune différence avec Le Calcul mental ou les Livres, posez vous la question des impacts négatifs et se leur résultats humains induits à moyen et courts termes sur la Société elle-même.

Confier sans contrôle la gestion et l’éducation du cerveau humain à des "machines", aussi performantes qu’elles puissent être, c’est comme pour un haltérophile confier la gestion du lever de ses poids lors de l’entraînement à une grue. ((- ;

 https://reseauinternational.net/quelles-peuvent-etre-les-raisons-du-retard-occidental-en-matiere-darmements-hypersoniques/
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COMMENTAIRES  

01/09/2023 09:19 par Marianne

Désolée j’insiste, mais là c’est pour vous feliciter, j’avais vu l’article et le trouvait assez decisif, ça fait plaisir de le trouver sur le site du grand soir (malgré vous savez quoi, bisous le modérateur).

03/09/2023 12:12 par Xiao Pignouf

Donc, si je comprends bien, pour fabriquer des machins qui vont super vite et qui tuent, au lieu d’utiliser des super-calculateurs mégagigarapides eux aussi, vaut mieux revenir au crayon et au papier... C’est vrai que ça paraît plus réaliste de blâmer les gamins qui ne savent plus compter que la désindustrialisation de la France.

03/09/2023 21:54 par Marianne

En fait j’avais d’autres choses à dire à propos de cet article. J’ai trouvé que c’était une sacrée bonne nouvelle qu’un scientifique - de surcroit sous l’œil d’un représentant de l’armée française :)* - soit capable d’intégrer cette dimension proprement humaine dans sa recherche, et de constater que cette dimension permet de faire des sauts qualitatifs dans la connaissance.

Cela m’a furieusement fait penser au discours de réception de Saint John Perse au Prix Nobel de Poésie. Je vous reproduis l’intro du discours de Stokholm, qui date de 1960. Je l’ai découvert avec mes élèves durant ces années épuisantes d’Education Nationale.

"Saint-John Perse
Discours de Stockholm (Poésie)

1
J’ai accepté pour la poésie l’hommage qui lui est ici rendu, et que j’ai hâte de lui
restituer.
2
La poésie n’est pas souvent à l’honneur. C’est que la dissociation semble s’accroître
entre l’œuvre poétique et l’activité d’une société soumise aux servitudes matérielles. Ecart
accepté, non recherché par le poète, et qui serait le même pour le savant sans les applications
pratiques de la science.
3
Mais du savant comme du poète, c’est la pensée désintéressée que l’on entend honorer
ici. Qu’ici du moins ils ne soient plus considérés comme des frères ennemis. Car
l’interrogation est la même qu’ils tiennent sur un même abîme, et seuls leurs modes
d’investigation différent.
4
Quand on mesure le drame de la science moderne découvrant jusque dans l’absolu
mathématique ses limites rationnelles ; quand on voit, en physique, deux grandes doctrines
maîtresses poser, l’une un principe général de relativité, l’autre un principe quantique
d’incertitude et d’indéterminisme qui limiterait à jamais l’exactitude même des mesures
physiques ; quand on a entendu le plus grand novateur scientifique de ce siècle, initiateur de
la cosmologie moderne et répondant de la plus vaste synthèse intellectuelle en termes
d’équations, invoquer l’intuition au secours de la raison et proclamer que « l’imagination est
le vrai terrain de germination scientifique », allant même jusqu’à réclamer pour le savant
le bénéfice d’une véritable « vision artistique » – n’est-on pas en droit de tenir l’instrument
poétique pour aussi légitime que l’instrument logique ?{}

Peut-être qu’on peut circonvenir les problématiques de l’IA en le confrontant à la poésie.

"Bisous au modérateur",

Marianne

*L’article a été partagé par un certain général Delawarde. Je sais pas qui c’est. Donc venez pas me chercher des noises :))

04/09/2023 14:23 par Geb.

Dominique Delawarde c’est lui :

Pourquoi/comment la désinformation contre l’Algérie.

QYy32xiPaZY

avec le général Dominique Delawarde

Il y a beaucoup de désinformation contre l’Algérie dans les médias français, marocains, émiratis, etc.. D’après vous où se trouve le centre de coordination ?

a- L’OTAN

b- France

c- Israël

d- Non, il y a pas un centre

source : Jazair Hope

04/09/2023 21:57 par Geb.
06/09/2023 12:49 par Marianne

@ Geb Merci beaucoup pour ce lien, c’était tout à fait intéressant !

06/09/2023 18:00 par Scrooge

étonnant qu’il ne soit jamais fait mention de Jean Pierre PETIT dans cet article.
Il s’agit d’un chercheur français qui a été très loin dans la modélisation du MHD qui est à l’origine des systèmes hypersoniques.
Pour plus de précision, voir :
https://www.jp-petit.org/nouv_f/dessins/2022-05-02%20MHD%20pour%20PLS.pdf
On peut y lire notamment :
"Nous sommes au milieu des années quatre-vingt. Le laboratoire français CORIA, à Rouen,
possède ce type de soufflerie à rafale d’argon chaud. Petit suggère de l’équiper de
condensateurs et de solénoïdes pour réaliser l’expérience clé correspondant à la thèse de
Lebrun. Un contrat Cnrs est donc élaboré. Mais l’Armée intervient. Pour elle, de telles
recherches relèvent du secret défense. Petit, comme son ami le mathématicien Alexandre
Grothendieck, est par principe hostile à toute dissimulation de résultats scientifiques. il
alors est écarté du contrat..."
Ce qui a stoppé la recherche française dans le domaine. Pas celle des russes !

06/09/2023 19:39 par Georges Rodi

> 06/09/2023 à 18:00 par Scrooge

L’apport de JP Petit est reconnu par les scientifiques russes.
L’article évoque plutôt ce qui est nécessaire pour faire aboutir les recherches : du jus de cerveau.
Une dure réalité pour les gestionnaires de planning et les services financiers qui sont aux manettes, alors qu’ils ne savent penser qu’en termes de pognon.
Une dérive entretenue par les projets servant d’avantage à capter les Crédits d’Impôt Recherche plutôt qu’obtenir des modèles probatoires fonctionnels.
Ren Zhengfei, fondateur du groupe Huawei qui est indiscutablement devenu une référence en matière de R&D, a toujours déclaré que pour réussir, le groupe devait empiler les talents plutôt que les U$.

08/09/2023 10:50 par RV

Peut-être un peu hors sujet, à vous de voir . . .
SpaceX : Les racines SOVIÉTIQUES du GÉANT de l’Espace
https://youtu.be/tq9w8-5_DII

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