Robert Ménard : "C’est la loi qui doit décider de la liberté de la presse"

SIERRA

Interview de Robert Ménard, directeur général du Centre de Doha pour la liberté des médias, pour RIA Novosti

En tant que fondateur de l’organisation Reporters sans frontières, pourriez-vous évaluer son travail ? Qu’a-t-elle fait pendant ces années, quel est son plus grand succès ?

R.M. Sortir du champ des prisons, c’est quand même ça qui nous fait le plus plaisir. C’est ce qui est le plus important. Chaque fois qu’on a obtenu une libération de quelqu’un, parfois après des années (il y a des gens aux Reporters sans frontières qu’on a défendus pendant vingt ans). Quand les gens sortent de prison et viennent vous voir et qu’ils vous disent : "C’est grâce à vous". Enfin, c’est pas vrai, c’est grâce un petit peu à nous mais quand même - donc c’est ça qui me fait le plus plaisir. Ensuite, on a mené des campagnes, qui ont été plus ou moins réussies, qui sont importantes, et par exemple, ce qu’on fait ici, j’en suis sûr, parce que essayer de monter, comme on essaie de le faire ici, dans un pays comme ça, en plein coeur du Golfe, une structure indépendante qui parle, qui critique tout le monde, et qui dit tout, sans hésiter, il n’y en a aucune dans cette partie du monde. Et ça, je suis fier de le faire.

Croyez-vous qu’il faille imposer des restrictions à la liberté de la presse ? Trop de liberté peut aussi être néfaste, n’est-ce pas ?

R.M. Bien sûr. Moi, je ne pense pas qu’on peut dire tout à n’importe qui, n’importe comment. Si je vous dis que vous avez volé dans cet hôtel, vous allez me poursuivre, et vous aurez raison. La liberté de la presse ce n’est pas dire tout et n’importe comment. Il faut définir des cadres. Je crois qu’il y a des limites à la liberté de la presse. C’est explicite, ensuite on peut discuter. Premièrement, tout ce qui appelle à la violence. Un appel à la violence, à la haine, c’est interdit dans les médias. Il faut condamner les journalistes qui appellent à la violence et qui appellent à la haine. A la haine raciale, à la haine religieuse, à la haine politique. Il faut condamner les gens qui font ça, parce que ça, ce n’est pas du journalisme, c’est autre chose. C’est d’un côté. Et de l’autre côté, on ne doit pas accepter qu’on mette en cause les gens personnellement si on n’a pas des preuves de ça. La diffamation, l’injure, cela doit être interdit.

Mais qui doit décider de ce que l’on peut dire ? Reporters sans frontières ?

R.M. Non, pas du tout. Je pense que c’est la loi qui doit dire ça. Mais il faut que la loi corresponde à des standards internationaux. Regardez la Russie. Vous êtes un pays européen. Il y a quelque chose qui s’appelle la Cour européenne des droits de l’homme. La Russie est membre du Conseil des droits de l’homme, elle est membre du Conseil de l’Europe. Donc, la Cour européenne c’est la juridiction qui doit s’appliquer. La Russie, est-ce qu’elle respecte les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, elle respecte le contenu de la Déclaration européenne des droits de l’homme ? Non ! Il y a un cadre, il faut respecter le cadre, c’est tout. Il faut que les lois nationales respectent ce cadre-là . Il y a des tribunaux internationaux comme la Cour européenne des droits de l’homme, il faut respecter ça quand on est en Europe, la même chose dans les pays d’Amérique latine, la même chose en Afrique, la même chose dans cette partie du monde.

Toutefois, la situation autour de la liberté de parole a tendance à s’améliorer. Vous avez vous-même reconnu avoir parfois critiqué le gouvernement du Qatar qui finance Doha Center for Media Freedom.

R.M. C’est ça la liberté. Ici, il y a des gens qui acceptent ça. Quand en France ou aux États-Unis vous obtenez des subventions des gouvernements, les gouvernements acceptent l’idée qu’il y a des gens qui sont là pour les critiquer. Mais on ne critique pas pour être négatif. Moi quand je critique le Qatar je critique parce que je pense que ça va servir à quelque chose et que ça va faire avancer quelque chose. Bien sûr, je suis optimiste. Le fait même que je puisse dire ça ici, c’est une révolution. Vous croyez qu’en Arabie Saoudite, je peux tenir ce discours-là . Cela veut dire qu’il y a des gens dans un certain nombre de pays qui ont envie que ça change, et c’est ça qui me rend optimiste.

Propos recueillis par Samir Shakhbaz

Source : RIA-Novosti

COMMENTAIRES  

10/06/2009 22:14 par Maxime Vivas

Un article favorable à RSF et à Ménard dans LGS, c’est la preuve que l’attachement à la liberté d’expression y est plus grand que chez RSF. Essayez donc de faire passer un article de ce "site alternatif d’information militante" sur le site de RSF.
Cela dit, RSF s’intéresse enfin au cas de Mumia Abu-Jamal. C’est Rue 89 qui nous l’apprend.
Voici le commentaire que je leur ai envoyé :

LA DUPLICITE DE RSF.

L’épicerie compassionnelle RSF déguisée en ONG récupère, avec 20 ans de retard seulement, une cause qu’elle ne peut plus ignorer. Ecoeurant !

Voici ce que j’écrivais dans mon livre « La face cachée de Reporters sans frontières. De la CIA aux Faucons du Pentagone » (éditions Aden)

« Et que dire de ce dialogue avec un internaute lors du forum en ligne organisé par le Nouvel Observateur le 22 octobre 2004 (lien cité).

" Internaute : "˜ Un journaliste noir Américain, Mumia Abu-Jamal est en prison au USA depuis plus de 20 ans pour un crime dont il est innocent. Pouvez-vous préciser l’action que RSF a menée pour sa libération ? ’

Robert Ménard : "˜ Nous n’avons rien fait et nous ne ferons rien. Il ne s’agit pas d’une affaire de liberté de la presse.’

En êtes-vous sûr, Robert Ménard ? Avant son arrestation, Mumia Abu-Jamal était considéré par le FBI comme l’une des personnes "˜ à surveiller et interner en cas d’alerte nationale . Journaliste de radio apprécié, lauréat de plusieurs prix, il est surnommé la voix des sans-voix’pour sa critique de la corruption de la police et des dirigeants politiques locaux qui obtiendront qu’il soit licencié. Il devient alors chauffeur de taxi. Le 9 décembre 1981, alors qu’il vient de déposer un client, Mumia Abu-Jamal est grièvement blessé lors d’une fusillade au cours de laquelle un policier sera tué. Au terme d’une enquête orientée et bâclée, il est condamné à mort. Bien ! Un journaliste opposant est à l’ombre. En juin 1999, un ancien tueur à gages avoue avoir tué le policier dans le cadre d’un contrat mêlant police et mafia. Sous un prétexte procédurier, ses aveux ne seront pas retenus.
Des comités de soutien se sont constitués un peu partout dans le monde, de nombreux livres ont été écrits, des films tournés. Mumia a été fait citoyen d’honneur de plusieurs villes (dont Paris), un rue porte son nom à Saint-Denis (93).

Bref, le sort de cet innocent, enfermé 23 heures sur 24 dans une minuscule cellule a ému l’opinion internationale qui a su empêcher par deux fois son exécution, en 1995 et en 1999. Mais l’émotion a trouvé les volets baissés devant le fond de commerce RSF. La malheureuse était pourvue d’un anti-Sésame : la remise en cause de l’emprisonnement d’un journaliste contestataire dans un pays adoré et distributeur de dollars."

Que RSF ait changé d’avis depuis que Ménard est allé se vendre à un dictateur arabe, soit, tant mieux. Mais qu’elle n’essaie pas de nous faire oublier qu’elle a été la DERNIERE association de journalistes à le faire. Ah la mouche du coche !

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