Plein écran
10 commentaires

Ruiner l’Europe pour redonner sa puissance aux États-Unis

Au niveau technologique, les Japonais n’ont rien à envier aux Étasuniens, que ce soit dans le secteur des appareils électroniques, de l’intelligence artificielle ou l’industrie automobile. De même, il est révolu le temps où l’on pouvait considérer les objets faits en Chine comme de la camelote. Des villes gigantesques sont pourvues de la plus haute technologie. En quelques années, on a transformé des dizaines de villages en zones urbaines. Les Chinois sont de grands pourvoyeurs mondiaux de composantes électroniques. Leurs entrepreneurs fortunés s’installent en Afrique et projettent des mégaprojets en Amérique du Nord, notamment au Québec. En 2022, l’unique mine de lithium alors opérationnelle au Canada, située au Manitoba, appartenait à l’entreprise chinoise Sinomine Resource Group, qui envoie sa production en Chine... À lui seul, ce pays contrôle 91 % de la production d’anodes et 78 % des cathodes. ¹

Les États-Unis sont devenus des spéculateurs plus que des producteurs. En installant des usines en Asie du Sud-Est et en Chine, pour épargner sur les salaires, les États-Unis se trouvent menacés par cette stratégie : si les élus locaux mettent fin aux conditions imposées, c’est toute la chaîne des pièces, conçues dans diverses contrées, qui bloque l’assemblage final.

Comme les pays membres des BRICS ne paient plus en dollars, la mainmise d’Uncle Sam sur les finances internationales s’affaiblit. Si des États africains comme le Mali et le Burkina Faso cessent d’accepter le néo-colonialisme, au moment même où l’Union Européenne se soumet aux visées belliqueuses de l’OTAN, le monde se fracturera davantage entre l’Orient et l’Occident, le Nord et le Sud, sans que cela soit à l’avantage d’une population qui s’arroge le nom de tout un continent.

La solution : ruiner l’Europe

Avec leur économie basée sur la délocalisation des sites de production, la fin du l’hégémonie du dollar, le rejet de leur politique invasive, l’unique moyen permettant aux États-Unis de retrouver la puissance que la Seconde Guerre leur a donnée, consisterait à pousser l’Union européenne dans un conflit généralisé en Europe.

Ce serait le plus sûr moyen de ruiner, pour des années, ses nations prospères. En les rendant dépendantes des États-Unis, en matière d’équipement militaire et de carburant, pour les soumettre ensuite à des conditions d’aide pour la reconstruction. À présent, imaginez-vous de retour en 1947...

Le plan Marshall : un antécédent à examiner

Ce plan consistait à venir en aide aux États d’Europe, pour rétablir les infrastructures saccagées lors de la Seconde Guerre mondiale. Sur les milliards accordés, outre les « dons », 15 % consistaient en prêts provenant de banques étasuniennes, parés d’une garantie gouvernementale. À la condition d’importer pour une somme équivalente d’équipement, de services et produits made in USA. (Voir plus de détails)²

Les manufactures étasuniennes ayant fonctionné à plein régime durant la guerre, avec le plan Marshall, on s’assurait de maintenir les emplois des citoyens, à l’interne et à l’étranger !

Les prêts étaient contrôlés par la Banque Mondiale et son intermédiaire le FMI. Comme les États-Unis s’avéraient les uniques adhérents à posséder un droit de veto à ces institutions, les pays signataires devaient se soumettre à leurs conditions : les prêts seraient fournis en dollars et remboursables en or ou son équivalent en dollars et non en monnaie locale (le prix de l’or valant 34 dollars l’once). Les États-Unis évitaient ainsi le risque d’une dévaluation de la monnaie nationale des emprunteurs. ³

Le plan comportait aussi une section « culturelle ». Les productions d’Hollywood n’étant pas aussi prisées en Europe qu’en Amérique, notamment en France, les quotas limitant la diffusion des films furent contestés. Fi de la protection des réalisations nationales ! Les signataires s’engageaient à projeter un minimum de 30 % de films produits à Hollywood. ⁴

Une alternative à reconsidérer

Les socialistes qui s’opposaient au plan Marshall, tout comme les Soviétiques d’alors, proposaient un moyen qui devrait être pris en compte par bien des pays : en nationalisant les possessions des Européens fortunés, on aurait pu obtenir les bases pour la remise d’aplomb de l’économie. Aux États-Unis, les opposant suggéraient d’obliger les grandes entreprises allemandes à contribuer au rétablissement de l’Europe, puisqu’ils en avaient provoqué en partie la destruction, tout en s’enrichissant par la vente de fournitures militaires.

Cette idée de nationaliser les entreprises étrangères devraient être adoptée par tous les pays endettés auprès de la Banque Mondiale et du FMI. Le paiement des intérêts excède souvent la somme prêtée, en plus de contraindre les nations à privatiser leurs entreprises et à réduire les services publics. Et aucune compensation ne devrait leur être offerte, leurs profits ayant surpassés les investissements, en partie défrayés par les États, grâce aux fonds publics. De plus, lorsqu’elles cessent leurs activités, les lieux affectés sont rarement dépollués, en dépit des lois environnementales du pays. De nombreuses contrées ne possèdent plus leur eau, leurs meilleures terres agricoles, les richesses minières, le tout étant exploité par des monopoles supranationaux.

Une guerre avec la Russie = le suicide de l’Europe

Les États-uniens n’ont pas accepté que l’on déploie des missives pointés vers eux, à partir de Cuba. La Russie n’a pas à tolérer que les États-Unis installent des bases militaires à sa frontière avec l’Ukraine. Une zone neutre, c’est ce que le gouvernement russe demande, depuis le début du conflit avec son voisin ukrainien.

Si les dirigeants européens ne le comprennent pas et sont assez téméraires pour déclarer une guerre contre la Russie, c’est toute l’Europe qui en souffrira, aux bénéfices des États-Unis. Déjà, de nombreux pays ont remis le service militaire et la conscription obligatoires. Dans certaines contrées, même les femmes y seront contraintes ! Voilà un statut égalitaire qui ne plaira pas à toutes les féministes...

Comme lors des deux précédentes guerres mondiales, le territoire étasunien pourrait ne pas en être affecté. Et après avoir tout fait pour miner les Accords de paix de Minsk I et II, une guerre généralisée en Europe soumettrait ses nations à un néo-plan Marshall. Pensez-y, lorsque les grands médias répètent, comme des automates, que ce sont les Russes qui veulent la guerre.

Références :

1." Le pivot militaro-économique du Canada vers l’Indo-Pacifique ", par Pierre Dubuc, l’Aut’Journal, 12 février 2022.
2. Officiellement appelé « Programme de rétablissement européen » (European Recovery Program Foreign Assistance Act of 1948), les modalités du plan discutées à la conférence de Paris furent acceptées par 16 pays le 20 septembre 1947. Chaque pays bénéficiaire encaissait en monnaie nationale le montant des ventes liées aux items importés. Chacun devait accorder des crédits d’un montant deux fois supérieurs au crédit reçu, à des administrations et à des entreprises, afin qu’elles investissent dans des projets. Chaque État devait acquitter sa part par le moyen des impôts ou en obtenant des prêts bancaires locaux, c’est-à-dire, sans émettre davantage de monnaie nationale.
3. https://fr.wikipedia.org/wiki/Plan_Marshall
4. Les armes de distraction massive ou l’impérialisme culturel américain, par Matthew Fraser, traduit de l’anglais par Marie-Cécile Brasseur. Chapitre I : le cinéma, aux Éditions Hurtubise, 2004.

Print Friendly and PDF

COMMENTAIRES  

26/08/2024 22:40 par John

Effectivement, la propagande des media chez nous insiste lourdement sur la certitude d’une invasion russe en cas de défaite de l’Ukraine. Or il est probable que l’Ukraine ne gagne pas ce conflit. Et dans ce cas, que ferait nos dirigeants européens parmi les plus excités.....
L’opinion est préparée !

27/08/2024 05:03 par Jclaude

Et pourtant "chacun sait" que l’ennemi du monde est Washington, il n’y en a pas d’autre.....
(quand je dis Washington, j’y inclus ses sponsors, la City de Londres avec sa succursale à Wall Street et quelques autres moins importantes)

27/08/2024 07:27 par Francine lo

Oui, merci pour cette tribune très claire. Il serait plus que temps que ce qui nous reste de forces progressistes, gauche ou pas mais pour la paix, la justice, la prospérité et la concorde des peuples en Europe se fassent entendre. Personne à gauche pour exiger l’arrêt de la course à la guerre en UE ?

En passant, je souligne dans le texte ce que je disais :

Si les dirigeants européens ne le comprennent pas et sont assez téméraires pour déclarer une guerre contre la Russie, c’est toute l’Europe qui en souffrira, aux bénéfices des États-Unis. Déjà, de nombreux pays ont remis le service militaire et la conscription obligatoires. Dans certaines contrées, même les femmes y seront contraintes ! Voilà un statut égalitaire qui ne plaira pas à toutes les féministes...

Sympa de la part de la gauche d’avoir aidé Macron et la droite à garder les mains sur les leviers fondamentaux de la nation. Comme ça il peut préparer en toute tranquilité avec l’aide des médias aux ordres la France à entrer directement en guerre - bien encadrée par l’OTAN et l’UE, donc les Britanniques, Étasuniens et Allemands - contre la Russie. De réaliser son si beau prooojet pour nous et sa dernière mission, avant envol pour Los Angeles et Las Vegas, les plages des beach boys et des gigolos.

27/08/2024 11:13 par michel PAPON

On doit se souvenir que la decision de FDR de faire entrer son pays dans la guerre des 1940, à rebours des promesses de sa campagne electorale, decoulait de l’echec du New Deal qui devait redresser le pays apres le desastre de la Grande Depression.
Des lors l’arrêt de la guerre en 1945 a fait ressurgir l’angoisse du retour au marasme economique que l’emergence d’un Complexe Militaro Industriel avait permis d’oublier ; il etait donc necessaire de reconvertir l’industrie de guerre vers une activité "civile" ce qui impliquait de ressusciter des clients que la guerre avait ruiné....tout en en faisant des clients .

27/08/2024 19:20 par Vania

D’accord avec @Francine Io quand elle affirme : ""Oui, merci pour cette tribune très claire. Il serait plus que temps que ce qui nous reste de forces progressistes, gauche ou pas mais pour la paix, la justice, la prospérité et la concorde des peuples en Europe se fassent entendre. Personne à gauche pour exiger l’arrêt de la course à la guerre en UE ?""
En effet, les mobilisations pour la PAIX sont presque inexistantes (à part le PRCF RIEN du tout !!)

29/08/2024 05:05 par Francine lo

Merci Vania. Je vous recommande la lecture de cet article traduit par Bernard Tornare et dont la source est commondreams : https://investigaction.net/la-politique-etrangere-americaine-est-une-arnaque-fondee-sur-la-corruption/

Afin de comprendre entre autre à quoi sert l’Ukraine du point de vue des faucons étasuniens et du complexe militaro industriel made in USA.

29/08/2024 05:32 par Francine lo

"La politique étrangère américaine est une arnaque fondée sur la corruption" a été publié initialement par
Jeffrey Sachs le 29 décembre 2023.

Concernant la France de Sarkozy à Macron c’est exactement la même dynamique qui est mise en œuvre, accelerée par Macron I et II pour la plus grande joie des milliardaires français et de tous ces bourgeois plus ou moins riches qui tirent parti de la globalisation financière et la destruction de nos services publics pourtant exemplaires il y a encore deux ou trois décennies. Un racket énorme organisé sur le dos des contribuables qui nous fait flirter presque chaque année électorale non pas avec l’apocalypse nucléaire, risque bien réel entre les USA et la Russie et toute la planète en 2024, mais avec la frayeur bien entretenut par les médias de milliardaires et quelques intellos de gauche de "l’arrivée au pouvoir du RN".

Premièrement le fascisme est déjà installé sous des airs cool et gay friendly à l’Elysée et à Matignon, on a pu le constater avec les Gilets jaunes puis le covidisme. Deuxièmement Macron et ses commanditaires sont en train de se torcher le cul avec les derniers bulletins de vote des européennes et des législatives. Autant dire que la démocratie est carbonisée dans notre pays, ce qui peut effectivement pousser le RN et leurs tontons néonazis au sommet pour la présidentielle 2027. Pendant que Macron, Brigitte et leurs mignons se la couleront douce pour avoir fait le job en enfoncant bien les clous, comme Sarkozy toujours en liberté et Hollande qui en redemande.

29/08/2024 14:22 par Vincent

Cette idée de nationaliser les entreprises étrangères devraient être adoptée par tous les pays endettés auprès de la Banque Mondiale et du FMI. Le paiement des intérêts excède souvent la somme prêtée, en plus de contraindre les nations à privatiser leurs entreprises et à réduire les services publics. [...]
De nombreuses contrées ne possèdent plus leur eau, leurs meilleures terres agricoles, les richesses minières, le tout étant exploité par des monopoles supranationaux.

La violence infinie qu’on nous inflige par la force ne saurait souffrir aucune contestation. Non seulement nous sommes à genoux, mais encore nous tendons mieux la croupe à la maîtresse BDSM qui tient le donjon de l’institution financière mafieuse jamais rassasiée de rackets et de pillages.
La souveraineté c’est un gros mot, un truc de populistes. Plutôt la gabegie que l’Union sacrée, hein ?!

La non-violence est un bâillon ou une camisole, le respect d’institutions corrompues et fascistes est une soumission lâche, la lutte avec des pancartes et des slogans, un insupportable rituel infantile et stérile.
La guerre, puisque nous ne la faisons pas aux quelques bourgeois psychopathes qui se croient tout permis, nous la subirons.
C’est le comble de tant de lâcheté, de tant de conformisme panurgique : Nous laissons, depuis disons quarante ans, venir le pire pour ne pas regarder notre lâcheté d’enfants gâtés dans le miroir. Il y a trop à perdre à se battre pour la justice, sans parler de l’estime de soi.

Ah ! il doit faire bon défendre de belles idées théoriques irréalistes quand on appartient à la seule génération pour laquelle le contrat social a fonctionné, et qu’on peut espérer que tout ne s’effondrera qu’après avoir joui d’une confortable retraite qui permet même de se faire soigner dans des cliniques privées flambant neuves.
Au moins les beaufs et les incultes ne voient-ils rien venir, et consomment en paix la merde qu’on leur donne à penser comme à bouffer. La banque les aime lorsqu’elle les engloutit dans le piège sucré de l’usure. Je les envierais presque : Ils ont l’air heureux à s’agiter ainsi pour se faire croire à une vie qui ait du sens.
Continuons donc dans la soumission extrême : Après tout peut-être l’oubli de soi comme de ses enfants sera-t-il libératoire ?

02/09/2024 16:02 par Georges Rodi

Ruiner l’Europe ne sauvera pas les US.
C’est juste qu’ils n’ont plus grand monde à se mettre sous la dent.

Le Japon a été quasiment ruiné dans les années 80.
Les BRICS+ s’organisent pour être le plus autonomes et à l’abri possible.
L’Afrique, l’Amsud et l’Asean savent où se trouve leur principal soutien financier et technologique.
Ne restent que le Canada, l’Europe et quelques pays soumis comme victimes expiatoires.
Ces pays sont tous endettés jusqu’à l’os.

Cela dit, en France, il reste des trucs à piller.
Les fonds retraite par exemple.
Est-on sûr que les réserves d’or n’ont pas déjà louées à BlackRock ?
Si un jour, ces gusses débarquent pour s’emparer des collections du Louvre, faudra pas s’étonner.

03/09/2024 21:01 par alain harrison

Trop d’éléments (historiques et stratégiques) pointent en ce sens : Les dernières "guerres" alimentant la boucle des chaos au Moyen-Orient et un peu partout en Afrique, sans oublier l’Amérique Latine. L’encerclement de la Chine (le militarisme US à travers le monde au nom de .... quoi ?)
Mais , il faut quand même être attentif aux oligarchies « ailleurs », à travers le monde à intensité variable selon.

Il demeure, j’y crois, que le Vénézuéla demeure fidèle à l’héritage de Chavez, la construction de la véritable démocratie, soit le pouvoir, qui avance malgré la furie US-Occidental, du Peuple. Mais, il faut constater (selon nos institutions et informations occidentales) une division dans le peuple vénézuélien (?) comme il en existe (cela semble la norme) une en France. Avec la clarification, on découvre un triangle !

(Commentaires désactivés)
 Twitter        
 Contact |   Faire un don
logo
« Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »
© CopyLeft :
Diffusion du contenu autorisée et même encouragée.
Merci de mentionner les sources.