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Sécurité routière : les bonnes mesures qu’on ne prendra jamais car elles ne rapporteraient que des vies sauvées.

On va donc rouler à 80 km/h sur les routes départementales et ex-nationales. Cela aura plusieurs effets très bénéfiques.

D’abord, bien sûr, le temps que tout le monde s’y habitue, les radars vont rapporter un max. C’est bien connu que cet argent sert à améliorer la sécurité routière, comme la vignette de l’ancien temps servait, promis juré, à améliorer la retraite des vieux.

Ensuite, comme l’a remarqué un lecteur dans le Progrès de Lyon, on va faire fabriquer par des entreprises, bien sûr privées, et au prix fort, autant de panneaux 80 qu’il y a actuellement de panneaux 90. Et il y aura toujours un connard pour s’exclamer : « Chouette, ça fait de l’emploi ! »

Actuellement, prendre l’autoroute ne fait pas gagner de temps si elle est une fois et demi plus longue que la route. Or, il faut inciter les automobilistes à rouler pour Vinci. Il le faut, sinon les puissants quoique anonymes actionnaires qataris, français ou autres pourraient virer leur cher PDG Xavier Huillard. Et un emploi sauvé, c’est toujours bon à prendre. Donc, les nerveux prendront l’autoroute. C’est de plus très écolo, puisqu’ils rouleront plus vite sur plus de km et crameront donc beaucoup plus de carburant.

Nos police et gendarmerie, connues pour leur moins de 10% de résolution des cambriolages et autre malfaisance, vont pouvoir dépasser leur 100% actuels en tant que faiseurs de chiffre. C’est bon pour leur prestige. Ah merde ! Non ! C’est très mauvais. Mais on s’en fout, car en toute modernitude, on va confier la collecte de ce fric au privé. Notre jeune président nous ramène à l’époque des fermiers généraux. Précisons à l’usage des députés chèvres-godillots qui lui voteront ces lois qu’il ne s’agit pas d’agriculteurs militaires de haut rang, mais des collecteurs d’impôts généralement corrompus jusqu’à la moelle des rois de France. La modernitude, c’est de revenir au XVIIIème siècle.

Mais mon article s’intitule « Les bonnes mesures qu’on ne prendra jamais car elles ne rapporteraient que des vies sauvées ». Alors, venons-y !

On pourrait, au lieu de remplacer les panneaux 90, en ajouter, qui préciseraient la vitesse prescrite de 10 en 10 km/h. Dans les autres pays, c’est ce qu’on fait. Ici, nous n’avons guère en France de limitation à 40, 60, 80, 100 ou 120. Pourquoi ? Et on pourrait le faire à moindre prix, là encore en prenant exemple sur les Suisses ou les Allemands, dont les panneaux sont beaucoup plus modestes, mais plus nombreux et précis. Au demeurant, à l’usage du connard de mon 3ème paragraphe, ça ferait autant d’emplois pour leur fabrication. Et d’une, de ces bonnes mesures qu’on ne prendra pas.

Un panneau devrait disparaître : celui de fin de limitation, puisque, contrairement à l’Allemagne, nous n’avons aucun tronçon illimité. Quand on voit un de ces panneaux, on ne sait généralement plus quelle était la limitation antérieure, et quand il est censé indiquer qu’on peut remonter de 50 à 70, on a tendance à pousser à 90. C’est excellent pour le chiffre des radars, mais seulement pour lui. Une autre bonne mesure qu’on ne prendra pas.

Au demeurant, la soi-disant vitesse illimitée des Allemands est une vaste légende. Elle n’existe que sur certains tronçons en bon état, pas trop fréquentés, en dehors des zones très peuplées, rares dans ce pays. Et le 130 y est souvent indiqué sur des panneaux carrés bleus comme vitesse limite recommandée. Sinon, justement, la plupart des autoroutes allemandes sont très bien fournies en panneaux 100, 110 et 120.

Qui, parmi vous, chers elgéèssonautes, n’a jamais vu un rond-point limité à 70 alors que le 50 y est déjà une folie ? Et combien d’autres virages sont limités à 90 et vont passer à 80 grâce à Macron, alors que les prendre à 70 est déjà extrêmement sportif ? Dans les années 1970, l’Espagne avait déjà dans ses montagnes chaque lacet signalé par un panneau triangulaire pour le sens du virage et un panneau rond avec une vitesse limite raisonnable pour l’aborder. La très prétentieuse France du XXIème siècle est en retard sur l’Espagne hyper-retardataire de Franco. Une bonne mesure qu’on ne prendra pas serait évidemment de rattraper ce retard et de limiter correctement les passages dangereux.

Evidemment, les radars ne surveillent surtout pas ces endroits où les chauffards les plus fous restent généralement dans la légalité. En 2002, lorsque Nicolas M’As-Tu-Vu-Ozy était ministre de l’intérieur et a fait installer les premières pompes à fric, on était en plein humour noir et en plein foutage de gueule vis-à-vis des familles de victimes. L’aristocrate hongrois des années 1930 arrivait après le passage aux transports d’un Jean-Claude Gayssot encore à peu près communiste, dont on avait hérité, en plus d’aménagement de nombreux carrefours en ronds-points et bretelles d’accès, une propagande intelligente et dissuasive pour les amateurs de gymkhana : entre autres des figurines noires commémorant les morts sur les lieux d’accidents. Dans la région de Mende, elle portaient la mention « j’avais 35 ans », ou 82 ans, ou 12, la majorité se situant entre 20 et 40 ans. Vraiment refroidissant ! Après 2002, le seul radar qui était à moins de 500 mètres d’une figurine lui tournait le dos. Il piégeait ceux qui ré-accéléraient après le danger au lieu de surveiller ceux qui s’en approchaient. Comme je l’avais écrit en 2008 sur un autre forum, je l’avais cru à moins de 500 mètres, et il était en réalité à plus de 39 999 km et 500 mètres. Depuis, on a réglé le problème : on ne remarque plus ce genre d’anomalie, puisqu’on a ... enlevé les figurines !

Autre exemple significatif : dans la traversée de St-Etienne et Firminy, l’autoroute est limitée à 70 essentiellement pour des raisons de bruit et d’odeur, comme disait Chirac sur un autre sujet. Et où qu’ils sont, les radars ? Dans les descentes menant aux passages en dessous, précisément là où les voitures sont sur leur frein moteur et ne dégagent pratiquement aucun gaz, où le passage en dessous protège les immeubles du bruit et où on est sûr qu’il n’y a pas de bretelle d’accès, un peu trop courte en ville. Seulement, ça descend, et celui qui dégage le moins de gaz et de décibels en roulant sur régulateur à 69 ou 70 km/h en 5ème n’a guère de frein moteur. Il se retrouve facilement à 76 km/h en passant devant le radar. Officiellement 1 km/h d’excès, donc 45 € et un point ! Si le radar était dans la remontée à l’air libre, il prendrait ceux qui appuient vraiment trop sur le champignon et il protégerait vraiment les Stéphanois contre les nuisances de l’autoroute. Mais il serait beaucoup moins rentable.

C’est malheureux pour les habitants, mais la seule façon de traverser cette zone en économisant 45 €, c’est de dépenser 50 centimes à 1 € de carburant en se mettant en 3ème sur limiteur réglé à 68 km/h . On pollue, on pétarade, mais on est sûr d’avoir du frein moteur face aux radars et on peut surveiller sa route au lieu de loucher sur le compteur.

D’ailleurs, la baisse des accidents mortels dont Nicolas M’As-Tu-Vu-Ozy s’est attribué le mérite après 2002 avait commencé au tout début des années 2000. Baisse due en particulier à un changement de mœurs : j’étais souvent sur la route et de 1995 à 2000 et j’ai vu presque disparaître la sale habitude de doubler n’importe comment et celle d’obliger les piétons à courir pour traverser. Toujours la propagande intelligente de l’époque. Rien à voir avec les radars de Nicolas M’As-Tu-Vu-Ozy. Mais il aurait eu tort de se gêner puisqu’une majorité de veaux avait envie de croire aux miracles de la répression et admettait que 2002 était avant 2000 !

Que des géographes compétents établissent une carte, à 500 mètres près, des radars et des points d’impact d’accidents dus à la vitesse. Le nombre de correspondances se comptera sur les doigts d’un cheval et servira d’exception pour confirmer la règle : ceux qui contrôlent la vitesse se foutent de la sécurité routière comme de leur première chaussette à clous. Une autre bonne mesure qu’on ne prendra pas serait de radariser ces points vraiment dangereux après en avoir raisonnablement limité la vitesse.

Et les enlever là où ils ne servent qu’à faire du chiffre et à faire sauter des points, source de conduite sans permis et sans assurance. Ou bien, y relever la limitation, comme on l’a fait à l’entrée nord de Mâcon. Il y avait jusqu’en 2002 le panneau d’entrée d’agglomération suivi d’une quatre-voies ou tout le monde roulait à environ 60 km/h, au lieu de 50. On y a mis un radar-Sarkozy qui devint très vite un véritable péage d’entrée de ville. Ça a tellement gueulé dans la population qu’on a relevé la limite de cette zone à 70 km/h sans aucune conséquence pour la sécurité. Sauf que le radar ne chope plus que les vrais chauffards. On a exceptionnellement pris une bonne mesure, mais pas question de la renouveler !

Les faiseurs de chiffre se foutent de la sécurité routière et de la sécurité tout court, vous savez celle dont tous les fachos et apparentés nous rebattent les oreilles à longueur d’antenne. Car les vrais délinquants, pas seulement routiers, ont compris depuis longtemps comment ne pas s’emmerder : ils recopient des plaques d’immatriculation au gré de leurs promenades et roulent avec de faux numéros. Quand ils se font flasher, c’est le titulaire de la vraie plaque, par exemple le propriétaire d’une vieille Fiat 500 rouge, qui reçoit le PV pour avoir roulé à 180 sur une départementale avec une BMW noire. Et faire rectifier l’erreur est pratiquement impossible. A la rigueur si c’est un paysan qui convoque FR3 pour filmer son tracteur flashé à 200 sur l’autoroute, tout le département rigole et le préfet monte sur ses grands chevaux pour prétendre que c’est une erreur ultra-exceptionnelle qui sera vite rectifiée.

Sauf que l’exception, c’est quand on arrive à la faire rectifier, l’erreur. Bien souvent, on préfère payer plutôt que faire valoir son bon droit, car ça revient moins cher qu’un avocat.

Le Journal allemand « Die Zeit » a raconté l’histoire d’un mec qui avait tout pour plaire aux faiseurs de chiffre : un Beur en région PACA ! Il était carrément victime d’un vol d’identité et accusé de plusieurs délits pouvant le mener en taule. Heureusement, sa mère travaillait pour un avocat qui s’est saisi de son affaire gratuitement, et comme lui-même travaillait pour la marine, son chef, un capitaine de vaisseau, l’équivalent d’un colonel, a témoigné qu’il était au boulot au moment des faits. On a fini par arrêter le vrai malfaiteur. Mais pour les infractions routières, que dalle ! Pas de rectification ! La seule solution a été de repasser le permis.

Je ne suis pas un pro de l’informatique, mais je suis convaincu que se serait à la portée de n’importe quel stagiaire débutant de programmer les ordinateurs de la sécurité routière de sorte que, lorsque le numéro ne correspond pas au véhicule flashé, on lance une alerte à la fausse plaque. Ce serait encore une bonne mesure qu’on ne prendra pas.

Car faire payer l’honnête citoyen qui n’a pas de bol quand ça tombe sur lui, c’est plus rentable. Et en plus, s’il est aussi con que la masse des Français, on a des chances que sa mésaventure le pousse vers l’extrême droite. Tout bénef, à la fois financier et politique.

Une autre chose devrait disparaître : la priorité à droite. Pas pour des raisons politiques, mais parce que la plupart sont dangereuses. Surtout qu’on roule à droite en France, depuis toujours, ce qui est sans doute trop récent pour nos gouvernants et administrateurs : celui qui doit laisser la priorité à droite est celui qui y voit le moins bien à l’approche du croisement. C’est donc celui qui vient de la droite qui devrait se voir imposer une balise ou un stop. Il faudrait ouvrir la possibilité pour les automobilistes de passage de signaler ces carrefours, car les gens du cru sont habitués et ne voient le problème que trop tard, quand l’un d’entre eux est mort. Et il faudrait que l’info remonte vraiment et vite jusqu’aux autorités connes et pétantes. Cela aussi, c’est à la portée d’un apprenti informaticien, mais on ne le fera pas car ce serait une bonne mesure.

Ce qu’on fera, c’est radariser les lignes droites bien dégagées, c’est rouler avec des radars mobiles privés en voitures banalisées à 76 ou 77 km/h pour énerver celui qui est derrière et le pousser à la faute, c’est placer des caméras qui vous accusent d’être passé au rouge si vous dégagez à l’orange comme le prescrit le code, et autres moyens de faire payer à l’automobiliste, même le plus prudent, les impôts dont on exonère les milliardaires.

Est-ce que la limitation à 80 km/h sauvera quelques vies ? Sans doute. Les 300 à 400 annoncées ? Certainement, puisqu’on attribuera à cette mesure l’effet déjà patent de la conduite accompagnée ou de l’amélioration des véhicules. Cette réduction ne me dérangera pas, je conduis « radin » pour économiser le carburant et je suis déjà souvent en dessous de la limite prescrite grâce au régulateur et au limiteur, même si je me fais parfois avoir pour 1 à 5 km/h d’excès, comme à Firminy, justement.

On ne prendra aucune des bonnes mesures que je viens d’énumérer, et quiconque osera dire tout ou partie de ce que j’ai écrit, ou y ajoutera ce que j’ai pu oublier ; se verra opposer l’anti-argument-chantage à la con : « Tu es pour que les gens se tuent sur la route ? »

FALD

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Jean Bricmont est professeur de physique théorique à l’Université de Louvain (Belgique). Il a notamment publié « Impostures intellectuelles », avec Alan Sokal, (Odile Jacob, 1997 / LGF, 1999) et « A l’ombre des Lumières », avec Régis Debray, (Odile Jacob, 2003). Présentation de l’ouvrage Une des caractéristiques du discours politique, de la droite à la gauche, est qu’il est aujourd’hui entièrement dominé par ce qu’on pourrait appeler l’impératif d’ingérence. Nous sommes constamment appelés à défendre les (...)
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