Le noir lumineux de Pierre Soulages !
Il y aurait tant de choses à dire sur un des plus grands artistes peintres du 20e siècle.
Bizarrement la ville de Sete n’a jamais honoré ce peintre qui a révolutionné la peinture autant que la vision que l’on peut en avoir. Soulages vivait discrètement à Sete, les Setois l’admiraient en secret et respectaient son silence et son effacement. Au « bar du bout de la rue », les habitués me disaient : « il habite à moins de 500 mètres, mais on ne te donnera pas l’adresse ». Ainsi va “l’île singulière” qui depuis Paul Valéry, Georges Brassens jusqu’à Hervé Di Rosa et Robert Combas sans oublier Agnes Varda a abrité et continue à abriter bien des artistes et créateurs de tout ordre et de tout expression.
Encore aujourd’hui dans l’hommage que l’on rend à Soulages, on trouve chez certains les jugements à l’emporte pièce qui rappellent les préjugés de la revue du « Nouveau Clarté ». On se refuse encore et par sectarisme à mesurer en quoi l’art de Soulages ne peut-être réduit à l’usage de la couleur noire, celle que l’on pose à plat et sans relief. Tout au contraire, son œuvre a su mettre en valeur la lumière comme ce fut le cas dans l’abbatiale de Conques, ce chef d’œuvre de l’art Roman, qui eut autant d’influence sur l’engagement de Soulages dans la peinture. Le noir de Soulages est un noir lumineux, jamais simplement noir. A travers les vitraux il l’a démontré avec éloquence.
Ainsi pour Soulages, la peinture est une expérience sans fin qu’il n’a cessé de poursuivre. Soulages est un peintre constant bien différent des artistes de l’expressionnisme abstrait nord américain comme Robert Motherwell, Mark Rothko ou Barnett Newman. Il suivra toujours une même ligne, c’est aussi pourquoi l’œuvre de Soulages se regarde sous tous les angles car elle suscite chaque fois des émotions différentes, à cause justement de la lumière. Une lumière presque divine comme à Conques. C’est justement celle-ci qui invite au recueillement et à la contemplation. Soulages y aura contribué magistralement a travers notamment le savoir faire des artisans verriers. Dans la philosophie chinoise qui a aussi marqué Soulages, la connaissance finie contient en elle même un élément d’infini. Comment doit- on exprimer cette notion d’infini, là est le défi pour un peintre . C’est à ce devoir que la peinture de Pierre Soulages a cherché à répondre à travers le travail de toute une vie et il est décédé à 102 ans.
En 2014, il confiait au New York Times “ je ne pense qu’à ce que je vais faire demain, et demain je veux peindre !”.