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Soulages et Roger Vailland

Orphelin d’une famille modeste, Pierre Soulages, natif des hauts plateaux de l’Aveyron, est mort le 25 octobre à 102 ans à Sète où il s’était installé.
On dit qu’il est le plus grand peintre français de sa génération. Il était exposé dans le monde entier. Une de ses toiles s’est vendue 20,2 millions de dollars aux enchères à New York. Mais il en reste à voir, au remarquable musée de Rodez qui porte son nom.

Les éditions Le Temps des Cerises (1) ont édité en 2012 un petit texte pas cher (58 pages, 9 euros) de Roger Vailland : « Comment travaille Pierre Soulages ».

Présentation par l’éditeur : « 27 mars 1961 : Roger Vailland passe l’après-midi avec Pierre Soulages dans son atelier. Il le regarde peindre, commencer et finir une toile, et note chaque étape de la création.

Le lecteur voit Soulages préparer sa toile, ses couleurs, entend ses remarques, découvre sa pensée, suit son mouvement. Le texte est suivi d’un article de Vailland paru en 1962 dans Le Nouveau Clarté, mensuel des étudiants communistes, répondant à la question posée par ce même journal quelques mois auparavant : « Pour ou contre Pierre Soulages, peintre abstrait ? Participe-t-il à notre époque ou se réfugie-t-il dans les hautes sphères spéculatives ? Peinture d’initiés ou aventure poétique ? Le Nouveau Clarté engage son procès… » Vailland répond : « Impossible de faire un procès à Soulages. Un procès implique référence à un code et, en matière d’art, à des règles. La peinture vient seulement de renoncer à décrire et à raconter. » « La peinture qui ne représente rien, qui présente ou se présente tout simplement, est un art tout nouveau : il n’a pas encore de règles. Soulages est parmi ceux qui s’efforcent, en tâtonnant, de découvrir les règles de ce que sera la peinture. »

A l’approche des fêtes de fin d’année, ce petit livre de Roger Vailland sur Soulages fera un cadeau complémentaire à un petit livre d’Annie Ernaux que vous apprêtiez à offrir, peut-être avec un autre (« Pourquoi j’ai voulu tuer Louis Ferdinand Céline ») où on retrouve (encore !) Roger Vailland (2).

Et peut-être aurez-vous ainsi le bonheur d’échapper aux prescriptions des médias d’Etat ou des médias des milliardaires.

Maxime Vivas

Notes
(1) Qui a édité en 1997 mon premier roman « Paris Brune », prix... Roger Vailland.
(2) Editions InvestigAction, 125 pages, 15 euros.

COMMENTAIRES  

29/10/2022 09:47 par J.J.

J’assume mon état de béotien, lourdaud, inculte etc..et vous pourrez tirer à vue (Dites à vos gendarmes que je n’aurai pas d’arme...) mais je serais malhonnête si je reconnaissais ces œuvres comme de la peinture. Une forme d’expression graphique peut être ? Et puis tout ce noir ! Ça m’évoque Jacques Prévert : "C’est triste et pas joli, ça noircit le blanc de l’œil, et puis ça enlaidit." Cela n’enlève rien au talent de Roger Vaillant. Des goûts et des couleurs .....

29/10/2022 10:36 par cunégonde godot

Je n’ai pas encore trouvé ce que contenaient exactement l’ "œuvre" de Soulages, ou celle de Mme Ernaux...

29/10/2022 11:15 par PERRET

Impossible de trouver le livre de Maxime VIVAS : "Pourquoi j’ai voulu tuer LF Céline ?"
merci de me donner des infos

29/10/2022 18:39 par Maxime Vivas

Le livre "Pourquoi j’ai voulu tuer louis-Ferdinand Céline" est en cours d’impression. Il ne sera en librairie que dans quelques semaines. Mais on peut l’avoir avant en le commandant directement à l’éditeur : https://boutique.investigaction.net/fr/
MV

30/10/2022 00:04 par Petronilla Petronillum

Merci pour cet hommage. Je rêve de visiter le musée à Rodez qui lui est consacré.

J’aurais bien aimé lire également un texte sur Godard, l’autre génie qui s’en est allé. Je suis bien incapable de le faire moi-même, malgré mon admiration sans borne pour son oeuvre.

Je pense surtout à la femme de Soulages, 101 ans et 80 ans de mariage...

PS : le faufilement entre Soulages, Annie Ernaux et Roger Vailland m’a bien fait rire.

30/10/2022 22:20 par Jean Pierre Page

Le noir lumineux de Pierre Soulages !

Il y aurait tant de choses à dire sur un des plus grands artistes peintres du 20e siècle.

Bizarrement la ville de Sete n’a jamais honoré ce peintre qui a révolutionné la peinture autant que la vision que l’on peut en avoir. Soulages vivait discrètement à Sete, les Setois l’admiraient en secret et respectaient son silence et son effacement. Au « bar du bout de la rue », les habitués me disaient : « il habite à moins de 500 mètres, mais on ne te donnera pas l’adresse ». Ainsi va “l’île singulière” qui depuis Paul Valéry, Georges Brassens jusqu’à Hervé Di Rosa et Robert Combas sans oublier Agnes Varda a abrité et continue à abriter bien des artistes et créateurs de tout ordre et de tout expression.

Encore aujourd’hui dans l’hommage que l’on rend à Soulages, on trouve chez certains les jugements à l’emporte pièce qui rappellent les préjugés de la revue du « Nouveau Clarté ». On se refuse encore et par sectarisme à mesurer en quoi l’art de Soulages ne peut-être réduit à l’usage de la couleur noire, celle que l’on pose à plat et sans relief. Tout au contraire, son œuvre a su mettre en valeur la lumière comme ce fut le cas dans l’abbatiale de Conques, ce chef d’œuvre de l’art Roman, qui eut autant d’influence sur l’engagement de Soulages dans la peinture. Le noir de Soulages est un noir lumineux, jamais simplement noir. A travers les vitraux il l’a démontré avec éloquence.

Ainsi pour Soulages, la peinture est une expérience sans fin qu’il n’a cessé de poursuivre. Soulages est un peintre constant bien différent des artistes de l’expressionnisme abstrait nord américain comme Robert Motherwell, Mark Rothko ou Barnett Newman. Il suivra toujours une même ligne, c’est aussi pourquoi l’œuvre de Soulages se regarde sous tous les angles car elle suscite chaque fois des émotions différentes, à cause justement de la lumière. Une lumière presque divine comme à Conques. C’est justement celle-ci qui invite au recueillement et à la contemplation. Soulages y aura contribué magistralement a travers notamment le savoir faire des artisans verriers. Dans la philosophie chinoise qui a aussi marqué Soulages, la connaissance finie contient en elle même un élément d’infini. Comment doit- on exprimer cette notion d’infini, là est le défi pour un peintre . C’est à ce devoir que la peinture de Pierre Soulages a cherché à répondre à travers le travail de toute une vie et il est décédé à 102 ans.

En 2014, il confiait au New York Times “ je ne pense qu’à ce que je vais faire demain, et demain je veux peindre !”.

31/10/2022 09:28 par Petronilla Petronillum

Merci Jean Pierre.

31/10/2022 14:58 par Safiya

Je dis, itou, merci à Jean Pierre Page pour son beau commentaire-coup de gueule-hommage.

J’ai lu cette autre ébauche et l’ai bien aimé aussi :
"Par Pascale MOLLARD-CHENEBENOIT
« J’aime l’autorité du noir, sa gravité, son évidence, sa radicalité (…) Le noir a des possibilités insoupçonnées », expliquait en décembre 2019 l’artiste, un des rares à avoir eu les honneurs du musée du Louvre de son vivant. « C’est une couleur très active. On met du noir à côté d’une couleur sombre et elle s’éclaire », confiait le père de l’« outrenoir » lors d’un entretien à l’AFP. Grand, toujours vêtu de noir, Soulages n’a jamais coupé le lien avec son terroir natal, le département méridional de l’Aveyron, tout en peignant ailleurs. C’était un homme de fidélités, à lui-même, aux paysages de son enfance, aux grands plateaux, à sa quête artistique de lumière."
La suite : https://www.reporters.dz/peinture-disparition-pierre-soulages-ou-lautorite-du-noir/

01/11/2022 08:08 par calame julia

Le choix de la photo est impeccable. J’entends les notes de la brise
légère qui animerait les variations de cette unique couleur.

02/11/2022 15:17 par guy

Soulages ?... Juste un mauvais peintre en batiment , incapable de peindre une surface plane correctement sans laisser de marques , qui a réussi chez les blindés en manque d’investissement !

03/11/2022 22:56 par CAZA

Héhé
Chez moi j’ai des reproductions de Pissaro , Monet , Van Gogh , Etc .
C’est ma femme qui aime .
Elle aime pas le noir et préfère les jeux d’ombre et de lumière .
.C’est Pissaro que je préfère .J’ai eu du bol j’ose pas imaginer des persiennes noires devant les yeux .
Ce que l’Aveyron a de mieux c’est l’aligot , la Lacaune et le rocquefort .
Sans être de mauvaise réputation , genre Georges Brassens , c’était pas blanc blanc mais pas noir noir non plus ( alors que ) pour le peintre à Sète .
Par contre niveau compétence commerciale il était considéré comme étant au top .

https://www.youtube.com/watch?v=IoSSuA84PZI

04/11/2022 18:48 par CAZA

<<<< Et Sysley , tu l’aimes Sysley ? >>>>
<<<< Oui je l’aime aussi .>>>>
https://www.youtube.com/watch?v=NJ8Tqu50nrk

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