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17 commentaires
Maintenir – sur le plan économique, social, commercial, politique – la France dans le carcan de l’UE et de l’OTAN ?

Sous-mission

« C'est un discours de vérité que je veux adresser aujourd'hui ». Michel Sapin débuta par ces mots sa conférence de presse du 10 septembre, admettant ainsi ingénument que tel n’était pas vraiment le cas jusqu’à présent. Louable intention de la part d’un homme qui, déjà ministre des finances en 1992 (!), promettait que le traité de Maëstricht ne manquerait pas de se traduire par « plus de croissance, plus d’emplois, plus de solidarité » (Le Figaro, 20/08/92).

Alors que le président de la République affirmait à la fin du printemps « sentir » la croissance revenir, la « vérité » de M. Sapin ne peut désormais plus guère être dissimulée. L’activité économique française a encore stagné au second trimestre (+0,2%). Loin du (pourtant dérisoire) 1% espéré pour 2014, la croissance ne devrait pas dépasser 0,5% cette année. Conséquence inéluctable : contrairement aux engagements maintes fois répétés, l’Hexagone est submergé par la marée montante du chômage, tandis que l’austérité plonge des millions de salariés et de familles dans l’angoisse du lendemain.

Pour leur part, l’Allemagne et l’Italie reculent de 0,2% ce même trimestre ; pris ensemble, les pays de la zone euro plongent en affichant une croissance zéro. Et le spectre de la déflation se précise de mois en mois, au point que la Banque centrale européenne (BCE) a décidé de mesures dites « non conventionnelles » : prêts massifs aux banques à taux réduit (TLTRO) et rachat de créances titrisées – ce même mécanisme qui avait été à l’origine de la crise américaine dite des « subprimes ». En clair, il s’agit de faire tourner la planche à billets. Qu’un tel tabou soit en passe d’être brisé, voilà qui donne la mesure de l’inquiétude qui règne à la BCE.

Son patron, Mario Draghi, en est désormais conduit à suggérer de ne pas en rajouter dans les coupes budgétaires – tant ces dernières sont responsables du plongeon de la croissance – mais exige en échange l’accélération des « réformes structurelles » (marché du travail, libéralisation des services...). Il plaide en outre et surtout pour un surplus d’intégration politique au sein de la zone euro. Pour sa part, François Hollande, plus que jamais sous pression de Bruxelles après avoir admis que l’objectif de 3% de déficits publics sera à nouveau manqué au terme des deux « années de grâce » accordées à Paris, vient de confirmer les 50 milliards de coupes dans les dépenses publiques et les 40 milliards d’« allègements » pour les entreprises d’ici 2017.

Un acharnement à l’égard duquel Arnaud Montebourg a toujours pris quelque distance, ce qui ne l’avait pas empêché d’être coopté au sein du gouvernement « Valls I ». Mais le 23 août, le turbulent ministre de l’Economie affirma qu’il fallait «  hausser le ton » vis-à-vis de l’Allemagne. Manifestement, la phrase de trop : le Premier ministre obtint immédiatement sa tête. Mettre en cause Berlin constitue clairement une ligne rouge.

L’affaire de la vente des navires militaires Mistral à la Russie illustre également cet esprit de soumission. Dans un premier temps, Paris avait obtenu que les contrats signés avec Moscou ne tombent pas sous le coup des sanctions de l’UE. Mais le 2 septembre, le chef du PPE au sein de l’europarlement, l’Allemand Manfred Weber, martèle dans un communiqué : « alors que l’Union européenne tente de faire front et de parler d’une seule voix, il est totalement impensable que la France poursuive la livraison de ses porte-hélicoptères à la Russie (...) Cette hypocrisie a assez duré ». A vos ordres ! Moins de vingt-quatre heures plus tard, l’Elysée annonçait que la livraison était suspendue. Quitte à risquer des centaines d’emplois, des pénalités considérables – et la crédibilité de la France vis-à-vis de futurs clients.

Tout se passe comme si la mission implicite que s’était assignée François Hollande – sur le plan économique, social, mais aussi commercial, et bien sûr politique – était de maintenir étroitement la France dans le carcan de l’UE (et de l’OTAN). Quoi qu’il en coûte.

Une présidence normale, finalement.

Pierre LEVY

Éditorial paru dans l’édition du 23/09/14 du mensuel Bastille-République-Nations
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Pierre Lévy est par ailleurs l’auteur d’un roman politique d’anticipation dont une deuxième édition est parue avec une préface de Jacques Sapir : L’Insurrection

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COMMENTAIRES  

30/09/2014 11:58 par Dwaabala

Pour la sortie de l’OTAN, d’accord ; mais pour l’UE, je me disais ceci : les gouvernements sont soumis parce que cela arrange les forces économiques dominantes. Sinon, cette soumission ne durerait pas longtemps.
En quoi la sortie de l’UE et de l’euro modifierait-elle ce rapport de forces ? Parce qu’il ne faut pas se faire d’illusions : les sociétés nationales, les bijoux de famille, ont été largués en échange d’une dette abyssale de 2500 milliards d’euros, - et du remboursement de ses intérêts qui représente le premier poste budgétaire, avant celui de l’Éducation nationale. La maîtrise de ces éléments en serait-elle amélioré . C’est très douteux.
Il y a une logique profonde dans tout cela. Et cette volonté de sortie de l’UE ressemble plutôt à un prurit.

30/09/2014 13:47 par jean

@ Dwaabala

Vous soulignez le problème de la dette qui n’est au fond qu’artificiel car il s’agit en réalité d’une première soumission de l’état au monde financier par l’interdiction aux états d’imprimer monnaie. Il est donc primordial que l’état retrouve la possibilité d’imprimer monnaie car cela lui est interdit par l’art. 123 du traité sur le fonctionnement de l’UE. Si on reste dans l’UE la dette continuera d’augmenter tout comme notre soumission...

Concernant l’euro, je pense qu’il n’est plus nécessaire de démontrer ici qu’il faut en sortir au plus vite.

C’est pourquoi il est indispensable de sortir de l’UE, afin de retrouver le controle de nos institutions. Il faut donc soigner la sortie de l’UE et tendre vers un mode de gouvernance plus juste et démocratique. Les propositions ne manquent pas, on peut citer Etienne Chouard, PRCF ou l’UPR. Rappelons que l’auteur de cet article interviendr à l’université d’automne de l’UPR ce weekend dans le Vaucluse.

30/09/2014 16:16 par Emilio-

Sauf que le monde coalise n est pas un systeme democratique ou un pays a le choix de redevenir souverain. Faut demander a papa Washington ce qu il en pense avant .. s il dit oui , c est bon , c est possible . s il dit non… attendez-vous au pire si vous ne renoncez pas.
En supposant ,(ce qui n est absolument pas le cas aujourd hui) un vaste mouvement populaire en France qui changerait les institutions, pour emettre sa propre monnaie , sortir de l UE., ou oublier la dette ou ses interets. Meme l Argentine , soutenue par tous les pays de l Alba , ne le peut pas (fonds Buitre, une escroquerie pourtant et la demande est juste d etaler les paiements ) . il faudra renegocier les traites , redefinir les echanges commerciaux , voire retablir les frontieres ou pour le moins les barrieres douanieres .. pas trop le projet Tafta du jour. Et un isolement economique de la France la ferait plier tres vite .. qui est pret ¿
Au cas ou ce changement prendrait forme , si papa Washington n aime pas , il financera , au pire , des desordres internes a la France, ce peut etre des mercenaires paramilitaires de tous ordres mais aux ordres du papa , et qui rendront le projet caduque et derisoire, puisque la menace conduira a ne pas appliquer cette nouvelle politique , par priorite d un autre ordre. La France n a pas eu ce genre d experiences , tant mieux pour les Français , mais la France n est pas hors de ce monde non plus.

On ne peut pas sortir si facilement de la matrice. C est d abord et toujours , un rapport de force. C est une illusion de le croire ..mais comme on dit chez nous – soñar no cuesta nada, rever ne coute rien . Le chaos economique europeen ne favorisera surement pas de tels projets, si louables soient-ils .. et possible uniquement sur le papier …la ou il est dit aussi que la liberte , la souverainete etc…existent… desolé de faire le rabat - joie , mais il ne faut pas oublier les realites de ce monde. On ne fait pas une revolution , parce que oui c en serait une , dans la foret de Fontainebleau et pas plus avec des barricades d internet.

30/09/2014 16:37 par Dwaabala

@ jean
J’attendais @ Cunégonde Godot, parce que vous savez, pour moi, la question de la sortie de l’UE, la seule qui paraisse se poser désormais , puisque celle de l’euro semble acquise avec la mise en marche de la planche à billet nationale pour régler la question de la dette, qui n’est qu’artificielle, et de ses intérêts avec de la monnaie de singe, donc, pour moi, la question ne va pas me retenir beaucoup plus longtemps, alors que l’intégration dans le Traité transatlantique est en train d’avancer en catimini.

30/09/2014 17:36 par Dwaabala

@ Emilio
C’est parfaitement juste mais je n’ai pas voulu aborder la question sous cet angle, puisque pour nos réformateurs elle ne se pose pas.

30/09/2014 19:04 par eric

étant donné que la France est la créatrice avec l’Allemagne de l’euro (parité) le choix qui s’impose à nous est non pas de sortir de l’euro,mais de ce système européen par conséquent rien ne nous empêche de remettre la banque de france en branle et d’imprimer de l’euro français...

30/09/2014 19:11 par Archer Gabrielle

Nous sortirons de ces systèmes nauséabonds quand les pourritures seront écartées par le groupe de personnes inflexibles et incorruptibles qui déjà prend forme parmi nous peuples.....!
La dépendance est un conditionnement contemporain insidieux et sournois qui mène à l’esclavage.
(C.C.S....)

Il est regrettable que des dirigeants aient de si mauvaises relations avec leur peuple et qu’ils finissent de cette manière honteuse dans la déchéance. Il est regrettable que des peuples soient obligés de traduire leurs dirigeants en justice pour obtenir un certain niveau de liberté. J’espère que la manière de diriger le monde va changer et, qu’à l’avenir, les leaders politiques seront issus du peuple, qu’ils travailleront pour et avec le peuple. Cela devrait permettre d’éviter de nouveaux affrontements.
[Mahmoud Ahmadinejad]

http://sexprimer-librement.blogspot.fr/2012/02/histoire-de-la-france.html

30/09/2014 20:17 par Palamède Singouin

@ Emilio-

Finalement la conclusion de votre propos semble assez proche du célèbre TINA qui a fait la gloire de Thatcher et qui est encore décliné actuellement par le duo Hollande-Valls.
Toutefois, un rapport de force, ça se crée, non ? Peut-être certains pays d’Europe devraient-ils regarder du côté des BRICS ?
Reste qu’il est peu probable que la chute de l’actuel empire euraméricain (nada dura siempre) se fasse dans la douceur.

30/09/2014 22:34 par Cunégonde Godot

Jean Lévy :
Tout se passe comme si la mission implicite que s’était assignée François Hollande – sur le plan économique, social, mais aussi commercial, et bien sûr politique – était de maintenir étroitement la France dans le carcan de l’UE (et de l’OTAN). Quoi qu’il en coûte.

Bien vu !
Une mission implicite de plus en plus explicite. En cela, il ne s’agit effectivement pas d’une soumission à l’Allemagne (à l’ "Europe"), mais une sous-mission assurée par la France pour et au nom du grand Reich européen — ou "Europe".

A Dwaabala :
Il fallait d’abord "faire l’Europe" pour pouvoir mettre en place le Traité transatlantique. L’inverse est impensable. Vous avez tant aimé l’ "Europe", Dwaabala, vous adorerez le Traité transatlantique ! Allons, ne faites pas tant de chichis...

01/10/2014 00:36 par Emilio-

Palamede , oui un rapport de force se cree , mais il ne s improvise pas non plus. Comme le notait Jean Ortiz dans un article , ne pas confondre jaquerie et revolution .. questions de revoltes, oui mais aussi de projets .

je repete autrement ce qu a bien compris Dwaabala... sortir du systeme UE ou de l euro , implique une revolution en France , croire que ce possible peut se faire par des reformateurs .. c est utopique parce que TINA verrouillee

Une revolution , c est un gros boulot , deja par une resistance forte, organisee , clandestine ,et qui definit les objectifs , la prise de pouvoir certes mais surtout l organisation d un autre possible apres ... hors circuit et pret a en demordre et aussi a en souffrir . Ces conditions existent-elles en France ? TINA (There Is No Alternatives) s est faite en desindustrialisant les pays europeens par les delocalisations . En rendant les pays tres dependants des USA , par aucune souverainete alimentaire , par la destruction de la paysannerie etc... TINA a cree les conditions de son affirmation.
Bref pour un TIA (There IS Alternatives) ... il faut reconstruire , et dans un chaos economique avec un etat TINA , suerte , bon courage . Bien sur que je le souhaite mais ce sera dur, tres dur... il faut etre realiste . et se retrousser les manches

01/10/2014 08:42 par nopainnogain

Bienvenue dans le monde réel...

’Nos élites auto-proclamées sont quasiment toutes corrompues jusqu’à l’os. Il faudrait avoir à l’esprit ce que le total sentiment d’impunité qui l’autorise implique pour le jour d’après, et agir en consequence, sans pardon, ni aucune pitié.
Leur mépris incommensurable des citoyens français (critique qui s’applique aux citoyens des autres colonies américaines en Europe étant exactement de même nature) justifie pleinement des mesures radicales et définitives. Il faut les avoir à l’esprit, pour penser le futur. Un futur que nous construisons, sans soumission à AUCUNE instance supra-nationale. Petites mesures à méditer :

http://m.youtube.com/watch?v=OmAA9IoCYbo

02/10/2014 14:37 par D. Vanhove

Comme déjà signalé précédemment, dès que j’entends le mot "vérité" dans la bouche d’un politique, je change de chaîne télé...

Quitte à enfoncer une porte ouverte, il faut vraiment prendre conscience de l’écrasante responsabilité de ces gens dans le malheur des populations... or, ils sont toujours-là !... à parler dans le vide... à débiter leurs conneries... à être les seuls encore à croire en ce qu’ils disent... comment est-ce donc possible !?... qu’attend-on pour dénoncer mais surtout bannir les pratiques permettant que ces élus fassent de la politique leur "profession", leur "métier" !?... c’est sans doute l’un des signes le plus élémentaire attestant de la maladie des démocraties dans lesquelles nous surnageons... il n’est qu’à voir ceux qui attendent le retour de Sarko... si ça n’est pas un signe de maladie, qu’est-ce que c’est !?...

ces derniers temps, ici-et-là pointe le mot "révolution" mais, avec des prémisses indispensables pour qu’elle puisse aboutir !... c’est un signe des temps qui me fait penser qu’elle ne débutera jamais... en mai ’68 la question ne s’était pas posée en ces termes... on est descendu dans la rue et on l’a faite, en tentant d’ajuster au fur et à mesure de son déroulement la mise en place de ce qui pouvait la faire perdurer...

au vu de la déroute actuelle qui se confirme au fil des mois au cœur de l’UE et de la France en particulier, les jeunes d’aujourd’hui semblent devenus bien dociles et bien rangés...

02/10/2014 18:55 par Cunégonde Godot

M. Vanhove :
Quitte à enfoncer une porte ouverte, il faut vraiment prendre conscience de l’écrasante responsabilité de ces gens dans le malheur des populations... or, ils sont toujours-là !... à parler dans le vide... à débiter leurs conneries... à être les seuls encore à croire en ce qu’ils disent... comment est-ce donc possible !?... qu’attend-on pour dénoncer mais surtout bannir les pratiques permettant que ces élus fassent de la politique leur "profession", leur "métier" !?... c’est sans doute l’un des signes le plus élémentaire attestant de la maladie des démocraties dans lesquelles nous surnageons... il n’est qu’à voir ceux qui attendent le retour de Sarko... si ça n’est pas un signe de maladie, qu’est-ce que c’est !?...

Leur responsabilité est à la mesure de leurs renoncements. Ils sont les élus et les communicants d’un pays non souverain, la France, obéissant, en tous domaines, aux directives édictées par Bruxelles/Berlin/Washington. La France a été euro-subsidiarisée : origine de tous les impensés. C’est une vérité vécue, mais peu formulée car elle gêne autant ceux qui sont "en responsabilité" que ceux qui font semblant (qui font profession) de les combattre. La mascarade peut donc continuer. Il suffit de bêler contre le FN pour donner le change. Pour l’instant...

02/10/2014 20:07 par legrandsoir

Cela fait plusieurs fois que vous intervenez en glissant au passage qu’il ne faut pas toucher au FN.
Et ça commence à se voir. Et a faire troll drôle.

03/10/2014 08:03 par Cunégonde Godot

Le Grand Soir :
Cela fait plusieurs fois que vous intervenez en glissant au passage qu’il ne faut pas toucher au FN.
Et ça commence à se voir. Et a faire troll drôle.

Je serais devenue "rouge-brune" sans m’en rendre compte, étourdie comme je suis. Saperlipopette !...

03/10/2014 09:25 par La Vigie

@ Cunégonde Godot

"Je serais devenue rouge-brune sans m’en rendre compte..."

Pourquoi "rouge" ?
Ah oui, parce que chaque fois que quelqu’un, sur un quelconque article ou commentaire, égratigne la mère bleu-Marine, vous voyez ... rouge, en effet.

03/10/2014 09:58 par Cunégonde Godot

Je rencontre en permanence dans la vie de tous les jours des gens de "gauchedegauche" se lamentant sur la montée de l’extrême-droite tout en étant de fervents européistes, ce qui revient à pleurer la conséquence d’une cause qu’on a délibérément mise en œuvre...
Et ça, effectivement, ça me fait voir rouge... brun. Couleur sang, si vous voyez ce que je veux dire.
Il faudra bien que cette gauchedelagauche européiste petite-bourgeoise (blablateuse et chichiteuse qui a le front de s’autoproclamer "radicale", on-ne-naît-pas-révolutionnaire-on-le-devient, bref toute la logorrhée habituelle) aille au bout de ce processus : sa disparition pure et simple, pour pouvoir renaître un jour peut-être, ou peut-être pas d’ailleurs. Qui vivra verra...

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