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Tuer Bardamu

Louis Ferdinand Destouches est un incontournable qui ronge. Pour ses partisans, l’auteur du Voyage au bout de la nuit est traité comme un chien crevé, et voué aux gémonies par des coteries jalouses et médiocres. Pourtant, force est de constater que ce Saint-Sébastien hérissé de flèches fascine tous les écrivains – et même l’ensemble de la planète littéraire. L’œuvre de Céline est cette ruine sulfureuse à honorer nécessairement, comme un rituel d’encanaillement, pour tous ceux qui, après lui, entendent explorer le rapport de l’écriture au langage, à la parole et au réel. Il est l’éternel absent qu’on lit honteusement, en frissonnant d’excitation. Une ambiguïté dont on raffole, archétype du mauvais garçon et lieu de tous les transferts, de toutes les projections.

Ce cintré dont se délectent les “jouisseurs”

Bien souvent, le tempérament créatif est porté à l’excessivité et à la dispersion. Privé d’un logiciel de réflexivité historique, l’écrivain risque l’éclectisme ou l’irrationalisme. Céline ne se contente pas de partager ce tempérament versatile, ou de flatter chez ses contemporains, et ceux qui vont suivre, cette prédisposition de caractère. Autrement, il ne serait qu’une plume parmi d’autres, bien dans l’ère du temps : contre-révolutionnaire. Plus fondamentalement, Céline procède à une systématisation littéraire du despotisme des pulsions, que viennent compenser des marmonnages compassés. Dans l’exacte mesure où le Céline littéraire n’a aucun surmoi, le Céline réel, païen cosmétique, est un véritable crapaud de bénitier.

Dans ses fictions, comme ses “analyses” littéraires, ses pamphlets ou, pire encore, sa correspondance, Louis Ferdinand Céline est toujours prêt à déduire un péché du moindre plaisir de banquet. Cigarettes, alcool, batifolage et fornication, autant de vices mortels pour le docteur Destouches. Son diagnostic est mot pour mot tel qui suit : ivresse et joie de vivre ne sont pas seulement impuissantes mais criminelles ; ce sont de pures diversions qui effritent la vigueur. Il n’y a pas même une timide introduction du principe de plaisir, du bonheur de la tablée, ou la moindre poétique des libations. A première vue, il semble plutôt paradoxal qu’une telle inhibition hermétique puisse constituer le fétiche littéraire d’une bonne partie de la génération du jouir sans entraves. En effet, on aurait pu en attendre qu’elle préfère un hédonisme franc, comme celui dépeint, jadis, par Voltaire au sujet de La Mettrie :

“Je ne suis point inquiété
Si notre joyeux La Mettrie
Perd quelquefois cette santé
Qui rend sa face si fleurie,
Quelque peu de gloutonnerie
Avec beaucoup de volupté
Sont les doux emplois de sa vie.
Il se conduit comme il écrit ;
A la nature il s’abandonne
Et chez lui le plaisir guérit
Tous les maux que le plaisir donne”.

Mais non, loin s’en faut, on préfère la sévérité punitive du scalpel célinien à ces éloges du bonheur. Car le Docteur Destouches dissèque le langage en termes abstraits, tout spécialement lorsqu’il s’en va vers des perspectives craniométriques ou racialistes, afin de saisir le fondement sûr et avéré de la saine robustesse celto-aryenne. Frigide au possible, Céline est l’apologète d’une haine sainte, exterminatrice et décomplexée, libérée des scrupules du vieux conservatisme bourgeois ou religieux. Il est en littérature la symétrique de Heidegger en philosophie. Faut-il préciser qu’il ne s’agit pas de prétendre que Céline soit identique à Heidegger, mais de soutenir que le second concorde à merveille avec le premier. L’agencement entre Céline et Heidegger est à saisir dans la division du travail qui occupe ces deux personnages : le second ontologise radicalement sa production philosophique, quand le premier abstrait le narrateur de l’histoire, du collectif et de tout combat pour le moins émancipateur.

Cela étant, Céline est, bien sûr, un fraudeur génial, et un faussaire unique. Il a l’intelligence du Malin, au sens diabolique. Non pas que ces lignes soient, bien évidemment, imbibées de mysticisme biblique. Mais la vérité du mythe s’exprime chez lui, dans la redoutable puissance d’inversion que lui autorise son style, et face auquel réalité et logique sont également impuissantes. Par ailleurs, Céline serpente entre les vérités que portent des classes antagoniques, pendant qu’il pirogue selon l’intérêt éditorial et polémique de son époque. On oublie souvent combien le racisme anti-juif, qui devrait être considéré comme l’énième modalité du racisme tout court, est une affaire qui rapporte.

Un architecte de la destruction

On serait gravement fautif de sous-estimer à quel point l’homme est habile et dangereux. Les points de suspension et d’exclamations qui parsèment ses pamphlets sont autant de silence, de sous-entendus fantasmés, de clins d’œil complices qui habillent de mystère ce qui n’est que vide ou impasse, et que le lecteur peut investir à sa guise, pour voir du second degré où il n’y en a pas et du poétique dans l’essoufflement et même, pourquoi pas, du “jazz littéraire”, cette “musique négro-judéo-saxonne” qu’il vomit pourtant.

Bardamu fait tout d’abord croire aux prolétaires qu’il est des leurs, et leur porte-parole, avant de leur expliquer pourquoi et comment, finalement, son lectorat ouvrier ne vaut pas mieux que ses exploiteurs. Des vertiges du relativisme...

Ensuite, il fait croire à la bourgeoisie qu’il est un véhicule d’accès privilégié à un monde populaire qu’elle ne peut ni fréquenter, ni comprendre, ni même appréhender. Prodiges de l’argot sur une cervelle bourgeoise...

Enfin, cet opportunisme célinien est victorieux sur tous les tableaux : quand Céline parle des travailleurs, c’est pour mieux les faire taire, et mieux parler de lui. Car Céline vole et voile le roman prolétarien. Il ne s’agit pas de dénoncer un plagiat, la chose est autrement plus grave, et perverse. Car Céline caricature le genre prolétarien sous une forme convenable. Il le vole de ses thèmes, de son point de vue, le cache et l’étouffe, à grands coups de pastiches nihilistes. De ce fait, qui surinvestit dans Céline peut tranquillement négliger tout le continent littéraire qui a péniblement extirpé le nez des flots au cours des années 1920 et 1930, et mondialement. Une émergence difficile qui ne fut que le reflet de la Révolution de 1917, avant d’être replongée dans les abysses, géopolitique oblige (1).

Obscénité, irresponsabilité, ingratitude et narcissisme constituent les quatre caractères vertébraux du célinisme. L’obscénité est transcendantale, “en dehors de la scène”, et se trouve, en amont, dans cette omniprésence du “Je”, qui s’étale de tout son long dans le récit, et dévore la narration. L’irresponsabilité est à tous les niveaux. Céline se fiche des conséquences politiques du célinisme : il est de cette génération dont l’héritage n’est qu’un déluge. L’ingratitude est flagrante, il ne doit rien à personne, surtout pas aux vulgaires légions de petites mains, éternelles invisibles, qui s’épuisent quotidiennement à maintenir un semblant de confort pour les raffinés de sa trempe. Enfin, le narcissisme se retrouve dans ce nombrilisme geignard, insupportable, pour lequel la civilisation, l’histoire, le travail, l’extérieur et l’autre n’existent pas, sinon comme une éternelle menace contagieuse.

Un biotope vichysto-mondain

Mais alors, pourrait-on objecter, comment situer, au fond, la littérature germanopratine en général vis-à-vis de ces quelques traits propres au sieur Destouches ? Il faut tenir compte de trois éléments. D’abord, le pire de Paul Morand. L’absolutisation fielleuse de l’esthétique au service du fascisme. Sur ce point, et à l’attention de ceux qui pourraient légitimement soupçonner une exagération, on doit d’abord souligner que Morand maîtrise évidemment, et à fond, l’art de l’écriture. Mais ce n’est rien de juger qu’un auteur écrit bien sans tenir compte de ce qu’il écrit. En tenant compte de ce fragment de son Journal Inutile, des années 1968-1972, on voit combien son esthétisme de surface est profondément politique. Ainsi, en 1968, alors que la salle Cavaillès [nom d’un philosophe exécuté par les allemands en 1944] se retrouve débaptisée soudainement par des étudiants, Paul Morand écrit : « Excellent. Premier parti [celui des étudiants de 1968], depuis 1944, mettant l’avenir sur le bon terrain. [...] Ce qu’il y a de sympathique dans le mouvement étudiant, c’est qu’ils emportent dans la même haine, et comme en faisant partie, la société et la Résistance”. Voilà un collabo qui n’a pas perdu le nord de ses haines (2).

Ensuite, au pire de Morand, donc, il faut encore ajouter le pire d’André Gide. Fascination pour les pérégrinations d’un uraniste pédéraste (comme se définissait lui-même l’auteur). Car en France, dans la seconde moitié du siècle dernier, et pour tout un milieu intellectuel, la consommation sexuelle et touristique de petits garçons et d’adolescents, de 10 à 18 ans, restait charmante du moment qu’elle demeurait artistiquement cautionnée. Et c’est donc enfin, à ce mélange de confiture sordide, que se mêle le pire de Céline. Prenez Beigbeder, Moix, Matzneff, Philippe Sollers, Houellebecq, Arthur Dreyfus, Edouard Louis, ou n’importe qui d’autre de cette trempe. Au mieux, on trouvera chez eux un discours débridé sur la sexualité, vulgaire, sans aucun romantisme, un stakhanovisme sexuel cocaïné, qui navigue entre euphorie, niaiserie et déprime ; et toujours une narration à la première personne, pleine de biais et d’angles morts. Tous ont en commun d’être leur sujet d’écriture favori. Mais, comme le lecteur est plongé dans la cervelle de l’auteur et de ses pensées intimes, cela ne peut être rien d’autre, selon la doxa de ce milieu littéraire bunkerisé, qu’une géniale authenticité, du moins telle qu’autoproclamée. Ces individus regrettent la bourgeoisie puritaine d’hier, n’ont plus personne à choquer, en dehors de cet éternel “nègre” (même blanc) qu’est le prolétariat, et chez lequel les interdits moraux et religieux sont encore puissants. Toutefois, cette coterie ne se rend même pas compte qu’elle est porteuse d’une nouvelle étiquette mondaine et bourgeoise, encore plus sournoise que celle de ses aïeux cintrés.

Enterrer Céline, se libérer d’un Monde

Il nous faut dès à présent allumer une quantité de contre-feux. Et lire. Lire Charles Ferdinand Ramuz. L’intègre Henri Poulaille. Kobayashi Takiji, son Bateau-usine, et son Propriétaire absent. Lire B. Traven et son Vaisseau des morts (Das Totenschiff). Lire Paul Verlaine. Ou le sublime Apollinaire, toujours inégalé dans Alcools :

“J’ai cueilli ce brin de bruyère
L’automne est morte souviens-t’en
Nous ne nous verrons plus sur terre
Odeur du temps brin de bruyère
Et souviens-toi que je t’attends”

De toute sa misérable vie d’imprécateur bilieux, Céline n’a jamais rien écrit d’aussi beau. Alors, au-delà du paravent esthétique que mobilisent ses défenseurs, il suffit encore de le lire assidûment, et de résister aux charmes manifestes que suscite la fluidité convulsée de son style, pour constater la bassesse confondante du Céline politique. Céline sait ce qu’il fait et a suffisamment d’intelligence pour tirer toutes les conséquences de ses écrits, il ne s’y refusera plus tard que par déni. Si son style est souvent qualifié d’"elliptique”, c’est qu’il impulse un projet politico-littéraire, qui est clairement identifiable. Que cela soit intentionnel ou non, le roman célinien détruit la moindre fenêtre d’humanisme rationnel au profit d’un subjectivisme esclave de l’intuition pure.

Passé maître en mauvaise foi et en irrationalisme chaotique, l’auteur éteint des ennemis de paille sous le fumier de funestes plaisanteries racialistes, qui lui font office de démonstration logique. Chez lui, l’apolitisme n’est qu’une posture tactique, le tonitruant véhicule de son hygiénisme qui ne peut conduire, si on lui fait l’outrage de le prendre au sérieux, qu’à l’établissement d’une dictature eugéniste, au profit d’une race blanche dont la tête de proue est aryenne, et la queue franco-italo-slave. En dehors d’un noyau dur essentialiste, son vernis anarchisant (de droite) est profondément versatile. Il a pour fonction pratique de déconsidérer tout mouvement un tant soit peu socialisant et, à titre illustratif, le communisme est régulièrement dépeint, chez lui, comme un instrument privilégié d’asservissement et de désarmement des aryens, au seul service des juifs. Ses opinions sont très arrêtées en la matière, et balancent du ridicule à l’abjection. Sous couvert d’un postulat de “raffinement”, il expose une vision élitiste et inégalitaire de l’existence, que vient couronner un hygiénisme ordurier. Un seul extrait, parmi des milliers d’autres, sur sa niaise détestation du progrès robotique et technologique :

“La seule défense, le seul recours du Blanc contre le robotisme, et sans doute contre la guerre, la régression à « pire que cavernes » bien pire, c’est le retour à son rythme émotif propre. Les Juifs circoncis sont en train de châtrer l’Aryen de son rythme émotif naturel. Le nègre juif est en train de faire dégringoler l’Aryen dans le communisme et l’art robot, à la mentalité objectiviste de parfaits esclaves pour Juifs. (Le Juif est un nègre, la race sémite n’existe pas, c’est une invention de franc-maçon, le Juif n’est que le produit d’un croisement de nègres et de barbares asiates). Les Juifs sont les ennemis nés de l’émotivité aryenne, ils ne peuvent pas la souffrir. Les Juifs ne sont pas émotifs, à notre sens, ce sont les fils du Soleil du désert, des dattes et du tam-tam... Ils ne peuvent que nous haïr à fond... de toute leur âme de nègres, toutes nos émotions instinctives, ils les abhorrent.” (Bagatelles pour un massacre).

Pour rappel, un traitement marxiste de la littérature met en relief des œuvres et des produits aboutis, il y étudie les thèses défendues, la vision du monde sous-jacente et la manière dont ces œuvres entrent en résonance avec l’idéologie dominante et l’esprit du temps. Des auteurs ne peuvent être étudiés ou comparés à la lumière de ce qu’ils pensent de ce qu’ils sont et de ce qu’ils font, mais bien plutôt à l’aune de ce qu’ils sont à travers ce qu’ils font. Alors, dans ce délire crétin qu’on maquille en improvisation géniale, comment ne pas voir que tout le malheur du monde est grotesquement résumé à une affaire de races, de juiverie, de globules rouges, de gènes, de pureté de l’air, de pollution, de sobriété, d’émotion, de régime alimentaire, de verdure, de souplesse des tendons et d’activité physique ?

On est d’autant plus atterré de feuilleter de telles recommandations dignes d’un mauvais feuillet de développement personnel, que les éructations céliniennes sur la “qualité de vie” sont pathétiques. Mort à 67 ans, le cinglé de Meudon est littéralement obsédé par une peur panique de se faire sodomiser par les nègres, les asiatiques et les juifs, comme un running-gag tragi-comique, qui a l’invariance pour seul mérite. Non seulement ce vociférateur se prend très au sérieux, ce qui en soi importe peu, mais il est toujours très pris au sérieux, en son immense qualité d’être l’écrivain préféré de ceux qui n’ont pas lu grand-chose. Son style est fait de phrases courtes, incisives, saturées par un usage délirant de la ponctuation, et camoufle une monomanie dont les axiomes principaux sont des poncifs creux.

Céline peut bien brouiller les pistes, il est clairement fasciste au nom d’un pacifisme égoïste, uniquement animé par la peur d’une mort violente (quoique dans L’École des cadavres il prend le parti d’une alliance franco-allemande contre l’Union Soviétique), comme il est anticolonialiste par crainte de la contamination et du métissage, d’une part, et racialo-européiste par antinationalisme sélectif, d’autre part (pour la France spécialement, qui est selon lui la plus mauvaise élève des nations aryennes, et de loin, surtout depuis 1789).

Dégonfler la Cénilité

Le sommet de la malhonnêteté, chez les défenseurs de Céline, consiste sans doute à en faire le plus grand écrivain de langue française du XXème siècle, sinon de “tous les temps”. Car voilà notre contracté obsessionnel couronné d’un sérieux cérémonial, par ceux-là même qui font passer ses assertions nazifiantes pour de l’humour, de l’ironie, bref, un subtil degré dont la compréhension serait réservée à la race des seigneurs. Mais même à l’intérieur du seul roman français et en restant dans la modernité littéraire, établir une comparaison entre Céline et ses pairs lui est souvent cruel. Que peut bien valoir Céline face à Balzac, ce géant, auquel il a le toupet inouï de reprocher un “académisme plat” ? Ou Stendhal, illustre jacobin “ aristocrate ” ? Ou encore Victor Hugo, poète colossal et auteur monumental ? Sans oublier Flaubert, toute ordure anti communarde qu’il fut ? Et même Bloy, catholique lyrique délicieusement intégriste ?

On me dira sans doute injuste. Je pourrais l’être davantage, en comparant les pamphlets nullissimes de Céline aux écrits de Lucien de Samosate, satiriste antique gréco-syrien de génie, ou à François Rabelais, ogre fondateur du genre romanesque, ou Diderot, encyclopédiste, dramaturge et dialoguiste unique, ou même Crébillon fils, auteur de chefs-d’œuvre que chérissait le très regretté Jean Salem. Je vais même pousser la charité à ne pas comparer Céline à Villon, Dante, Cervantès, Molière, Racine (“Au demi-quart juif !” nous dit Destouches !), Corneille et Shakespeare, auteurs dont il n’arrive pas à la cheville, que ce soit dans le drame ou la drôlerie. On peut même épargner à notre hygiéniste pleurnichard une escapade comparative dans la littérature russe ou polonaise. On peut toutefois souligner, à des fins purement pédagogiques, combien Céline est faible en comparaison des Maxime Gorki et des Bruno Jasienski. Dois-je même seulement évoquer Dostoïevski et Tolstoï ?

Mais explorons, sans rire, le problème en détail. Prenez Les Illusions Perdues, ce monument, et comparez-le, encore, au Voyage au bout de la nuit, un ouvrage qui pend toujours aux lèvres du célinien typique. Les deux sont des tentatives de dépassement du roman d’apprentissage, mais une comparaison honnête du travail effectué sur Lucien Rubempré, d’un côté, et Bardamu, de l’autre côté, montre une subtilité psychologique infiniment plus aiguisée sous la plume de Balzac.

Sur ce point précis, le fait de ne pas employer la première personne du singulier aide énormément à enrichir la narration, dans la mesure où l’auteur se situe dans une position panoramique, qui lui permet de décrire finement, avec discipline et méthode, les objets, les villes, les devantures, les dessus de cheminées et l’intérieur des maisons, des mairies, des églises, des théâtres ou des échoppes, tout comme ce format lui permet d’explorer, avec un détachement privé de biais, le physique, l’allure, le ton, l’habillement, la démarche, les manies et les passions qui meuvent les cohortes de personnages qui se bousculent au fil des chapitres. La structure que Céline s’impose pour initier ses romans phares, comme ses pamphlets, a des conséquences lourdes. Cette règle du “Je”, dont nous ne sommes toujours pas sortis, ampute ses romans d’une exploration humaine bien plus dense. C’est un appauvrissement transcendantal de fait, et dont le subjectivisme célinien est entièrement responsable : la tyrannie du monologue intérieur est le tombeau du roman.

On m’objectera que nous sommes des nains sur des épaules de géants, qu’il faut bien continuer l’aventure littéraire, et qu’on ne peut plus que faire des notes de bas de page à l’ombre de l’encrier de nos maîtres. J’entends avec plaisir un tel argument, mais il faut alors éclater le melon bardamesque et le voir pour ce qu’il est réellement dans l’histoire littéraire mondiale : pas grand-chose – auteur important mais mineur, Céline est descendu bien bas des épaules des géants.

Le geôlier de la psyché

L’approche du sentiment amoureux chez Céline n’est pas seulement pauvre : l’auteur verrouille la psyché et entend bel et bien en priver la majorité. Car l’amour n’est, selon lui, qu’un vaste et vain mensonge destiné à camoufler un besoin naturaliste de reproduction. Aussi, par son horizontalisation supposée, sa démocratisation grouillante, l’amour perdrait en intensité ce qu’il obtient péniblement dans son extension.

“L’amour c’est l’infini mis à la portée des caniches”, nous signifie-t-on. Non pas que Céline soit, à ses yeux, un caniche, comprenez le contraire. Entendez seulement que si un “nègre” ou un “youtre” peuvent aimer, eux aussi, alors l’amour est corrompu et gâté. En outre, chez Céline, ce crime profite à la démocratie grégaire (simple “paravent de la dictature juive”). La pureté du sentiment est compromise par la modernité, et polluée par la foule qui y aspire. Pour Céline, l’amour, on ne sait plus le conter et l’éprouver, au double sens de le “ressentir” et de le “prouver”. La cause d’une telle tragédie ? La faute au nombre. Prendre également en considération la chute d’un modèle fantasmé de société immobile, faite de castes, aux rouages bien huilés, et qui aurait permis, jadis, le raffinement artistique et sentimental (mais pas en France, la race gauloise étant déjà trop métissée, au moins depuis Clovis, par des légions d’enfourailleurs3 ).

Rappelons encore que si l’être humain est ce caniche avide d’infinis, Céline n’est pas concerné par la pesanteur de cette condition, à laquelle il échappe par un mélange de prestidigitation et de prédestination. Ces développements peuvent paraître excessifs ou caricaturaux, mais contentez-vous de lire Céline, même distraitement, et on réalisera combien ils sont en dessous de la vérité. L’auteur est obnubilé par ce sujet autour duquel il tourne comme un pendule.

Céline s’adresse au narcissisme de son lecteur, qu’il sait flatter en conchiant son prochain. Ce lecteur qui, le sourire en coin, se convainc de son côté, à chaque page tournée, qu’il est en connivence complice avec son écrivain. La bile acide de ce dernier ne peut faire allusion qu’aux autres. Le canidé cotonneux, c’est toujours les autres. Et si l’être humain est, de par sa nature profonde, un animal ridicule, génétiquement grotesque, obsédé sexuel, jouisseur agressif et mauvais, c’est entendu. Mais pas Céline. Et pas les céliniens. Par une mystérieuse vertue, sans doute tirée de la composition de ses globules, l’aryen celtique s’est hissé par-delà la génétique animale qui fait pourtant la condition commune, elle-même racialement stratifiée.

Pour l’essentiel, on peut déduire l’humanisme d’un auteur de la vision qu’il dépeint, dans ses œuvres, de l’Autre, de la féminité et de l’amour. Sur ce terrain, et pour filer à nouveau la métaphore caniforme, prenons l’exemple de Charles Bukowski. Le poète étasunien est notamment connu pour avoir écrit que L’amour est un chien de l’enfer. Sous sa plume, l’amour vous tombe dessus comme une épreuve mortelle, sans pitié, qui vous flaire et vous traque, mais sans laquelle la vie n’aurait pas le moindre intérêt. Mais voilà, si Céline et Bukowski sont deux écrivains populaires, leurs relations à la psyché sont en rapports inverses. A la lecture du premier, on joue à se faire peur. A celle du second, on a peur d’aimer.

C’est là qu’il faut introduire la philosophie que porte, en la matière, le roman prolétarien : le couple est un vivre en commun, l’expérimentation d’un socialisme restreint, et non un “vivre-seuls-ensemble”. Évènement mondial, 1789, aurore du socialisme, ne se réduit pas à avoir vidé la souveraineté monarchique de sa substance divine. Bien plus intimement, l’ère moderne pose l’enjeu du plaisir et du bonheur sous un angle strictement inédit. Dans cette configuration, l’amour est le sentiment fondateur, et nouveau, de la relation amoureuse et du couple. Aujourd’hui, celui-ci doit être, dans sa pratique à long terme, et si l’on voulait plaisanter sérieusement, comme Cuba, ou le Vietnam. Un couple est comme une forteresse assiégée, d’autant plus menacée d’ennemis qu’elle abrite en son sein une beauté universelle, et l’esquisse, réduite, d’un monde prochain, encore balbutiant.

“Ton amour taciturne et toujours menacé” écrivait Vigny. Alors, tout aussi traversé de violence, de frustration et de perversion qu’il soit, en bref d’humanité, l’amour est un acte profond, où s’entremêle dévotion, sacrifice et générosité. Voilà des comportements auxquels font écho les imaginaires populaires aussi bien que les symboliques religieuses, et qu’on peut mieux comprendre une fois qu’on les soumet à une anthropologie matérialiste qui éclaire le maillage civilisationnel et émotif qui traverse les sociétés humaines.

Refondations prolétariennes en littérature

Contre Céline, il faut rendre aux masses les clefs de leur psyché. Voilà une tâche fondamentale pour un nouveau roman prolétarien. Mais si celui-ci est à refonder, c’est en évitant des confusions dramatiques. Au nombre de celles-ci, le culte de l’ouvriérisme sectaire et un confinement idéologique qui, sous prétexte d’un pseudo-réalisme, priverait les travailleurs des chefs d’œuvres littéraires de la bourgeoisie, notamment ceux qu’elle produisit à l’apogée de son ascendance historique. Il faut également rappeler cette évidence : il est hautement méprisable de refuser d’apprécier une œuvre artistique du seul fait de l’origine sociale de son auteur. Ajoutons qu’une telle attitude dogmatique ne pourra jamais que faire perdre des points à la cause que l’on entend si maladroitement défendre. Par ailleurs, à seul titre de contre-exemple, Louis Aragon, produit exemplaire de la grande bourgeoisie, n’en est pas moins un immense communiste, et l’auteur de bijoux de littérature prolétarienne, comme “Le chant du paysan” sur le terrain poétique et voire, sur un terrain plus analytique, son article “La leçon de Ribérac”, qui porte sur le poète médiéviste Arnaut Daniel (inspirateur de Dante et Pétrarque) et où Aragon défend brillamment les amours de “midinette” contre les railleries hautaines de Montherlant. Aussi, Aragon résume admirablement, et sans doute mieux que quiconque, l’enthousiasme ambitieux d’une refondation prolétarienne en littérature, qui ne fait que réintroduire la réalité contre toutes les mystifications idéologiques des modes serviles. Comme l’écrit l’auteur : “les hommes qui ont vu certaines choses rompent nécessairement avec ceux qui ont si bien vécu sans les voir, (...) ils ne peuvent se contenter d’un art qui ne tiendrait pas compte de ces choses-là”.

Toute sa vie, Louis Ferdinand Céline s’est obstiné dans un projet artistique radicalement ennemi de celui-ci. Pour lui, le sentiment amoureux, plus rien ne sert de l’écrire, de le décortiquer, le décrire ou le chanter. Le bonheur, n’en parlons pas. “La grande prétention au bonheur, voilà l’énorme imposture !”, écrit-il dans “Mea Culpa”. Ailleurs, dans une note surréaliste, Céline nous explique également que la littérature s’est arrêtée avec François Rabelais, présumément défait dans la construction de la langue française par Jacques Amyot, évêque et traducteur du XVIème siècle. Cette défaite serait due à une victoire dans la langue écrite de la “raison” (!). N’ayant jamais peur de raconter n’importe quoi sur des sujets auxquels il n’entend rien, Céline nous impose un idéalisme complet, une conception infantile de l’histoire de la langue, faite de duels entre grands hommes, un écrivain et un traducteur en l’occurrence, avec la divine postérité qui tranche. Au fond, Céline vomit Jacques Amyot pour son travail de démocratisation, la moindre traduction étant une trahison, et la moindre vulgarisation une vulgarité. Car Amyot est notamment coupable d’avoir transcrit en vieux français Plutarque, jadis réservé à une classe de lettrés qui le lisait auparavant en grec ou en latin. Seulement, on finit par douter sérieusement que Céline ait sur ce sujet, comme sur beaucoup d’autres, une connaissance du dossier à la hauteur de sa mégalomanie.

S’il fallait résumer, pour lui, l’état des lieux littéraires, on dirait que la langue française est morte dès la Renaissance, que les écrivaillons pullulent, que les juifs ont tué l’émotivité aryenne, qu’Amyot a tué le français pour cinq siècles et que nul n’a jamais dépassé Rabelais, bien qu’il ait lui-même, Rabelais, “raté son coup”. Jugement définitif et chirurgical, contrebalancé par une pudeur extraordinaire qui a empêché Céline de briser sa plume. Admirable renoncement à l’anonymat. Assurément, Céline a fait là un choix dont les motivations mondaines – au sens clouscardien – furent pleinement satisfaites lors du vichysme triomphant.

Avec tous ces éléments en tête, refonder un genre prolétarien dans l’espace littéraire ne peut passer que par une démolition méthodique de tout le magma célinien. Par ailleurs, au XXIème siècle, le roman prolétarien ne pourra pas se satisfaire d’être purement anti-bourgeois, à moins de justifier son existence binairement, du seul fait de son opposition à un genre bourgeois. Il faut également ajouter cette précision fondamentale : on ne pourra vaincre dans la superstructure que par l’action des masses, et le renversement de l’infrastructure. Mais si nous entendons, d’ici là, arracher quelques points à nos adversaires, on ne pourra pas se contenter de produire une littérature d’établissement en milieu ouvrier où, parfois, l’auteur se prolétarise à marche forcée pour régler une obscure culpabilité. S’il est à reconstruire, le genre prolétarien doit prendre acte du degré de caducité, de décadence et d’irréalité de l’actuelle forme dominante des productions romanesques, théâtrales, poétiques et autres, et se constituer en ce sens dans une perspective “méta-bourgeoise”.

Il s’agit donc bien de s’approprier le patrimoine littéraire passé, d’où qu’il vienne. Seulement, cet héritage, il faut le transformer d’une telle manière qu’il s’agit, pour nous, de retranscrire littérairement les représentations sentimentales collectives partagées par un certain type de peuple travailleur, au quotidien, empêtré dans son biotope social, et qu’il s’agit de sublimer poétiquement.

Qui veut permettre au prolétariat de continuer son irruption dans la littérature, et permettre aux masses d’envahir le monde des lettres, doit pouvoir démocratiser les conditions de possibilité de l’amour, comme voie d’accès au bonheur. Il s’agit d’une œuvre nécessairement laborieuse, et l’autre nom du socialisme, qui doit paver la route du communisme. Ce processus est, pour notre siècle, un infini à la hauteur du genre humain, et les bastions qu’il nous désigne sont d’éclatantes conquêtes. Et, qui sait, il sera peut-être un jour, comble de la charité, à la portée d’un Céline.

A A A
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COMMENTAIRES  

11/09/2021 17:44 par Linece

"Céline procède à une systématisation littéraire du despotisme des pulsions, que viennent compenser des marmonnages compassés".. Et par quoi sommes-nous agis, sinon par des pulsions... Depuis le début du roman, l’auteur met en scène fictionnelle ses pulsions, c’est le ressort de l’écriture.
Céline, dans ses romans, ne marmonne pas. Il sublime la noirceur existentielle dans une langue saturée de mélancolie. C’est le vertige humain qu’il livre, devant notre imperfection originelle. C’est la misère fondamentale et la misère sociétale qu’il expose.
Combien de charges boursouflées a-t-il subit, contre de haine ont vitriolé son écriture allègrement confondu avec sa vie, pour tenter de réduire cet incompréhensible aimant. Il n’empêche, il demeure.

11/09/2021 18:00 par robess73

bel article .n empeche j avoue avoir lu et relu "le voyage" avec un immense plaisir !

11/09/2021 19:00 par Autrement

Tuer Bardamu ? Quelle blague !
On voit que l’auteur de cette diatribe sans queue ni tête n’a pas lu le quart des oeuvres dont il parle. À moins que quelque juif-nègre mâtiné d’asiatique ne lui ait au passage dérobé son émotivité aryenne ?
Et qu’est-ce que c’est que ce projet fumeux de "refonder un genre prolétarien dans l’espace littéraire" ?
Comme si un prolétaire n’était pas par lui-même capable de faire oeuvre d’écrivain !
Ce qu’il est urgent de refonder, en l’occurrence, c’est l’enseignement de la littérature en France, celui de l’histoire et celui de la philosophie. Sans parler du statut de l’information. Voilà une urgence "prolétarienne".
J’ai déjà eu l’occasion sur LGS de prendre la défense de Céline. On y reviendra peut-être, d’autant que l’actualité s’acharne encore sur lui : à l’occasion de la découverte récente et encore très mystérieuse de précieux manuscrits de cet auteur qu’on croyait perdus, il est tout naturellement traité au passage de "fasciste" et de "collaborateur", alors qu’il n’a été ni l’un, ni l’autre.
Quant à son anti-sémitisme déclaré (dont Benjamin Le Louarn conteste sans le moindre argument le caractère littéraire et ironique), il est à revoir à la lumière des dîners du CRIF.

12/09/2021 09:47 par Linece

Je m’étonne, au final, qu’un sympathisant communiste comme Le Louarn prèche le rejet, la censure de l’écrivain français le plus important. Pour des raisons extrinsèques. Et surtout parce qu’il parle, finalement, dans une langue totalement singulière, inégalée, et parle du peuple. Il faudrait qu’elle soit plus populaire, cette langue, annone Le Louarn entre les lignes. Il faudrait donc que les tableaux de Dali soient plus réalistes, les statues de César soient moins compactes, les poèmes de Prévert moins ludiques, les poèmes de Char moins hypnotiques...

Céline est peu ou pas lu dans le prolétariat. C’est juste. Sauf que TOUS les écrivains sont peu lus, en bas, comme dirait l’autre. D’abord parce qu’on ne les présente que peu et mal, avec les pincettes de rigueur. Il n’y a pas plus âne et courbé qu’un inspecteur général, un directeur des programmes. Ensuite parce qu’on s’obstine à valoriser ou dévaloriser des auteurs selon l’idéologie à la mode. Aujourd’hui, les élistes s’excitent sur le tube Zemmour "Les arabes dehors"...

Le Louarn doit admirer Proust, le scribe des riches dont France-Culture, radio d’Etat s’il en est, ne passe pas une journée sans nettoyer le portrait, au siècle des siècles, amen. Le Louarn ne réalise même pas qu’il brandit exactement la même excommunication de la littérature que la horde corrompue et arrogante qui tient le pouvoir. avec l’étendard de Zem ou MLP.

Pourtant, il a été bel et bien prévenu par un de ses copains du Gros rouge qui tâche, revue prolétarienne pour célébrer une écriture strictement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Ce camarade déclare, (cf article ds cette même revue), "on a raison de se méfier des entreprises qui visent à calquer une idéologie préconçue sur ce qu’on veut voir et faire en littérature".

12/09/2021 09:56 par Xiao Pignouf

Éternel dilemme : peut-on séparer l’être humain de son oeuvre ?

De ce point de vue, Céline, malgré ce qu’en dit l’auteur de l’article, est à lire. Tout comme Dieudonné est à voir. Pour juger par soi-même. L’homme transpire dans l’oeuvre. Le Voyage, Bagatelles ou D’un château l’autre éclairent sur ce qu’était L. F. Destouches.

Le défendre lui et son oeuvre tout comme les décrier est un travail d’équilibriste.

il est tout naturellement traité au passage de "fasciste" et de "collaborateur", alors qu’il n’a été ni l’un, ni l’autre.

Qu’a-t-il été alors ? Car ni son oeuvre ni ses actes ne prouvent radicalement le contraire. S’il n’a pas été fasciste, il a été antisémite et a participé à mettre en effervescence cette haine des Juifs dans la France des années 30. S’il n’a pas été collaborateur, il a été proche du milieu de la collaboration et du régime de Vichy.

Quant à son anti-sémitisme déclaré (dont Benjamin Le Louarn conteste sans le moindre argument le caractère littéraire et ironique), il est à revoir à la lumière des dîners du CRIF

Quels sont vos arguments à vous pour faire de l’antisémitisme déclaré de Céline un antisémitisme purement stylistique ou ironique ?
Pourquoi est-il à revoir à la lumière des dîners du CRIF ? Voulez-vous dire que l’antisémitisme se justifie par le fait que certains Juifs sont proches du pouvoir ? À votre avis, dans quelles proportions les prolos et les bourgeois juifs ont fini dans les chambres à gaz ?

Quel que le soit le point de vue sur Céline émis ici, sans réponse de l’auteur (de l’article), ça restera lettre morte.

Je vous rejoins cependant sur votre critique du projet de l’auteur qui semble mettre la charrue avant les boeufs : pour que les prolétaires se (re)mettent à écrire sur les prolétaires, ce qu’il faut refonder, c’est l’école et les enseignements qui y sont donnés, notamment en matière de littérature que la grande majorité des enfants rejettent avec mépris et pour lesquels l’acte de lire est devenu une corvée insurmontable.

12/09/2021 17:01 par taliondachille

Heureusement que Céline avait un style moins ampoulé que l’auteur... (moi aussi j’aime les trois petits points...). Il ferait mieux de garder sa bile pour tous les salauds bien vivants et bien gras (et qui, eux, tuent vraiment) au lieu de la déverser sur un infirme de la Grande Guerre.
Et j’ai passé l’age qu’on me dise ce que je dois lire ou pas...

12/09/2021 18:00 par cunégonde godot

Il s’agit donc bien de s’approprier le patrimoine littéraire passé, d’où qu’il vienne. Seulement, cet héritage, il faut le transformer d’une telle manière qu’il s’agit, pour nous, de retranscrire littérairement les représentations sentimentales collectives partagées par un certain type de peuple travailleur, au quotidien, empêtré dans son biotope social, et qu’il s’agit de sublimer poétiquement.

La bande dessinée, le rap, le rock, la "performance", et tout le bastringue culturel ne sont-ils pas aujourd’hui l’art "prolétarien" par excellence ? Au secours !

Qui veut permettre au prolétariat de continuer son irruption dans la littérature, et permettre aux masses d’envahir le monde des lettres, doit pouvoir démocratiser les conditions de possibilité de l’amour, comme voie d’accès au bonheur. Il s’agit d’une œuvre nécessairement laborieuse, et l’autre nom du socialisme, qui doit paver la route du communisme. Ce processus est, pour notre siècle, un infini à la hauteur du genre humain, et les bastions qu’il nous désigne sont d’éclatantes conquêtes. Et, qui sait, il sera peut-être un jour, comble de la charité, à la portée d’un Céline.

Quand on me parle d’art prolétarien je sors mon pistolet à eau. Pschitt !...

12/09/2021 19:40 par Autrement

Quelques données (qui ne dispenseront jamais d’une lecture personnelle si l’on y tient) :

Deux témoignages de résistants. Champfleury et Pétrovitch.
Sur Champfleury : Céline, Vailland et Champfleuri.

Tribune de Pierre Lainé, parue dans Le Monde, le 27 janvier 2011, sous le titre "Céline et les petits censeurs".

Deux conférences d’Henri Guillemin : la preuve par le sergent Alcide, dans le Voyage.
Retour sur Nord, par lequel l’auteur essaye de définir la sorte de "collaborateur" qu’a pu être ou ne pas être Céline, et explique l’oralité de son style.

Un pamphlet est par définition un ouvrage satirique et parodique.
« L’antisémitisme est aussi vieux que le monde, et le mien, par sa forme outrée, énormément comique, strictement littéraire, n’a jamais persécuté personne », écrivait Céline à son avocat danois (Lettre du 5 mars 1946 à maître Thorvald Mikkelsen in L.-F. Céline, Lettres, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 2009, p. 811.)
On peut lire chez le grand linguiste Mikhaïl Bakhtine (entre autres analyses littéraires des procédés comiques très éclairantes pour le style de Céline) : "L’ignorance du réalisme grotesque empêche de comprendre correctement non seulement le réalisme de la Renaissance, mais encore un grand nombre de phénomènes très importants des stades suivants du réalisme. Tout le champ de la littérature réaliste des trois derniers siècles est littéralement jonché des débris du réalisme grotesque, qui parfois même, tout débris qu’ils soient, se montrent capables de recouvrer leur vitalité. ce sont dans la majorité des cas des images grotesques qui ont soit entièrement perdu, soit affaibli leur pôle positif, leur lien avec le tout universel du monde en plein devenir. Ce n’est qu’à l’aide du réalisme grotesque qu’on peut comprendre la valeur véritable de ces débris ou de ces formations plus ou moins vivantes" (dans : L’oeuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen-Âge et sous la Renaissance).

Pour conclure : « Ça serait pourtant pas si bête s’il y avait quelque chose pour distinguer les bons des méchants » (voir sergent Alcide).
Céline restera dans les siècles des siècles avec les grands, en compagnie de ses peintres préférés, auxquels il ressemble : Brueghel et Goya.

12/09/2021 19:49 par françois gerard

le livre pour moi, qui permet de mieux comprendre céline est : Mort à crédit . De fils d’une petite boutiquière et d’un père qui travaille de manière servile dans un bureau, toute la contradiction de classe de céline est en filigramme. La petite boutiquière sera liquidée économiquement par les grands magasins parisiens et le père sera toujours en butte avec la hiérarchie.de sa boite. Ce livre est encore plus noir que le voyage. Les autres livres m’ont gonflés, je ne suis pas allé jusqu’au bout .

12/09/2021 21:56 par Pseudo

La gauche unijambiste qui cherche sa canne pour justifier son existence.

12/09/2021 22:09 par chabian

(Copie d’un message déposé à la revue qui publie)
Monsieur Benjamin LeLouarn
Sur votre article Tuer Bardamu.
Je voudrais savoir comment et pourquoi vous associez Edouard Louis à la kyrielle de romanciers "uranistes pedérastes" que vous évoquez : "Beigbeder, Moix, Matzneff, Philippe Sollers, Houellebecq, Arthur Dreyfus, ou n’importe qui d’autre de cette trempe". Tout en négligeant Frederic Mitterand et Daniel Cohn-Bendit.
Que je sache, Edouard Louis a raconté son coming out d’un point de vue sociologique. Comme Daniel Eribon par ailleurs (Retour à Reims). Et aussi la question de la santé du prolétariat, à propos de son père. Je ne vois là nul narcissisme borné. (Et ceux-ci sont à la mode...).
Je n’ai pas tout lu sur Celine et le début me paraissait fondé. Mais j’ai décroché. Seriez vous homophobe ?
Bien à vous
Chabian

13/09/2021 05:45 par Xiao Pignouf

@Autrement

Merci pour les liens. J’en connais (notamment celui de Guillemin) mais je les reverrai avec plaisir (il est 5h30 du mat’ et je vais partir au boulot).

Céline est pluridimensionnel et il ne fait aucun doute que son oeuvre, avec ses recoins obscures, ne peut ni ne doit être jeter aux oubliettes. J’aime autant Céline que Proust, deux écrivains aux antipodes. Mais comme homme et comme écrivain, je lui préfère Cendrars, autre "infirme" de la Grande Guerre.

13/09/2021 07:59 par Annwn

«  À Julien L’Apostat  »
(L.F. Céline, L’école des cadavres)

13/09/2021 08:50 par legrandsoir

A ce point du débat, je signale que j’ai écrit en 2002 un "polar historique" dont Céline est le héros principal avec Roger Vailland. J’y démontre, preuves à l’appui, que Céline aurait mérité l’exécution (il le savait, d’où sa fuite sous l’aile de l’armée nazie). J’y démystifie le bonhomme et son style que je décortique en donnant la source de ses principales trouvailles. On peut trouver mon livre pour moins de 2 euros sur Internet. Par exemple ici : https://m.momox-shop.fr/maxime-vivas-la-cathedrale-au-fond-du-jardin-pique-rouge-taschenbuch-M02912742277.html

13/09/2021 11:55 par Autrement

Cher Maxime, nous voilà à couteaux tirés !
Céline avait fait la grande guerre, les colonies. Céline est le médecin des pauvres. Il dit ce qu’il a vu. Y compris à Sigmaringen.
Je te renvoie au témoignage des deux résistants qui l’ont bien connu.
Roger Vailland n’a pas le beau rôle dans cette histoire : il a calomnié, menti, intrigué, et plus tard il a eu le Prix. Il y a La Loi dans ce milieu-là aussi.
Faudra-t-il pour autant condamner Vailland et "tuer Duc" (La Fête) ? Pas besoin de canons à eau, de Lbd ni de gaz lacrymogènes pour cela. Consultons les "prolétaires" : qui se souvient de Duc ? ou même de Don Cesare ?

Un polar est un polar. Les analyses de Bakhtine (dans son Rabelais et dans le Dostoievski aussi, ou encore dans Le Principe dialogique, ou dans Esthétique et théorie du roman, ou dans Esthétique de la création verbale) sont, je crois, une meilleure école d’analyse linguistique et littéraire, même si ce n’est pas de Céline qu’il traite.
On peut avoir vaillamment raison sur les Ouïghours et ne pas aimer Céline.
On peut aussi préférer Cendrars. Ou Ramuz (auquel Céline reconnaissait "du style") ...

13/09/2021 12:03 par Assimbonanga

La bande dessinée, le rap, le rock, la "performance", et tout le bastringue culturel ne sont-ils pas aujourd’hui l’art "prolétarien" par excellence ?
Je ne sais pas mais je trouve qu’une BD c’est cher et vite consommé.
Le rap me semble assez populaire mais la performance élitiste au contraire.
Le rock, il y en a pour tous segments de la population.
Et voilà comment on gaspille un droit à commentaires...

13/09/2021 12:50 par Xiao Pignouf

@CG

Il y a peut-être des choses dont vous devriez vous abstenir de causer.

La bande dessinée, le rap, le rock, la "performance", et tout le bastringue culturel ne sont-ils pas aujourd’hui l’art "prolétarien

Encore un petit effort et vous passerez pour une bourgeoise mélomane...

Savez-vous combien coûte un ampli guitare ou un set complet de batterie ? Pas à la portée du premier prolo venu. Que ça irrite vos oreilles sensibles, ça se conçoit, certains n’aiment péter que dans la soie.

13/09/2021 18:53 par va savoir

CQFD

les goûts et les couleurs...

13/09/2021 19:10 par cunégonde godot

Le cinoche "degauche", de la bande dessinée "progressiste", le rock braillard mais "progressif", etc., bref le "progressisme" culturel pollue plus encore les cerveaux que les jeux vidéo. Toute cette sous-merdasse cultureuse est l’ "art" officiel du progressisme aujourd’hui.

D’un point de vue "prolétarien" (!), la lecture du pestiféré (aux yeux des cultureux progressistes) Michel Houellebecq est incontournable...

13/09/2021 19:59 par Xiao Pignouf

@Chabian

J’avoue que j’ai du mal à suivre votre commentaire. Vous accusez l’auteur de l’article d’amalgamer à tort Edouard Louis à la kyrielle de romanciers "uranistes pedérastes" (ce qui soit dit en passant est un pléonasme, les deux termes étant synonymes) alors qu’il est le seul homosexuel déclaré.

Beigbeder a défendu Matzneff et Polanski.
Moix est un antisémite repenti, cajolé par BHL.
Matzneff, pédophile, on le sait.
Sollers a défendu Matzneff.
Houellebecq, rien à dire, à part qu’il brille par la médiocrité de son style et de ses sujets.
Dreyfus, connais pas, paraît qu’il a soutenu Macron.

13/09/2021 21:43 par CAZA

Bonsoir
En lien Céline et la psychanalyse .
Pendant l’adolescence j’ai lu en toute liberté tout ce qui me tombait sous les yeux y compris Le Voyage .
L’effet a été puissant et persistant .
Quand tu fermes le livre il ne te reste plus aucun espoir dans la nature humaine .
Relu quelques dizaines d’années après les rancoeurs que Céline voue à l’espèce humaine transparaissent à chaque paragraphe .
Son nihilisme fait penser à Souvarine de Germinal . Plutôt détruire que de se battre pour améliorer .
Son but : se vautrer dans la fange et te persuader que tu es son double
https://www.cairn.info/revue-topique-2012-1-page-7.htm

14/09/2021 08:36 par cunégonde godot

Xiao pignouf :
Houellebecq, rien à dire, à part qu’il brille par la médiocrité de son style et de ses sujets.

Il y a des choses dont vous devriez vous abstenir de "causer". De style p.ex...

14/09/2021 14:19 par Xiao Pignouf

@CG

Bien envoyé !

C’est de bonne guerre... La tentation de vous titiller était trop grande. À dire vrai, je me fous de Houellebecq, je n’aime pas du tout ce qu’il fait. Mais j’admets qu’on y trouve son compte.

14/09/2021 14:56 par Assimbonanga

Chouette ! Causons culture avec notre experte Cunégonde ! Je me suis sentie obligée de lire au moins un ouvrage de Houellebecq et j’ai jeté mon dévolu sur Particules élémentaires : je n’ai pas eu envie d’en lire un second ! Un sentiment de nausée et de découragement m’avait suffisamment parcourue. Je ne comprends pas ce qu’on lui trouve.

Je saute maintenant sur l’actualité : l’emballage de l’Arc de triomphe. Qu’en pensez-vous, Cunégonde ? Cela vous a-t-il séduite ou tout le contraire ? Dans le reportage de France 2, on voit le contentement des cordistes et comme je le comprends : du bon boulot, entre jeunes, sans masque sanitaire, la bonne ambiance et bien payés ! Que demande le peuple ? Que des trucs comme ça. On voit les rombières ne pas tarir d’éloge sur la performance. Dame, c’est de l’art contemporain ! Et le tissu est recyclé...
Aucun écologiste ne se risquera à critiquer. Hé bien moi, je permets de douter de l’actualité d’une telle nécessité au stade de dérèglement climatique et social où nous nous trouvons. Que fera-t-on ensuite de ces 25 000 mètres carrés de toile en synthétique ? Peut-être le jeter par dessus la montagne de tous les matériaux empilés après un ouragan ou une inondation ? Petite montagne qui monte qui monte qui monte, comme nos taxes foncières.

14 millions d’euros. Et pas assez d’argent pour héberger les sans logis. Je ne dis pas que ce ne soit pas beau ni pas réussi au plan esthétique, mais ensuite ce seront les Jeux Olympiques : l’orchestre continue de jouer pendant le Titanic coule.

Quand à un autre gouffre de pognon, je pense au Liban : si les 100 plus riches Libanais du monde faisaient une cagnotte lichee, ne pourraient-ils pas reconstruire le pays ? Cagnotte ou impôt, peu importe. Ben tiens, on pourrait mettre Léa Salamé trésorière.

14/09/2021 16:20 par cunégonde godot

assimbonanga :
Chouette ! Causons culture avec notre experte Cunégonde ! Je me suis sentie obligée de lire au moins un ouvrage de Houellebecq et j’ai jeté mon dévolu sur Particules élémentaires : je n’ai pas eu envie d’en lire un second ! Un sentiment de nausée et de découragement m’avait suffisamment parcourue. Je ne comprends pas ce qu’on lui trouve.

Je vais essayer de vous trouver des fiches pratiques de culture écolo, bio (ou l’inverse) et des plans de huttes en terre cuite au feu de bois de nos terroirs pour vous remonter le moral...

Je saute maintenant sur l’actualité : l’emballage de l’Arc de triomphe. Qu’en pensez-vous, Cunégonde ?

Grotesque...

14 millions d’euros. Et pas assez d’argent pour héberger les sans logis.

L’addition avait été payée d’avance par l’ "artiste" lui-même, à ce qu’il paraît...

14/09/2021 19:48 par Xiao Pignouf

Houellebecq m’emmerde. J’ai aimé ses deux premiers, il m’a perdu au troisième, plat et ennuyeux comme un champ de betteraves. Écrivain qui émoustille le bourgeois parisien blasé. Ceci dit, Camus m’emmerde aussi. Donc, vous avez raison, je ne suis pas étalon en la matière.

Je lirais plus volontiers un Jaeneda ou un Damasio. C’est affaire de goût, j’imagine.

15/09/2021 08:21 par rhodine

Mais comment peut-on encore considérer ce chien galeux comme un génie... celui qui vomissait sa haine des juifs, encourageait les nazis à assassiner des gamins, parce qu’israélites.. celui qui dénonçait avec perfidie ceux qui -contrairement à lui- résistaient à l’occupant barbare...
Celui qui a envoyé Desnos à l’abattoir.
à vomir.

15/09/2021 10:08 par Assimbonanga

@Xiao, comme j’ai entendu un certain engouement pour Alain Damasio, je n’ai pas moins fait que de me procurer un de ces romans sorti en poche, Les Furtifs. Très lourd, ce livre me tombait des mains et il fut laborieux d’arriver au bout même si je décelais parfaitement les trésors d’inventivité créative... Ce bouquin ne m’aura pas laissé un souvenir éblouï alors que ce fut le cas pour Une fièvre impossible à négocier de Lola Lafon...

@Cunégonde. Dans votre contribution, mes citations dûment encadrées tiennent plus de place que vos lapidaires réponses ! Passons. Lorsque vous écrivez « des fiches pratiques de culture écolo, bio (ou l’inverse) et des plans de huttes en terre cuite au feu de bois de nos terroirs pour vous remonter le moral... », est-ce du second degré, de l’humour ? Ou est-ce la manifestation d’une beaufitude fort répandue qui s’exprime désormais sur des chaînes Youtube de "néo-autonomistes" avec de gros lieux communs bien caricaturaux comme un film de Christian Clavier ou Eric Judor à propos de hippies d’opérettes ?
Côté emballage de l’arc-de-Triomphe, c’est merveilleux de voir un entrepreneur d’art détenir 14 millions d’euros. On sent qu’on est peu de chose face à cet échange de fric à un niveau supérieur de business. Appliqué à la dimension de Paris, on peut imaginer les milliards qui volent au-dessus de nos têtes ! Mais pas d’argent pour du logement social et de l’hébergement d’urgence... Il serait indécent de permettre à des expulsés de leurs logement ou à des migrants d’être douillettement logés dans des lieux sûrs et propres. La rue, bordel, ça sert de leçon à ces grands-remplaceurs ou à ces incapables de payer un loyer ! Il faut bien que les gens ordinaires puissent conserver en eux un peu de terreur pour entretenir leur docilité. Ce sont des choix politiques.

Bon enfin, hier sur Arte, un documentaire sur l’armée rouge m’a bien filé le gnia... Foutu le cafard. Quoique ce matin sur Inter, un légionnaire français relatât des faits de torture au sein de la légion étrangère, ce qui rétablit un peu de relativité.

15/09/2021 10:31 par Assimbonanga

Causons culture, encore. Hier, c’était la fête à Jauni. Johnny Halliday. Catherine Ringer criait plus fort que tous vive Johnny. Alors-là, je suis out, j’y comprends plus rien. Sauf que Macron est un génie. Il a réinventé des sciences vieilles comme les pharaons : le bouc émissaire et l’exorcisme.
L’exorcisme, c’est le pass-sanitaire, le bouc émissaire c’est le brancardier ou l’infirmière pas vaccinés. Assez peu de déchets finalement, ces quelques récalcitrants sont un effet collatéral négligeable comparé au bénéfice pour les chanteurs, musiciens, entrepreneurs de spectacle, grandes salles de l’industrie culturelle. On va pouvoir respirer, recommencer de vaquer à notre consumérisme, nos spectacles réservés sur internet via une plate-forme.

Autre trait de génie de Macron : il va "protéger" les entrepreneurs des aléas des faillites professionnelles, c’est-y pas gentil ? Bienveillant ? Baisser les retraites de tous les salariés mais augmenter celle des agriculteurs qui ne sont pourtant que proportionnelles à leurs cotisations : dérisoires. De cette façon, c’est le régime général, celui des salariés, qui paie leur retraite aux ploucs pourtant propriétaires de l’outil de travail et du patrimoine, capital amassé en 40 ans d’activité.

Et pour les étudiants, au lieu d’envisager un parcours comportant du logement et des restaurants étudiants, on va leur octroyer quelques séances de psychothérapie pour apprendre à s’en passer sans pleurnicher.

Voilà ce que c’est que Macron. L’agent des professions libérales et indépendants. Au détriment des salariés et précaires. Et politiquement, tout pour l’entreprise, rien pour l’enseignement.

15/09/2021 11:31 par Autrement

Voir sur le site LF Céline de Marc Laudelout
D comme diffamation

Décidément, les légendes ont la vie dure. Dans la dernière édition du Guide Michelin consacré à Prague, figure, au bas de la page 265, un petit encadré consacré à Robert Desnos qui mourut en déportation dans le ghetto de Terezin, ville à 65 km au nord de Prague : " Résistant, il publia sous un pseudonyme des articles antinazis dont Louis-Ferdinand Céline le désigna pour auteur. Arrêté et déporté à Buchenwald, il fut transféré au ghetto de Terezin où il mourut. "

La vocation de ce Bulletin n’est pas de se faire l’avocat de Céline, mort en 1961 et dont le procès eut lieu dix ans auparavant. Mais le rétablissement des faits peut ne pas être vain, étant donné la large diffusion des Guides Michelin.

Rappelons donc ici que la polémique Desnos-Céline eut lieu en mars 1941 (voir Cahiers Céline 7, pp. 112-115). Aucun lien donc avec l’arrestation de Desnos qui se produisit en février 1944. Ajoutons que Céline ignorait les activités clandestines de l’auteur du Pamphlet contre Jérusalem. Et lorsque ce dernier le prend à partie, à la parution des Beaux draps, c’est dans... Aujourd’hui, journal collaborationniste auquel il donna des articles jusqu’en 1943.

Céline n’est donc en rien responsable de l’arrestation de Desnos, et ne l’a jamais dénoncé comme résistant. L’affirmer constitue une diffamation patentée. Contre Céline, tout serait-il permis ? Au moins, Marie-Claire Dumas, présidente de l’Association des Amis de Robert Desnos, reconnaît-elle que Céline n’est en rien à l’origine de cette arrestation.

Pour mieux connaître le fond de cette affaire, on se reportera à l’enquête de Jean-Paul Louis qui a montré de manière pertinente que " l’innocent Desnos et le monstrueux Céline sont deux fabrications aussi vaines l’une que l’autre ".

M. L.

* Jean-Paul Louis, " Desnos et Céline, le pur et l’impur " in Histoires littéraires, n° 5, janvier-février-mars 2001, pp. [47]-60. Voir aussi Marie-Claire Dumas, " Droit de réponse. La "police littéraire" de M. Jean-Paul Louis " in Histoires littéraires, n° 6, avril-mai-juin 2001, pp. [56]-60.

15/09/2021 14:43 par Assimbonanga

Les statisques fournies par le JT soir de France 2 donnent environ 2000 personnes en réanimation cause covid 19. Plus difficile d’obtenir le nombre de morts journaliers. Hier, c’était 90 morts. Pas évident de tomber dessus en faisant le zapping de télés en télés, faut avoir un peu de chance. Donc une centaine de personnes par jour libèrent de la place en réa en sortant les pieds devant. Hé oui... Quand même ! Mais c’est pas ceux qui nient la gravité de la maladie qui vont dénoncer ce secret. Du coup, on peut dire que cette nouvelle maladie est rentrée dans les mœurs et qu’elle se passe à bas bruit puisque Macron est un magicien qui a fait disparaître le phénomène du devant de la scène. L’économie repart. A nouveau on peut aller en concert, en festival, en salon commerciaux ou culturels, juste en produisant son pass.
Macron est un génie. Il a réinventé des sciences vieilles comme les pharaons : le bouc émissaire et l’exorcisme.
L’exorcisme, c’est le pass-sanitaire, le bouc émissaire c’est le brancardier, l’aide-soignante ou l’infirmière pas vaccinés.

15/09/2021 15:24 par Jean-Yves Peillard

Destouches revient encore comme un fantôme, c’est l’occasion de revoir nos notes et de critiquer notre vue sectorielle , étant sur la liste de diffusion j’avais collecté ce texte de l’UJFP https://ujfp.org/celine-une-crapule-dont-les-ecrits-antisemites-doivent-rester-dans-les-egouts-de-lhistoire/ et la page wiki ne semble pas avoir beaucoup changé depuis. Même si on peut "retourner" une page wiki en fonction des forces des groupes de pression (un ami contributeur m’avait expliqué ce problème) ; Toutes ces accusations sont prouvées ; c’est à dire que par son pouvoir de plume, il en a tué encore beaucoup plus qu’il en a dénoncé. Comme cette affiche que j’avais vu au musée de la résistance et de la déportation de Grenoble qui représentait un personnage hideux avec un nez crochu...
Talent ou pas talent de plume, c’est toujours, l’imprescriptible de vladimir jankelevitch ces pensées nauséeuses mènent à ces actes monstrueux.
Il y en a d’autres avec d’autres talents ou relations qui sont passés à l’as, côté science c’est Wernher von Braun qui a décroché le pompon avec la NAZI NAZA, coté politique et administration des papon mitterand bettencour Hernu et les "vichystorésistants"
coté industriels et banquiers c’est plus fourni voir avec madame Annie Lacroix-Riz mais bon tout ça n’est que littérature ?...

16/09/2021 06:05 par Xiao Pignouf

@Assim

Les goûts et les couleurs... mais c’est vrai que Damasio peut être difficile à lire. J’ai les Furtifs, mais je ne l’ai pas encore commencé, étant sur autre chose.

16/09/2021 12:01 par Autrement

JY Peillard - Respect pour l’UJFP, mais non pour le texte que vous citez, dont j’approuve cependant la conclusion pratique :

Dans la période actuelle de perte de repères, de sens et de simplisme trumpien, promouvoir l’antisémitisme au motif qu’il émanerait d’un « grand » écrivain est moralement abject et politiquement dangereux.

Mais il est contraire à la réalité d’écrire que :

Dès le début des années 30, CÉLINE est devenu nazi et antisémite

"Antisémite", oui. "Nazi" : absurde. C’est voir sa biographie et son oeuvre à travers un "type" défini d’avance (un fasciste, une "crapule"), qu’il n’a pas été.
Le diagramme de Céline, c’est l’horreur de la guerre et de la misère et le dégoût de la domination.
Je renvoie une fois de plus (entre autres) au témoignage des deux résistants qui l’ont bien connu, et qui vaut aussi pour ses écrits.

Je suis heureuse que vous vous référiez vous-mêmes à la "Non-épuration" d’Annie Lacroix-Riz :

coté industriels et banquiers c’est plus fourni voir avec madame Annie Lacroix-Riz mais bon tout ça n’est que littérature ?...

Elle montre parfaitement dans cet ouvrage monumental QUI ont été les VRAIS collaborateurs, acteurs, dénonciateurs et pourvoyeurs des camps d’extermination. Les politiques. Revoyez en détail sa galerie de personnages, leurs activités et leur carrière. Céline bien sûr n’y figure pas.
Non pas parce qu’il s’agirait de LITTÉRATURE, mais au contraire parce qu’il s’agit d’HISTOIRE, justement.

17/09/2021 09:33 par jean yves peillard

à autrement
au regard de la page wik (si les références sont fausses, c’est un autre problème), il a été antisémite et Nazi puisque vous semblez faire une différence alors que c’est malvenu ; la frontière est poreuse. Le nazisme c’est à dire l’Holocauste n’a été possible que grâce au long travail de fond de l’antisémitisme et recherche de boucs émissaires par la culture dont les tenants sont aussi les écrivains avant et comme Destouche, qui date de loin. au moins la chrétienté pour ces premiers, un "imaginaire" antisémite. (au musée en plus des triangles superposés jaune il y en avait des triangles noir rouge blanc rose... )
Il n’y a pas à faire de "procès", les textes de Destouche sont disponibles librement. Il y a à retenir certaines leçons pour moi qui n’a aucune compétence pour la littérature ou peu que je déforme volontiers ; "que vous soyez écrivain ou misérable... " Une leçon est que notre pôle d’attrait ou groupe social ici les intellectuels ne voient que leur sujet ou ne veulent pas voir une totalité, ont des problèmes de discernement ou jugement, ainsi S De Beauvoir et d’autres avaient signés un soutien à Brasillac qui lui a été exécuté.
Plus tard Des violeurs d’enfant ou de femmes sont toujours soutenus par leur groupe d’affinité.

Lacroix Riz a écrit d’autres livres et les intellectuels ont leur place puisque cela fait partie de la propagande. le stylo est une arme comme le couteau ; à double tranchant. De nos jours c’est les "médias et la pub.
L’histoire et la propagande est écrite par les possédants et leurs chiens de garde dont des écrivains. Destouche a participé à cette machinerie mais bien sûr les pires rouages n’ont jamais été condamné comme ceux de la conférence de Wannsee, Aux US j’avais oublié de citer le principal qui était Henry Ford, en France du temps de l’humiliation de Dreyfus, il y avait des pointures industrielles comme Dion etc.avant Renault.
Leur impunité me fait dire que l’Holocauste a été la forme la plus aboutie d’adaptation du capitalisme.
Et qu’aucune leçon n’a été retenue de l’Holocauste ni d’Hiroshima etc, cela explique la situation actuelle et maintenant que la Chine a battue l’Occident à son propre jeu de destruction, on arrive à la fin du jeu immature du concours de celui qui pisse le plus loin, jusque Mars.
Soit nous révoltons soit nous mourrons.

17/09/2021 11:16 par Assimbonanga

Hier encore 75 morts du covid (pas évident de trouver ce chiffre bien caché au bout d’un graphique d’une infographie...)
Mais Macron séduit les jeunes, rappers, mac fly & carlito, drague les sportifs, permet aux chanteurs de variétoche de se produire en scène, Catherine Ringer et Patrick Bruel vont lui manger dans la main. L’exorcisme du pass-sanitaire est un sacré coup de génie !
Les artistes ont toujours dû compter avec les grands de ce monde, les commandes publiques, le monarque, l’évêque, le riche mécène. On ne peut leur tenir rigueur de cette sujétion, n’est-ce pas ?
Et quelques fonctionnaires devenus têtes de Turcs, obscurs et récalcitrants, ne vont pas toucher leur paie ni cotiser pour leur retraite pendant ce temps, parce qu’ils sont rétifs à un nouveau vaccin. Dégât collatéral si ça permet à l’industrie du show-bizz de redémarrer. Une bonne mise en scène expiatoire doit se doter de boucs émissaires.

18/09/2021 05:17 par calame julia

Jean-Yves Peillard : merci pour le lien et vos commentaires.

18/09/2021 12:17 par Autrement

JY Peillard : Cunégonde est avec vous, dieu vous bénisse !

il a été antisémite et Nazi puisque vous semblez faire une différence alors que c’est malvenu ; la frontière est poreuse.!

Votre procédé s’appelle un amalgame.
Pardon, mais il témoigne d’une certaine absence d’esprit critique (ignorez-vous l’orientation forcée des "pages wiki" , y compris "biographiques", lorsqu’il s’agit d’une personnalité "sensible" ?) ; il témoigne aussi d’une méconnaissance de l’usage du langage (littéraire ou politique), et d’une paresse quelque peu malhonnête dans la recherche de la vérité sur un homme.

C’est le genre de généralités abstraites qui enverraient n’importe qui au poteau.

L’antisémitisme de Céline est de nature carnavalesque (voir Bakhtine)
"L’antisémitisme de Céline n’a jamais rendu personne antisémite" (dixit à juste titre Henri Mondor).
Céline n’a dénoncé personne et n’a pas "collaboré", au sens réel et historique qu’il prend avec les travaux d’Annie Lacroix-Riz, contrairement aux personnages dont elle étudie la carrière (retournez-y et comparez !).
Personnages qui voudraient bien se faire oublier - et y ont souvent réussi -, et dont les descendants et adeptes sont encore au pouvoir.
Personnages dont la bonne conscience a trouvé Céline, justement, comme bouc émissaire.

Cela ne vous fait rien d’ignorer et de mépriser les témoignages de résistants, qui l’ont bien connu, et qui ont été soigneusement omis par les accusateurs officiels de Céline ? (Les vrais accusateurs, Taguieff et Durafour, - le texte malheureux de l’UJFP n’étant que circonstanciel, à l’occasion d’un brouhaha médiatique).

18/09/2021 16:44 par cunégonde godot

Autrement :
JY Peillard : Cunégonde est avec vous, dieu vous bénisse !
(...)
Votre procédé s’appelle un amalgame.

Et le vôtre s’appelle comment, cher "Autrement" clone de tant d’autres au script automatique ?

Au passage : je me fiche complètement de ces sempiternels "commentaires" à propos de Céline, comme si aujourd’hui la vie à crédit de tous les petits maastrichiens en dépendait !

Le sujet "Céline" est un des marronniers du "progressisme", catégorie point Godwin. Et quand c’est fini ça recommence...

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