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Ukraine : le silence…

Photo : Un homme et un enfant marchent dans la neige au côté d’un mémorial de guerre détruit à Savur-Mohyla, une colline à l’est de Donetsk, le 7 décembre 2014. REUTERS/Maxim Shemetov

Ce mardi 10 février 2015 tout était normal : lemonde.fr faisait sa une sur Hervé Falciani et l’affaire HSBC et même sur la fausse rumeur de la construction d’une mosquée à Tulle (1) ; libération.fr nous renseignait sur le casse-tête des zones de vacances scolaires dû à la réforme des régions (2), lefigaro.fr déplorait l’exécution d’une otage Américaine (3), quand l’Huma.fr nous offrait un reportage aux côtés des combattants de Kobané (4).

Rien qui pourrait laisser penser que la tension internationale était à son comble. Dormez bonnes gens ! Rien qui ne vous concerne ! Enfin, pas encore…

Et sûrement pas les déclarations de votre président revenant de Russie ce week-end ! Personne ne veut nous en parler, alors parlons-en ! Faisons-le ! Faisons ensemble ce que nos journaux ne font plus !

Analyse de l’allocution présidentielle donnée à L’AFP lors d’une visite à Tulle le 7 Février (5), au sujet des « négociations » entamées avec la Russie :

« La chancelière et moi-même considérons qu’il y a un risque de guerre. »

Hollande ne saurait parler ici du conflit armé opposant les troupes de Kiev à Novorossia comme beaucoup veulent l’entendre. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’en l’espèce, la guerre n’y est pas un risque mais une réalité factuelle (6) ! Il évoque donc bien l’hypothèse d’une autre guerre. Ou alors, et je vous en laisse juge, sa maîtrise de la logique élémentaire et de notre langue est assurément bien modeste.

« donc, nous avons préparé un texte, d’abord avec les Ukrainiens, »

Nous vous laissons d’abord apprécier la méthode d’élaboration du texte, consistant visiblement à exclure un des protagonistes. Est-ce donc là la manière de faire d’un médiateur ? Élaborer avec l’un des belligérants un texte, puis le soumettre ensuite à son adversaire ? Cela ressemble davantage à une sorte d’ultimatum qu’à une tractation.

Quelle peut-être ensuite la marge de manœuvre d’un chef d’état mal élu, Porochenko, dont l’armée est vaincue sur le champs de bataille et dont l’économie est effondrée, face à l’UE et à l’OTAN, deux organisations à qui il doit sa position et de qui il espère obtenir son salut ? Aucune bien évidemment ! Le texte proposé au président Russe est l’œuvre d’Occidentaux.

Enfin, comment est-il possible que personne ne se questionne sur la nature de ce texte ? N’est-il pas invraisemblable qu’aucun Français n’en sache rien ? Aucun journaliste n’a jugé raisonnable de s’interroger sur le sujet, ou de polémiquer. Ils ont indubitablement mieux à faire, voyez-vous, que de couvrir ce genre de broutilles.

« puis ensuite nous l’avons discuté avec Vladimir Poutine, et nous devons rapprocher encore les points de vues,[…] »

Manière de dire, ici, que la proposition de sortie de crise n’a pas été acceptée en l’état. Je vous renvoie avec plaisir vers ces remarquables analyses7 anonymes qui cherchent à donner sens à la situation.

Notons aussi l’habituelle personnification de la Russie et de son peuple en la seule figure de Poutine, omnipotent et maléfique à souhait. La ficelle est grosse, usée jusqu’à la corde (Hussein, Kadhafi, Al-Assad, Castro, Chavez, etc.) mais fonctionne visiblement encore. Aux dernières nouvelles pourtant, le président de la fédération de Russie n’avait pas, constitutionnellement parlant, plus de prérogatives que le président des États-Unis d’Amérique.

« Je pense que c’est une des dernières chances »

Si ce que dit notre président a un sens (8), en contexte bien sûr, il nous dit bien que c’est une des dernières chances de préserver la paix. Cette formule est parfaitement étourdissante ! Nous voudrions savoir, mais probablement sommes nous trop curieux, à quel moment toutes les autres options ont été épuisées. De quoi parle-t-on au juste ? Nous ne le saurons pas, tout comme nous ne sommes pas dignes de connaître le contenu de texte proposé au peuple russe conjointement par l’Allemagne et la France.

Quel doigté diplomatique remarquez ! Il n’y avait pas meilleur émissaire au monde que l’Allemagne pour attendrir la Russie.

« parce que si nous ne parvenons pas à trouver, non pas un compromis, mais un accord durable de paix, et bien nous connaissons parfaitement le scénario, il a un nom, il s’appelle la guerre. »

Cette affirmation est, elle aussi, ahurissante. Elle débute, prêtez-y attention, par le refus de tout compromis. Ite missa est. S’il n’y pas de conciliation pour rapprocher deux positions divergentes que fait-on ? La guerre, à divers niveaux d’intensité.

La seule manière de recevoir cette phrase est de la recevoir comme un ultimatum : Vous acceptez et il n’y a rien à négocier ! Quelle brutalité !

Puis vient la sortie de l’artiste. Elle est à l’image de l’ensemble de la prestation : délirante.

Menacer la Russie de guerre ! Dans un scénario qu’on connaît bien, pour sûr ! Ce n’est pas comme s’il s’adressait à la première puissance nucléaire mondiale ! Et c’est ici qu’on hésite : monsieur Hollande est-il parfaitement aliéné, croyant réellement en ce qu’il dit ? Prêt à déclencher ce qui serait la guerre la plus meurtrière de l’histoire de l’humanité ? Pour quoi au juste ? Y-a-t-il quelqu’un qui puisse me dire ce qui en l’état en vaudrait la peine ?

Ou alors joue-t-il le rôle du matamore de comédie afin de remonter sa cote de popularité, sachant bien que le jeu se fait ailleurs, sans lui, sans nous ? Qui imagine ici ce que vit un Russe lisant ce genre de choses. Que vivriez-vous si ces propos étaient tenus par monsieur Poutine en direction de votre pays, de vos mères et de vos enfants ?

Dans les deux cas, la réponse est la même : manifestons à nos représentants (9) notre désaccord !

Nous ne voulons pas la guerre !

Kevin Queral

PS :Signez ici notre pétition citoyenne :

http://www.petitions24.net/urgence__non_a_la_guerre_contre_la_russie

1) https://orbisterraeconcordia.wordpress.com/?attachment_id=55

2) https://orbisterraeconcordia.wordpress.com/?attachment_id=57

3) https://orbisterraeconcordia.wordpress.com/?attachment_id=54

4) https://orbisterraeconcordia.wordpress.com/?attachment_id=56

5) https://www.youtube.com/watch?v=L2U7cUNglwA

6) https://www.youtube.com/watch?v=ZuQ5EPnSE_4&feature=youtu.be

https://www.youtube.com/watch?v=VlTt-vnTLE4 ,etc.

7) http://lesakerfrancophone.net/commentaire-dun-lecteur-ch-m/

8) « Il faut laisser penser que ce que nous faisons est humain, mais, et en même temps, doit être fait pour que les humains vivent mieux, pas simplement pour qu’on les fasse rêver, dans un imaginaire impossible. » François Hollande, le 27 janvier 2015 face à un public d’enfants.

9) La novlangue dit désormais « dirigeants ».

 https://orbisterraeconcordia.wordpress.com/2015/02/10/ukraine-le-silence/
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COMMENTAIRES  

13/02/2015 09:09 par babelouest

Pour mettre les points sur les I : Monsieur Hollande, si guerre généralisée il y a, c’est VOUS, nommément, pour les siècles des siècles, qui l’aurez déclarée, délibérément, et sans même savoir pourquoi.

Constitutionnellement, je vous rappelle que c’est vous, paradoxalement, qui avez le plus de pouvoir pour déclencher une guerre : plus que le président d’États-Unis jaloux des prérogatives des membres du Congrès ; plus que le président russe obligé de composer avec la Douma et avec les pouvoirs fédéraux ; plus qu’une chancellerie allemande encore plus tributaire des autres instances de pouvoir. En êtes-vous conscient ?

13/02/2015 10:25 par Dwaabala

Avoir obtenu de Porotchenko la promesse (qui ne sera évidemment pas tenue si des mesures coercitives ne sont pas prévues) d’une réforme de la Constitution ukrainienne qui reconnaîtrait les droits des populations de l’Est n’est quand même pas mal.
Le même bougonne, Poutine paraît satisfait.
Pour une fois que l’action de Merkel et de Hollande va en apparence dans le bon sens...
La presse française relègue l’affaire en bas de page et affecte de la défiance, les USA font mine d’approuver ce qui leur permet de ne pas se lancer immédiatement dans l’aventure.
De quoi être également satisfait.

13/02/2015 13:34 par Palamède Singouin

Constitutionnellement, je vous rappelle que c’est vous, paradoxalement, qui avez le plus de pouvoir pour déclencher une guerre : plus que le président d’États-Unis

Reste que c’est Bush qui a déclenché les 2 guerres les plus catastrophiques de ce début de siècle en Afghanistan et en Irak.
Pour la France, il faut s’inquiéter de ce que Hollande et son prédécesseur soient les présidents les plus bellicistes et les plus intellectuellement limités de la V° république.
La monarchie républicaine doit être démantelée de toute urgence.

13/02/2015 15:32 par Michel Maugis

« donc, nous avons préparé un texte, d’abord avec les Ukrainiens, »

On devine qu’ il veut parler des Ukrainiens de Kiev pro US. Pour notre très grand stratège, les séparatistes de l’ est ne sont donc pas des ukrainiens ! Qui sont ils ?
Comment un soi disant chef d’ état peut il montrer une telle incompétence ? Parce que c’est naturel. chez lui, ça sort tout seul.

14/02/2015 00:06 par chb

... aucune partie n’est en mesure de répondre de ce que Petr Porochenko sera en mesure d’exécuter ces accords. Car de facto, l’Ukraine n’existe plus en tant qu’État. Elle existe encore du point de vue nominal, nous y sommes habitués, nous nous y référons, mais en fait, la personne qui siège à Kiev, dès le départ, ne contrôle pas toute la situation, sans parler des militaires, milices et forces de l’ordre, que nous savons très hétérogènes. Il s’agit des bataillons punitifs, immédiatement subordonnés aux oligarques, il s’agit du « Secteur droit » du Maïdan, des soi-disant SBU, insatisfaits, eux aussi, et manquant de motivation envers les directives de Kiev. Ils ne reçoivent de Kiev ni garantie, ni moyens, ni aide, ni statut social. Pour Porochenko, la situation est incontrôlable ; cela signifie qu’avec la meilleure volonté du monde il ne peut prendre sur lui aucune obligation.
Après treize heures de négociation, on en était encore à rechercher une forme de mécanisme qui garantirait l’observation de n’importe quelle, vraiment n’importe quelle, partie des accords.
(…)
Tout se déroule selon le plan américain : déstabilisation et dysfonctionnement de l’État, en le privant de toute stabilité, et création d’un mal de tête maximum pour la Russie et l’Europe.

Korovine (qui est-ce ?) sur http://www.russiesujetgeopolitique.ru/

14/02/2015 14:15 par Leron Paul

Un guignol sorti de l’ENA dont la mémoire défaillante oblitère nos liens historiques avec la Russie ou qui subit comme ce pantin de Merckel le chantage US.

15/02/2015 09:55 par chb

Sapir (Peut-on sauver l’accord de Minsk ? http://russeurope.hypotheses.org/3448) :

Très clairement, à l’heure actuelle, le régime de Kiev n’a nullement l’intention d’appliquer les clauses politiques de l’accord. Or, on comprend bien que si ces clauses ne sont pas appliquées, la guerre reprendra inévitablement, sauf si l’on s’achemine vers une solution de type « ni paix, ni guerre », ce que l’on appelle un « conflit gelé ». Cependant, une telle solution de « conflit gelé » n’est envisageable que si des forces d’interposition prennent position entre les belligérants. On est donc ramené à la question d’un hypothétique contingent de « Casques Bleus » et de ce fait à la question de l’insertion des Etats-Unis dans le processus d’un accord. On mesure ici, à nouveau, les limites de l’option prise par Mme Merkel et M. François Hollande. A vouloir prétendre que les européens pouvaient trouver sur leurs seules forces une solution à ce conflit, ils se sont enfermés dans une situation sans issue.

Il conclut :

La question économique est, peut-être, ce qui pourrait permettre d’aboutir à une application réaliste des accords de Minsk, à deux conditions cependant : que l’Allemagne et la France imposent leurs conditions à Washington et que ces deux pays sortent du jeu stérile et imbécile qui consiste à faire retomber, encore et toujours, la faute sur la Russie alors que l’on voit bien que les fauteurs de guerre sont ailleurs.

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