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Un espion qui tombe à pic

Une bien étrange affaire, décidément. Le 4 mars, un ancien espion militaire russe, ainsi que sa fille, sont retrouvés mourants sur un banc d’une paisible ville du sud de l’Angleterre, apparemment victimes d’une substance innervante. Immédiatement, les doigts accusateurs pointent vers le Kremlin, soupçonné d’avoir voulu tuer cet agent qui avait, entre 1995 et 2004, livré nombre de ses collègues aux occidentaux. Les limiers des services anglais brandissent un produit chimique présenté comme arme de guerre du temps de l’URSS. Moscou, sommé de s’expliquer, réclame un échantillon. En vain.

En réalité, dans ce scénario, rien ne colle. A commencer par cette question de bon sens : alors qu’une action de ce type ne pouvait qu’entraîner des représailles contre la Russie, quel intérêt auraient eu ses dirigeants à opérer une pareille vengeance à quelques jours des élections présidentielles et à quelques mois de la coupe du monde de football – deux événements certes très différents mais que Moscou entend valoriser sur la scène internationale ? A fortiori quand on sait que la victime, ayant déjà trahi, ne représentait plus aucun danger stratégique ; et qu’elle avait même, avant de faire l’objet d’un échange d’espions en 2010, purgé quatre années de réclusion sur le sol russe, où il aurait tout de même été plus simple de l’éliminer discrètement. Bien d’autres incohérences caractérisent ce dossier mystérieux.

Ce qui est en revanche tangible, ce sont les mesures de rétorsion annoncées par Theresa May, dont le renvoi de vingt-trois diplomates russes – un geste sans précédent depuis plusieurs décennies. En outre, l’autorisation d’émettre de la chaîne russe RT est sur la sellette, au motif que celle-ci aurait pris un point de vue non conforme à la thèse officielle... Initialement, d’aucuns avaient même plaidé pour le renforcement des effectifs de l’OTAN à proximité des frontières russes. Mais la ficelle serait peut-être un peu trop visible.

Quoiqu’il en soit, le premier ministre, en difficulté sur la scène politique intérieure, a soudain pu bénéficier d’une miraculeuse union sacrée au Parlement (du Labour jusqu’à ses adversaires à l’intérieur de son propre parti). Seul le chef travailliste Jeremy Corbyn, quelque peu isolé parmi ses collègues, a osé un parallèle implicite avec la manipulation qui fut montée en 2004 pour justifier l’invasion de l’Irak (la fiole agitée par Colin Powell), à l’époque relayée par Anthony Blair.

D’autre part et surtout, Londres a reçu des marques ostensibles de soutien de la part de Berlin, Paris et Washington, ainsi que de l’OTAN... et de l’Union européenne. Que Bruxelles témoigne ainsi bruyamment sa « solidarité » envers le Royaume-Uni, voilà qui n’était pas arrivé depuis que les électeurs avaient choisi la sortie de l’UE en juin 2016. Cela tombe à pic pour Mme May qui avait plaidé en vain, en février dernier, pour un accord de sécurité avec l’UE après le Brexit, mais s’était heurtée à l’intransigeance des Vingt-sept.

Enfin, il faut noter la montée d’une hystérie anti-russe. Dans la période qui a précédé le scrutin présidentiel du 18 mars, documentaires et reportages se sont multipliés stigmatisant l’« autocrate du Kremlin », tandis que « hackers », « trolls » et « fake news » passent désormais pour des termes (exclusivement) russes. Vladimir Poutine aurait manipulé la présidentielle américaine, le référendum britannique, et tenté de fausser le verdict des urnes en France et en Allemagne. Bref, il n’y a bien que sa propre réélection dans laquelle il ne s’est pas ingéré : même ses détracteurs les plus radicaux n’ont pu contester la réalité de sa popularité à la maison.

En quelques jours, le sort malheureux d’un ancien espion en retraite a donc entraîné un durcissement sans précédent des représailles et menaces contre Moscou, y compris de la part de Donald Trump, jusqu’ici plus réservé. Et cela précisément au moment où la Russie est en passe de remporter la partie diplomatico-militaire qu’elle a engagée en Syrie depuis 2013 (ce qui lui vaut les leçons de morale de ceux qui ont bombardé et réduit à l’état de ruines Rakka et Mossoul), dont l’objectif était d’empêcher un changement de régime de l’extérieur.

Avant la nomination de l’ultra-belliqueux John Bolton comme conseiller à la sécurité nationale, mais après la promotion du patron de la CIA, le faucon Michael Pompeo, comme nouveau secrétaire d’Etat, Le Monde titrait sur toute sa Une le 15 mars : « A la Maison-Blanche, la victoire des va-t-en-guerre ».

Au sens littéral ?

Pierre Lévy,
rédacteur en chef du mensuel Ruptures
(informations et abonnements : https://ruptures-presse.fr/abonnement/)

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Si j’étais le président, je pourrais arrêter le terrorisme contre les Etats-Unis en quelques jours. Définitivement. D’abord je demanderais pardon - très publiquement et très sincèrement - à tous les veuves et orphelins, les victimes de tortures et les pauvres, et les millions et millions d’autres victimes de l’Impérialisme Américain. Puis j’annoncerais la fin des interventions des Etats-Unis à travers le monde et j’informerais Israël qu’il n’est plus le 51ème Etat de l’Union mais - bizarrement - un pays étranger. Je réduirais alors le budget militaire d’au moins 90% et consacrerais les économies réalisées à indemniser nos victimes et à réparer les dégâts provoqués par nos bombardements. Il y aurait suffisamment d’argent. Savez-vous à combien s’élève le budget militaire pour une année ? Une seule année. A plus de 20.000 dollars par heure depuis la naissance de Jésus Christ.

Voilà ce que je ferais au cours de mes trois premiers jours à la Maison Blanche.

Le quatrième jour, je serais assassiné.

William Blum

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