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Antisocial : La guerre sociale est déclarée, de Thomas Guénolé

Introduction : Il y a parfois des moments, où il est nécessaire de faire la promotion d’un livre, non pour le vendre, mais pour qu’il soit lu. Car ce qui compte dans le livre comme dans un journal, n’est pas le titre de propriété apparent que confère la dépense financière de l’achat, mais le rapport réel que confère sa lecture. Acheter un livre pour le stocker dans sa bibliothèque dévie l’utilité du bien pour le transformer en marchandise éventuellement spéculative, à l’image des tableaux. Dit autrement, « le livre n’appartient pas à celui qui l’achète, mais à celui qui le lit ». En l’occurrence, ici nous avons un vrai livre, dont l’utilité réelle ne peut être définie que par ses lectures successives et partagées afin que la substantifique moelle produise sur le corps social ses effets réels…

Un livre simple : l’auteur a cette qualité essentielle d’une écriture simple lisible et compréhensible par le plus grand nombre. De plus, les chapitres courts peuvent se lire de manière indépendante. On peut y rentrer dedans, sans être obligé de commencer par le début, à l’exception, et c’est normal, de son prologue qui, je le dis, met immédiatement le lecteur en situation d’appétence. Bien sûr, la compréhension globale de la démarche prend d’autant plus de sens que l’on suit le plan conçu par l’auteur, mais en ces temps de « manque de temps » et de « lecture SMS » la possibilité est offerte de picorer, en fonction de son humeur ou des questions sociales du moment.

Le Capitalisme sur le divan : Au-delà du contenu économique, sociologique et politique du contenu, nous avons ici le premier livre « d’analyse psychanalytique » du « capitalisme mondialisé » et des « réformes » appliquées de manière violente à notre société, dont le fondement est son système social que le MEDEF abhorre. Je rassure ici le lecteur, aucun terme psychanalytique n’est ici utilisé. Mais sur chaque thème abordé, les travestissements idéologiques sont dévoilés et le réel peut ainsi apparaître dans toute sa splendeur, mettant de fait à mal toute l’idéologie libérale promue par les médias propagandistes du marché. A ce titre cet ouvrage renvoie, pour moi, à « l’idéologie allemande », dont la démarche consistait aussi à dévoiler de manière philosophique l’idéologie du capitalisme. Sont ainsi successivement mis sur le divan :

• Le chômage et les chômeurs
• Le code du travail
• Le syndicalisme
• La santé
• La retraite
• L’Education Nationale
• Les services publics et les fonctionnaires
• Le système fiscal
• Les oubliés.
• Mai 68 et les luttes sociales.

Dura lex sed lex : La plus grande force du livre ne vient pas des analyses énoncées, que syndicalistes ou militants politiques nous partageons de manière plus ou moins intuitive, ou par réflexe de « lutte de classe », mais par les chiffres incontestables et incessants à l’image des déferlantes qui attaquent les falaises des certitudes, et qui se répètent, pour chaque thématique, dans le sens contraire de tout ce que nous entendons au quotidien et dont l’objet est de justifier les « réformes » et de désarmer les militants. Incontestables, car venant des organes officiels peu susceptible de pouvoir être remis en cause (O.C.D.E, O.F.C.E, I.N.S.E.E, O.N.U, O.M.S).

Incontestables aussi sont les citations venant à l’appui du raisonnement énoncé car venant de la presse « main-stream » (Libération, Le Monde, Le Point, l’Express) peu susceptible de sympathie « sociologique », d’écriture « gauchisante » voir pire... de contenu Marxiste.

Dura lex sed lex, car l’empilement des statistiques, qui quelque soit le chapitre dévoile les mêmes résultats, allant toutes dans le même sens (« Antisocial »), ne peut plus se parer du voile mythique de la « main invisible », mais dévoile de fait une logique de système, de planification du profit et des pauvretés, imposée en amont car « c’est sur l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches » / Victor HUGO. C’est le démontage de ce système qui, ici, est matérialisé et les statistiques révélées sont plus dures que la loi.

Les critiques : Aucune œuvre humaine n’étant parfaite, je souligne ici quelques remarques, mais qui sont de ma lecture personnelle et qui peuvent éventuellement ne pas correspondre à un autre lecteur.

• Insuffisance de graphiques : L’économiste que je suis considère que le graphique est le meilleur moyen de représenter les statistiques en vue d’en dévoiler la profondeur. Il est dommage que cette forme ne soit utilisée que de manière très limitée, nécessitant de fait une lecture de tous les chiffres annoncés et obligeant de fait à une comparaison que l’on se construit dans la tête, ce qui est plus difficile pour le profane.

• Manque d’un chapitre systémique : Si tous les chapitres s’enchaînent et dévoilent chacun la cohérence interne, il manque un chapitre systémique pour montrer comment la crise vient de loin. Certes, cet aspect est dévoilé (la crise du système de Bretton Woods de 1971) mais elle est juste abordée dans le chapitre consacré aux fonctionnaires, alors qu’elle est la cause fondamentale de « l’ère des crises » que nous subissons depuis plus de 40 ans maintenant.

A la place, nous avons un chapitre sur « un nouveau mai 1968 » tout à fait intéressant et un épilogue intitulé « Que faire ? » rappelant l’interrogation de Lénine, nous renvoyant avec justesse à nos responsabilités individuelles et collectives.

Ouverture : Un livre percutant, se lisant comme on regarde une pièce de théâtre, dont le rideau se lève pourtant sur une scène inconnue aux spectateurs et pourtant plus réelle que toutes les comédies qui nous sont récitées à longueur d’antenne. Il serait très important que chaque section de syndicat en achète quelques exemplaires (18 euros-270 p), et le fassent circuler parmi les militants et au-delà. La « lutte des classes » dépend de la « conscience de classe » et ce livre, à l’image des « philosophes des lumières » contribue à la « prise de conscience ». En ces temps de régression sociale, et afin de remettre le monde à l’endroit, nous en avons toutes et tous besoin. Précisons que l’auteur Thomas Guénolé, est « politologue », formé par Sciences-Po, et politiquement engagé à « France Insoumise », ce qui n’est pas un moins mais l’expression qu’à l’image de Marx, c’est en son sein que le capitalisme fait émerger les intelligences qui le combattent le mieux.

Le 2 Avril 2018,

Fabrice

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Lorsque l’on tente, comme ce fut le cas récemment en France, d’obliger une femme à quitter la Burqa plutôt que de créer les conditions où elle aurait le choix, ce n’est pas une question de libération mais de déshabillage. Cela devient un acte d’humiliation et d’impérialisme culturel. Ce n’est pas une question de Burqa. C’est une question de coercition. Contraindre une femme à quitter une Burqa est autant un acte de coercition que l’obliger à la porter. Considérer le genre sous cet angle, débarrassé de tout contexte social, politique ou économique, c’est le transformer en une question d’identité, une bataille d’accessoires et de costumes. C’est ce qui a permis au gouvernement des Etats-Unis de faire appel à des groupes féministes pour servir de caution morale à l’invasion de l’Afghanistan en 2001. Sous les Talibans, les femmes afghanes étaient (et sont) dans une situation très difficile. Mais larguer des "faucheuses de marguerites" (bombes particulièrement meurtrières) n’allait pas résoudre leurs problèmes.

Arundhati Roy - Capitalism : A Ghost Story (2014), p. 37

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