Ces remarques se rapportent à l’émission de France Inter du mercredi 18 janvier, entre 8 h 20 et 8 h 43. Les deux animateurs, Nicolas Demorand et Léa Salamé, recevaient Jérôme Fourquet, de l’IFOP, et Adélaïde Zulfikarpasic, de BVA, pour analyser le rapport des Français à la réforme des retraites.
Cette émission fut un grand moment de propagande, où les deux journalistes et leurs invités se sont efforcés de légitimer cette réforme et de décourager les Français de se mobiliser contre elle. Ce n’était d’ailleurs pas la première fois que, les uns et les autres, ils procédaient à cette opération, comme Le Monde diplomatique et Acrimed (entre autres) l’ont relevé à plusieurs reprises.
Au début, Adélaïde Zulfikarpasic, interrogée par Nicolas Demorand sur la possibilité que la mobilisation tienne dans la durée, ou qu’il y ait une explosion sociale, évoque les autres causes potentielles d’explosion sociale (l’inflation, le pouvoir d’achat, les négociations salariales, les gilets jaunes...) et conclut ainsi : "tous les voyants sont au rouge pour qu’il y ait une mobilisation..." Curieuse formulation ! En effet, lorsque les voyants sont au rouge, c’est que tout s’arrête, que tout est immobilisé, que rien n’avance plus. Or, si la mobilisation (c’est-à-dire le mouvement) démarre, il faut que les voyants soient, au contraire, au vert ! Il semblerait que, la directrice de BVA, répugne à associer le vert, couleur positive (couleur de la végétation, couleur du signal de départ...) à une mobilisation sociale contre l’autorité, le gouvernement, le patronat, les hiérarchies sociales. D’où cette inversion du sens du rouge - qui renoue néanmoins avec la vieille tradition qui voulait qu’avant de se révolter, les classes populaires, jadis, commençaient par hisser le drapeau rouge...
Léa Salamé : "La lassitude, la résignation, c’est le pari que fait Emmanuel Macron, qui pense, en gros, que les Français sont trop fatigués pour faire comme par le passé. Est-ce un pari réaliste, à votre sens ou il y a une opposition forte à ce projet, et est-ce que cette opposition est grandissante au fil des jours ?"
Remarque 1. La question de Léa Salamé donne l’impression qu’elle se place dans la peau d’Emmanuel Macron et qu’elle espère que les Français ne vont pas se mobiliser comme par le passé, ni fortifier leur opposition au fil des jours.
Jérôme Fourquet : "Ce qu’on constate, c’est qu’il y a une forme de stabilité sur le soutien et la sympathie au mouvement de grève et de protestation. D’après les données de l’IFOP c’est à peu près un Français sur deux qui soutient ou qui a de la sympathie pour ce mouvement. Si on compare, faut qu’on essaye de se donner des jauges, on est dans les étiages qu’on observait au début du mouvement de novembre-décembre 95, qui est souvent pris en référence par les syndicalistes et à peu près aussi à ce qu’on observait au début du mouvement sous le précédent quinquennat, quand déjà Nicolas... euh Emmanuel Macron avait essayé de réformer les retraites...
Remarque 2. Lorsque Fourquet parle "d’une forme de stabilité", il prend la suite de Léa Salamé, qui évoquait l’hypothèse d’une forte mobilisation ("comme par le passé"), voire d’une opposition croissante au fil des jours. Cette "forme de stabilité" résonne, dans la bouche de Fourquet, comme une redescente par rapport à l’hypothèse de Léa Salamé, comme une façon de dire "il n’y en a pas davantage". Ce qui conforte cette idée, c’est que Fourquet parle d’étiage. Or l’étiage est le débit minimal d’un cours d’eau, la période où ce cours d’eau atteint son plus bas niveau. Mais l’étiage (comme, symétriquement, la crue) ne se mesure que par rapport au niveau moyen , qui sert alors de référence : on n’a pas un étiage dans l’absolu, on a un étiage par rapport à un niveau moyen. L’étiage mesure une différence et postule implicitement deux chiffres, celle d’une moyenne et celle d’une valeur à un moment donné (comme la température, la pression ou les précipitations). Or Fourquet n’a jamais fourni ce chiffre de référence...
Remarque 2.1. De plus Fourquet lâche un lapsus révélateur : il commence par dire Nicolas, pour se reprendre immédiatement et dire Emmanuel Macron, prouvant ainsi qu’il établit une filiation idéologique entre Sarkozy et Macron. On ne saurait avouer plus ingénument que Macron est, socialement, dans le même courant de droite ultralibérale que Sarkozy...
Jérôme Fourquet : "[...] Je vous donnerai juste quelques chiffres, pour voir, pour essayer de montrer comment l’inscription dans le temps d’un mouvement est la clé de la victoire. En 95, on part, à la SNCF par exemple, avec un taux de grévistes qui était de 65 % au début du mouvement. Quinze jours plus tard, il était encore de 58 %. En 2019, on est parti sur un niveau qui était à peu près identique, à 56 % au début, mais au bout de 15 jours, il n’y avait plus que 14 % de grévistes. Ça se concentrait essentiellement sur les conducteurs et les aiguilleurs. Donc c’est la capacité à s’inscrire dans la durée qui va faire le succès ou non de cette mobilisation.
Remarque 3. Même si Fourquet compare les données d’une mobilisation victorieuse à celles d’une mobilisation infructueuse, ce qui importe, il fournit en second les données relatives à l’échec de la mobilisation. Or, lorsqu’on veut insister sur un argument plutôt que sur un autre, celui sur lequel on veut mettre l’accent, celui sur lequel on penche, on le donne toujours en second...
Jérôme Fourquet. "Je pense que [la mobilisation] sera beaucoup concentrée sur les retraites, qui est un vrai totem en France [...] On a interrogé en 2021les Français ce qu’ils gardaient des deux septennats de François Mitterrand à l’occasion du 40e anniversaire de sa victoire et les deux premières mesures qui étaient citées, c’étaient la 5e semaine de congés payés et, en deux, la retraite à 60 ans. [...] Dans les milieux cadres, c’est ça [la peine de mort] qui sort en premier mais, chez les ouvriers, employés, professions intermédiaires, c’est la retraite à 60 ans et donc, au terme de réformes successives, beaucoup de Français, notamment parmi ceux qui ont des métiers pénibles, c’était, quelque part, l’effacement de la grande conquête sociale qui avait été la retraite à 65 ans [sic !]..."
Remarque 4. Ce terme totem, en français, employé en dehors de son contexte amérindien (mais parce qu’on ne peut jamais ignorer son contexte amérindien...) est un terme péjoratif. Il appelle comme synonymes "amulette", "fétiche", "gri-gri", "porte-bonheur", "mascotte", "talisman"... c’est-à-dire des concepts liés à des peuplades primitives, se rapportant à des croyances pré-logiques. Dans l’esprit de Fourquet, l’attachement des Français à leur système de retraites relève du même ordre que les croyances aux rebouteux, aux trèfles à quatre feuilles, aux chats noirs qui traversent la route de droite à gauche...
Remarque 5. Après le lapsus "Nicolas" [sous-entendu Sarkozy] en lieu et place d’Emmanuel Macron, voici le second lapsus de Fourquet : il a tellement envie que la mobilisation populaire échoue qu’il enjambe le projet à 64 ans prévu par le tandem Macron-Borne pour en revenir à la situation antérieure à Mitterrand : 65 ans ! [Et ce qui est révélateur, c’est que ce lapsus n’a été relevé par personne ! Ni par Adrienne Zulfikarpasic, ni par Nicolas Demorand ni par Léa Salamé. Comme si, pour eux trois, la réforme à 60 ans de Mitterrand n’avait jamais existé...]
Adélaïde Zulfikarpasic : "A mon avis, c’est pas le sujet principal [la défiance envers Macron comme motivation des mobilisations du 19 janvier], il y a toujours de l’opposition à l’égard d’Emmanuel Macron mais je pense qu’il faut tempérer cela et qu’il faut avoir en tête que selon les enquêtes d’opinion et selon les instituts, il a quand même un socle d’opinions positives de 40 % depuis le début de la crise sanitaire et 40 % alors qu’on est au 2e mandat à l’aube d’une crise sociale potentiellement majeure, c’est pas rien. Alors il a quand même un socle solide et je pense que ce n’est pas rien... Alors, je pense que ce qui se joue là, c’est la reforme des retraites, qui est un totem pour les Français [...] en revanche, si Emmanuel Macron venait à déborder et, bon, pourquoi pas, à émettre une petite phrase dont il est coutumier, ça pourrait, pour le coup, mettre le feu et inscrire le mouvement dans la durée...
Remarque 6. Il est possible que ce que je vais dire soit une surinterprétation. Néanmoins je vous la livre : j’ai eu l’impression, à écouter Adélaïde Zulfikarpasic, qu’il y avait, chez elle, le souhait que Macron tienne bon (d’où la référence à son "socle" de 40 % d’opinions favorables susceptible de l’appuyer dans sa résistance aux mobilisations) et sa crainte qu’emporté par sa fougue, Macron ne sorte une phrase aussi provocatrice que maladroite (genre les salariées de l’abattoir Gad illettrées ou bien le pognon de dingue dépensé pour les pauvres en pure perte), qui alimenterait l’indignation et enflammerait le mouvement.
Remarque 6.1. Ce qui me conforte dans cette idée, c’est que Léa Salamé reprend : "Il ne faut pas qu’il aille dire, "il suffit de traverser la route" et Jérôme Fourquet, faisant chorus : "... et qu’il dise "du travail il y en a partout". Autrement dit les deux journalistes et leurs invités ont la hantise que Macron - tel un gamin ingérable qui lâche un secret de famille qu’on lui a recommandé de taire - ne saborde un esquif (la "réforme des retraites") que le quatuor voit avec de l’eau jusqu’au bastingage...
Adélaïde Zulfikarpasic : "Les Français disent que la réforme est injuste. Mais tous les Français ne sont pas opposés à la réforme. Dans les enquêtes d’opinion on voit que 6 Français sur 10 sont opposés à la réforme, donc qu’il y en a 4 sur 10 qui la soutiennent..." Puis suit un échange entre Adélaïde Zulfikarpasic et Léa Salamé, où les deux femmes donnent l’impression de regretter que le gouvernement n’ait pas été clair quant aux finalités générales (dégager de l’argent pour des objectifs généraux ou s’en tenir aux seules retraites), ce qui a provoqué de la défiance à l’égard de la réforme. Et l’on sent les deux femmes dépitées de cette valse-hésitation...
Remarque 7. Adélaïde a beau insister sur le fait que 40 % de soutien de la réforme c’est beaucoup, il n’empêche pas moins que c’est quand même la minorité ! Or, aujourd’hui, en France, pour tout type de scrutin, la majorité se dessine à moins que cela : 52 ou 53 %, c’est déjà bien beau. Le référendum sur le TCE (Traité Constitutionnel Européen) en 2005, par exemple, a été rejeté, en France, par près de 55 % des votants, ce qui était énorme, compte tenu que la quasi-totalité des médias, pendant des mois, s’était engagée pour le Oui.
Nicolas Demorand : "Jérôme Fourquet, sur la nature juste ou injuste de la réforme, quelle est la perception des Français ?"
Jérôme Fourquet : "[...] Il faut aussi ajouter un autre pan dans cette réforme, c’est la suppression progressive des régimes spéciaux, à laquelle 59 % des Français sont favorables, et c’est ça aussi qui peut être un élément de fragilité dans la mobilisation..." Un peu plus loin, s’agissant des salariés qui exercent des métiers pénibles, Fourquet dit : "Il y a sans doute des messages très ciblés à adresser à ces publics..."
Remarque 8. Jérôme Fourquet revient sournoisement sur cette question des "régimes spéciaux", vieille ficelle de la droite, du patronat et des ultralibéraux, dont le but est de diviser le monde salarial, d’exciter l’animosité envers les syndicats, et d’affaiblir les mobilisations. Alors que ces régimes spéciaux ne concernent que 3 % des salariés, qu’ils sont en voie d’extinction, et que, par rapport aux régimes spéciaux... des milliardaires, ils ne représentent que peu de chose. Depuis des siècles, la tactique des riches, des grands propriétaires, des magnats, des maîtres de forges, a été de monter, d’exciter les classes les moins favorisées contre la classe moyenne qui souvent, portait les revendications et fournissait l’encadrement des révoltes et des révolutions. Et le quatuor Salamé -Demorand, Zulfikarpasic - Fourquet répond bien eux vœux de ses maîtres...
Remarque 8.1. Traduite en langage cynique la remarque de Fourquet ("Il y a sans doute des messages très ciblés à adresser à ces publics...") signifie : "Il faut jeter quelques pièces jaunes à ces gueux afin qu’ils ne nous brisent pas davantage les tympans. On remarquera le mépris implicite de Fourquet : il n’est même pas question d’accorder des concessions réelles, des mots suffiront ! Cela rappelle la "pédagogie" dont le gouvernement nous rebat les oreilles : si la réforme est rejetée, c’est que le gouvernement n’a pas fait assez de "pédagogie" ! Comme si les salariés n’avaient pas compris le message : on va te couper un bras et on t’expliquera comment te débrouiller avec l’autre...
Remarque 9. A un moment, Adélaïde Zulfikarpasic évoque la précédente tentative de réforme de Macron (celle de 2019), qui était une retraite à points. Et Léa Salamé, pour caractériser cette réforme, dit : c’était une réforme révolutionnaire. Encore une fois, les journalistes pervertissent le sens des mots : révolutionnaire a un sens déterminé par les révolutions de 1789, de 1917, et tous les mouvements de décolonisation, avec un sens social très marqué. Or la retraite à points de 2019 était contre-révolutionnaire ! C’était une réforme anti-sociale. Elle avait pour slogan : "un euro cotisé, un euro versé". Soit, en langage trivial : "Tu as eu un salaire de misère, tu auras une pension de misère"... Et les gouvernements de droite n’ont eu de cesse de tordre ce mot dans leur sens : on se souvient de la Révolution nationale du régime de Vichy...
Puis on passe aux questions des auditeurs et la première question émane d’une Dominique, qui est contre la réforme, qui fera grève, mais (un "mais" répété plusieurs fois par Nicolas Demorand dans sa présentation de l’auditrice), qui a pris une demi-journée mais qui, s’il y a une grève reconductible, n’aura pas les moyens de la suivre...
Jérôme Fourquet, interrogé par Nicolas Demorand, signale qu’en 2010, lors de la dernière grande crise, 54 % des Français arrivaient à mettre de l’argent de côté lorsqu’ils avaient tout payé, ce qu’ils ne sont désormais que 37 % à pouvoir faire. Ce qui semble à Fourquet un élément de fragilité pour la mobilisation. Il prend un ton neutre pour l’énoncer mais on sent chez lui l’euphorie contenue d’un général qui constaterait que les seuls avions ennemis sont des Spad VII de la guerre de 14... Plus loin, Fourquet enfonce le clou en disant que le télétravail s’est beaucoup développé depuis le Covid, ce qui fait que les grèves (notamment des transports) perturberont moins la machine économique. Pour filer la métaphore précédente, c’est comme si Fourquet disait : "Nous, face à leurs Spad, on aligne des Rafale"...
Autre auditeur, Jean-François, qui se dit pour la réforme des retraites et qui, du fait qu’il a cotisé durant des années (pour bénéficier, selon ses termes, d’une retraite "satisfaisante"...) refuse d’être mis à contribution pour payer les retraites des nécessiteux.
Remarque 10. On note, chez cet auditeur, la même argutie dont usent tous les gens de droite (et dont, un peu plus haut, ont usé Léa Salamé et Adélaïde Zulfikarpasic) : celle qui consiste à ignorer, à négliger, à déprécier la lutte des classes pour lui substituer un autre antagonisme (au demeurant artificiel) : la lutte sociale entre classes d’âge, les deux femmes ayant souligné que l’électorat de Macron, comme celui de Ciotti, était formé essentiellement de retraités. Comme s’il y avait un point commun entre un chirurgien retraité et une femme touchant le minimum vieillesse, entre une ancienne haute fonctionnaire et un manœuvre retraité émargeant à 900 euros par mois...
Remarque 11. Ce Jean-François rajoute même une précision significative : "l’idée de solidarité inter-générationnelle est assez mal venue pour des gens qui ont cotisé ou épargné pendant des année...". "Épargné", cela signifie que le Jean-François en question n’a pas fait de souscrire à une caisse de retraite, il a aussi investi dans des fonds de pension, ou il a des actions, des obligations, une assurance-vie ou des appartements qu’il loue... Il appartient donc à la frange supérieure des Français (des électeurs de Macron ou de Ciotti), ceux qui n’entendent pas lâcher un sou pour les pouilleux et les crève-la-faim...
Léa Salamé : "Ça marche, l’argument des plus riches, parce qu’on le voit dans l’opposition de gauche, notamment les Insoumis, tout de suite après l’opposition à la réforme des retraites, ils vous parlent tout de suite du CAC 40, des dividendes, des très riches, de l’argent qu’il faut aller chercher et bla-bla-bla... est-ce que ça impacte les Français, ça, ces chiffres dingues qu’on donne, là, les records, ou pas du tout ?
Remarque 12. On notera d’abord, avec le "bla-bla-bla", le mépris, la morgue de Léa Salamé à l’égard, d’une part, des analyses soulignant le fossé grandissant entre les riches et les pauvres, entre les gens qui se nourrissent aux Restaus du Cœur et les 150 milliards de Bernard Arnault, et d’autre part, son animosité envers les programmes politiques de gauche prônant une politique fiscale énergique à l’égard des riches. Et on voit bien la réponse qu’elle sollicite de son interlocutrice : "Non, les Français ne font pas le lien entre le déficit des régimes de retraite et les milliards des hyper-riches (et, sous-entendu : "Et nous ici, à France Inter, nous ferons tout pour que les auditeurs n’établissent pas ce lien...").
Adélaïde Zulfikarpasic, qui a très bien compris ce qu’on attendait d’elle, répond : "Ça impacte les Français, mais je ne suis pas sûr qu’ils fassent le lien avec ce débat-là, dans leur esprit, c’est un sujet différent la taxation des très hauts revenus, on en a parlé aussi, la contribution des très riches à l’effort écologique, on en a parlé au mois de septembre, notamment avec la question des jets. Pour moi, c’est deux sujets différents, c’est pas un jeu de vases communicants, c’est pas leurs richesses contre nos pensions..."
Remarque 13. On est là au nœud du problème, là où l’idéologie des Zulfikarpasic, Salamé, Fourquet, Demorand s’étale dans toute son obscénité : il ne faut surtout pas que les salariés établissent des liens, des relations, des connexions. Il faut que la fortune des milliardaires (ou les profits du CAC 40), d’une part, et le déséquilibre du régime des retraites, d’autre part, soient bien mis dans des cases hermétiquement étanches, hétérogènes, séparées. Que se passerait-il, en effet, si les salariés, les retraités, les chômeurs, les sans-abri, se remémoraient le mot de Victor Hugo : "Le paradis des riches est fait de l’enfer des pauvres" ?
Remarque 14. Je note aussi avec amusement un autre lapsus de Jérôme Fourquet, lorsqu’il parle du premier septennat de Nico... euh, pardon de François Mitterrand. Fourquet n’a dans la tête que des références de droite, des mots de droite, des noms de droite...
Léa Salamé. "Je reviens à votre toute première question, Adélaïde Zulfikarpasic. Pourquoi les Français battent-ils des records de pessimisme ? Pourquoi ? Je ne veux pas ressortir la phrase de Sylvain Tesson. Si, je vais la ressortir : "La France est un paradis peuplé de gens qui se croient en enfer." Mais quand on se compare, là je veux sortir complètement de la politique, est-ce que tout va si mal, en France ?"
Remarque 15. Léa Salamé ressort le refrain inusable de tous les privilégiés, patrons, dominants : "Mais de quoi vous plaignez-vous ? Avez-vous le sort des Haïtiens, des Érythréens, des Afghans (et, plus encore, des Afghanes), des Ukrainiens, des Ouigours ?" Comment osez-vous manifester alors que vous avez l’eau courante, les supermarchés, plusieurs chaînes de télé, une voiture et Internet ? De surcroît, elle ose dire qu’elle veut sortir de la politique ! Comme si la répartition des richesses et du fardeau des dépenses ne relevaient pas précisément de la politique ! Comme si la Révolution française n’était pas issue du refus des privilégiés de contribuer aux charges du royaume ! Où Léa Salamé a-t-elle étudié l’histoire ?
Remarque 16. Sans doute y avait-il beaucoup d’auditeurs qui attendaient d’apporter leur témoignage et il fallait choisir. Mais pourquoi, parmi tous ces auditeurs, avoir choisi une femme qui avouait ne pouvoir appuyer le mouvement dans la durée et un homme qui était contre le mouvement de protestation ? En quoi était-ils représentatifs des opinions des Français, alors que les journalistes et leurs invités reconnaissaient précisément que ce mouvement était soutenu par 60 % de la population ?
En conclusion. J’ai laissé de côté un tiers de l’émission, peut-être par fatigue, peut-être par souhait de ne pas lasser les lecteurs. Mais ce que j’ai relevé me paraît confirmer ce que Le Monde diplomatique ou Acrimed ont démontré à suffisance : à savoir que les médias de grande diffusion (papier, radio, télévision) servent de dociles auxiliaires aux riches, aux puissances financières, aux grandes entreprises.