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Un regard franchement communiste sur l’héritage gaulliste

2020 est une année symbole des Anniversaire(s) de la naissance (1890), de la mort (1970) de Charles De Gaulle et de l’Appel du 18 juin (1940). l’occasion pour les communistes de tirer un bilan de ce qu’est, 50 ans après, l’héritage gaulliste dans la France de 2020 et, ce, alors que les hagiographies, de l’édition au cinéma, font florès.

C’est ce que Georges Gastaud, secrétaire national du PRCF, invite à faire dans cette tribune.

Quand Charles De Gaulle décéda brusquement le 9 novembre 1970, René Andrieu, dirigeant communiste et ancien résistant F.T.P.F., écrivit sobrement ceci dans l’éditorial qui devait paraître dans l’Humanité du lendemain : « L’héritage du général De Gaulle n’est pas le nôtre », mais il n’en était pas moins « un grand homme d’État, le plus grand sans doute qui soit sorti des rangs de la bourgeoisie française à notre époque ». Telle est, à rebours de tout manichéisme, la complexité dialectique du jugement que portent les communistes sur l’héritage politique du chef de la France libre, devenu tout à la fois, en mai 1958, le président autocrate de la Ve République... et la « bête noire » de Washington et de certains milieux oligarchiques de l’Hexagone !

Grandeur et servitude du patriotisme bourgeois

Charles De Gaulle, c’était en effet l’officier épris d’une « certaine idée de la France » qui, en juin 1940, avait su braver sa classe, la grande bourgeoisie massivement ralliée à Pétain, pour appeler les Français encore sous les drapeaux à poursuivre le combat coûte que coûte : ce fut le célèbre appel du 18 juin 1940 sous le chef duquel l’officier rebelle fut bientôt, par contumace, condamné à mort par Vichy. Mais De Gaulle, c’était aussi le grand bourgeois de droite qui, devenu président du Conseil à la Libération, tenta d’entraver la mise en œuvre du programme social du C.N.R. et qui démissionna soudainement pour ne pas avoir à contresigner le paquet de réformes progressistes portées par ses ministres communistes Thorez, Paul, Croizat, Bileux et Casanova : au centre desdites réformes figurait notamment la toute nouvelle Sécurité sociale inspirée du principe communiste « De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins ». Ramené au pouvoir en 1958 par le premier putsch d’Alger qu’avait lâchement couvert, sinon approuvé, la S.F.I.O., le général eut ensuite le réalisme d’accepter bon gré mal gré la marche à l’indépendance du peuple algérien, ce qui lui valut d’essuyer deux attentats diligentés par les ultra-colonialistes de l’OAS ; de même, faute de pouvoir stopper l’inéluctable décomposition de l’Empire français, le général-président sut faire droit, formellement, aux indépendances africaines tout en faisant le nécessaire, avec l’aide du ténébreux Jacques Foccart, pour favoriser le néocolonialisme sulfureux et souvent sanglant de ce qui allait devenir la « Françafrique ». Installé au pouvoir avec l’aide du « socialiste » Guy Mollet, De Gaulle fit voter une constitution très autoritaire, instituant le pouvoir personnel du chef de l’État. Constamment, il ignora le Sénat et, avec la collusion des députés « godillots » de l’UNR, il réduisit l’Assemblée nationale au rôle de figurant. Son gouvernement marginalisa la CGT (jusqu’à ce que l’énorme grève ouvrière de mai-juin 1968 eût obligé Pompidou, alors premier ministre et homme-lige des milieux d’affaires, à faire montre de plus de réalisme). En outre, le pouvoir verrouilla à triple tour la radiotélévision d’Etat et réprima brutalement le Parti Communiste à l’aide de hauts fonctionnaires sanglants issus de Vichy comme le préfet de police Maurice Papon (on se souvient des neuf militants communistes tués par la police au métro Charonne à l’issue d’une manifestation pacifique pour la paix en Algérie, et aussi des centaines d’Algériens assassinés par la police à l’issue d’une manifestation du F.L.N. en octobre 1961). Bref, la Cinquième « République » était – et est d’ailleurs de plus en plus – un régime autoritaire étroitement ajusté aux besoins de gouvernance de ce « capitalisme monopoliste d’État » encore principalement hexagonal que décrivaient alors justement les économistes marxistes du PCF : au nom de la « grandeur » française, l’État gaulliste réprimait les grèves, par exemple celles des mineurs du Nord en 1962, mais il subventionnait fort généreusement la concentration capitaliste à l’échelle nationale (les Rhône-Poulenc, Péchiney-Ugine-Kuhlmann, Paribas, Saint-Gobain-Pont-à-Mousson et autre BSN-Gervais-Danone, le jeu de Monopoly orchestré par l’État et les grandes banques était incessant...) pour ce faire, il prenait appui sur les nationalisations d’après-guerre qu’avaient mises en place, dans un tout autre esprit faut-il le dire, les anciens ministres communistes Maurice Thorez, François Billoux et Marcel Paul (nationalisation des mines, des industries électriques et gazières, de l’armement, de la production aéronautique, de Renault...).

Une politique étrangère audacieuse et non alignée

Dans le même temps, De Gaulle refusait, non sans quelque panache, l’étouffante mainmise nord-américaine sur le monde occidental de l’après-guerre ; le Général retirait la France du commandement intégré de l’OTAN (1966) et expulsait du sol français les troupes nord-américaines stationnées chez nous depuis 1945 : déjà, sous l’Occupation, l’homme du 18 Juin avait pu mesurer l’hypocrisie extrême du « soutien » anglo-saxon à la France et notamment, la volonté des Américains et de Churchill à remplacer une occupation par une autre à la fin de la guerre1 ; privilégiant l’amitié avec le monde arabe, il condamnait durement l’expansionnisme israélien lors de la Guerre des Six Jours (1966). Franchissant à l’occasion les frontières de la Guerre froide, le Général reconnaissait la Chine populaire, faisait un voyage triomphal en URSS et vantait le non-alignement au Cambodge (Discours de Phnom Penh) au grand dam des présidents étasuniens successivement enlisés au Vietnam. Péché suprême, le président français se rendait à Montréal pour y encourager le souverainisme québécois face au rouleau compresseur anglophone. Il prenait ainsi le risque de provoquer les bien-pensants du monde entier que scandalisait son « vive le Québec libre ! » prononcé aux côtés de l’indépendantiste franco-canadien Jean Drapeau. En Europe, après avoir rêvé d’un condominium européen franco-allemand avec Adenauer, De Gaulle finissait par s’opposer au glissement, encouragé par les EU, vers l’Europe supranationale ; il traitait même de « cabris sautant sur leur chaise en criant « l’Europe, l’Europe, l’Europe ! » les euro-béats du parti atlantiste (le MRP clérical de Jean Lecanuet et la SFIO). Il inventa la « politique de la chaise vide » en boycottant les réunions de Bruxelles et refusa même, non sans une grande perspicacité historique, l’entrée de l’Angleterre (et avec elle, celle du Commonwealth tout entier !) dans le Marché commun. Sur le plan de la finance planétaire, la France gaulliste faisait obstacle à l’instauration d’un libre-échangisme mondial souhaité par Washington : elle refusait notamment que le dollar, déconnecté de l’étalon-or, devînt la monnaie mondiale de référence.

À l’époque, tout en combattant la politique antidémocratique et antisociale (cf ci-dessous) du Général, le PCF – alors dirigé par Waldeck Rochet, Jacques Duclos, Etienne Fajon, Benoît Frachon, etc. – avait honnêtement et publiquement exprimé son accord avec « certains aspects positifs de la politique étrangère gaulliste » dans la mesure où elle ouvrait objectivement, un espace à la détente Est-Ouest et au droit des « peuples à disposer d’eux-mêmes ». Déjà, dans les années 1950, les mobilisations parallèles, sinon conjointes, du PCF et des gaullistes du RPF, pourtant farouchement anticommunistes, avaient fait capoter le projet germano-atlantique d’une « Communauté européenne de défense » (CED) : celle-ci visait en effet à diluer l’armée française dans un conglomérat militaire euro-atlantique destiné à recycler le militarisme allemand sous l’égide de l’OTAN en vue de préparer une croisade nucléaire contre l’URSS : cette « Russie soviétique », dont De Gaulle avait reconnu en 1944, lors de la signature à Moscou, en présence de Staline, du premier Traité d’assistance mutuelle franco-soviétique, qu’elle avait « joué le rôle principal dans la libération de la France ». Souvenons-nous aussi qu’en 1943, à une époque où Roosevelt et Churchill s’apprêtaient à débarquer De Gaulle, jugé trop indocile, pour lui substituer l’ultraréactionnaire général Giraud (le but étant d’exclure la France du camp des vainqueurs en 1945 et d’installer chez nous une administration étasunienne après la défaite du Reich), le PCF avait clandestinement dépêché à Londres Fernand Grenier pour apporter le soutien du parti communiste combattant à l’homme du 18 juin : avec des motivations de classes fort différentes, le PCF et De Gaulle convergeaient objectivement sur le plan tactique ; en fait, ils s’appuyaient mutuellement pour éviter qu’à la Libération, la France ne devînt une colonie directe des États-Unis. C’est encore avec De Gaulle, et avec son émissaire, l’héroïque Jean Moulin, que par la suite, et dans la foulée du Front national pour l’indépendance et la liberté de la France créé par le PCF pour unir tous les patriotes résistants, devait se constituer le Conseil National de la Résistance. Celui-ci permettra la convergence politique de la France libre, sise principalement à Londres et à Alger, et de la Résistance armée intérieure que portaient principalement les FTPF, placés sous la direction politique du Front national de lutte pour l’indépendance et la liberté de la France, et les FTP-MOI, directement placés sous la direction du Parti communiste clandestin.

Bien entendu, tout cela fut loin de ressembler à une idylle. Entre De Gaulle et les communistes, entre le patriotisme bourgeois néo-impérial de l’officier de carrière et le patriotisme populaire s’ouvrant à l’internationalisme prolétarien des seconds, il s’agissait moins d’un mariage d’amour que d’un inéluctable et épisodique compagnonnage de raison. Le PCF devinait sans trop de mal que le Général ne lui ferait aucun cadeau à la Libération et De Gaulle n’acceptait le compagnonnage du PCF que parce que ce dernier était de très loin la première force de la Résistance intérieure armée ; par ailleurs, le Général avait besoin de prendre appui sur l’URSS pour tenir tête aux Anglo-Saxons, ces étranges « alliés » qui ne prendront même pas la peine d’avertir le Général du Débarquement du 6 juin 1944. On sait par ailleurs que la Résistance des Maquis eut plus que sujet de se plaindre de la méfiance, parfois irresponsable, de certains secteurs de la France libre à son égard (on pense au tragique épisode des Maquisards du Vercors, qui furent laissés désarmés face à la traque allemande). On sait aussi que les FFI parisiens, que commandait le communiste Henri Rol-Tanguy, durent batailler ferme au sein du CNR, par l’entremise de leur camarade Pierre Villon, pour que fût annulée la « trêve » unilatéralement décrétée par les délégués gaullistes au risque de briser l’insurrection parisienne (qu’ils redoutaient pour des raisons de classe !) : bref, au cœur même du compromis historique positif que fut le CNR, la lutte de classes ne cessa pas une seconde. Du moins l’avenir d’une France indépendante était-il préservé : chacune à sa manière, et sans jamais renoncer à ses objectifs sociopolitiques propres, les deux ailes principales, communiste et gaulliste, de la Résistance « aimaient la Belle, prisonnière des soldats », comme l’écrivait alors Aragon (“ La Rose et le Réséda ”), chacune aspirait à rétablir l’indépendance de la France, à faire en sorte que ses représentants officiels assistassent à la reddition de l’Allemagne, chacune voulait que les contradictions de classes présentes et à venir se réglassent entre Français au lieu d’être arbitrées par l’impérialisme anglo-saxon transformant la libération du pays en néo-colonisation, ce que prévoyait ouvertement le plan étasunien de l’AMGOT. Jamais le PCF d’alors n’a donc proposé une « union sacrée » effaçant les antagonismes sociaux, comme l’avait illusoirement fait la SFIO en 1914 sans rien obtenir en contrepartie qu’une immonde boucherie infligée aux prolétaires. Et jamais le camp gaulliste, que dominait la droite patriote, n’a conçu le CNR autrement que comme une phase transitoire qui permettrait le jour venu aux gaullistes de mener sans compromis leur propre politique... en ignorant autant que possible les avancées sociales majeures promises par le programme Les Jours heureux. C’est si vrai que, dès la mise en place du gouvernement à participation communiste présidé par De Gaulle, les tensions apparurent entre les communistes, qui voulaient appliquer exhaustivement le programme social du CNR et qui penchaient pour une Constitution démocratique, et ceux qui, comme le Général, voulaient appliquer le programme a minima et rêvaient déjà d’un régime présidentiel ; ou qui, comme les ministres issus du parti socialiste SFIO, voyaient d’un mauvais œil cette Sécu qui remboursait les soins à 100%, marginalisant du même coup les « mutuelles » mises en place par la social-démocratie politico-syndicale.

Le gaullisme entre développement national et répression du mouvement populaire

Sur le plan intérieur, tout en édictant des ordonnances gravement rétrogrades sur la Sécurité sociale, le pouvoir gaulliste – sous De Gaulle mais aussi sous Pompidou – a puissamment développé l’industrie française et les infrastructures du pays. Il prenait moins appui pour cela sur la « loi du marché » chère aux néolibéraux actuels, que sur le Commissariat au Plan, sur le Ministère de l’Équipement et sur le dynamisme des sociétés nationalisées (EDF, PTT, SNCF etc.) ; le gouvernement gaulliste a également innové en créant un Ministère de la culture confié à l’écrivain André Malraux, ce qui constituait une première dans le monde occidental. En revanche, sur le terrain social et institutionnel, le régime gaulliste s’avéra franchement régressif : salaires piteux des ouvriers de l’industrie, ordonnances sabrant la Sécurité sociale, « plan de stabilité » giscardien instituant une police des salaires, réforme réactionnaire de l’Education nationale (Fouché), loi Debré subventionnant l’école confessionnelle, sans parler de la répression sanglante des militants communistes militant pour la paix en Algérie ou du massacre de centaines d’Algériens résidant à Paris et manifestant à l’appel du FLN. Sur le plan militaire, le Général, adepte de toujours de l’ « Armée de métier », laissa péricliter l’armée de conscription – qui l’avait pourtant sauvé en 1962, quand les appelés du contingent, conseillés par les appelés communistes, refusèrent d’obéir aux putschistes d’Alger qui refusaient l’indépendance et qui menaçaient de fusiller De Gaulle pour haute trahison ! En revanche, le Général décida d’ériger une force de frappe nucléaire orientée « tous azimuts », ce qui ne pouvait plaire aux Étasuniens même si la France restait membre des instances politiques de l’Alliance atlantique.

De 1958 à 1968

Par la faute de cette politique socioéconomique réactionnaire, qui n’élevait la France dans le monde qu’en abaissant la classe ouvrière française à l’intérieur, l’autorité politique du Général, à son zénith en 1958 (le P.CF, encore premier parti de France en 1956, n’avait alors pu sauver que dix députés aux premières Législatives de la Vème République...), s’effrita rapidement. Elle fut ébréchée par la grande grève des mineurs de 1962 que soutint le PCF et qu’anima la CGT : cette grève obtint la sympathie majoritaire du peuple français et une immense vague de solidarité populaire se porta sur les « Gueules noires », dont nul n’avait alors oublié le rôle majeur dans la lutte patriotique. Le PCF des Thorez, Duclos et autre Waldeck Rochet mettait alors en œuvre une politique d’union des forces de gauche dont les communistes étaient alors clairement l’aile marchante, De Gaulle ne sauvera sa majorité législative que d’une voix en 1967, le score communiste remontant à 22,7% des suffrages exprimés, assez loin devant la Fédération de la Gauche Démocrate et Socialiste (FGDS) conduite par François Mitterrand. Déjà, Mitterrand, devant lequel s’était, hélas, effacé le PCF (pourtant largement majoritaire à gauche) à la présidentielle de 1965, avait mis De Gaulle en ballottage lors de la présidentielle de 1965. Durant toute l’année 1967, les appels de la CGT à abattre les ordonnances sur la Sécurité sociale, à réclamer l’augmentation des salaires et l’abaissement à 60 ans de l’âge de la retraite, furent massivement suivis ; le Premier Mai 1968 fut énorme et l’idée que le mouvement de mai-juin 1968 fut une sorte de « coup de tonnerre dans un ciel serein », qui dévalorise le mouvement ouvrier de classe tout en survalorisant les Cohn-Bendit et autres aventuriers anticommunistes, n’est donc qu’un mythe anti-ouvrier que sut justement démonter, en 1969, le petit livre de Laurent Salini Mai des prolétaires. Au cœur de la tourmente de Mai, le Général ne se trompait pas, lui, sur l’adversaire principal du pouvoir bourgeois : « les communistes ». C’est ce qu’a rapporté sans fard le général Massu, alors chef des troupes françaises basées en Allemagne. Car De Gaulle, un temps dépassé par les évènements de Mai (conjonction du mouvement étudiant et de la plus grande grève ouvrière de l’histoire mondiale, dont l’épicentre était Renault-Billancourt, le bastion rouge de la CGT et du PCF), était allé quémander fin mai à Baden-Baden le soutien de l’armée française stationnée en RFA ; Massu a relaté que le président aux abois lui avait ordonné de se tenir prêt à intervenir à tout moment, blindés à l’appui, dans l’hypothèse où le discours présidentiel prévu pour le 30 mai et l’énorme manif réactionnaire qui allait s’ensuivre, se fussent avérés insuffisants pour rétablir l’ « ordre » bourgeois... Notons que le « désordre » était tel à cette époque que de courageux militants gaullistes de base, issus de l’Union Démocratique du Travail (partisans de l’indépendance de l’Algérie, ces gaullistes atypiques dénonçaient la camarilla des Pompidou, émanation de la banque Rothschild, et autre Giscard d’Estaing, pur produit de l’aristocratie financière), allèrent jusqu’à occuper des permanences parisiennes du parti gaulliste (UNR) en appui aux ouvriers grévistes... Ces « gaullistes de gauche », malgré les limites de classe qui étaient les leurs 2, voyaient juste puisque, sitôt les choses rentrées dans l’ « ordre », avec une énorme majorité réactionnaire issue de l’UDR fraichement élue au Parlement, l’éternel parti versaillais qui avait rallié De Gaulle, par force en 1945, et par calcul en 1958 (briser le P.CF, requinquer l’impérialisme français, instaurer un « Etat fort »...) tourna le dos au Général vieillissant. Et c’est en parfaite connivence que les Pompidou et autre Giscard, désireux de fermer la parenthèse des foucades gaulliennes contre Washington, Ottawa et Bruxelles, et avides d’insérer le Royaume Uni dans le « marché commun » (on voit le résultat...), firent le nécessaire pour que De Gaulle perdît le référendum de 1969 et pour qu’il fût contraint de se retirer ; ce qu’il fit en affichant un panache que n’aura nullement le « gaulliste » Chirac en mai 2005, lorsque son appel à voter Oui à la constitution européenne fut sèchement retoqué par le peuple souverain...

Le gaullisme : souvenir globalement positif dans la mémoire populaire, usurpation et contrefaçon du côté des « élites »

Qu’en est-il aujourd’hui du gaullisme ? Globalement, comme toutes les études d’opinion l’attestent, De Gaulle reste la figure historique la plus appréciée des Français, toutes catégories confondues : nos compatriotes ont largement oublié l’orientation droitière, autocratique et antisociale des années 1960 et ils plébiscitent surtout l’Homme du 18 juin, les Accords d’Évian qui mirent fin à la guerre d’Algérie et surtout, une période où, après la terrible humiliation de 1940 et l’abaissement atlantique des années 1950, notre pays semblait retrouver la stabilité et la dignité nationale après dix ans de vassalité atlantique, la capacité de dire m.... à l’Oncle Sam, où l’industrie française fortement concentrée était relativement florissante, fût-ce à l’avantage presque exclusif de la « France d’en haut ». Cet attachement sentimental, plus « culturel » que politique, au gaullisme dans les larges masses contraste fortement avec l’orientation massivement antipatriotique des « élites » maastrichtiennes, que ce soient celles qui gravitent autour de l’anglomane déchaîné Macron, de son ami « Sarko l’Américain » (comme il aimait se faire appeler) ou du social-atlantiste flamboyant Hollande i ! En réalité, s’il y a encore place en France pour un gaullisme populaire, plus « idéologique » que proprement « politique » – un gaullisme que des marxistes sérieux, désireux de construire un large Front patriotique et populaire, seraient bien sots d’ignorer – , le gaullisme bourgeois, en tant que « moment hégémonique » de la domination capitaliste, est irréversiblement derrière nous. En effet, l’ « offre » politique gaulliste ne pouvait intéresser la grande bourgeoisie – laquelle n’a jamais soutenu le gaullisme que dans la mesure où cette aspiration à la « grandeur française » paraissait compatible avec le profit capitaliste – qu’à une époque désormais révolue où d’une part, il fallait bien « maintenir deux fers au feu » selon que la fortune des armes favoriserait la l’Allemagne hitlérienne (option vichyste) ou qu’au contraire, la victoire sourirait aux Alliés (option « Londres ») : dès l’annonce de la victoire de Stalingrad (2 février 1943), on vit ainsi de jeunes bourgeois récemment décorés de la francisque, François Mitterrand en tête, partir fort opportunément pour Londres. D’autre part (années 1958/1970), les fusions financières et industrielles survenant au sein du capital monopoliste « français » pouvaient encore s’effectuer dans un cadre territorial hexagonal et sous la houlette d’un Etat-providence (pour les riches !) solidement campé à l’intérieur des frontières nationales ; or ce temps est révolu : désormais, c’est avec le japonais Nissan que fusionne Renault, avec l’Italo-Américain Chrysler-Fiat que convole Peugeot, à l’Italien Fincantieri que s’abandonnent les ex-Chantiers de l’Atlantique. Alstom, qui fabrique le TGV financé par tous les Français, est découpé entre Siemens (R.F.A.) et General Electrics (EU), et tout à l’avenant... Épouvantée par la grève de masse de Mai-juin 1968 et par la menace existentielle que faisait peser sur elle le prolétariat rouge français, héritier via le PCF des frondes paysannes d’Ancien Régime, des Sans Culottes, de la Commune, du Front populaire, de l’insurrection parisienne de 1944 conduite par Rol-Tanguy, la grande bourgeoisie française a subrepticement et majoritairement décidé de « plier les gaules ». Plus seulement celles de l’indépendance nationale, mais celles de l’existence nationale de la France en tant qu’Etat indépendant susceptible de « mettre le monde du travail au centre de la vie nationale », comme le spécifiait le programme du CNR. Dès le début des années 1970, les Giscard, Pompidou et Cie, négociaient avec Berlin une nouvelle répartition capitaliste internationale du travail ; ce partage concerté des rôles abandonnait à la RFA (où le Parti communiste était interdit et les marxistes berufsverboten – interdits de profession ! -, les syndicats verrouillés par le SPD anticommuniste et l’OTAN toute-puissante) la grande industrie – et spécialement, elle livrait à Berlin la machine-outil, cette mère de l’industrie qui formait précisément l’un des cœurs de métier des ouvriers et techniciens « rouges » de Renault-Billancourt ; la France bourgeoise se réserverait la haute banque, le tourisme haut de gamme et la logistique européenne (transports : autoroutes, TGV, grands aéroports...). Était ainsi programmée, en même temps que l’accélération de la « construction » européenne et que le retour progressif de la France dans le commandement intégré de l’O.T.A.N., l’atrophie très politique du « produire en France » industriel et agricole ; et avec elle, le déclin quantitatif et la mise au pas politico-syndicale du prolétariat rouge de France (de 6 millions de métallos français en 1968, on est passé à moins de 400 000, la sidérurgie, les mines et le textile ont quasi disparu), la privatisation du secteur public et nationalisé (Renault, EGF, SNCF, France-Télécom...). Tout cela s’opéra sur fond de traités européens supranationaux et néolibéraux prescrivant la fin des « monopoles publics » (mais pas des oligopoles privés, qui profitent des privatisations d’autoroutes et d’aéroports, en attendant celle de la Sécu et des retraites : pourquoi se fatiguer à produire quand l’argent des rentes de situation rentre à flot ?), l’ « économie de marché ouverte sur le monde » du Traité de Maastricht (les délocalisations sont l’arme absolue contre les revendications salariales !), avec une politique agricole européenne qui n’a eu de cesse, avec l’aval de la FNSEA, de liquider la petite paysannerie – dont une bonne partie votait, historiquement, rouge et « anticlérical » (Sud-ouest, Alpes-Maritimes, Limousin, etc.).

Le choix bourgeois de la défaisance française

Bref, la grande bourgeoisie hexagonale de moins en moins francophone et de plus en plus cosmopolite a appliqué à merveille le mot pervers de Mitterrand, « la France est notre patrie, l’Europe est notre avenir », ou celui de Giscard déclarant « je suis un Européen de sensibilité française » ; deux déclarations qui signifient l’une et l’autre de manière subliminale que la France n’est plus qu’un patrimoine vieillot (que l’on valorisera à l’occasion de manière sélective pour stigmatiser les travailleurs immigrés étrangers aux « racines chrétiennes de la France »), mais plus du tout un projet politique, économique et culturel porteur d’avenir. Si bien qu’il faut un incroyable degré de cécité à certains « marxistes » imbibés de néo-trotskisme ou d’ « eurocommunisme » consensuel pour ne pas voir que l’euro-dissolution de la nation française porte en elle l’humiliation et le déclassement structurel du peuple travailleur de France, qu’il s’agisse des ouvriers d’industrie, des ingénieurs, chercheurs et techniciens, des artisans, des paysans petits et moyens, des marins-pêcheurs, mais aussi des agents des services publics auxquels leurs statuts protecteurs façonnés par les communistes Thorez (1945) et Anicet Le Pors (1981/83) permettent encore de disposer quelque peu d’une force de frappe syndicale (SNCF, cheminots, enseignants...). Alors que la Cinquième République commençante était relativement centralisatrice, qu’elle protégeait la langue française et la Francophonie internationale (pour des raisons tout autres que celles qui motivaient Aragon ou Jean Ferrat à combattre le tout-anglais), tous les présidents qui ont succédé à Chirac n’ont cessé de « décentraliser », en réalité, de « reconfigurer les territoires » sur le modèle des Länder allemands. Tous ils ont sabré les communes de France, ce pilier de la construction nationale depuis Bouvines (1214) et encouragé les euro-métropoles en aggravant les inégalités territoriales et en détruisant les repères civiques, historiques, linguistiques et géographiques des Français. Tous, ils ont encouragé le tout-anglais, cette « langue des affaires et de l’entreprise » aux dires du Baron Sellières (ex-patron du MEDEF), qui envahit désormais tous les secteurs de la vie française, notamment l’école, en violation flagrante de la loi et de la Constitution. En un mot, même quand elle se réclame publicitairement de Charles De Gaulle (en voyant plus en lui « l’homme à poigne » que le chef du village gaulois résistant à l’euro-atlantisme), « notre » grande bourgeoisie lui préfère mille fois d’autres « grands hommes ». Car les Jean Monnet, Robert Schuman, Jacques Delors et autres figures de proue de cette (dés-)intégration européenne ont su, plus que De Gaulle, mettre les intérêts bourgeois sous la très haute protection des puissances capitalistes allemande et étasunienne tout en élargissant la chasse au profit des trusts à base française à l’échelle transcontinentale (États-Unis d’Europe, « Union transatlantique » sur fond de « CETA » et de TAFTA) ; ce qui permet au CAC-40 de mener son Monopoly géant à l’échelle mondiale tout en étendant l’aire de sa chasse au profit maximal. À l’abri de la « construction » euro-atlantique, les actionnaires dominants – français ou étrangers – du CAC-40 peuvent aussi sanctuariser la domination capitaliste puisque, quelles que soient à l’avenir les frondes, soulèvements et insurrections du trop remuant peuple français, ce ramassis de Gilets jaunes, d’intellos acides et de grévistes impénitents, l’Empire euro-atlantique en gestation centré sur Berlin, supervisé par Washington et « protégé » par l’ « armée européenne » en gestation, garantira à l’hégémonie bourgeoise soutenue par la sociétal-bobocratie parisienne, un filet de protection bien plus efficace que ne saurait le faire un Etat-nation placé sous apoptose permanente : triomphe continental, sous le masque néolibéral, non pas du « libéralisme sauvage », comme le croient les naïfs néo-keynésiens, mais d’un capitalisme monopoliste d’État redéployé en fonction du « besoin d’aire » du grand patronat (de moins en moins) français. Un processus qui ne fait que porter à son comble – celui de la possible décomposition finale de la France ! – le tropisme collabo ancestral des privilégiés de France, des Émigrés de Coblence combattant la Révolution jacobine dans les rangs des armées austro-prussiennes, des Versaillais de Thiers s’acoquinant avec Bismarck pour écraser la Commune, ou du Comité des Forges sacrifiant à Hitler la République encanaillée du Front populaire.

Certes il existe encore, minoritairement, des fractions bourgeoises dites « souverainistes » qui tiennent plus ou moins sincèrement à la France ; mais même ces fractions ne veulent pas remettre franchement en cause l’appartenance de la France à l’Alliance atlantique, à l’euro et à l’UE : le rapprochement entre Marine le Pen et Nicolas Dupont-Aignan au second tour de la présidentielle de 2019 s’est fait au prix d’un refus explicite par le FN de toute idée de Frexit ; il s’est payé, pour la patronne du FN, par son écroulement idéologique face à Macron lors du débat de second tour : on a superficiellement incriminé son « amateurisme », mais dans la mesure où Mme Le Pen abandonnait même la perspective floue, voire inconsistante, d’une « sortie concertée » de l’euro, elle se privait du même coup de toute riposte crédible à Macron sur le financement de ses prétendues réformes sociales « protectrices » : celles-là même que Bruxelles (et Berlin !) n’auraient pu qu’interdire au nom de l’ « économie de marché ouverte sur le monde où la concurrence est libre et non faussée » gravées dans les traités européens !

Contre-révolution, mondialisation néolibérale, Europe allemande et déclin hexagonal et géopolitique du « gaullisme »

Ce sont aussi les circonstances géopolitiques qui rendent improbable le retour d’une hégémonie culturelle gaulliste en France. Confronté aux conséquences au long cours de la défaite de 1940, puis à l’inéluctable délitement de l’Empire français (indépendances africaines), Charles De Gaulle n’avait plus d’autre moyen de faire valoir l’impérialisme français déclinant que de prendre appui sur la confrontation entre les États-Unis d’Amérique et l’Union soviétique ; c’était pour lui le moyen de permettre à la France officielle de parler fort dans le concert des nations : tout en restant dans le camp occidental pour d’évidentes raisons de classe, il n’a jamais craint de jouer sur l’URSS et sur le camp socialiste, parfois même sur certains secteurs du camp anti-impérialiste (pourvu qu’il ne s’agisse pas de l’arrière-cour de l’impérialisme français : l’Afrique) pour tenir à distance les Etats-Unis et l’Allemagne, ravivant ainsi de novo la vieille « alliance de revers » avec la Russie que la Troisième République avait cultivée pour contenir l’impérialisme allemand à la veille de 1914. Ce n’est pas seulement à l’échelle hexagonale, c’est à l’échelle mondiale que le gaullisme s’apparente à ce que Marx a appelé le « bonapartisme » dans Le 18 brumaire de Louis Bonaparte : à l’intérieur d’un pays donné, Marx qualifie de bonapartisme l’attitude d’un homme ou d’un clan qui, sans cesser de représenter les intérêts de long terme de la classe dominante, exploite la situation provisoire d’équilibre existant entre les classes en lutte pour tirer son épingle du jeu, mettre en place un pouvoir d’apparence purement personnelle, éteindre provisoirement les antagonismes existants, prendre appui sur le nationalisme, sur le prestige international et sur le militarisme présenté comme « au-dessus » des classes et des partis. Le bonapartisme classique fut celui des deux Napoléon, d’où le nom de ce phénomène de portée très générale. Mais nous proposons ici d’étendre le concept de bonapartisme à l’international : c’est en effet l’existence précaire d’un équilibre Est-Ouest entre Moscou et Washington (guerre froide « au bord du gouffre » entrecoupée de « détentes ») qui permit à la France gaulliste, pour « tirer son épingle du jeu », de rester dans le camp occidental tout en flirtant parfois avec Moscou ou avec Pékin. La contre-révolution à l’Est, l’annexion de fait de la RDA par la RFA, l’implosion de l’URSS et la re-mondialisation d’un système capitaliste dominé par l’unilatéralisme étasunien surarmé, la pleine émergence d’une Europe allemande encadrée par Washington, le libre-échange mondial verrouillé par le dollar et par le tout-anglais, tout cela a fortement affaibli et humilié à l’international l’impérialisme français et lui a interdit, malgré quelques velléités ultimes (position indépendante de Chirac sur la question de l’Irak en 2003), de continuer à jouer les équilibristes à l’échelle mondiale. D’où l’euro-atlantisme servile qui a caractérisé les trois derniers présidents français, y compris le « gaulliste » Sarkozy. Sur le plan socioculturel, la défaite de la première expérience socialiste de l’histoire issue d’Octobre 1917, a également amoindri l’influence mondiale de la France tant la Révolution russe était génétiquement liée à l’élan historique universel porté par la France des Lumières, de la Révolution jacobine à la Commune de Paris...

Nation, classe ouvrière et socialisme

Dans ces conditions, l’indépendance nationale – et son complément naturel, l’existence d’une politique étrangère non alignée – ne peuvent plus être défendus avec esprit de conséquence que par le monde du travail, ultime bastion de la construction nationale et du droit universel des peuples à disposer d’eux-mêmes. C’est ce qu’avaient déjà expliqué en leur temps, Georges Politzer s’agissant de la France, ou Georges Dimitrov s’exprimant au nom de l’Internationale communiste. Concernant la France, cela signifie que la bourgeoisie capitaliste a épuisé sa mission historique, initiée avec l’alliance des Jurées Communes du Moyen Âge avec le roi Philippe-Auguste, de bâtisseuse de l’Etat national (capétien d’abord, puis républicain) et des avancées de civilisation (« humanisme » renaissant, « lumières », école publique, modernisation des infrastructures, construction d’une culture nationale-populaire...). En 1945, un compromis historique positif était encore pensable aux échelles internationale (Alliance entre l’URSS et les Occidentaux contre Hitler) et nationale (ce « compromis gaullistes/communistes » de 1943 que fustigeait dès novembre 2007 Denis Kessler, alors n°2 du MEDEF). Dans les conditions actuelles, où le grand capital « français » a un intérêt de classe majeur à dissoudre ce qui reste de la nation dans l’ « Europe fédérale », où l’impérialisme français se fait selon les cas le « brillant second » ou le terne supplétif de l’impérialisme euro-atlantique face à la Chine, à la Russie ou à l’Iran (même si l’impérialisme français, qu’il ne faut jamais confondre avec le peuple français, a encore de tristes restes prédateurs propres en Afrique ou au Proche-Orient...), où Macron envisage froidement de remettre à l’UE – en réalité, à Berlin – le siège français au Conseil de sécurité de l’ONU, il revient plus que jamais au monde du travail d’unir le drapeau rouge au drapeau tricolore, l’Internationale à la Marseillaise ; le but stratégique serait de remettre les travailleurs au cœur de la vie nationale et internationale en proposant un « Frexit » qui, dans les conditions françaises, ne saurait être que progressiste, antifasciste, internationaliste et anti-impérialiste ; l’enjeu étant d’associer progrès social, indépendance nationale, démocratie populaire nouvelle et coopérations internationales égalitaires pour rouvrir à notre peuple la seule voie qui puisse sauver et reconstruire la nation : celle du pouvoir du peuple travailleur et du socialisme pour notre pays.

Alliance du drapeau rouge et du drapeau tricolore

Cela n’implique aucun repli sur le réduit ouvrier, même si, en bons léninistes, les militants franchement communistes militent pour le rôle dirigeant du prolétariat – au sens large du mot – dans la lutte démocratique pour l’indépendance nationale et la souveraineté populaire. Au contraire, le monde du travail, cœur de l’indispensable alliance pour une Gauche antifasciste, patriotique, populaire et écologiste (AGAPPé), doit fédérer l’ensemble des couches anti-oligarchiques de la population : ouvriers, techniciens et employés, qui forment le noyau central des résistances, mais aussi cadres, ingénieurs, enseignants et chercheurs, artisans et paysans travailleurs, sans oublier la partie inférieure des professions dites libérales : médecins, avocats, etc. Sur le plan idéologique et culturel, les communistes fidèles au combat d’Ambroise Croizat, les socialistes jaurésiens, les patriotes attachés à l’esprit du 18 juin, les républicains laïques héritiers de Jean Zay et de Moulin, les chrétiens, les juifs et les musulmans acceptant sans réserve la loi de 1905, seront les bienvenus face à ces contrefaçons de communisme, de socialisme, de gaullisme, d’engagement laïque, d’écologie citoyenne, d’esprit évangélique que constituent de nos jours l’eurocommunisme rosâtre des uns, la social-eurocratie étoilée des autres, le chauvinisme xénophobe du RN et des LR, la haine pseudo-laïque des travailleurs musulmans, l’intégrisme religieux sous toutes ses formes, le sociétal-libéralisme euro-atlantique d’un Yannick Jadot. Avec toutes les couches anti-oligarchiques qui forment l’écrasante majorité du peuple français, il s’agit de constituer une République sociale, souveraine et fraternelle affrontant le grand capital « français » et international. Ainsi seraient créées les conditions d’une confrontation de masse et d’une dynamique progressiste et patriotique potentiellement gagnante avec le grand capital ; ainsi se rouvrirait concrètement, non dans les mots mais dans la pratique de millions d’hommes et de femmes, la perspective d’une transformation socialiste de notre pays. Celle-ci sera d’autant plus plurielle et « inclusive » qu’elle aura su isoler l’oligarchie et fédérer la grande majorité du peuple autour de son noyau ouvrier et prolétarien. A contrario, tant que la gauche petite-bourgeoise et « alter-européiste » continuera d’orienter et d’affadir les résistances, il sera impossible de percuter sérieusement le bloc maastrichtien dont l’état-major oligarchique est actuellement mille fois plus déterminé que ne l’est son actuel adversaire. Sans une telle alternative patriotique et révolutionnaire, notre pays sera irréversiblement broyé par le « bloc contre bloc » 3 violent, suicidaire et même déshonorant qui met aux prises les duellistes-duettistes du bloc élitaire libéral-fascisant incarné par Macron et du bloc pseudo-populaire (en réalité ethno-fascisant et crypto-maastrichtien) dont se disputent la direction Marine Le Pen (RN), Marion Maréchal-Le Pen, Bruno Retailleau (LR) et Nicolas Dupont-Aignan (DLF).

Pour une main tendue des vrais communistes aux gaullistes de progrès
Cela ne signifie pas qu’il faille faire une croix sur les gaullistes véritables, qu’ils soient membres des couches populaires ou qu’il fassent partie de ces rares bourgeois pour lesquels la patrie comptera toujours plus que le portefeuille. Les prolétaires – conseillés par un parti communiste de combat 100% antifasciste et franchement anti-UE – revendiquent à juste titre le rôle dirigeant dans cette nouvelle alliance patriotique et progressiste : non par esprit de domination, mais parce que le patriotisme populaire, qui ne vise aucun autre peuple, qui accueille fraternellement l’ouvrier immigré et qui débouche tout naturellement sur l’internationalisme prolétarien, n’aura jamais à choisir entre l’intérêt national véritable et la défense de la classe laborieuse : « la nation, c’est le peuple », disait déjà Georges Politzer, faisant écho au mot de Robespierre selon lequel « le peuple n’a pas besoin de beaucoup de vertu pour être républicain, il lui suffit de s’aimer lui-même ». Car en se libérant elle-même, la classe travailleuse émancipe toute la société puisque son but ultime, prescrit par sa place dans la production capitaliste, est d’en finir avec toute oppression sociale, sexuelle ou nationale. Ce patriotisme populaire et authentiquement républicain n’en est que plus ouvert et généreux : tel était le patriotisme des Communards, celui des acteurs du Front populaire ou celui du CNR, à tous ceux qui veulent sincèrement le bien de leur pays. Et qui, dans les conditions d’aujourd’hui, veulent briser les chaînes de l’UE et qui n’en refusent pas moins de stigmatiser les travailleurs « musulmans », d’exploiter l’Afrique, de jouer à déstabiliser la Syrie ou la Libye ou d’engager une aventure revancharde et suicidaire contre ce peuple russe qui « joua le rôle principal dans notre libération » (dixit De Gaulle, en décembre 1944, lors de sa visite d’Etat à Moscou).

C’est en ce sens que le devoir des vrais communistes est de s’adresser à ce « peuple gaulliste » qui n’a que faire de la caste versaillaise nantie et pseudo-catholique qui soutenait Fillon à l’automne 2016, ou qui rallie Macron aujourd’hui en espérant qu’il ait le « courage » d’aller piquer leurs ultimes « avantages » à l’étudiant boursier, à l’instituteur laïque, au conducteur du métro ou à la minorité d’ouvriers parvenant encore valides à l’âge de la retraite. Comme vous, travailleurs et petits entrepreneurs gaullistes, nous aimons la France et nous refusons qu’elle meure et s’avilisse aux yeux du monde, que ce soit en cédant honteusement au racisme d’État ou en s’abandonnant à la « construction » euro-atlantique. Mais pour sauver et reconstruire notre patrie sur des bases justes, l’heure des Libérateurs suprêmes est passée. Comme en 1789, l’heure du peuple, l’heure des travailleurs, sonne à nouveau. C’est pourquoi, que cela vous plaise ou non, vous aurez besoin des communistes et, dès maintenant, vous devez – dans votre propre intérêt ! – refuser l’euro-maccarthysme de l’UE qui, pour criminaliser les révolutions de l’avenir, ose mettre sur le même plan – ce que n’a jamais fait le chef de la France libre ! – le Troisième Reich exterminateur et l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques.

Tous ensemble contre le nouvel esclavage !

Le 17 juin 1940, un tract était diffusé clandestinement dans l’ouest de la France à l’initiative de Charles Tillon ; cet ouvrier métallo dirigeant de la CGTU était aussi membre du bureau politique du PCF, un parti que venait de dissoudre la Troisième République de plus en plus fascisante et déjà moribonde. Ce tract illégal (ses diffuseurs risquaient la peine de mort !) appelait à la résistance contre Hitler. Fillon dénonçait non moins sévèrement la bourgeoisie française qui, par anticommunisme, avait d’abord trahi l’Espagne, l’Autriche, la Tchécoslovaquie et la Pologne, et qui, à l’issue des Accords de Munich (1938) et de la « drôle de guerre » où elle avait fait le « choix de la défaite », s’apprêtait à liquider la République et à trahir la France en collaborant avec l’Occupant nazi. Le 18 juin, Radio-Londres émettait l’appel à poursuivre la lutte que venait de lancer un général d’active entré en rébellion pour refuser la trahison : cet appel s’achevait par les paroles immortelles, « la flamme de la Résistance française ne s’éteindra pas ». Le 10 juillet 1940, Maurice Thorez et Jacques Duclos achevaient leur appel, clandestinement diffusé de Paris à la Corrèze, par ces lignes empreintes de noblesse : « Jamais, non jamais, un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d’esclaves ».

Alors que successivement, le Non français à la Constitution européenne (2005), la victoire des jeunes sur le CPE (2006), le soulèvement des Gilets jaunes et les grandes grèves de décembre pour les retraites prouvent au monde que l’esprit frondeur des Français inquiète toujours les dominants, c’est cette volonté de résistance sociale et d’insurrection nationale que les patriotes fidèles à l’appel de Tillon et/ou à celui du général De Gaulle doivent faire revivre ensemble à l’approche du 15ème anniversaire du 29 mai 2005 ; c’est indispensable pour que vivent la République démocratique, la France libre et le progrès social. Afin qu’adviennent de nouveaux Jours heureux, il faut ensemble, communistes fidèles à Ambroise Croizat, gaullistes héritiers du 18 juin, socialistes épris des idéaux jaurésiens, sortir la France de l’euro, cette austérité continentale faite monnaie, de l’UE, cette prison des peuples et de l’OTAN, cette alliance belliciste dominées par les irresponsables semeurs de guerre mondiale qui dominent à Washington. Et c’est nécessaire aussi, du moins est-ce que proposent en toute franchise les militants du PRCF, pour sortir le peuple de France de la domination, de plus en plus barbare, fascisante et mortifère, du grand capital sur notre pays, sur la planète et sur toute l’humanité.

1 ” Le débarquement du 6 juin a été l’affaire des Anglo-Saxons d’où la France a été exclue. Ils étaient bien décidés à s’installer en France comme en territoire ennemi ! Comme ils venaient de le faire en Italie et comme ils s’apprêtaient à le faire en Allemagne !

Ils avaient préparé leur AMGOT qui devait gouverner souverainement la France à mesure de l’avance de leurs armées. Ils avaient imprimé leur fausse monnaie, qui aurait eu cours forcé. Ils se seraient conduits en pays conquis.” De Gaulle – 1963

2- Notamment leurs illusions sur la « participation » à l’entreprise, cette forme mythique de collaboration des classes qui contourne la nécessaire expropriation du grand capital et la non moins indispensable socialisation des grands moyens de production.

3- Comme dit le titre du dernier livre du politiste Jérôme Sainte-Marie.

i- Ce grand homme de gauche qui, en 2003, avait honteusement appelé l’Ambassade américaine à Paris pour lui signifier, contre l’attitude digne de Chirac et de Dominique de Villepin, que si le P.S. avait été aux affaires en France, il aurait appuyé l’invasion yanquee de l’Irak !

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