RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Violence de la vie ordinaire : témoignage d’une jeune adjointe de magasin, militante JRCF

A la suite de la diffusion de l'émission Cash Investigation sur les conditions de travail chez Lidl et le mal-nommé Free, nous trouvons qu'il est bon de relire ce témoignage d'une de nos camarade travaillant dans un magasin et avec les mêmes conditions que ceux décrit par le documentaire d'Elise Lucet.

Travaillant actuellement au sein d’un magasin à prédominance alimentaire (appartenant à une célèbre enseigne nationale de commerce de proximité), je témoigne sur le quotidien de mon emploi et de celui des autres salariés de l’entreprise, et plus globalement sur le monde de la moyenne distribution, ayant travaillé dans différentes structures par le passé.

Embauchée en tant qu’« adjointe de magasin », j’ai rapidement compris que ce titre portait à confusion. En fait, les surnoms qu’on prête souvent à mon poste – « bonne à tout faire » ou « porte clefs » – expriment bien mieux la réalité de mes missions, à savoir : détenir les clefs du magasin afin de l’ouvrir ou le fermer lorsque le gérant est absent, être responsable des fonds de caisses, effectuer les commandes de marchandises.

En dehors de cela, mes tâches sont la plupart du temps les mêmes que celles des autres employés : mise en rayon, encaissement des clients, livraison l’après-midi tout cela en gérant un gros « flux client » le midi et le soir – moments où nous encaissons au minimum un client toutes les 30 secondes. Si l’employé, « multi-tâches », ne s’arrête jamais, le physique a lui quelque fois du mal à suivre : maux de dos et tendinites à répétition sont des douleurs régulières. Durant ces heures de mise en rayon et d’encaissement rythmé aux sons des « lip » de la caisse, les « bonjour », « au revoir », « merci » se répètent sans cesse, mécaniquement.

Est-ce pour cela qu’ils restent si souvent sans réponse ? Le refus de saluer, voire le fait de totalement nous ignorer en téléphonant lors du passage en caisse, ne sont que quelques illustrations d’un mépris ordinaire. Plus rares, heureusement, sont les agressions verbales. J’ai compris au fil des années qu’une caissière ne faisait qu’un avec son outil de travail. Elle est devenue une machine sur laquelle on peut s’énerver de temps à autre. La moindre erreur et vous êtes traitée comme une moins que rien. Les citoyens sont égaux en droit mais, devenus clients « rois », certains d’entre eux sont ivres de leur pouvoir.

Le travail suffit-il à l’épanouissement personnel ? Les experts de la grande distribution semblent en être absolument convaincus. Aussi la vie sociale des salariés est à la merci des incessantes modifications des emplois du temps (dont les jours de repos), révélés quinze jours en avance, et, plus encore, de l’amplitude horaire des journées de travail. Notre commerce est en effet ouvert du lundi au samedi de 8h00 à 21h00, et de 9h00 à 13h00 les dimanches et jours fériés. La durée quotidienne de travail oscille entre 3h00 et 9h00 suivant les besoins (jours de livraisons, inventaires, etc.). Certains d’entre nous sont contraints d’effectuer d’interminables journées coupées (9h00-13h00/15h00-21h00).

La cadence infernale des journées est accentuée par l’énorme diversité des produits à stocker et à mettre en rayon dans une surface de vente réduite, les limites de la faisabilité étant sans cesse repoussées par la recherche continue de la maximisation du profit.

A ce sujet, le groupe s’en sort à merveille grâce au système des franchises. Il est propriétaire du bâtiment et de l’enseigne et met en place un contrat de location-gérance ce qui lui permet de recevoir un loyer et une redevance et de ne plus verser les salaires. Ainsi, l’entreprise devient une société de moins de 10 salariés : pas d’avantages, ni 13ème mois, ni prime mais une mutuelle obligatoire de 20€ par mois qui ne couvre rien. Pour parfaire le tout, le travail le dimanche n’est pas majoré. J’ajouterai que le salaire d’une adjointe de magasin n’est pas mirobolant, il n’est tout de même pas à plaindre comparativement à celui d’un(e) employé(e) libre-service, qui dans la majorité des cas est à temps partiel et touche le SMIC.

Utilisant toute la palette de la « flexibilité », les enseignes de grande distribution vont toujours plus loin dans la précarisation de leurs salariés, tout en inondant les centres-villes de tout l’hexagone. En passe de conquérir le monopole du commerce de proximité, les petits commerces n’y survivront pas. Au-delà de la conditions des salariés ou de la disparition des petits indépendants, le phénomène touche jusqu’aux rapports sociaux. L’épicerie de quartier, le contact entre les commerçants et leurs clients, leurs échanges qui n’étaient pas toujours seulement « marchands » parce que l’on prenait le temps de prendre le temps, il semble que tout cela appartiendra bientôt au passé.

Sandrine (pseudonyme), militante PRCF-JRCF

Rejoins-nous dans la lutte, pour l’abolition générale de la précarité

»» http://jrcf.over-blog.org/2017/06/violence-de-la-vie-ordinaire-temoign...
URL de cet article 32373
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Même Thème
SALARIÉS, SI VOUS SAVIEZ... DIX IDÉES RECUES SUR LE TRAVAIL EN FRANCE
Gérard FILOCHE
« Le droit du licenciement doit être assoupli », « les 35 heures n’ont pas profité aux salariés », « les charges sociales sont trop lourdes », « les fonctionnaires sont des privilégiés », « à terme, on ne pourra plus financer les retraites », etc. Telles sont quelques-unes des idées reçues qui dominent le débat public sur le travail en France. En dix réponses critiques, chiffres à l’appui, Gérard Filoche bat ici en brèche ces préjugés distillés par la vulgate néolibérale pour tenter de liquider un siècle de (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Les individus ne constituent une classe que pour autant qu’ils ont à soutenir une lutte commune contre une autre classe ; pour le reste, ils s’affrontent en ennemis dans la concurrence.

Karl Marx

Médias et Information : il est temps de tourner la page.
« La réalité est ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est ce que nous croyons. Ce que nous croyons est fondé sur nos perceptions. Ce que nous percevons dépend de ce que nous recherchons. Ce que nous recherchons dépend de ce que nous pensons. Ce que nous pensons dépend de ce que nous percevons. Ce que nous percevons détermine ce que nous croyons. Ce que nous croyons détermine ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est notre réalité. » (...)
55 
Appel de Paris pour Julian Assange
Julian Assange est un journaliste australien en prison. En prison pour avoir rempli sa mission de journaliste. Julian Assange a fondé WikiLeaks en 2006 pour permettre à des lanceurs d’alerte de faire fuiter des documents d’intérêt public. C’est ainsi qu’en 2010, grâce à la lanceuse d’alerte Chelsea Manning, WikiLeaks a fait œuvre de journalisme, notamment en fournissant des preuves de crimes de guerre commis par l’armée américaine en Irak et en Afghanistan. Les médias du monde entier ont utilisé ces (...)
17 
Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.