RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher
12 
Pour BHL, témoigner sur la Palestine, c’est "diaboliser Israël".

Un nouvel antisémitisme ? Je ne crois pas ! (Huffington Post).

Bernard-Henri Levy, la pop star française de la philosophie et de l’élite intellectuelle, a écrit un essai dans lequel il cite mon roman " Matins à Jenin" comme un des trois signes inquiétants qui le conduisent à se demander : "La diabolisation d’Israël ne finira-t-elle donc jamais ?" L’essai s’intitule "le nouvel antisémitisme". Les deux autres signes qui l’inquiètent sont le boycott grandissant d’Israël et un documentaire couvert d’éloges qui s’appelle "Les larmes de Gaza".

Examinons d’abord les cibles de M. Levy :

1) "Matins à Jenin" est une oeuvre de fiction historique, dans laquelle des personnages de fiction vivent dans un contexte historique réel ; et je défie quiconque qui a fait ses propres recherches de contester la véracité des événements historiques qui forment l’arrière-plan du roman. 2) "Les larmes de Gaza" est un documentaire de Vibeke Lokkeberg qui traite du terrible impact des bombardements israéliens de 2008-2009 sur les enfants et les femmes de Gaza principalement. 3) Les militants qui participent et encouragent le boycott économique d’Israël sont des citoyens ordinaires du monde entier qui écoutent leur conscience et qui s’élèvent contre une grave injustice qui dure depuis trop longtemps contre le peuple natif d’Israël et de Palestine, c’est à dire le peuple palestinien.

Plutôt que d’offrir une analyse intelligente de l’un ou l’autre de ces trois signes qui le trouble, Levy a essentiellement recours aux insultes. Tout ce qu’il fait c’est asséner brutalement le mot "antisémite" pour discréditer tout portrait négatif d’Israël. L’emploi de ce mot -qui porte le douloureux poids de l’ostracisme, l’humiliation, la dépossession, l’oppression et enfin le génocide de personnes pour nulle autre raison que leur religion- par des gens comme Levy est si irresponsable qu’il déshonore vraiment la mémoire de ceux qui sont morts dans les camps de la mort pour le seul motif d’être juifs. Et je remercie Kurt Brainim, un survivant de l’holocauste d’avoir écrit une lettre très émouvante pour répondre à Levy exactement la même chose que moi.

Dans son essai, Levy ne cite pas le moindre point réellement antisémite qu’il aurait trouvé dans un des trois éléments auxquels il se réfère. Parce qu’il n’y en a pas. S’il avait pu en trouver un, il l’aurait cité, je crois. En fait, de nos jours, le peuple qui est ostracisé, humilié, dépossédé et opprimé du seul fait de sa religion est le peuple palestinien, chrétiens et musulmans pareillement. Voilà le vrai antisémitisme aujourd’hui.

Israël a effacé la Palestine de la carte, nous a expulsés et a volé tout ce que nous avions. Tout ce qui nous reste c’est moins de 11% de notre patrie historique qui a maintenant pris la forme de Bantoustans isolés, entourés de murs menaçants, de tireurs d’élite embusqués, de checkpoints, de routes réservées aux colons et de constructions incessantes de colonies juives sur la terre confisquée aux Palestiniens. Nous avons perdu le contrôle de nos ressources naturelles. La quantité d’eau que chacun reçoit dépend de sa religion et les Palestiniens doivent partager l’eau du bain pendant que les colons juifs voisins arrosent leurs pelouses et se baignent dans des piscines privées. Selon l’organisation "Défense Internationale des Enfants" à Jérusalem seulement Israël a emprisonné 1 200 enfants palestiniens cette année qui sont qui sont le plus souvent l’objet de violences et que l’on force à signer des confessions en Hébreu, langue qu’ils ne comprennent pas. A force de détruire les écoles palestiniennes Israël a créé à Gaza une génération entière d’âmes perdues qui grandissent en ne connaissant que la peur, l’insécurité et la faim. Des documents relatifs au cruel siège de Gaza et aux attaques sans merci contre la population civile révèlent les formules mathématiques utilisées pour rationner la nourriture et affamer Gaza. Les palestiniens chrétiens ont été expulsés du lieu de la naissance de Jésus. Et rien n’arrête les abus inhumains que constituent les constantes expulsions, la démolition des maisons, le vol systématique, la destruction des moyens de subsistance, l’arrachage des arbres - spécialement des oliviers qui sont si précieux à la culture palestinienne- les couvre-feux, les fermetures des points de passage, la discrimination institutionelle, etc, etc....

Au lieu de soutenir les grands idéaux juifs de justice et d’aide aux opprimés, M. Levy se rue à la défense d’Israël, à l’aide du mantra usé de "la seule démocratie du Moyen-Orient". L’Afrique du Sud de l’apartheid se prétendait aussi une démocratie tout en fauchant les petits garçons de Soweto (accessoirement avec des armes livrées par Israël). Et les USA aussi, à l’époque où 20% de la population était réduite à l’esclavage, achetée et vendue comme du bétail.

Tout aussi scandaleuse est l’étiquette générale "d’antisémite" qu’il colle sur tous ceux qui critiquent Israël. Ceux qui dénoncent les crimes extensifs d’Israël s’exposent à des accusations diffamatoires comme quoi ils sont immoraux, racistes et pleins de haine. Dans le cas de Vibeke Lokkeberg, Levy insiste sur le fait qu’elle est un ancien mannequin et ignore ses performances comme réalisatrice de film et auteur accomplis. Apparemment, en plus de suggérer qu’elle est raciste, il veut que les lecteurs croient aussi qu’elle n’a pas la capacité intellectuelle de créer une oeuvre de valeur. Cette tactique qui consiste à attaquer et essayer de discréditer la personne plutôt que d’analyser le message qu’elle véhicule est une vieille technique de propagande

M. Levy nous accuse de "diaboliser Israël" quand en fait tout ce que nous faisons est d’ouvrir le rideau, même un tout petit peu, pour montrer la triste vérité qui est cachée derrière. Je suppose que M. Levy pense comme la plupart des supporters juifs d’Israël le font, qu’il a plus de droits que moi sur la ferme de mon grand-père. Après tout c’est l’argument qui a présidé à la fondation d’Israël, n’est-ce pas ? La question est "pourquoi ?" et "comment ?" Pourquoi les Juifs du monde entier pourraient-ils avoir la double nationalité, celle de leur pays d’origine et celle de notre patrie, pendant que nous les Palestiniens nés en Palestine nous dépérissons dans des camps de réfugiés, dans la diaspora, dans des ghettos où patrouille l’armée d’occupation et des Bantoustans ? Comment se fait-il qu’un pays qui a une des armées les plus puissantes du monde et qui a commis des crimes tout à fait prouvés contre la population civile d’origine pratiquement désarmée d’un autre pays pendant 60 ans réussisse encore à se faire passer pour la victime ? Et pire encore que les vraies victimes qui essaient d’empêcher leur propre annihilation soient elles considérées comme les agresseurs ?

Nelson Mandela a dit une fois : "Nous savons tous très bien que notre liberté ne sera pas entière tant que les Palestiniens ne seront pas libres". Désormais, en plus des déclarations de personnalités telles que lui, des gens partout dans le monde rejoignent peu à peu la lutte pour la justice et la liberté des Palestiniens ; et il paraît inévitable que le nettoyage ethnique systématique auquel Israël se livre trouvera enfin en face de lui une opposition suffisante pour forcer Israël à renoncer au racisme institutionnel et à accorder finalement à la population native non-juive les mêmes droits humains et légaux que les Juifs en Terre Sainte. C’est clairement ce qui fait peur à M. Levy.

Susan Abulhawa est l’auteur de Mornings in Jenin (Bloomsbury 2010)

Pour consulter l’original : http://www.huffingtonpost.com/susan-abulhawa/bernardhenri-levy-a-new-k_b_799651.html

Traduction : D. Muselet

URL de cet article 12330
   
AGENDA
L’affaire WikiLeaks - Médias indépendants, censure et crime d’État
Stefania MAURIZI
Dès 2008, deux ans après le lancement de la plateforme WikiLeaks, Stefania Maurizi commence à s’intéresser au travail de l’équipe qui entoure Julian Assange. Elle a passé plus d’une décennie à enquêter les crimes d’État, sur la répression journalistique, sur les bavures militaires, et sur la destruction méthodique d’une organisation qui se bat pour la transparence et la liberté de l’information. Une liberté mise à mal après la diffusion de centaines de milliers de documents classifiés. Les (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

"La seule et unique raison pour laquelle certaines parties de la classe dirigeante n’aiment pas Trump, ce n’est pas parce qu’il ne défend pas leurs intérêts (il le fait), mais parce qu’il gère mal les événements et les récits d’une manière qui expose à la vue de tous la laideur de l’empire."

Caitlin Johnstone

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.