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"SALAM GAZA" ou l’aguerrissement d’un poète

Deux mois après le massacre perpétré à Gaza par l’armée sioniste, Tahar Bekri, avec ses poèmes en bandoulière, s’engage sur les chemins escarpés de la Terre Sainte. Invité à Ramallah, Naplouse, Jérusalem-Est et Bir Zeit pour un cycle de lectures,. le poète réalise à quel point les mots sont dérisoires et impuissants face à la dure réalité du vécu en Palestine occupée. Une dialectique s’opère alors et la poésie détrônée se laisse transcender par l’expressivité des êtres et des choses et s’imprègne, muette, de l’éloquence de leur souffrance.

Maniant admirablement cette langue de Molière devenue outil d’asservissement colonial et instrument d’acculturation d’un Magreb profondément arabophone et berbère, des écrivains comme Kateb Yacine ou Rachid Boujedra s’en sont emparé comme d’une arme, " un butin de guerre " dira l’auteur de Nedjma (correction apportée 26/6/10 - NdA). Mais notre poète, lui, semble transcender tout clivage et toute contingence, scrutant l’horizon à travers un humanisme inébranlable dans sa quête d’un idéal du beau et du bien.

Oui, Tahar Bekri continue à croire à l’universalité des valeurs de liberté, de justice et de fraternité. C’est à la lumière de celles-ci que le poète interpelle le monde sans forcer le dire, sans crier sa douleur :

"...l’importance d’une parole ne réside pas dans la puissance de son cri mais dans la hauteur du silence qu’elle impose..."

Pour Bekri, la poésie est "un devoir de beauté" contre toutes les formes de laideurs, sa vocation ne peut être qu’universelle :

"...Mon toit est l’univers, mon sol est la terre, ma porte est ouverte sur le large pour accueillir l’humanité entière...".

"SALAM GAZA" (1), journal de voyage, d’un voyage initiatique, au travers d’une terre blessée. On est entraîné dans les méandres subtils d’un récit digressif C’est comme si les êtres et les pierres invitaient le poète à les accompagner dans l’intimité de leur mémoire. Voilà que renaissent de leurs cendres des êtres que rappelle vainement à la vie l’amertume du présent :

"...Albert Einstein doit se retourner dans sa tombe, lui qui rappelait, avec d’autres intellectuels juifs, dont la philosophe Hannah Arendt, dans une lettre adressée le 2 décembre 1948 au New York Times, les massacres de Deir Yassine..."

A Ramallah, au sommet d’une colline surplombant la ville, peut être pour fuir son vacarme, peut être aussi pour échapper aux souillure de l’occupant, gît un autre poète

"...L’herbe est verte, le jeune olivier, planté récemment, résiste au vent léger. le soleil est tendre. Le poète repose ici. Ses mots emplissent le lieu (...) Dors en paix Mahmoud, parmi les arbres que tu aimais tant. Tu es chez toi. Tu aurais aimé être enterré en Galilée, peut être..."

Et le poète ému , s’adressant à la tombe de Mahmoud Darwich

Tu disais à la pierre inconsolée
"Sur cette terre
Maîtresse de la terre
Il y a ce qui mérite la vie"
Le sapin sourd à la prière
Le thym reclus aux frontières de l’oubli
Combien de murs
Combien de fils barbelés
Faut-il détruire pour confier à la colline
Ceux qui confisquent les oliviers
Séquestrent la lumière
Sombrent dans la cécité du cimetière

La pierre millénaire semble elle aussi interpeller le poète

"...Naplouse est une ville à la mémoire haute, construite par les Cananéens il y a plus de quatre mille ans. le pays de Canaan est le nom biblique de la Palestine et de la Phénicie réunies..."

Un défilement tourbillonnant de réminiscences ballottent le narrateur dans tous les sens. Mais pris dans le tumulte oppressant du quotidien, dans cette Cisjordanie écartelée, cet autre camp de concentration que les malheurs de Gaza font un peu oublier, le poète se trouve confronté à l’aigreur du présent : Check Point, monnaie israélienne, immatriculations israéliennes, panneaux en hébreu, population quadrillée, humiliée, écrasée sous la botte de la soldatesque sioniste...

Un jour, il se retrouve dans le camp de réfugies de Balata à Naplouse, des réfugiés palestiniens sur leur propre terre s’étonne-t-il ! Le chant triste et nostalgique d’une chorale de petites filles a fini par avoir raison de ses nerfs :

"...Je suis là à écouter ces voix d’anges. Je me penche légèrement pour cacher une larme au fond de l’oeil. Mes larmes coulent plus fortes que moi. Je me lève confus et trop ému pour m’excuser. je sors de la pièce sous le regard troublé de mes hôtes, un besoin de crier au ciel : Pourquoi es-tu si sourd ?..."

Oui, on ne sort jamais tout à fait indemne d’un parcours initiatique. Ébranlé mais aguerri, notre poète continue malgré tout à croire...

De retour à Paris, il retrouve en bas de son immeuble, tels qu’il les a laissés, ses deux frères dans l’exil, pliant sous le poids du destin mais refusant farouchement de céder...est-ce une prémonition, un signe d’espoir ?...

"...La neige tombe abondamment sur Paris. Difficile d’aller me promener par ce froid sans craindre de glisser et de faire une chute. Le palmier et l’olivier devant moi sont toujours là mais alourdis et courbés sous le poids des flocons. Palmes fragiles, feuilles délicates. Pourquoi suis-je si attaché à la vue de ces deux arbres ? Me consolent-ils de paysages perdus depuis longtemps ?..."

Fethi GHARBI

1) http://www.elyzad.com/index.php?option=com_content&view=category&a...


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