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Sacrée Croissance

La chronique de ce mois de novembre sera, une fois n’est pas coutume, un hommage mérité à une grande journaliste. Une journaliste qui a choisi le cinéma documentaire pour dénoncer les méfaits – pour ne pas dire les forfaits – du vaste monde qui l’entoure.

Les quatre longs métrages que nous a donnés Marie-Monique Robin au cours de ces six dernières années – en partenariat avec la chaîne ARTE – constituent assurément un monument élevé tout à la fois à la gloire du cinéma engagé et du journalisme citoyen, loin du formatage des esprits par le diktat des forces du marché ou par les arrières pensées du calcul politique. Son dernier opus s’attaque avec le brio habituel au mythe des mythes contemporains : la Croissance. Il ponctue une série consacrée à la crise écologique profonde que le monde traverse et esquisse les contours d’un autre monde dégagé des manœuvres des plus grands prédateurs de la planète. Ce n’est sûrement pas le fruit du hasard qui fit débuter cette tétralogie par un implacable réquisitoire contre « la firme de Saint-Louis », Monsanto soi-même et le monde que cette transnationale tentaculaire entend façonner. « Sacrée croissance » va compter parce que ce film fut précédé d’une œuvre exigeante trouvant là son aboutissement logique.

Cela fait vingt-cinq ans que Marie-Monique Robin porte sa caméra loin de chez elle, là où se nouent les affaires du monde. Des dizaines de films documentaires sont issus de cet engagement indéfectible récompensé par une trentaine de prix dont le prix Albert Londres 1995 pour Voleurs d’yeux, le prix du meilleur film politique 2003 pour Escadrons de la mort, l’école française ou encore le prix du festival international du film scientifique de Paris en 2005 pour Les pirates du vivant. En 2005, Marie-Monique Robin réalise, outre Les pirates du vivant, deux autres moyens métrages consacrés à l’emprise grandissante des firmes « biotech » sur la biodiversité : Blé, chronique d’une mort annoncée et Argentine, le soja de la faim. C’est à l’occasion du troisième film de ce triptyque que Marie-Monique Robin découvre l’ampleur des manigances mortifères de la pieuvre Monsanto. C’est aussi probablement là qu’elle envisage de passer au long métrage afin de donner plus d’ampleur à la dénonciation. Pour accroître la force de ses enquêtes , la documentariste publie, aux éditions La Découverte, parallèlement à la sortie de certains de ses film un livre foisonnant pour tous ceux qui veulent aller encore plus loin que les révélations mises en images, t pourtant déjà si édifiantes. Ce fut le cas pour Voleurs d’yeux qui avait mis au jour des cas avérés de trafics d’organes entre « donateurs » du Sud et bénéficiaires du Nord. Ce sera le cas avec Le monde selon Monsanto (traduit en quinze langues) que la firme incriminée menaça d’attaquer mais n’attaqua jamais.

La tétralogie de Marie-Monique Robin n’est pas un hymne au pessimisme. Il ne s’agit pas de dénoncer pour dénoncer, Même s’il est sans doute du devoir du journaliste digne de son métier d’être au minimum ce que l’on nomme aujourd’hui un lanceur d’alertes. Qu’est-ce qui se cache ou se trame derrière les apparences, habilement médiatisées, de ce que de béats optimistes qualifient de “ mondialisation heureuse ” ? Enormément de choses, et il faut les donner à voir pour une meilleure compréhension du monde tel qu’il est et non tel qu’on le croit. Nous ne voulons pas croire, nous voulons savoir. Les deux premiers “ étages du monument ”, Le monde selon Monsanto (2008) et Notre poison quotidien (2010) sont certes totalement dans la dénonciation. Le premier met en pleine lumière la volonté des firmes de « l’agro-business », à commencer par la première d’entre elles, de rendre l’agriculture mondiale totalement dépendante des semences industrielles et des pesticides qu’elles commercialisent tout à la fois. Dans le second, Marie-Monique Robin part de la dangerosité désormais avérée de l’exposition humaine aux innombrables substances chimiques répandues par l’industrie dans l’environnement agricole et alimentaire mais Notre poison quotidien a une force supplémentaire : face à la caméra et aux questions pertinentes que leur pose la journaliste, les « experts » des Agences sanitaires – tant européenne que française – font éclater malgré eux le ridicule de leurs approximations « scientifiques » et la fiabilité très relative des normes que ces agences officielles édictent.

Les troisième et quatrième étages de l’édifice commencent par la dénonciation pour mieux s’attacher ensuite à présenter d’autres voies possibles que celles choisies depuis cinquante ans par l’économie capitaliste, autres voies qui font déjà leurs preuves ici ou là. Les moissons du futur (2012) donnent l’espoir que l’agriculture paysanne respectueuse de l’environnement et de la santé humaine subviendront demain aux besoins alimentaires de l’humanité. A condition cependant de remettre en cause la désastreuse organisation commerciale du monde sournoisement baptisée « Organisation mondiale du commerce ». Alors, arrive en 2014 « Sacrée croissance ! » L’évidence a enfin éclaté : la Croissance est nue ! Le rêve de la Croissance sans fin dans un monde fini est devenu criminel. Ce que dénonce Marie-Monique Robin dans nombre de ses films - et de ses livres - depuis un quart de siècle est le résultat incontestable de l’attachement à ce rêve fou. Dame Croissance est un fétiche qu’il faut absolument désacraliser pour construire un Nouvel imaginaire à partir duquel les Hommes bâtiront une économie au service du partage et de celui de la sauvegarde de leur environnement. La crise écologique fait rage et pourtant le rêve absurde continue, nourri par « la croissance verte ». Peu importe la couleur : c’est toujours la Croissance et sa dévoration qui survivent. Et d’abord dans nos têtes !

Ce 4 novembre à 20 h 45 ARTE donne donc rendez-vous à tous les citoyens pour une sacrée soirée ouverte sur un bel optimisme. Merci Madame Robin.

Yann Fiévet

Le blog de Marie-Monique Robin

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