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« L’idée » - Frans Masereel

Cet article provient de Manière de voir (avril-mai 2016 : Faire sauter le verrou médiatique) publié par Le Monde Diplomatique

Upton Sinclair (1878 – 1968) compte au nombre des journalistes qui, comme Jack London, envisageaient leur métier comme un sport de combat social. En 1906, son roman La Jungle détaille les conditions de travail apocalyptiques dans les abattoirs de Chicago (http://www.legrandsoir.info/la-jungle-upton-sinclair.html ). L’ouvrage se vend à plusieurs millions d’exemplaires, obligeant le gouvernement à diligenter une enquête, puis à légiférer. Dans The Brass Check. A Study of American Journalism (« Le jeton de laiton. Une étude sur le journalisme aux Etats-Unis »), dont le titre fait référence à l’univers de la prostitution, Sinclair analyse l’industrie des médias, sa corruption par l’argent et la publicité, son impunité. C’est, dit-il, « le plus important et le plus dangereux de mes livres ». Publié en 1919, il est accueilli par le silence hostile de ses confrères, à l’exception de quelques recensions négatives, mais vendu à 150 000 exemplaires. Il n’a jamais été traduit en français. En voici deux extraits :

* * *

« Un journal moderne, du point de vue des travailleurs, est une gigantesque usine d’armements dans laquelle la classe possédante fabrique des bombes mentales et des grenades suffocantes pour anéantir ses ennemis. Et, de même que dans une guerre la stratégie est parfois déterminée par la localisation des fabriques et des dépôts de munitions, la lutte des classes a comme épicentre les salles de rédaction. Dans toutes les grandes villes d’Europe qui ont connu la révolution, la priorité des insurgés fut de s’emparer de ces salles, et celle des réactionnaires de les en déloger. Nous vîmes des fusils-mitrailleurs positionnés dans les vitrines des journaux, des tireurs qui faisaient feu depuis les toits, des soldats dans la rue qui répliquaient à coups de grenades. Il est important de souligner que, partout où les révolutionnaires furent capables de prendre et de garder les sièges des journaux, ils ont préservé leur révolution ; là où les journaux furent repris par les réactionnaires, la révolution a échoué.

Le même scénario va-t-il se répéter en Amérique ? Verrons-nous la foule prendre d’assaut les bureaux du New York Times et de World, du Chicago Times, du Los Angeles Times ? Tout dépend de l’insistance avec laquelle ces journaux capitalistes continuent d’exaspérer les travailleurs et d’étouffer la propagande de la classe ouvrière avec l’aide des serviteurs du gouvernement. Personnellement, je n’appelle pas à une révolution violente ; je veux garder l’espoir que les institutions américaines survivent. Mais je mets en garde les propriétaires et administrateurs de notre grand organe d’information capitaliste américain contre les périls auxquels les expose le caractère systématique de leur traitement mensonger du mouvement révolutionnaire.

Il ne s’agit pas seulement de la colère qu’ils provoquent dans les cœurs des travailleurs et des travailleuses conscients de leur appartenance de classe ; il s’agit surtout de la condition instable imposée à la société par la masse de vérité qu’ils réduisent à néant. Aujourd’hui, chaque travailleur conscient de sa classe est hanté par la pensée maîtresse que si lui et ses camarades pouvaient s’approprier les moyens d’information, se saisir des imprimeries et en rester maîtres une dizaine de jours, ils seraient en mesure de mettre un terme définitif au pouvoir du capitalisme et d’instaurer un espace de paix et de coopération aux Etats-Unis. Quand je parle d’une dizaine de jours, je ne le fais pas avec légèreté. Imaginez seulement que la presse américaine dise la vérité pendant dix jours ! »

* * *

« Une loi prévoyant qu’à chaque fois qu’un journal publie de fausses informations à propos d’un individu, et attire l’attention de ce dernier sur la fausseté des dites informations, il soit tenu de faire paraître un correctif dans son édition suivante, au même emplacement et dans les mêmes conditions de visibilité que l’article initial. Il devrait aussi y avoir une loi interdisant aux journaux de falsifier une dépêche télégraphique ou câblée. Cette pratique constitue pour l’instant une coutume universelle dans les salles de rédaction. De telles lois seraient utiles ; je pourrais en suggérer d’autres qui nous aideraient pareillement ; toutefois, ce n’est pas l’objet de ce livre que de réclamer de nouvelles lois. Avant de couper les griffes du tigre, il faut d’abord se soucier d’attraper la bête.

Voir des journaux passer aux mains des municipalités fait partie de la solution, mais cela ne suffit pas. En tant que socialiste, je défends la propriété publique de l’outil et des moyens de production ; mais je ne me fie pas intégralement à ce principe lorsqu’il s’agit de production intellectuelle. Je voudrais que l’Etat produise l’acier, le charbon et le pétrole, les chaussures, les allumettes et le sucre ; je voudrais qu’il prenne en charge la distribution des journaux et peut-être même leur impression ; mais en ce qui concerne leur publication, j’opterais pour une méthode de contrôle qui permette le libre jeu de l’initiative et de l’expression de la personnalité.

Je propose que l’on fonde et finance une publication hebdomadaire fidèle à la vérité qui porterait le nom de National News. Ce journal ne contiendra ni publicités ni éditoriaux. Ce ne sera pas un journal d’opinion, mais un pur et simple compte-rendu de faits. Il paraîtra sur du papier journal ordinaire et sous la forme la moins coûteuse possible. Il n’aura qu’un but, et un but seulement, celui de délivrer une fois par semaine au peuple américain la vérité des faits qui se déroulent dans le monde. Il sera strictement et absolument non partisan, jamais il ne servira d’organe de propagande à quelque cause que ce soit. Il observera le pays et rendra compte des mensonges qui circulent et des vérités que l’on camoufle ; sa tâche consistera à percer à jour les mensonges et à mettre en lumière la vérité.

Notre rédacteur en chef accordera peu de place aux nouvelles traitées par tous les autres journaux. Pour lui, l’information capitale sera celle que les autres taisent ou négligent. Il fera appel à des enquêteurs chevronnés qui travailleront la semaine entière, voire pendant des mois, à récolter des faits sur le lobby du bœuf à Washington, le contrôle de nos écoles par les intérêts militaires ou la question de savoir qui paiera pour l’expédition américaine en Sibérie. Autant dire que la presse capitaliste ne se fera pas prier pour laisser au National News l’exclusivité complète sur ces sujets. Elle ne manquera pas non plus de lui fournir profusion de mensonges à dénoncer. »

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« Il n’existe pas, à ce jour, en Amérique, de presse libre et indépendante. Vous le savez aussi bien que moi. Pas un seul parmi vous n’ose écrire ses opinions honnêtes et vous savez très bien que si vous le faites, elles ne seront pas publiées. On me paye un salaire pour que je ne publie pas mes opinions et nous savons tous que si nous nous aventurions à le faire, nous nous retrouverions à la rue illico. Le travail du journaliste est la destruction de la vérité, le mensonge patent, la perversion des faits et la manipulation de l’opinion au service des Puissances de l’Argent. Nous sommes les outils obéissants des Puissants et des Riches qui tirent les ficelles dans les coulisses. Nos talents, nos facultés et nos vies appartiennent à ces hommes. Nous sommes des prostituées de l’intellect. Tout cela, vous le savez aussi bien que moi ! »

John Swinton, célèbre journaliste, le 25 septembre 1880, lors d’un banquet à New York quand on lui propose de porter un toast à la liberté de la presse

(Cité dans : Labor’s Untold Story, de Richard O. Boyer and Herbert M. Morais, NY, 1955/1979.)

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