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Faut-il être de gauche pour être trumpiste ?

J’avoue en avoir ras la casquette de ces gens authentiquement de gauche qui se réjouissent de la victoire de Trump au motif qu’il semble avoir adopté vis-à-vis de Poutine une attitude positive sans hostilité préconçue. Poutine, dont chacun sait qu’il n’est pas milliardaire et qu’il dirige une démocratie exemplaire. Pour l’anecdote, si les Russes ont un dossier sexuel sur le roi de l’immobilier aux multiples faillites, ils le tiennent et, quand la CIA l’aura décidé, le président des Etats-Unis sera mis en accusation (« impeached ») et destitué.

Que les fascistes polonais et hongrois, Nigel Farage et la famille Le Pen se réjouissent de l’accession à la Maison Blanche (qui n’avait pas été aussi blanche depuis longtemps) de l’imprévisible peroxydé, cela peut s’entendre, mais que des consciences de gauche voient en lui le prodrome d’un équilibre mondial plus juste, cela me laisse perplexe. Á commencer par sa volonté de transférer – en toute illégalité – l’ambassade des États-Unis en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem.

Je lisais tout récemment dans Le Grand Soir un article d’une autrice que j’apprécie habituellement, qui prenait de haut la marche, petite-bourgeoise à ses yeux, des femmes contre Trump (qui aime les spécimens du sexe opposé dès lors qu’il peut les « attraper par la chatte »), oubliant que manifester aujourd’hui aux Etats-Unis, même en très grand nombre (près d’1 million à Washington, 700 000 à Los Angeles, 150 000 à Boston, soutenus par 100 000 manifestants à Londres et 5 000 à Paris), est une entreprise à haut risque, à court, moyen et long termes. Selon cette plume, Trump est « un cadeau de l’Histoire que le peuple des États-Unis vient de faire au monde » car il est, après Poutine, « la première résistance qui s’élève au plus haut niveau, contre les seigneurs de la guerre qui tuent notre monde en accordant à la Finance et aux multinationales, en particulier celles qui vendent des armes, les privilèges les plus absolus ».

Commentant cet article, une lectrice apportait l’éclairage suivant : « L’autre jour, je discutais avec une mère de famille qui a été jetée à la rue avec sa fille de 8 ans le 27 novembre passé, soit à la veille de l’hiver, par un promoteur immobilier très connu sur la place de Lausanne, lequel fait l’objet d’une enquête pour harcèlement sexuel à l’encontre d’une de ses ex-employées. Je doute fort qu’il soit inquiété par la justice de classe qui sévit en Suisse. Aucune femme n’a manifesté pour cette mère et sa fille. Aucune femme n’avait manifesté quand, avant de perdre son logement, cette mère avait perdu son travail. » Ce n’est pas une femme que le promoteur Trump a mis à la rue ces trente dernières années mais des milliers de familles qu’il a fait expulser par des mafias dont c’est la spécialité chaque fois qu’il a acheté un vieil ensemble immobilier par le remplacer – après l’avoir rasé – par une tour à lui.

Cette fascination trumpiste de gauche n’est pas une spécificité française. En Allemagne, Die Linke joue du même pipeau en prônant la dissolution de l’OTAN (pourquoi pas ?), une alliance militaire avec la Russie (pour quoi faire ?) et en acceptant la réorientation annoncée par Trump de la politique militaire étasunienne.

Alors, de quoi Trump est-il le nom (pardon, Badiou d’utiliser votre questionnement pour un type aussi haïssable) ?

Ce n’est pas de sa faute mais celui d’un système institutionnel qui date des Pères Fondateurs : Trump n’a pas été élu au suffrage universel par une majorité de citoyens. Son antagoniste aurait obtenu 3 millions de voix de plus que lui, ce qui n’est pas rien. Avant cela, il n’avait pas payé d’impôts pendant des années, s’en était vanté et l’avait justifié. Une de ses toutes premières décisions fut d’ailleurs une baisse des impôts. Depuis son élection, il transgresse la clause constitutionnelle des émoluments puisqu’il n’envisage pas de se débarrasser des entreprises et propriétés qu’il possède de par le monde, n’étant donc pas gêné par des conflits d’intérêt sans précédent. La fortune des 17 membres du cabinet Trump dépasse celle cumulée de 126 millions d’Étasuniens. Alors, que la politique économique de Trump soit un peu plus protectionniste que celle de ses prédécesseurs ou pas, pas d’inquiétude : elle accroîtra les intérêts des 17 multimilliardaires en question.

Dans un autre domaine, il a tenu des propos limites sur l’affection qu’il porte à sa fille : « Si Ivanka n’était pas ma fille, peut-être que je la draguerais ». Mais, plus généralement, il aime à traiter les femmes « comme de la merde ».

Une heure après avoir été intronisé, il a rayé d’un trait de plume le système de santé mis en place par Obama. Sa ministre de l’Éducation est une multimilliardaire qui n’a jamais mis les pieds dans une école publique et a milité contre les nouveaux droits des homosexuels. Scott Pruit, le nouveau directeur de l’Agence de Protection de l’Environnement a milité sa vie durant pour la déréglementation dans ce domaine et s’est montré hostile aux décisions prises par Obama pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Et Trump qui, pendant sa campagne, affirmait vouloir rendre la parole au peuple des États-Unis a fait couper la ligne téléphonique qui permet aux citoyens d’appeler la Maison Blanche.

Trump fait l’objet d’une action de groupe de la part d’étudiants qu’il a embarqués dans sa très improbable Université Trump.

Il approuve la torture contre les terroristes présumés, les Conventions de Genève étant pour lui « dépassées ». Les militaires tortureront s’il leur en donne l’ordre, a-t-il affirmé pendant la campagne, ce malgré la clause de conscience qui leur permet de s’opposer à un tel ordre.

Il estime que le réchauffement climatique est « une invention des Chinois ». La Chine, le nouvel ennemi.

En matière de comportement raciste, il se pose là (même si son gendre Jared est un juif très orthodoxe). Il a pratiqué la discrimination raciale pour écarter des locataires. Il a affirmé qu’Obama n’était pas un citoyen des Etats-Unis. Il a mis en cause l’impartialité d’un juge en raison de ses origines hispaniques. Sous les applaudissements frénétiques de ses partisans, il a surnommé “Pocahontas” la sénatrice du Massachusetts Elizabeth Warren qui avait évoqué son origine “native américaine”. Il l’a accusée d’être une sénatrice très inefficace, juste une « grande gueule ». Il s’est attaqué au physique d’une de ses rivales.

Il a suggéré « une certaine forme de punition » pour les femmes qui avortent.

Trump est à l’image de la décoration de ses résidences (et désormais du bureau ovale de la Maison Blanche) : obscène, au sens étymologique du terme, indécent, de mauvais présage. Toujours au sens étymologique du terme, c’est un monstre : il sort de l’ordre normal de la nature. On l’a bien vu le jour de son investiture lorsqu’il se dirigeait vers le pupitre : le pas lourd, la mâchoire serrée, la veste et le manteau ouverts, la cravate rouge malveillante. Ce n’était pas le président des Etats-Unis qui s’avançait vers nous. C’était Trump.

Il faudrait quoi, pour que cesse cette fascination “de gauche” ? Qu’il relance une politique de la canonnière vis-à-vis de la Chine ? Qu’il publie chaque semaine la liste des délits commis par des immigrants ? Qu’il fasse rouvrir les prisons secrètes de la CIA hors des états-Unis ? Qu’il cesse de subventionner les établissements de santé qui pratiquent l’IVG ? Qu’il applique le droit du sang et expulse 6 millions de clandestins ? Qu’ils supprime l’impôt sur les successions ? Qu’il s’obstine à ne pas rendre publique sa déclaration d’impôts ? Qu’il refuse d’appliquer les conclusions de la COP21 ? Qu’il laisse les banques totalement libres de se réguler par elles-même ? Qu’il les laisse gérer seules la dette des étudiants (1000 milliards de dollars) ? Qu’il accorde à tous les citoyens des États-Unis un port d’arme valable pour tout le territoire national ? Qu’il baisse le taux d’imposition sur les sociétés de 35 à 15% ?

Patience, patience, tout cela est dans les tuyaux...

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