RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Bush fonce-t-il tête baissée sur l’Iran ?








15 février 2007.


Nous savons deux choses sur le régime Bush. Sa position en Irak est impossible et se trouve maintenant largement contestée, même aux Etats-Unis. L’appel au retrait s’amplifie chaque jour de toutes parts. Et nous savons que depuis 2001, les néo-conservateurs et Cheney font campagne pour une attaque militaire contre l’Iran, visant à un changement de régime. Ainsi, il se pourrait bien que ce soit le moment.

Les Etats-Unis ont envoyé leur flotte dans la région et investi un amiral connu pour sa compétence dans les attaques par mer et par air. Les Etats-Unis font pratiquement chaque jour des déclarations sur les prétendus méfaits iraniens. En bref, ils font des rodomontades. De surcroît, un très grand nombre de gens semblent prendre tout ça vraiment au sérieux. Trois retraités parmi les plus gradés de l’armée US ont publiquement averti qu’une attaque de l’Iran serait une folie. C’est ce qu’a fait Zbigniew Brzezinski, que l’on peut difficilement qualifier de colombe, ainsi que de nombreux politiciens et diplomates du monde entier. Mais Cheney a établi clairement que le gouvernement US ferait ce qu’il voudrait, quels que soient le nombre et la qualité des opposants.

Les Etats-Unis trouveront-ils des alliés pour les soutenir dans une telle aventure ? Probablement très peu. Pas le Congrès des Etats-Unis, bien que Bush et Cheney puissent compter sur le fait qu’il soit plus difficile pour les Démocrates de s’opposer à eux sur l’Iran que sur l’Irak. Ils auront le soutien du gouvernement israélien. Et ils semblent compter sur l’appui des Saoudiens. Mais c’est méconnaître la position des Saoudiens. Les Saoudiens entendent bien sûr limiter les prétentions hégémoniques de l’Iran sur la région, ainsi que contenir la marge de manoeuvre du chiisme militant dans les Etats qu’il contrôle, avant tout en Arabie Saoudite. Mais les Saoudiens aussi croient clairement qu’une attaque militaire contre l’Iran nuirait aux objectifs politiques saoudiens, plutôt qu’ils ne les favoriseraient. Leur médiation active dans la dispute Fatah-Hamas en Palestine indique qu’ils cherchent à se distancer nettement de la stratégie US au Moyen-Orient. En Europe, même les Britanniques donnent de la voix pour exprimer leur rejet de l’idée d’une attaque contre l’Iran.

Ainsi, supposons qu’en dépit de tout cela, Bush et Cheney décident de faire une fuite en avant vers la guerre pour tenter de se sortir de leur situation désastreuse. Que se passerait-il, et pourquoi feraient-ils cela ? Ce qui se passerait paraît clair. Une attaque aérienne contre l’Iran ne parviendrait pas à démanteler le programme nucléaire iranien, même si elle pourrait l’affaiblir. L’envoi de troupes au sol, si les Etats-Unis peuvent en trouver, conduirait à des pertes US très importantes. Le gouvernement iranien s’en trouverait politiquement renforcé - chez lui et dans le monde islamique. Les Russes et les Chinois soutiendraient de facto l’Iran.

Et pire que tout pour les Etats-Unis, ceux qu’ils considèrent comme leurs plus proches alliés en Irak commenceraient à appeler assez bruyamment au retrait immédiat et unilatéral des Etats-Unis de leur pays. L’ancien Premier ministre Ibrahim al-Jaafari a déjà commencé à s’engager sur cette voie. Personne en Irak, personne ne veut que les Etats-Unis attaquent l’Iran, et personne ne se sent proche émotionnellement des Etats-Unis sur cette question.

Ceci dit, Cheney est un politicien intelligent, et je pense qu’il peut se rendre compte de tout cela. Dans ce cas, pourquoi pousserait-il malgré tout à la guerre ? Est-ce raisonnable de croire que le fait de créer un désastre encore plus grand pour les Etats-Unis lui semble la meilleure option pour parvenir à ses objectifs politiques réels ? Cheney (et Bush) savent qu’ils ne contrôleront le gouvernement des Etats-Unis que pour deux ans de plus. Après cela, ils ne savent pas qui sera au pouvoir, mais ils ont de bonnes raisons de croire que ce ne seront pas leurs clones. La dernière chose qu’ils veulent, c’est un transfert pacifique de pouvoir à quiconque pourrait démanteler ce qu’ils ont construit ou essaie, même essaie, de ramener les Etats-Unis à leur position initiale - sur les plans intérieur et international - durant les années de Nixon à Clinton.

Ils entendent augmenter et non réduire la conflictualité interne aux Etats-Unis. Ils veulent poursuivre le démantèlement des libertés civiles, qui n’ont jamais été parfaites, mais ont permis de mettre quelques limites au pouvoir gouvernemental. Ils souhaitent une nouvelle régression dans la sphère des droits sociaux. Ils veulent des Etats-Unis plus sombres dans un monde plus sombre.

Quelqu’un peut-il les arrêter ? C’est possible. On assiste maintenant à la résistance large et bruyante des forces armées. Pour la première fois au cours de ma vie, j’ai entendu des spéculations dans la presse sur un coup d’Etat militaire. Je doute qu’il ait lieu, mais de telles spéculations montrent combien les craintes sont répandues. Et il y a la résistance des politiciens, qui sont pour la plupart essentiellement des centristes modérés, dont la préoccupation principale est de garder leur siège et de voir où souffle le vent de leurs électeurs. Cela sera-t-il suffisant ? C’est difficile de le dire, mais nous le verrons plus clairement dans les prochains deux à trois mois.

Immanuel Wallerstein

- Source : solidaritéS
Commentaire n° 203, du 15 février 2007. Publiés deux fois par mois, ces chroniques sont conçues comme des réflexions sur le monde contemporain envisagé sur le long terme, au-delà des gros titres conjoncturels. Traduction française du bimensuel suisse solidaritéS (www.solidarites.ch), revue par l’auteur.
©Immanuel Wallerstein, distribué par Agence Global. Pour tous droits et autorisations, y compris de traduction et mise en ligne sur des sites non commerciaux, contacter : rights@agenceglobal.com . Le téléchargement ou l’envoi électronique ou par courriel à des tiers est autorisé, pourvu que le texte reste intact et que la note relative au copyright soit conservée.

- Publié avec l’ autorisation de l’ auteur.




Iran : les États-Unis préparent l’attaque, par Anne Penketh.

La bombe de Zbigniew Brzezinski : Bush cherche un prétexte pour attaquer l’Iran, par Barry Grey.






URL de cet article 4822
  

L’Avatar du journaliste - Michel Diard
Michel Diard
Que restera-t-il du quinquennat de Nicolas Sarkozy, le président omniprésent dans tous les médias ? Cet ouvrage dresse un inventaire sans concession des faits et méfaits de celui qui se présentait comme l’ami de tous les patrons de presse et a fini par nommer les présidents des chaînes de l’audiovisuel public. Le "sarkozysme" a largement reposé sur un système de communication proche de la propagande, digne des régimes les plus autocratiques, à la limite de l’autoritarisme. Le système Sarkozy, même s’il (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Le conservatisme moderne est engagé dans un des exercices philosophiques les plus anciens qui soient : à savoir, la recherche d’une justification morale à l’égoïsme.

John Kenneth Galbraith

Reporters Sans Frontières, la liberté de la presse et mon hamster à moi.
Sur le site du magazine états-unien The Nation on trouve l’information suivante : Le 27 juillet 2004, lors de la convention du Parti Démocrate qui se tenait à Boston, les trois principales chaînes de télévision hertziennes des Etats-Unis - ABC, NBC et CBS - n’ont diffusé AUCUNE information sur le déroulement de la convention ce jour-là . Pas une image, pas un seul commentaire sur un événement politique majeur à quelques mois des élections présidentielles aux Etats-Unis. Pour la première fois de (...)
23 
Le fascisme reviendra sous couvert d’antifascisme - ou de Charlie Hebdo, ça dépend.
Le 8 août 2012, nous avons eu la surprise de découvrir dans Charlie Hebdo, sous la signature d’un de ses journalistes réguliers traitant de l’international, un article signalé en « une » sous le titre « Cette extrême droite qui soutient Damas », dans lequel (page 11) Le Grand Soir et deux de ses administrateurs sont qualifiés de « bruns » et « rouges bruns ». Pour qui connaît l’histoire des sinistres SA hitlériennes (« les chemises brunes »), c’est une accusation de nazisme et d’antisémitisme qui est ainsi (...)
124 
Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.