Il y a quelques jours, les experts en vaccinations du gouvernement britannique, le Joint Committee on Vaccination and Immunisation (JCVI), ont résisté à une forte pression politique et ont décidé de ne pas recommander la vaccination des enfants âgés de 12 à 15 ans. En effet, le JCVI a conclu que la vaccination ne pouvait être justifiée dans le cas des enfants pour des raisons de santé.
En effet, les risques sanitaires connus associés à la vaccination des enfants - principalement l’inflammation cardiaque - l’emportaient sur les avantages pour la santé. Le JCVI a également indiqué qu’il pourrait y avoir des risques inconnus pour la santé à plus long terme, étant donné le manque de suivi des jeunes et des enfants qui ont déjà été vaccinés.
Mais si le JCVI a défié le gouvernement, il n’a pas totalement ignoré ses exigences politiques. Ils ont offert aux quatre médecins-chefs du gouvernement une clause dérogatoire qui pouvait être exploitée pour rationaliser l’approbation de la vaccination des enfants : ils ont concédé que les vaccinations pouvaient offrir d’autres avantages, non liés à la santé.
Les arguments utilitaires
Comme on pouvait s’y attendre, cette justification utilitaire de la vaccination des enfants a été reprise par le gouvernement britannique. Voici le Guardian qui régurgite sans critique la position officielle :
On s’est également inquiété des effets indirects du virus sur les enfants. Le plus important a été la perturbation des écoles, qui a eu un impact sévère sur leur santé mentale et physique, ainsi que sur leur éducation.
C’est essentiellement pour cette raison que les quatre OCM ont déclaré que les enfants âgés de 12 à 15 ans devraient pouvoir bénéficier du vaccin.
Ils estiment que la vaccination réduira le risque de perturbation des activités scolaires et extrascolaires, ainsi que l’effet de ces perturbations sur leur santé mentale et leur bien-être.
Décortiquons cet argument.
Le Covid ne constitue pas une menace sérieuse pour l’écrasante majorité des enfants, s’accordent à dire le JCVI et les médecins-chefs. (Les quelques enfants qui sont à risque peuvent être vaccinés selon les règles existantes).
Mais, selon le gouvernement, le Covid a infligé des souffrances physiques, mentales et éducatives aux enfants parce que les classes ont dû être fermées pendant de longues périodes pour protéger les adultes vulnérables avant que la population adulte puisse être vaccinée.
Aujourd’hui, la plupart des adultes, et presque tous les adultes vulnérables, sont vaccinés contre le Covid, ce qui leur offre un degré de protection important.
Mais les enfants doivent encore se voir injecter un vaccin qui, tout bien considéré, peut faire plus de mal que de bien à leur santé.
Si tel est l’argument officiel, nous devrions tous nous demander : Pourquoi ?
Deux scénarios
Il existe deux scénarios possibles pour évaluer cet argument.
Le premier :
Le vaccin est efficace contre la transmission et les maladies graves chez les adultes. Il n’est donc plus nécessaire de fermer les écoles pour protéger la population adulte. Les adultes sont désormais largement en sécurité - sauf s’ils ont décidé de ne pas se faire vacciner. Cela signifie donc que les dommages "indirects" causés par la fermeture des écoles sur le bien-être mental et physique des enfants ne devraient plus être pris en considération.
Si c’est le cas, alors il n’y a aucune raison - qu’elle soit sanitaire ou indirecte et non sanitaire - de justifier la vaccination des enfants.
La seconde :
Le vaccin n’arrête pas la transmission et les maladies graves, mais il réduit une partie de la transmission et atténue les pires effets du Covid. C’est ce que les preuves suggèrent de plus en plus.
Si c’est le cas, non seulement la vaccination des enfants n’empêchera pas une partie d’entre eux d’attraper et de transmettre le Covid, mais elle n’atteindra pas non plus son objectif déclaré : empêcher la fermeture future d’écoles et les dommages indirects qui en découlent pour les enfants.
Pire encore, dans le même temps, la vaccination peut accroître le risque pour les enfants de subir des dommages pour leur santé du fait du vaccin lui-même, comme le laisse entendre la conclusion initiale du JCVI.
Des avantages spéculatifs
Aucun des deux scénarios n’offre de raisons médicales, ou même non médicales, convaincantes pour la vaccination des enfants. Un avantage spéculatif et marginal pour la population adulte est privilégié par rapport aux droits des enfants à jouir d’une autonomie corporelle et à éviter d’être soumis à des expériences médicales qui pourraient avoir des effets à court ou à long terme sur leur santé.
Pour que les choses soient claires, alors que la foule des "adeptes de la science" se prépare une fois de plus à s’indigner, ce ne sont pas mes arguments. Ils sont implicites dans le raisonnement officiel des experts qui évaluent l’opportunité de vacciner les enfants. Ils ont été ignorés pour des raisons politiques, parce que le gouvernement préfère donner l’impression qu’il s’efforce activement de nous ramener à la normale, et parce qu’il a choisi de mettre tous ses œufs dans le panier facile (et rentable) des vaccins.
Si les vaccins suffisent à résoudre la pandémie, il n’est pas nécessaire de se pencher sur d’autres aspects, tels que le démantèlement progressif du service national de santé par les gouvernements successifs, y compris le gouvernement actuel, nos économies de surconsommation, les régimes pauvres en nutriments promus par les industries agricoles et alimentaires, et bien d’autres choses encore.
Le racisme pur et dur
Il existe, en fait, des raisons bien plus évidentes et sans équivoque de s’opposer à la vaccination des enfants - en dehors du fait que la vaccination subordonne la santé des enfants au bien-être de la population adulte sous le plus léger des prétextes.
Premièrement, les doses de vaccin gaspillées pour les enfants britanniques pourraient être utilisées à bien meilleur escient en vaccinant les populations vulnérables du Sud. Nous avons de bonnes raisons d’intérêt personnel de soutenir cette position, d’autant plus qu’il s’agit de lutter contre une pandémie mondiale dans un monde moderne fortement interconnecté.
Mais des préoccupations plus altruistes - et éthiques - devraient également figurer au premier plan des discussions. Nos vies ne sont pas plus importantes que celles des Africains ou des Asiatiques. Penser le contraire - imaginer que nous méritons une troisième ou une quatrième piqûre de rappel ou que nous devons vacciner les enfants pour réduire à presque zéro le risque de décès dus au Covid en Occident - relève du racisme pur et simple.
Deuxièmement, un nombre croissant de recherches médicales indiquent que l’immunité naturelle confère une protection plus forte et plus durable contre le Covid.
Étant donné que le virus ne représente qu’une faible menace médicale pour les enfants, les preuves recueillies jusqu’à présent suggèrent qu’il est préférable pour eux d’attraper le Covid, comme c’est apparemment déjà le cas pour la moitié d’entre eux.
En effet, cela sert à la fois leurs propres intérêts en développant chez eux une meilleure immunité contre les futures variantes plus dangereuses et les intérêts des adultes qui les entourent - en supposant (et il faut bien admettre que c’est une grosse supposition) que l’objectif ici n’est pas de rendre les adultes dépendants d’interminables rappels pour éviter que l’immunité ne s’affaiblisse et enrichir Pfizer.
Le pire des deux mondes
En revanche, l’approche adoptée par le gouvernement britannique - et applaudie par la plupart des médias institutionnels - est le pire des deux mondes.
Les responsables britanniques veulent traiter le Covid comme une menace permanente pour la santé publique, une menace qui ne pourra apparemment jamais être éradiquée. L’état d’urgence permanent permet au gouvernement de s’octroyer des pouvoirs toujours plus importants, y compris en matière de surveillance, sous prétexte que nous sommes dans une guerre sans fin contre le virus.
Mais en même temps, l’approche implicite de "tolérance zéro" du gouvernement à l’égard du Covid - dans ce cas, une ambition futile d’empêcher toute hospitalisation ou tout décès dû au virus au Royaume-Uni - signifie que les intérêts des enfants britanniques, et des populations des pays étrangers que nous avons contribué à appauvrir au cours de notre histoire coloniale, peuvent être sacrifiés pour le bien des adultes des riches pays occidentaux.
L’effet combiné de ces deux approches est de favoriser un climat politique dans lequel les gouvernements occidentaux et les médias institutionnels sont mieux placés pour reproduire les priorités politiques coloniales qu’ils ont traditionnellement poursuivies à l’étranger, mais en les appliquant cette fois au front intérieur.
La prétendue guerre contre le virus - une guerre dans laquelle des enfants doivent apparemment être recrutés pour se battre en notre nom - est un écho assez net de la "guerre contre le terrorisme", aujourd’hui discréditée et en voie de disparition.
Toutes deux peuvent être présentées comme des menaces pour notre civilisation. Elles requièrent toutes deux que l’État réaffecte de vastes ressources aux élites des entreprises (les industries de la "défense" et maintenant Big Pharma). Les deux ont engendré une peur généralisée au sein de la population, la rendant plus docile. Les deux exigent un état d’urgence permanent et le sacrifice de nos libertés. Les deux ont été promues en termes d’un humanitarisme bidon. Et aucune des deux guerres ne peut être gagnée.
La loi de la jungle
Reconnaître ces parallèles n’est pas synonyme de déni, bien que le gouvernement et les médias aient tout intérêt à entretenir cette hypothèse. Il y a eu et il y a toujours des terroristes, même si le terme est facilement déformé pour servir des agendas politiques. Et il existe un virus dangereux dont les populations vulnérables doivent être protégées.
Mais tout comme la menace de la "terreur" est apparue en réponse à - et pour masquer - notre contrôle colonial arrogant sur les ressources d’autrui et leur pillage, cette menace de pandémie semble être née, en grande partie, de notre invasion arrogante du moindre habitat sur la planète et de nos modes de vie de moins en moins sains et axés sur la consommation.
Au début de la pandémie, j’ai écrit un article qui est devenu viral, intitulé "Une leçon que le coronavirus est sur le point d’enseigner au monde". J’y affirmais que nos sociétés capitalistes, avec leurs idéologies de type "loi de la jungle", étaient les moins aptes à faire face à une crise sanitaire qui nécessitait une solidarité, tant locale que mondiale.
J’ai noté que Donald Tump, alors président des États-Unis, tentait d’obtenir un accord précoce et exclusif pour une " solution miracle " - un vaccin - dont il prévoyait de réserver les premières doses aux Américains pour gagner des voix dans son pays, puis de l’utiliser comme levier sur d’autres États pour récompenser ceux qui se conformeraient à ses intérêts, ou éventuellement à ceux des États-Unis. La planète pourrait être divisée entre amis et ennemis - ceux qui ont reçu le vaccin et ceux qui en ont été privés.
C’était un projet de vanité typiquement trumpien qu’il n’a pas réalisé. Mais à bien des égards, il s’est concrétisé d’une manière différente et d’une façon qui pourrait être plus dangereuse que ce que je pouvais prévoir.
Diviser pour mieux régner
Le vaccin a en effet été vendu comme une solution miracle, une panacée qui nous débarrasse non seulement du fardeau des confinements et des masques, mais aussi de la nécessité de réfléchir à ce que signifie la "vie normale" et si nous devons vouloir y revenir.
Et tout comme Trump voulait utiliser la distribution des vaccins comme un outil de division et de domination, le processus de vaccination lui-même a fini par servir une fin similaire. Avec le déploiement rapide des vaccins, nos sociétés se sont presque immédiatement divisées entre ceux qui exigent des passeports et des mandats vaccinaux comme prix de l’inclusion et ceux qui exigent la protection des libertés fondamentales et la culture de la solidarité sociale sans conditions.
Dans le discours populaire, bien sûr, cela est présenté comme un combat entre les vaxxers responsables et les anti-vaxxers irresponsables. C’est une autre absurdité de diviser pour mieux régner. Les personnes favorables à la vaccination et celles qui ont été vaccinées peuvent être tout aussi préoccupées par la direction que nous prenons que les "anti-vaxxers".
La peur est à l’origine de notre division : entre ceux qui craignent avant tout le virus et ceux qui craignent avant tout les élites occidentales dont les instincts autoritaires se manifestent alors qu’elles sont confrontées à des crises économiques et environnementales imminentes pour lesquelles elles n’ont pas de réponse.
De plus en plus, notre position sur les questions relatives à la pandémie n’a pas grand-chose à voir avec la "science" et dépend principalement de la position de chacun d’entre nous sur le spectre de la peur.
La pulsion de thésaurisation
La vaccination des enfants le met particulièrement en évidence, c’est pourquoi j’ai choisi de m’y attarder. Nous voulons que les enfants soient vaccinés non pas parce que la recherche suggère qu’ils en ont besoin ou que la société en bénéficie, mais parce que le fait de savoir qu’ils sont vaccinés atténue un peu plus notre peur du virus.
De même, nous voulons que les étrangers soient privés du vaccin - et c’est le choix que nous faisons lorsque nous donnons la priorité à la vaccination de nos enfants et exigeons des rappels pour nous-mêmes - parce que cela aussi apaisera nos craintes.
Nous accumulons les vaccins, comme nous le faisions autrefois pour le papier toilette. Nous essayons de fortifier nos frontières contre le virus, tout comme nous le faisons contre les "immigrants", même si la partie rationnelle de notre cerveau sait que le virus débarquera sur nos côtes, sous forme de nouvelles variantes, à moins que les nations plus pauvres ne soient en mesure de vacciner elles aussi leurs populations.
Nos peurs, les complexes de pouvoir des politiciens et les motivations de profit des entreprises se combinent pour alimenter cette folie. Et dans le processus, nous intensifions l’idéologie de l’autruche que nous appelons la civilisation occidentale.
Nous nous retournons les uns contre les autres, nous nous donnons la priorité sur l’étranger, nous montons les parents contre les enfants, nous opposons les vaccinés aux non-vaccinés - tout cela au nom d’un faux humanitarisme et d’une fausse solidarité.
Jonathan COOK
Traduction "décidément, de plus en plus difficile de parler posément d’un problème majeur" par Viktor Dedaj avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles